CA Grenoble, ch. com., 17 octobre 2024, n° 24/01560
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Certib (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Figuet
Conseillers :
M. Bruno, Mme Faivre
Avocats :
Me Bonnet, Me Cuvier, Me Grimaud, Me Gauthier
EXPOSE DU LITIGE
La Société [L] Fils Cabinet d'Etudes et Réalisations Télécommunications Informatiques Infrastructure et Bâtiment ci-après désignée « CERTIB », exploite une activité d'études et ingénierie informatique, télécommunication, infrastructure et bâtiment située [Adresse 1]à [Localité 2].
Le 28 avril 2023, la Société CERTIB a sollicité l'ouverture à son profit d'une procédure de sauvegarde.
Suivant jugement du 9 mai 2023, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a ouvert la procédure de sauvegarde sollicitée.
La Selarl De Saint Rapt & [D], prise en la personne de Maître [F] [D], a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl [D] & Associés, agissant par Maître [K] [D] en qualité de mandataire judiciaire.
Par requête du 9 mai 2023, la Selarl [D] & Associés, agissant par Maître [K] [D] en qualité de mandataire judiciaire a sollicité la conversion de la procédure en redressement judiciaire sur le fondement de l'article L.621-12 du code de commerce avec la fixation de l'état de cessation des paiements au 9 mai 2023.
L'affaire a été appelée à l'audience du 7 février 2024. Par jugement du 13 février 2024, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a maintenu la période d'observation de la société CERTIB jusqu'au 9 mai 2023 et renvoyé l'examen de l'affaire au 6 mars 2024.
Par jugement du 12 mars 2024, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a maintenu la période d'observation et fixée l'affaire au 3 avril 2024.
Le 29 mars 2024, la société CERTIB et l'administrateur judiciaire ont déposé une requête conjointe en conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire sur le fondement de l'article L.622-10 alinéa 3 du code de commerce et permettre d'envisager un plan de cession totale de l'entreprise.
Par jugement du 9 avril 2024, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a:
- constaté l'état de cessation des paiements de la société au 9 mai 2023,
- rejeté la demande de conversion en redressement judiciaire en application de l'article L.622-10 alinéa 3,
- converti en application de l'article L.621-12 du code de commerce la procédure de sauvegarde de la société CERTIB en une procédure de redressement judiciaire,
- constaté et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 9 mai 2023,
- prolongé de manière exceptionnelle la durée de la période d'observation de 3 mois,
- maintenu M. Daniel Charles en qualité de juge-commissaire,
- maintenu la Selarl [D] en qualité de mandataire judiciaire,
- maintenu la Selarl De Saint Rapt & [D], prise en la personne de Me [D] en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission en tout point conforme à celle qui a été définie plus haut,
- désigné la SCP De Lostalot-Monteillet avec mission de réaliser l'inventaire et la prisée du patrimoine du débiteur,
- fixé la prochaine comparution de cette procédure pour contrôle à l'audience de la chambre du conseil du 9 avril 2024,
- invité le comité d'entreprise, le délégué du personnel ou à défaut les salariés à désigner leur représentant et à procéder au dépôt au greffe du procès-verbal d'élection du représentant des salariés,
- fixé le délai dans lequel le représentant des créanciers devra avoir établi la liste des créances déclarées conformément à l'article L.624-1 du code de commerce à douze mois à compter de la date de parution du jugement déclaratif au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales BODACC,
- déclaré les dépens de la présente instance en frais privilégiés de procédure et ordonné la signification du jugement au débiteur par les soins du greffier du tribunal.
Par déclaration du 19 avril 2024, la société CERTIB, a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- constaté l'état de cessation des paiements de la société au 9 mai 2023,
- rejeté la demande de conversion en redressement judiciaire en application de l'article L.622-10 alinéa 3,
- convertit en application de l'article L.621-12 du code de commerce la procédure de sauvegarde,
- constaté et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 9 mai 2023,
- fixé la prochaine comparution de cette procédure pour contrôle à l'audience de la chambre du conseil du 9 avril 2024,
Prétentions et moyens de la société CERTIB:
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 4 juillet 2024, la société CERTIB demande à la cour au visa de l'article 480 du code de procédure civile et des articles L.631-1, L.621-12 et L.622-10 alinéa 3 du code de commerce de :
- la recevoir en ses moyens et prétentions et les dire bien fondés,
- écarter des débats les pièces invoquées par la Selarl [D] & Associés à l'appui de ses écritures mais non communiquées simultanément à ses conclusions ni même en temps utile,
En conséquence,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Romans sur Isère le 9 avril 2024 en ce qu'il a :
* constaté l'état de cessation des paiements de la société au 9 mai 2023,
* rejeté la demande de conversion en redressement judiciaire en application de l'article L.622-10 alinéa 3 du code de commerce,
* converti en application de l'article L.621-12 du code de commerce la procédure de sauvegarde de la société CERTIB en une procédure de redressement judiciaire,
* constaté et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 9 mai 2023,
* fixé la prochaine comparution de cette procédure, pour contrôle à l'audience de la Chambre du Conseil du 9 avril 2024,
- prononcer la conversion de la procédure de sauvegarde ouverte à son égard en redressement judiciaire sur le fondement de l'article L.622-10 alinéa 3 du code de commerce,
- confirmer le jugement de première instance en toutes ses autres dispositions,
- rejeter toutes demandes et prétentions contraires,
- ordonner l'emploi des frais et dépens d'appel en frais privilégiés de procédure collective.
Au soutien de sa demande de voir écarter les pièces de la Selarl [D] & Associés, elle expose que :
- il ressort des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile applicables à la procédure d'appel avec représentation obligatoire que les pièces doivent être communiquées simultanément aux conclusions de chaque partie et si la jurisprudence ne sanctionne plus nécessairement l'absence de transmission simultanée, elle veille, en revanche, à ce que la communication des pièces ait lieu en temps utile, dans le respect du principe du contradictoire posé par les articles 15 et 16 du code de procédure civile (Cass. 2ème civ. 13 janvier 2022, n°20-19.978),
- or, en l'espèce, et alors que la Selarl [D] & Associés, invoque, à l'appui de ses conclusions d'intimée, une vingtaine de pièces, elle ne les a, curieusement, pas communiquées à ce jour et il ressort du bordereau figurant en dernière page de ses conclusions, que plusieurs éléments sont nouveaux en ce qu'ils n'ont pas été communiqués en première instance,
- la Selarl [D] a attendu la veille et le jour de l'audience pour verser aux débats l'intégralité des pièces invoquées à l'appui de ses écritures soit un peu plus de 300 pages,
- elle a joint à son envoi trois nouvelles pièces dont une lettre officielle le 26 juin 2024 l'informant de la transmission des pièces par un lien « we-transfert mais qu'elle n'a jamais reçu car il a été adressé au propre conseil de la Selarl [D] & Associés.
Elle fait valoir que le jugement déféré porte atteinte à l'autorité de chose jugée, alors que :
- si l'autorité de la chose jugée n'est, en principe, attachée qu'à ce qui a été tranché dans le dispositif d'une décision, la jurisprudence admet cependant qu'elle puisse s'étendre non seulement aux énonciations formelles du jugement, mais également aux questions incidentes que le juge a dû nécessairement résoudre pour y parvenir, et qui priveraient de tout fondement logique la décision du juge si elles venaient à être démenties (Cass. 2ème civ.,4 décembre 2014, n° 13-26.570, Cass. com., 4 octobre 2016, n°14-22.245, Cass. 3ème civ., 12 décembre 2019, n° 18-13.757).
- la requête déposée par le mandataire judiciaire aux fins de conversion immédiate en redressement judiciaire de la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de la société CERTIB, sur le fondement de l'article L. 621-12 du code de commerce, a été enrôlée à l'audience du 7 février 2024,
- l'affaire a été débattue à l'audience du 6 mars 2024 et au cours de cette audience, elle a démontré qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde et sollicité, ce faisant, le maintien de la période d'observation dans l'optique d'un plan de cession,
- l'administrateur judiciaire, a également sollicité un tel maintien, mais la SELARL [D] & Associés, mandataire judiciaire, a maintenu sa demande
de conversion, sollicitant la modification subséquente de la période d'observation,
- aux termes de son jugement rendu le 12 mars 2024, le tribunal a fait droit à ses demandes et à celle de l'administrateur judiciaire et prononcé le maintien de la période d'observation jusqu'au 9 mai 2024, rejetant de fait la demande de conversion formée par le mandataire judiciaire,
- en conséquence, le jugement rendu le 9 avril 2024 par le même tribunal ne pouvait décemment accueillir la demande en conversion sollicitée par le mandataire judiciaire sur le fondement de l'article L.621-12 du code de commerce sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée par la décision du 12 mars 2024,
- conscient de cette difficulté, le tribunal a cru utile de préciser dans les motifs de la décision déférée qu'en « maintenant la poursuite de la période d'observation jusqu'à l'audience du 3 avril le tribunal n'a pas statué sur cette requête suite à son examen à l'audience du 6 mars dernier, lors de laquelle il a recueilli les observations des parties,
- or, et contrairement à ce qui est affirmé par les juges de première instance dans cette décision, la période d'observation n'a pas été maintenue jusqu'à l'audience du 3 avril 2024 dans le jugement rendu le 12 mars 2024, mais bien jusqu'au 9 mai 2024, date d'expiration de la durée maximum de douze mois, prévue à l'article L. 621-3 du code de commerce,
- ce n'est qu'à la suite de la requête conjointe déposée le 29 mars 2024 avec l'administrateur judiciaire aux fins d'obtenir la conversion de la procédure en redressement judiciaire et permettre d'envisager un plan de cession totale de l'entreprise que le tribunal de commerce a finalement été amené à revenir sur la durée de cette période d'observation et très curieusement, et alors que la demande de conversion formée par le mandataire judiciaire avait déjà été préalablement débattue à l'audience du 6 mars 2024, aboutissant au jugement rendu le 12 suivant, le tribunal a fait droit et a rejeté, ce faisant, la demande de conversion fondée sur l'article L.622-10 alinéa 3 du code de commerce,
- faisant fi de la requête déposée par le mandataire judiciaire et auquel il renvoie expressément, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a, dans son jugement du 12 mars 2024 tout au contraire, décidé de maintenir la période d'observation non pas jusqu'à la prochaine audience mais bien jusqu'au 9 mai 2024 date de fin de la procédure de sauvegarde, ouverte un an plus tôt,
- la Selarl [D] & Associés reconnaît d'ailleurs, elle-même, s'être attendue à ce que le tribunal statue sur sa demande de conversion dans son jugement rendu le 12 mars 2024 à la suite de l'audience qui s'était préalablement tenue le 6 mars 2024 et au cours de laquelle les parties avaient justement débattu de cette question et elle prétend avoir interrogé le tribunal sur ce point dans une lettre qui lui aurait été adressée le 3 avril 2024, soit à l'issue de l'audience au cours de laquelle il a justement été évoqué le maintien de la période d'observation jusqu'au 9 mai 2024 et le rejet subséquent de la requête déposée par le mandataire judiciaire,
- de manière tout aussi surprenante, le tribunal a fixé la prochaine comparution de la procédure, pour contrôle, « à l'audience de la chambre du conseil du 9 avril 2024, soit le jour même du prononcé de la décision, rendant ainsi matériellement impossible une telle comparution.
Pour contester l'état de cessation des paiements, elle expose que :
- le tribunal ne donne aucune indication sur le montant de l'actif disponible pris en compte ni sur celui du passif exigible retenu à la date du 9 mai 2023, de sorte que sa décision se révèle dépourvue de toute motivation valable et ne pourra donc qu'être infirmée,
- s'agissant tout d'abord du passif exigible retenu par le mandataire judiciaire, il est apparu que la plupart des dettes recensées par la Selarl [D] & Associés sur le fondement des déclarations de créances qui lui avaient été adressées, étaient contestées, dans les faits notamment parce qu'elles avaient été payées au jour de l'ouverture de la procédure et ne pouvaient, par conséquent, être prises en compte au titre du passif exigible, à savoir :
- Factures BDA à hauteur du montant total déclaré soit 193,48 euros,
- Factures Betabat, à hauteur du montant total déclaré soit 1.104 euros,
- Factures Chubb Sécurité, à hauteur du montant total déclaré soit 373,66 euros,
- Factures De Haro à hauteur du montant total déclaré soit 414 euros,
- Factures Eau de [Localité 2] [Localité 3], à hauteur du montant total déclaré soit 276,47 euros,
- Factures Lacoste à hauteur du montant total déclaré soit 421,35 euros,
- Factures Prodim à hauteur du montant total déclaré soit 447,99 euros et non pas 547,99 euros, comme indiqué par erreur dans le tableau invoqué par le mandataire judiciaire à l'appui de sa requête,
- Factures Sirep à hauteur du montant total déclaré soit 47,58 euros,
- Factures Ttec [Localité 2] à hauteur du montant total déclaré soit 630,24 euros,
- le mandataire judiciaire a d'ailleurs procédé à un retraitement de son tableau de passif exigible aux fins de les exclure dudit passif au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde,
- le fournisseur EDF n'a finalement déclaré qu'une créance d'un montant total de 3.185,10 euros au lieu des 7.673,27 euros invoqués à l'appui de la requête,
- les cotisations revendiquées par l'organisme Malakoff Humanis, sont arrêtées à la somme de 3.179,16 euros,
- le mandataire judiciaire n'a pas tenu compte des échéanciers obtenus auprès de certains fournisseurs dont l'assurance SMABTP soit un passif échu à son égard au jour de l'ouverture de la procédure ramené de 18.714,41 euros à 16.776,39 euros,
- les créances d'URSSAF et de TVA ne sauraient être prises en compte alors qu'elle a obtenu des délais de paiements pour la TVA à reverser au titre des mois de février et mars 2023 et pour les cotisations URSSAF au titre du mois de février 2023,
- parmi les dettes invoquées, le mandataire judiciaire reconnaît que certaines n'ont pas même été ratifiées, à l'exemple notamment de la dette de loyers retenue pour la somme de 21.248 euros mais également du passif intragroupe de 723,55 euros correspondant à des apports en compte courant d'associé et ce dernier élément ne saurait, quoiqu'il en soit, être qualifié de passif exigible au regard de la jurisprudence rendue en la matière mais doit, tout au contraire, être pris en compte au titre de l'actif disponible,
- la dette de loyers, a fait l'objet de délais de paiement d'un an dès le mois de décembre 2022,
- il s'en déduit, en définitive, que le passif exigible existant au 9 mai 2023 ne peut excéder la somme de 49.482,61 euros,
Pour ce qui concerne l'actif disponible, le mandataire judiciaire s'est contenté de retenir uniquement les lignes de découvert autorisé, déduction faite du découvert d'ores et déjà utilisé, -or, en appliquant la méthode du mandataire judiciaire consistant à retenir le solde existant au 9 mai 2023, après prise en compte des opérations du jour, il découle des extraits de relevés bancaires versés aux débats qu'au 9 mai 2023, le solde bancaire du compte ouvert dans les livres du Crédit Agricole s'établissait à un total de - 17 987,35 euros,
- il en résulte donc un actif disponible calculé comme suit : 100 000 euros - 27 741,86 euros - 17 987,35 euros = 54 270,79 euros, de sorte que l'actif disponible couvrait nettement le passif exigible s'élevant à 49.482,61 euros au jour de l'ouverture de la procédure,
- la conclusion serait la même en retenant le passif exigible cumulé et l'actif disponible existants au 8 mai 2023, veille d'ouverture de la procédure de sauvegarde, soit actif disponible de 100.000 euros ' 26.941,86 euros ' 40.952,75 euros = 32.105,39 euros et passif exigible de 17.164,25 euros, l'actif disponible au 8 mai 2023 couvrant très largement le passif exigible à cette même date,
Elle ajoute que le mandataire judiciaire a totalement occulté les créances clients susceptibles d'être prises en compte au jour de l'ouverture de la procédure à savoir les créances dont le règlement devait intervenir quasi-immédiatement à la suite du jugement d'ouverture ainsi que celles susceptibles d'être mobilisées
tout aussi rapidement, alors même qu'elle a joint à sa demande d'ouverture, le compte-rendu du médiateur de la Banque de France, établi en date du 18 novembre 2022, et aux termes duquel les banques, comme le médiateur lui-même, se sont expressément positionnés en faveur d'une telle mobilisation.
- le montant des créances susceptibles d'être prises en compte dans l'actif disponible atteignait la somme de 193.135,93 euros, se répartissant comme suit:
* 63.171,97 euros, au titre des créances mobilisables,
* 129.963,96 euros, au titre des créances dont le règlement est intervenu peu de temps après l'ouverture de la procédure de sauvegarde dont une somme globale de 56.586,18 euros, a été perçue par la société à moins de quinze jours de l'ouverture de la procédure,
- contrairement à ce que soutient l'intimée, elle justifie des circonstances exceptionnelles permettant d'inclure tout ou partie de ses créances clients à l'actif disponible puisque sa clientèle se compose essentiellement de collectivités publiques locales, organismes HLM ou encore de groupements institutionnels tels que la société pour le Développement de l'Habitat (SDH) ou encore la SCCV Le Residen'Ciel, filiales de la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche, autrement dit, de créanciers dont le risque d'insolvabilité est totalement inexistant,
- elle a d'ailleurs respectivement encaissé de la SDH et de la SCCV Le Residen'ciel le jour même de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la somme de 24.183,31 euros et 4.416 euros, sommes arrivées à échéance les 4 et 5 mai 2023 ainsi qu'il ressort des factures extraites du cahier des clauses administratives versées aux débats et qui ne pouvait qu'être prises en compte dans l'actif disponible au regard de leur caractère certain, liquide et exigible,
- il convient de tenir compte dans l'actif disponible de l'avance en compte courant d'associé existant au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde à hauteur d'un solde de 723,55 euros,
- il existe donc un actif disponible de 225.964,87 euros, (32.105,39 euros, + 723, 55 euros, + 193.135,93 euros) couvrant très largement le passif exigible qu'il soit retenu pour la somme de 49.482,61 euros, au 9 mai 2024 ou celle de 17.164,25 euros au 8 mai 2024.
Au soutien de sa demande de conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire sur le fondement de l'article L.622-10 alinéa 3 du code de commerce, elle expose que :
- il ressort d'une interprétation littérale du texte confirmée par la jurisprudence (Cass. Com. 28 février 2018, n°16-19.422), que la conversion de la procédure au visa de cet article ne nécessite pas de constater l'état de cessation des paiements,
- le tribunal de commerce de Romans sur Isère a rejeté, sans plus de justification, la demande de conversion conjointement formée avec l'administrateur judiciaire sur le fondement de l'article L.622-10 alinéa 3 du code de commerce et ce, alors même qu'il a expressément relevé, parallèlement, qu'un plan de sauvegarde était manifestement impossible et qu'une offre de cession totale pourrait prospérer, étant précisé que cette demande de conversion a justement pour objectif de permettre la mise en 'uvre d'un tel plan de cession, la conversion en redressement judiciaire se révélant être le seul moyen pour elle de sauvegarder son activité et les emplois y liés.
Prétentions et moyens de la Selarl [D] & Associés ' Mandataire judiciaire, agissant par Maître [K] [D], ès-qualité de mandataire judiciaire de la société [L] Fils Cabinet d'Etudes et réalisations Télécommunications Informatiques Infrastructure et Bâtiment
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 3 juillet 2024, la Selarl [D] & Associés ' Mandataire judiciaire, agissant par Maître [K] [D], ès-qualité de mandataire judiciaire de la société [L] Fils Cabinet d'Etudes et Réalisations Télécommunications Informatiques
Infrastructure et Bâtiment, demande à la cour au visa des articles L.620-1, L.621-12 L.622-10, L.631-8,L.631-1 du code de commerce de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère le 9 avril 2024 en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
- débouter les parties de toutes fins, conclusions, prétentions et demandes contraires,
- tirer les dépens en frais privilégiés de la procédure.
Pour s'opposer à la demande tendant à voir écarter les pièces produites, elle indique que :
- cette demande devra être rejetée, étant entendu que la société CERTIB ne précise pas les pièces qui devraient, selon elle, être écartées,
- les pièces ont été communiquées simultanément aux conclusions, suivant courrier officiel du 26 juin 2024, mais par suite d'une erreur dans l'adresse, les pièces ont été à nouveau communiquées, par RPVA, dès la réception des écritures adverses,
- la majorité des pièces visées dans les conclusions d'appel correspondent à celles communiquées en première instance (renumérotées), à savoir les pièces 1, 2, 3, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
- les autres pièces correspondent aux pièces de procédure :
* les pièces 4 et 9 correspondent à la requête en conversion sur la base de laquelle les parties ont échangé et conclu en première instance et dont la société CERTIB a donc une parfaite connaissance, ainsi que son courrier d'envoi,
* les pièces 5, 6 et 8 correspondent aux différents jugements rendus en première instance, dont le jugement critiqué, et dont la société CERTIB a parfaitement connaissance,
* la pièce 7 correspond à un courrier adressé par le conseil du mandataire judiciaire au tribunal de commerce de Romans-sur-Isère, au contradictoire des parties, dont le conseil de la société CERTIB, qui en a donc une parfaite connaissance,
- elle a donc été mise en mesure de les examiner, des les discuter et d'y répondre, en temps utile, ces pièces étant, en réalité, en sa possession avant même qu'elle conclut,
- en outre, conformément à la jurisprudence en la matière, une cour d'appel décide à bon droit que l'obligation de communiquer simultanément au dépôt et à la notification des conclusions les pièces produites à leur soutien visées à l'article 906 du code de procédure civile ne lui imposait pas d'écarter des débats des pièces dont la communication y contrevenait, s'il est démontré que le destinataire de la communication a été mis en mesure de les examiner, de les discuter et d'y répondre, en temps utile (Cass. Ass. Plén., 5 décembre 2014, n° 13-19.674),
Elle expose que le jugement du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 12 mars 2024 n'a pas statué sur la demande de conversion qu'elle a présentée en qualité de mandataire judiciaire puisque :
- le tribunal n'a pas statué sur l'état de cessation des paiements ou non de la société CERTIB et la date à laquelle celui-ci serait, le cas échéant, intervenu,
- le jugement ne fait aucune référence à la requête aux fins de conversion qui a été déposée, de sorte que le jugement ne peut statuer sur celle-ci,
- aux termes du « par ces motifs », n'est pas tranchée la demande de conversion, à laquelle il n'est fait aucune référence,
- en réalité, le tribunal n'a pas statué sur la demande de conversion, de sorte qu'il n'a pas vidé sa saisine et c'est dans ces conditions et à bon droit, que le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a rendu son jugement le 9 avril 2024 et a tranché la demande qui lui a été formulée plusieurs mois auparavant.
Elle soutient que lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la société CERTIB n'était plus en mesure de s'acquitter de ses dettes courantes et était en état de cessation de paiements dès lors que son actif disponible au 9 mai 2023 était de 26.325,39 euros, le passif exigible au 9 mai 2023 était de 58.830,15 euros et l'insuffisance d'actif était de - 32.504,76 euros puisque :
- à l'issue des opérations comptabilisées le 8 mai 2023 sur les comptes bancaires de la société CERTIB, cette dernière bénéficiait d'un actif disponible de 32.105,39 euros et au 9 mai 2023, date d'ouverture de la sauvegarde, l'actif disponible de la société s'élevait à 26.325,39 euros,
- la société CERTIB croit pouvoir prétendre qu'il conviendrait d'ajouter à cet actif disponible une somme de 193.135,93 euros correspondant à 63.171,97 euros au titre de « créances mobilisables » et alors qu'aucune ligne de mobilisation n'existait et à 129.963,96 euros au titre de « créances dont le règlement est intervenu peu de temps après l'ouverture de la procédure de sauvegarde »,
- cependant, selon la jurisprudence constante visée par la société CERTIB, par principe, les créances clients sont exclues de l'actif disponible et il ne peut en être tenu compte que dans des « circonstances exceptionnelles », dont le débiteur doit justifier, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le simple fait qu'une partie de ces factures ait été encaissée dans les jours suivants l'ouverture de la sauvegarde étant insuffisant,
- s'agissant du passif, a minima, à l'ouverture de la sauvegarde, les dettes exigibles de la société CERTIB s'élevaient donc à la somme de 58.830,15 euros.
Il ajoute qu'outre l'état de cessation des paiements démontré, la société CERTIB est en sauvegarde depuis près de 10 mois et s'agissant d'une sauvegarde, la période d'observation ne pourra pas excéder 12 mois, (aucune prorogation exceptionnelle de 6 mois supplémentaire ne pouvant être autorisée et il ressort des informations communiquées au mandataire judiciaire que la société CERTIB est dans l'incapacité de présenter un plan de continuation, de sorte que seule la cession de l'entreprise est envisagée, laquelle ne peut s'inscrire dans le cadre d'une sauvegarde, raison pour laquelle l'administrateur judiciaire et le débiteur, conjointement, ont eux-même sollicité la conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire, conversion à laquelle ils ne sauraient désormais s'opposer.
Prétentions et moyens de la Selarl De Saint Rapt & [D] représentée par Me [D], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société CERTIB
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 3 juillet 2024, la Selarl De Saint Rapt & [D], représentée par Me [D], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société CERTIB demande à la cour au visa de l'article 480 du code de procédure civile et des articles L.631-1, L.621-12 et L.622-10 alinéa 3 du code de commerce de :
- infirmer le jugement en date du 9 avril 2024 du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère en ce qu'il a :
* constaté l'état de cessation des paiements de la société CERTIB au 9 mai 2023,
* rejeté la demande de conversion en redressement judiciaire en application de l'article L.622-10 alinéa 3 du code de commerce,
* converti en application de l'article L.621-12 du code de commerce la procédure de sauvegarde de la société CERTIB en une procédure de redressement judiciaire,
* constaté et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 9 mai 2023,
* fixé la prochaine comparution de cette procédure, pour contrôle à l'audience de la chambre du conseil du 9 avril 2024
Et statuant à nouveau, faire droit à son appel incident,
- prononcer et ou juger la conversion de la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de la société CERTIB en redressement judiciaire sur le fondement de l'article L.622-10 alinéa 3 du code de commerce,
- confirmer le jugement de première instance en toutes ses autres dispositions,
- rejeter toutes demandes et prétentions contraires
- débouter la Selarl [D] & Associés, agissant par Maître [K] [D] ès-qualité de mandataire judiciaire de ses demandes.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la demande de la Selarl [D] se heurte à l'autorité de la chose jugée, dès lors que :
- par jugement en date du 12 mars 2024, le tribunal a débouté la Selarl [D] & Associés, agissant par Maître [K] [D] ès-qualité de mandataire judiciaire de sa demande de conversion en redressement judiciaire et a prononcé le maintien de la période d'observation jusqu'au 9 mai 2024, de sorte qu'aux termes de ce jugement, le tribunal de commerce a fait droit aux demandes de la société CERTIB et a prononcé le maintien de la période d'observation jusqu'au 9 mai 2024,
- cette décision du 12 mars 2024, n'a pas été contestée par les parties en présence,
- par conséquent, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère ne pouvait le 9 avril 2024 juger à nouveau que la société CERTIB était finalement en état de cessation des paiements au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde à savoir le 9 mai 2023 sans remettre en cause l'autorité de la chose jugée allouée au jugement du 12 mars 2024.
Elle expose également que la demande de la Selarl [D] est mal fondée alors qu'il résulte des pièces versées aux débats par la société CERTIB, que cette dernière n'était pas en état de cessation des paiements au 9 mai 2023.
Le 26 juin 2024, le Ministère Public a conclu à la confirmation de la décision du tribunal de Romans-sur-Isère, décision conforme aux réquisitions du Procureur de la République de Valence qui relève, comme l'ont fait les juges du premier degré, l'état de cessation des paiements de la société appelante.
La cour a invité les parties à produire une note en délibéré afin de s'expliquer sur l'absence de prétention d'irrecevabilité de la demande du liquidateur judiciaire en conversion de la procédure de sauvegarde judiciaire de la société CERTIB en redressement judiciaire, sur le fondement de l'autorité de la chose jugée.
Suivant note en délibéré notifiée par voie dématérialisée le 17 juillet 2024, la société CERTIB soutient que :
- la difficulté vient du fait que lors de l'audience du 3 avril 2024 qui a conduit au jugement déféré, les juges de première instance n'étaient plus saisis de la requête du mandataire judiciaire qui avait déjà été préalablement examinée lors de l'audience du 6 mars 2024, ainsi que les juges de première instance le reconnaissent d'ailleurs expressément dans leur décision mais bien de celle déposée conjointement par la société CERTIB et la Selarl De Saint Rapt et [D], administrateur judiciaire, de sorte qu'il n'était pas possible dans ces conditions, de soulever l'irrecevabilité d'une demande dont le tribunal n'était pas même saisi lors de l'audience qui a abouti au jugement dont l'infirmation partielle est sollicitée en appel,
- le fait de solliciter l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire sur le fondement de l'article L.621-12 du code de commerce et de demander à la cour de prononcer la conversion de la procédure sur le fondement de l'article L.622-
10 alinéa 3 du code de commerce revient à reprendre l'ensemble des prétentions exposées par l'appelante au fondement de son appel dont celle tirée de la violation de l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce de Romans sur Isère,
- en tout état de cause, et ainsi qu'il ressort d'un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 14 janvier 2021 (Cass. 2ème civ. 14 janvier 2021, n°19-17.758), « le juge est tenu de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à une décision précédemment rendue dans la même instance et que la cour d'appel qui connaît, par l'effet dévolutif de l'appel, de l'affaire soumise à la juridiction du premier degré, est elle-même tenue de relever d'office cette fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, après l'avoir soumise à la contradiction »,
- en tant que de besoin, elle entend préciser sa demande au titre de son dispositif en demandant à la cour de statuer à nouveau et de déclarer irrecevable la Selarl [D] & Associés en sa demande de conversion en redressement judiciaire fondée sur les dispositions de l'article L.622-12 du code de commerce.
Suivant note en délibéré notifiée par voie dématérialisée le 18 juillet 2024, la Selarl De Saint Rapt & [D] représentée par Me [D], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société CERTIB déclare maintenir ses demandes et sollicite également que la cour déclare irrecevables les
demandes de la société [D] ès-qualité de mandataire judiciaire en vertu de l'autorité de la chose jugée et soutient que par ailleurs en vertu des articles précédemment cités la cour peut relever d'office l'autorité de la chose jugée.
Suivant note en délibéré notifiée par voie dématérialisée le 19 juillet 2024, la Selarl [D] & Associés ' Mandataire judiciaire, agissant par Maître [K] [D], ès-qualité de mandataire judiciaire de la société CERTIB expose que si cette dernière et son administrateur judiciaire entendent opposer l'autorité de la chose jugée, la sanction serait l'irrecevabilité des demandes du mandataire judiciaire, or aucune demande tendant à voir déclarer ce dernier irrecevable en ses demandes n'a été présentée, de sorte que la cour d'appel de Grenoble n'est pas saisie de cette demande et ne peut désormais l'être aux termes d'une note en délibéré visant à « préciser » le dispositif des écritures adverses comme le fait la société CERTIB.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2024 l'affaire a été appelée à l'audience du 4 juillet 2024 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 17 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour relève que la société CERTIB et la Selarl De Saint Rapt & [D] représentée par Me [D], ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société CERTIB qui développent dans leurs écritures le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée de la décision rendue par le tribunal de commerce le 12 mars 2024, ne tirent pas les conséquences juridiques de leurs constatations, dès lors qu'elles ne formulent aucune prétention tenant à l'irrecevabilité de la demande de la Selarl [D] & Associés, ès-qualité de mandataire judiciaire de la société CERTIB, en conversion de la sauvegarde judiciaire en redressement judiciaire, alors que conformément à l'article 122 du code de procédure civile, l'autorité de chose jugée constitue une fin de non recevoir, sanctionnée par l'irrecevabilité de la demande.
Par ailleurs, le moyen tiré de l'obligation pour la cour de relevé d'office la fin de non recevoir tiré de l'autorité de la chose jugée est inopérant, alors que l'exception de chose jugée est d'ordre public notamment quand, au cours de la même instance, il est statué sur les suites d'une précédente décision passée en force de chose jugée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant du jugement du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 12 mars 2024 qui a maintenu la période d'observation de la société CERTIB et du jugement de ce même tribunal en date du 9 avril qui a constaté l'état de cessation des paiements de la société CERTIB au 9 mai 2023, rejeté la demande de conversion en redressement judiciaire en application de l'article L.622-10 alinéa 3 et convertit la procédure de sauvegarde de la société CERTIB sur le fondement de l'article L.621-12 du code de commerce.
En conséquence l'arrêt rendu par la deuxième chambre de la cour de cassation le 14 janvier 2021 (n° 1917758) qui retient que le tribunal de grande instance, saisi d'une exception de procédure déjà tranchée par le juge de la mise en état, est tenu de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance de ce juge et que dès lors, la cour d'appel, qui connaît, par l'effet dévolutif de l'appel, de l'affaire soumise à la juridiction du premier degré, est elle-même tenue de relever d'office cette fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, après l'avoir soumise à la contradiction, n'est pas applicable en l'espèce.
En conséquence, la cour qui n'est saisie d'aucune fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée, n'est pas tenue de répondre à ce moyen.
Sur la demande de voir écarter les pièces de la Selarl [D] & Associés, ès-qualité de mandataire judiciaire de la la société CERTIB
Conformément à l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Par ailleurs, en application de l'article 906 du code de procédure civile, les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués.
Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.
Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.
En l'espèce, comme le soutient justement la Selarl [D] & Associés, les seules nouvelles pièces qu'elle produit à hauteur d'appel, numérotées 4,9,5,6, 7, 8 et 16 correspondent à la requête en conversion déposée par le mandataire judiciaire en première instance, aux différents jugements rendus par le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère dont le jugement critiqué, à un courrier adressé par le mandataire judiciaire au tribunal de commerce avec copie aux intimées et à une pièce communiquée par la société Certim elle-même, de sorte que cette dernière, qui au demeurant a conclu à deux reprises le 3 juillet et le 4 juillet 2024 postérieurement à la réception de ces pièces a été parfaitement en mesure de les examiner et d'y répondre, de sorte que le contradictoire a été respecté. La demande de voir écarté l'ensemble des pièces de l'appelante ne peut donc prospérer.
Sur la demande de conversion de la sauvegarde de justice en redressement judiciaire
En application de l'article L.621-12 du code de commerce, s'il apparaît, après l'ouverture de la procédure, que le débiteur était déjà en cessation des paiements au moment du prononcé du jugement, le tribunal le constate et fixe la date de la cessation des paiements dans les conditions prévues à l'article L.631-8. Il convertit la procédure de sauvegarde en une procédure de redressement judiciaire. Si nécessaire, il peut modifier la durée de la période d'observation restant à courir ou la prolonger pour une durée maximale de six mois. Aux fins de réaliser la prisée des actifs du débiteur au vu de l'inventaire établi pendant la procédure de sauvegarde, il désigne, en considération de leurs attributions respectives telles qu'elles résultent des dispositions qui leur sont applicables, un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté.
Le tribunal est saisi par le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le ministère public. Il se prononce après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.
Selon l'article L.622-10 alinéa 3 du même code, à la demande du débiteur ou, à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire ou du ministère public, lorsqu'aucun plan n'a été adopté conformément aux dispositions de l'article L.626-30-2 et, le cas échéant, de l'article L.626-32 par les classes mentionnées à la section 3 du chapitre VI du présent titre, il décide également la conversion en redressement judiciaire si l'adoption d'un plan de sauvegarde est manifestement impossible et si la clôture de la procédure conduirait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements.
Selon l'article R.621-4 alinéa 3 du même code, le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire prend effet à compter de sa date.
Il est en outre constant que le jugement d'ouverture prend effet à zéro heure du jour au cours duquel il est prononcé.
En application de l'article L. 631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.
Il résulte de l'article R.631-2 qu'il appartient au créancier qui sollicite l'ouverture d'une telle procédure de prouver, indépendamment du caractère certain et exigible de sa créance, que le débiteur n'est pas en mesure de faire face à son passif exigible en l'état de sa situation financière.
Le passif exigible s'entend de l'ensemble des dettes échues au jour où l'appréciation est portée et non assorties d'un moratoire. Les dettes doivent être certaines, liquides et exigibles, ce qui exclut les dettes litigieuses. Une dette incertaine, comme faisant l'objet d'un recours, ne peut pas être incluse dans le passif exigible lequel correspond au passif échu, non assorti d'un moratoire.
L'actif disponible correspond aux fonds ou valeurs immédiatement mobilisables dont le débiteur peut disposer immédiatement pour s'acquitter de son passif exigible. Il s'entend des éléments d'actifs figurant au bilan et d'une liquidité telle qu'ils permettent de faire face aux dettes exigibles, c'est à dire immédiatement réalisables et notamment la trésorerie disponible en caisse, les soldes bancaires créditeurs, les effets de commerce échus ou escomptables, ainsi que les valeurs cotées en bourse et les ouvertures de crédits non utilisées.
Le montant d'une créance à recouvrer peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, être ajouté à l'actif disponible ( Cass. com., 7 févr. 2012, n° 11-11.347).
Par ailleurs, si le bénéficiaire d'un virement acquiert le droit définitif sur les fonds dès que, selon l'article L.330-1-III du code monétaire et financier, l'ordre est devenu irrévocable, à une date et selon les modalités conformes aux règles de fonctionnement du Système interbancaire de télécompensation (SIT), son droit de créance sur son propre banquier, chargé d'un mandat général d'encaissement, n'existe qu'à compter de la réception effective de ces fonds par ce dernier, qui les détient alors, pour le compte de son client, en sa qualité de dépositaire.
Dès lors, s'agissant de l'achèvement normal du processus de paiement du bénéficiaire lorsque le banquier gestionnaire du compte se trouve également être créancier de son client au titre de la position débitrice du compte, il résulte du principe de l'interdiction du paiement des créances antérieures, qu'aucune écriture ne peut plus être portée au crédit du compte du client qui serait susceptible de se compenser avec le solde débiteur du compte après le jugement d'ouverture de la procédure. La banque doit déclarer sa créance au passif de la procédure et les fonds reçus au titre des paiements doivent être versés à la procédure, généralement par le biais de l'ouverture d'un compte bis. Seule la compensation légale survenue avant le jugement d'ouverture de la procédure collective peut être invoquée par la banque, ce qui suppose que celle-ci soit devenue elle-même débitrice d'une créance certaine, liquide et exigible à l'égard de son client, avant cette date.
Il en résulte qu'un virement, même s'il a été ordonné avant le jugement d'ouverture de la procédure ne peut plus être porté au crédit du compte du bénéficiaire après l'ouverture de la procédure, à moins que la banque du bénéficiaire n'ait reçu de manière effective les fonds correspondant au virement avant le jugement d'ouverture. Dans ce cas, la Cour de cassation décide, en effet, que la réception fait naître à la charge de la banque une obligation de restitution dans la mesure où celle-ci ne détient ces fonds que pour le compte de son client, en sa qualité de dépositaire. Une compensation s'opère donc au profit de la banque entre cette dette et la créance détenue par celle-ci au titre du solde débiteur du compte.
En l'espèce, s'agissant de l'actif disponible , il ressort de l'examen des relevés de compte de la société CERTIB ouvert dans les livres de la Banque Populaire que le solde au 9 mai 2024, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire est de - 27.741,86 euros, soit un solde disponible de 22.258,14 euros compte tenu du découvert autorisé de 50.000 euros, ce qui est admis par les parties.
Il résulte également de la lecture des relevés de compte de la société CERTIB ouvert dans les livres du Crédit Agricole, que le solde au 9 mai 2024, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire est de ' 45.932,75 euros, soit un solde disponible de 4.067,25 euros compte tenu du découvert autorisé de 50.000 euros, étant relevé que ces sommes ne prennent pas en compte les créances enregistrées le 9 mai 2024. En effet, la société CERTIB, n'est pas fondée à prendre en compte les sommes de 4.416 euros et de 24.183,31 euros correspondantes à des virements crédités sur ce compte le 9 mai 2023, alors qu'il n'est ni allégué ni a fortiori démontré que la banque a reçu de manière effective les fonds correspondant à ces deux virements avant le jugement d'ouverture.
Il s'ensuit que l'actif disponible au 9 mai 2024 est donc de 26.325,39 euros (22.258,14 euros + 4.067,25 euros).
La réalité de l'existence de créances clients mobilisables pour un montant total de 63.171,97 euros, qui ne peut résulter de la liste élaborée par l'appelante, laquelle constitue une preuve à soi-même dépourvue de valeur probante, n'est pas démontrée.
En outre, si le médiateur de la Banque de France a effectivement fait état dans un compte rendu de réunion du 18 novembre 2022 de la proposition des banques partenaires de la société CERTIB de mobiliser une partie de son poste client sur les périodes ou elle aura besoin de trésorerie supplémentaire, il a également relevé que l'appelante s'engageait à ce titre, à transmettre à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes et au Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes les créances qui pourraient être mobilisées, lesquelles feraient, en retour, une proposition détaillée sur les créances pouvant être refinancées avec indication des coûts associés. Or, la société Certib qui n'allègue, ni ne démontre l'existence de telles propositions des établissements bancaires n'établit pas qu'une mobilisation de créance était possible à la date du 9 mai 2023 pour un montant de 63.171,97 euros.
Par ailleurs, la nature essentiellement institutionnels des créances, outre qu'elle ne peut résulter d'une liste de créanciers établie unilatéralement par l'appelante, ne permet pas de caractériser l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant leur prise en compte, lesquelles circonstances induisent la certitude d'un paiement qui n'est en l'espèce pas démontrée, le principe et le délai de recouvrement de ces créances étant ici incertains.
C'est donc en vain que la société CERTIB ajoute à l'actif disponible la somme de 129.963,96 euros dont elle affirme, sans offre de preuve, que le règlement est intervenu peu de temps après l'ouverture de la procédure de sauvegarde.
S'agissant du passif exigible, l'appelante soutient qu'il n'excède pas la somme de 49.482,61 euros au 9 mai 2023 et la Selarl Selarl [D] & Associés, ès-qualités fixe ce passif à la somme de 58.830,15 euros.
Or, il résulte des pièces de la procédure que :
- les factures fournisseurs payées au jour de l'ouverture de la procédure ont été exclues du passif arrêté par la Selarl Selarl [D] & Associés, ès-qualités, ce que reconnaît au demeurant expressément l'appelante,
- le montant de la dette à l'égard d'EDF a bien été retenu par le mandataire judiciaire à hauteur de 3.185,10 euros comme demandé par la société CERTIB,
- les cotisations dues à la société Malakoff Humanis ont été retenues par le mandataire judiciaire à hauteur de 2.078,08 euros et 1.101,08 euros, soit un total de 3.179,16 euros, correspondant exactement au montant admis par l'appelante dans ses écritures,
- contrairement à ce que soutient la société CERTIB, la créance de la société SMABTP a été bien été prise en compte pour un montant de 16.776,39 euros au lieu de 18.714,41 euros afin de tenir compte des échéanciers obtenus auprès de ce créancier,
- les cotisations de TVA pour les mois de février et mars 2023 ont effectivement été retraitées du passif exigible au 9 mai 2023 compte tenu des délais de paiements obtenus,
- les cotisations URSSAF au titre du mois de février 2023 ont effectivement été retraitées du passif exigible au 9 mai 2023 compte tenu des délais de paiements obtenus,
- la dette de loyers de 21.248 euros et la dette « intrarouge » de 732,55 euros dont la société CERTIB soutient qu'ils ne constituent pas un passif exigible, n'ont pas été retenues par le mandataire judiciaire au titre du passif exigible au 9 mai 2023.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le passif exigible s'établit à la somme de 58.830,15 euros au 9 mai 2023.
En conséquence, à la date du 9 mai 2023, la société CERTIB, qui était dans l'incapacité de faire face à son passif exigible de 58.830,15 avec son actif disponible de 26.325,39 euros se trouvait en état de cessation des paiements. La Selarl [D] & Associés, ès-qualité de mandataire judiciaire de la société CERTIB est donc bien fondée à solliciter la conversion de la procédure de sauvegarde de la société CERTIB en redressement judiciaire sur le fondement de l'article L.621-12 du code de commerce. Le jugement déféré est en conséquence confirmé.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens
Les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Déboute la société CERTIB de sa demande de voir écarté les pièces produites par la Selarl [D] & Associés, ès-qualité de mandataire judiciaire de la société CERTIB ,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Ajoutant,
Dit que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.