CA Versailles, ch. civ. 1-3, 17 octobre 2024, n° 22/04796
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Agence Alain (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perret
Conseillers :
Mme Girault, M. Maumont
Avocats :
Me Tardy, Me Tricot, Me Selten, Me Perussel Paoli, Me Fargues, Me Ronzeau
FAITS ET PROCEDURE :
Par exploit en date du 5 avril 2019, la société du [Adresse 4] a assigné M.[C], la société Agence Alain, la société [V] [R] et Me [Y], notaire au sein de la société [V] [R] [G] [X], [N], [K], aux fins d'annulation de la vente conclue le 15 décembre 2016 pour vices cachés et de condamnation de M.[C] à lui payer une somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 30 mai 2022, le tribunal judiciaire de Pontoise a :
- dit n'y avoir lieu à nullité ou caducité de la vente,
- débouté la société [Adresse 4] de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de M.[C], de la société Agence Alain, de Me [Y] et de la société [V] [R],
- condamné la société [Adresse 4] à payer la somme de 1 300 euros à M.[C], à la société Agence Alain, à Me [Y] et à la société [V] [R], à chacun (celle versée au notaire et à la société étant globale) au titre des frais irrépétibles,
- condamné la société [Adresse 4] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par acte du 18 octobre 2022, la société [Adresse 4] a interjeté appel de la décision et par dernières écritures du 24 mai 2024, la société [Adresse 4] prie la cour de :
- infirmer le jugement du 30 mai 2022 rendu par la deuxième chambre civile du tribunal judiciaire de Pontoise en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- dire et juger que l'impossibilité pour la société de construire sur la parcelle, acquise comme terrain à bâtir, est un vice caché lui permettant d'engager une action rédhibitoire pour remettre en cause la vente de cette parcelle,
- écarter la clause exonératoire de la garantie des vices cachés due par le vendeur à la société [Adresse 4] insérée dans l'acte de cession authentique,
En conséquence,
- annuler la vente passée le 15 décembre 2016 et ordonner la restitution à M.[C] de la parcelle cadastrée AW [Cadastre 6] d'une contenance de 4 ares et 54 centiares situé [Adresse 4] à [Localité 9], ainsi que sa condamnation à rendre la somme de 150 000 euros correspondant au prix de vente, outre les frais de la vente dont le détail sera communiqué ultérieurement,
- condamner M.[C] à verser à la société [Adresse 4] la somme de 70 000 euros sauf à parfaire, tant notamment au titre de la compensation de l'immobilisation inutile du prix de vente entre le paiement de celui-ci par la société et sa restitution, que des frais bancaires induits par la souscription du prêt immobilier et les divers frais et agios encaissés par la banque, que des frais, taxes et charges résultant de sa propriété par la société depuis la signature de la vente jusqu'à la reprise effective par M. [C] de sa parcelle.
Subsidiairement, si par impossible la garantie des vices cachés ne pouvait être utilement mis en oeuvre,
- déclarer la société [Adresse 4] recevable et bien fondée à faire valoir la nullité de la vente authentique du 15 décembre 2016 pour vice du consentement, pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, à défaut pour réticence dolosive, y compris sur le fondement de l'article 1137 alinéa 2 du code civil,
En conséquence,
- déclarer nulle et de nul effet la vente passée par acte authentique du 15 décembre 2016 sur la parcelle cadastrée AW [Cadastre 6] d'une contenance de 4 ares et 54 centiares située [Adresse 4] à [Localité 9], entre M.[C] et la société demanderesse,
- condamner M.[C] à restituer à la société [Adresse 4] la somme de 150 000 euros correspondant au prix de vente, outre les frais de la vente dont le détail sera communiqué ultérieurement, ainsi qu'à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 70 000 euros sauf à parfaire, tant notamment au titre de la compensation de l'immobilisation inutile du prix de vente entre le paiement de celui-ci par la société et sa restitution, que des frais bancaires induits par la souscription du prêt immobilier et les divers frais et agios encaissés par la banque, que des frais, taxes et charges résultant de sa propriété par la société depuis la signature de la vente jusqu'à la reprise effective par M.[C] de sa parcelle,
Plus subsidiairement encore,
- constater que M.[C] a manqué à son obligation d'information telle que stipulée dans l'article 1112-1 du code civil,
En conséquence,
- déclarer nulle et de nul effet la vente passée par acte authentique du 15 décembre 2016 sur la parcelle cadastré AW [Cadastre 6] d'une contenance de 4 ares et 54 centiares situé [Adresse 4] à [Localité 9], entre M.[C] et la société demanderesse,
- condamner M.[C] à restituer à la société [Adresse 4] la somme de 150 000 euros correspondant au prix de vente, outre les frais de la vente dont le détail sera communiqué ultérieurement, ainsi qu'à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 70 000 euros sauf à parfaire, tant notamment au titre de la compensation de l'immobilisation inutile du prix de vente entre le paiement de celui-ci par la société et sa restitution, que des frais bancaires induits par la souscription du prêt immobilier et les duvers frais et agios encaissés par la banque, que des frais, taxes et charges résultant de sa propriété par la société depuis la signature de la vente jusqu'à la reprise effective par M.[C] de sa parcelle,
A titre infiniment subsidiaire, et si par impossible le tribunal estimait néanmoins que la vente de la parcelle litigieuse avait été valablement conclue,
- déclarer la société [Adresse 4] recevable et bien fondée à faire valoir la caducité de la vente pour disparition d'un élément essentiel de celle-ci, à savoir la constructibilité du terrain, et ce à compter de la ratification de l'arrêté inter-préfectoral du 6 février 2017,
- dire et juger qu'il conviendra de procéder aux restitutions à compter de cette date, tant pour le bien que pour le prix de vente,
En tout état de cause,
- dire et juger que l'Agence immobilière société Alain a engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de la société [Adresse 4] en ne remplissant pas son devoir de conseil, de vérification et de renseignement à son égard, en ne vérifiant pas la constructibilité du terrain objet de transaction,
- dire et juger que l'Agence société Alain a de même manqué à son obligation d'information sur l'opportunité de l'opération pour l'acquéreur, qu'il doit avertir des risques de l'acquisition, voire même un devoir de mise en garde,
- dire et juger que l'office notarial de [Localité 10] et Me [Y], seul notaire agissant tant pour le vendeur que l'acquéreur, ont engagé leur responsabilité délictuelle à l'égard de la société demanderesse, pour défaut d'efficacité de l'acte juridique qu'ils ont rédigé, manquement à leurs obligations de diligences et de conseil, d'information,
En conséquence, dans l'hypothèse où l'annulation du contrat de vente immobilière ne pourra pas être obtenue,
- condamner in solidum la société Agence Alain, la société [V] [R], [G], [X], [N] et [F] ainsi que Me [Y], es qualité de notaire rédacteur de l'acte litigieux, à indemniser la société [Adresse 4], sauf à parfaire, valorisée tant au regard du prix du terrain que des charges, frais, impôts afférents que des frais bancaires du crédit immobilier,
A défaut,
- condamner in solidum la société Agence Alain, la société [V] [R], [G], [X], [N] et [F] ainsi que Me [Y], es qualités de notaire rédacteur de l'acte litigieux, à l'indemniser au titre de sa perte de chance de ne pas contracter à hauteur de la somme forfaitaire de 70 000 euros, sauf à parfaire,
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner in solidum M.[C], la société Agence Alain, la société [V] [R], [G], [X], [N] et [F] ainsi que Me [Y], es qualités de notaire rédacteur de l'acte litigieux, à verser à la société du [Adresse 4] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure et aux dépens de première instance dont distraction sera faite au profit de l'association Avocalys, avocats associés au barreau de Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 17 mai 2023, M.[C] prie la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 30 mai 2022 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- pronconcer la validité du contrat de vente du terrain cadastré section AW n°[Cadastre 6] de 454m2 pour un montant de 15 000 euros, conclu le 15 décembre 2016 entre M.[C] d'une part, et la société [Adresse 4], ayant son siège social [Adresse 5], représentée par M.[E] en sa qualité de représentant légal d'autre part,
- rejeter purement et simplement les demandes, fins et conclusions de la société [Adresse 4] tendant à annuler la vente sur les fondements de la garantie des vices cachés, de l'erreur ou du dol et in fine les demandes de condamnation pécuniaires s'y rapportant,
- rejeter purement et simplement les demandes fins et conclusions de la société [Adresse 4] tendant à la déclaration de la caducité du contrat de vente et in fine les demandes de condamnations pécuniaires s'y rapportant,
Si par extraordinaire, le juge prononce la nullité ou la caducité du contrat de vente, et condamne M.[C] à indemniser la société [Adresse 4], il lui est demandé de :
* constater les devoirs et obligations des intervenants audit contrat de vente,
* et de condamner in solidum l'Agence Alain et Me [Y] de l'étude notariale [V] de [T], à indemniser la société [Adresse 4] de la somme forfaitaire demandée d'un montant de 200 000 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter et la somme de 70 000 euros au titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause, M.[C] demande la cour de :
- condamner la société [Adresse 4] à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente procédure dont distraction sera faite au profit de Me Seltene, avocat postulant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 24 janvier 2023, Me [Y] et la société [V] [R], [G], [X], [N], [K], notaires associés, prient la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 30 mai 2022 en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
- débouter la société [Adresse 4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dirigées à l'encontre de Me [Y] et la société [V] [R], [G], [X], [N],[K], notaires à [Localité 10] (95), à défaut de rapporter la preuve d'une faute de ces derniers dans le cadre de leurs fonctions, qui soit à l'origine d'un préjudice certain, réel et actuel pouvant lui ouvrir droit à réparation,
En conséquence,
- débouter la société [Adresse 4] de toutes ses demandes dirigées contre les notaires concluants, y compris sa demande au titre des frais irrépétibles, et des dépens,
- débouter M.[C] de toutes ses demandes dirigées contre Me [Y] et la [V] [R], [G], [X], [N], [F], notaires à [Localité 10] (95),
- condamner la société [Adresse 4] et/ou tout succombant, solidairement, à payer à Me [Y] et à la société [V] [R], [G], [X], [N], [K], notaires à [Localité 10] (95), la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [Adresse 4] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Ronzeau, qui pourra les recouvrer directement en application 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 15 mai 2024, la société Agence Alain prie la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Ce faisant,
- débouter la société [Adresse 4] de l'ensemble de ses demandes articulées à l'encontre de l'Agence Alain, débouter M.[C] de son appel en garantie formé à titre subsidiaire contre l'Agence Alain, condamner la société [Adresse 4] à verser à la société Agence Alain la somme de 3 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers, dont distraction au profit de Me Farges, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé plus complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2024.
Par dernières écritures d'incident aux fins de révocation de clôture et aux fins de sursis à statuer du 24 mai 2024, la société [Adresse 4] prie la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son incident,
Y faisant droit,
- rabattre l'ordonnance de clôture du 23 mai 2024,
- ordonner un sursis à statuer jusqu'à ce que la décision rendue par la commune de [Localité 9] sur la demande de permis de construire de la société [Adresse 4] soit rendue et devienne définitive, tous les recours apurés,
- débouter les défendeurs à l'incident et intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner in solidum M.[C], la société Agence Alain, la société [V] [R], [G], [X], [N] et [F] ainsi que Me [Y], es qualités de notaire rédacteur de l'acte litigieux, à verser à la société du [Adresse 4] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure et aux dépens de première instance dont distraction sera faite au profit de l'association Avocalys, avocats associés au barreau de Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 4 juin 2024, M. [C], sollicite le rejet du rabat de clôture et du sursis à statuer, la confirmation de l'ordonnance de clôture et la fixation de l'audience au 6 juin 2024 et la condamnation de la SCI à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 5 juin 2024, Me [I] [Y] et la SCP [V] [R], [G], [X], [N], [K], notaires associés (ci-après "les notaires") s'en rapportent à la décision de la cour sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 23 mai 2024, formulée par la SCI de même que sur celle de sursis à statuer, mais sollicitent en tout cas le débouté de la SCI quant à sa demande au titre des frais irrépétibles et dépens.
Les notaires sollicitent le remboursement de leurs propres frais au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la prise en charge des entiers dépens d'appel et de l'incident par la SCI .
SUR QUOI :
Sur la demande de rabat de clôture et de sursis à statuer
Au soutien de sa demande de rabat de l'ordonnance de clôture et du prononcé d'un sursis à statuer, la SCI [Adresse 4] invoque tout d'abord la responsabilité à divers titres des intervenants à l'acte de vente d'une parcelle de terrain sur laquelle elle se proposait comme acheteur, de construire un bâtiment à usage d'habitation (responsabilité de son vendeur, du notaire instrumentaire et de l'agence immobilière mandataire) et pour laquelle elle a essuyé un refus de permis de construire à cause d'un plan d'exposition au bruit (ci-après un "PEB").
Elle relate comment une nouvelle demande déposée pour son compte par son architecte, a fait simplement l'objet d'une demande de complétion du dossier à instruire, ce qui tendrait à prouver que le terrain pourrait être constructible et estime qu'il est de bonne justice de surseoir à statuer jusqu'à la décision définitive de la commune de [Localité 9] à ce sujet.
M. [U] [C] s'oppose au rabat de l'ordonnance de clôture et au sursis à statuer estimant que seul l'intérêt d'une bonne administration de la justice pourrait le justifier , à condition que les faits invoqués permettent effectivement d'influer sur la décision à venir, ce qui ne serait pas le cas de l'espèce.
Sur ce,
Aux termes de l'article 914-4 du code de procédure civile :
"L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si la cour ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du conseiller de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision de la cour."
C'est avec raison que M. [C] expose que la décision d'accord ou de rejet de permis de construire à venir ne peut en aucun cas permettre de résoudre le différend existant soumis à la cour et partant, justifier le sursis à statuer ou le rabat de la clôture.
En effet, soit cette demande est accueillie et sera la démonstration que le terrain vendu par M. [C] a toujours été constructible, ainsi qu'il le soutient depuis le début et que pourrait le laisser penser la nouvelle réponse de la commune qui ne s'est pas prévalu du PEB, soit cette demande est rejetée et dans ce cas, les motifs de rejet ne sauraient être pris en compte pour résoudre la présente affaire, la 2e demande de permis de construire comportant des éléments non contrôlés par les intimés et ayant été, en outre, présentée en regard de dispositions légales et réglementaires différentes de celles en vigueur à l'époque de la conclusion du compromis de vente et de la réitération de celle-ci.
Il appartenait à la SCI d'exercer d'abord tous les recours qui lui étaient offerts contre la décision de refus de permis de construire avant que de demander la réparation d'un préjudice à l'existence incertaine.
La cour doit se placer au moment de la conclusion du contrat et des informations existantes à cette même date pour juger des responsabilités invoquées par l'appelant.
Elle rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et de sursis à statuer.
Sur le fond
La SCI expose les raisons pour lesquelles, selon elle, la responsabilité des intimés ayant participé à l'opération qui se solde par une inconstructibilité du terrain dont elle est devenue propriétaire en conséquence de l'effet conjugué du changement du plan local d'urbanisme (ci-après PLU) et de l'entrée en vigueur du plan d'exposition au bruit de l'aéroport [11], est engagée, obstacles que ses divers interlocuteurs connaissaient ou auraient dû connaître pour l'en informer ou attirer son attention.
La chronologie de l'opération a une importance toute particulière en l'espèce.
Alors que deux conditions suspensives avaient été stipulées par le compromis de vente du 5 mars 2016, M. [E], bénéficiaire originel de la promesse avant que ne lui soit substituée la SCI [Adresse 4], y a renoncé purement et simplement le 28 septembre suivant en ces termes : " Je déclare faire mon affaire personnelle de financement et des autorisations administratives nécessaires à la construction que j'envisage sur le terrain objet du compromis de vente."
Dès lors, il ne pouvait plus se prévaloir de ce qu'il n'avait pas obtenu un permis de construire et le certificat d'urbanisme constructible non plus que du prêt stipulés dans l'acte.
Après prorogation du délai de validité de la promesse de vente, l'acte authentique a été signé entre les parties le 15 décembre 2016.
La veille, 14 décembre 2016 a été approuvé un nouveau PLU qui a modifié le zonage dans lequel se trouve le terrain, le faisant passer de zone UG en zone Uha.
La SCI a déposé un permis de construire pour un pavillon d'habitation le 23 février 2017 et s'est vue opposer un refus le 7 avril suivant.
Quelques jours auparavant, soit le 6 février 2017, un arrêté interpréfectoral portant approbation du PEB de l'aéroport [11] avait été pris, faisant passer le terrain acquis de la zone D à la zone B, c'est-à-dire d'une zone où la construction à usage d'habitation était autorisée avec préconisations techniques à une zone où elle est strictement limitée à celle qui est nécessaire à l'activité aéronautique ou liée à celles-ci, ainsi qu'aux logements de fonction nécessaires aux activités industrielles ou commerciales admises dans la zone ou des constructions directement liées ou nécessaires aux activités agricoles.
Sur les responsabilités
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1642 du même code précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Il incombe à l'acquéreur de prouver la réalité du vice, son antériorité à la vente et son caractère occulte lors de celle-ci.
Aux termes des dispositions de l'article 1643 du code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
La SCI fonde son action rédhibitoire pour vice caché, qui peut entraîner la résolution du contrat, sur le fait que la SCI, par l'action de son gérant, a acheté un terrain à bâtir et qu'en fait, celui-ci s'est révélé inconstructible alors qu'en tant que personne physique, M. [E] s'est porté caution personnelle du prêt bancaire nécessaire au paiement de l'acquisition. Ce dernier fait état de sa qualité de profane en matière immobilière.
Après analyse des pièces versées aux débats et de la chronologie rappelée par la cour, le tribunal a d'abord relevé à titre liminaire que la SCI a fait preuve de négligence en ne procédant pas aux démarches nécessaires à l'obtention de son prêt et de son permis de contruire dans la période qui a suivi la signature du compromis ; qu'elle a ensuite été imprudente en renonçant aux conditions suspensives de la promesse de vente se rapportant notamment à l'obtention d'un permis de construire ; que cette décision lui a évité de risquer d'avoir à payer la clause pénale, compte tenu des délais et obligations stipulées dans le compromis de vente.
Il a ensuite constaté que :
- dans l'acte authentique de vente, la SCI été informée par le notaire des dispositions de l'article L 112-16 du code de la construction concernant les nuisances dues à des activités aéronautiques alors que le bien litigieux est situé à proximité de l'aéroport [11] et de [12], ce à quoi l'acquéreur a "déclaré prendre acte de cette situation et vouloir en faire son affaire personnelle sans aucun recours contre le vendeur" ;
- que l'information a également porté dans l'acte sur les dispositions de l'article L 112-10 du code de l'urbanisme selon lesquelles dans les zones définies par le plan d'exposition au bruit, l'extension de l'urbanisation est interdite lorsqu'elle conduit à exposer immédiatement ou à terme de nouvelles populations aux nuisances de bruit ;
- que la SCI a également déclaré avoir pris connaissance du certificat d'urbanisme du 6 juin 2016 annexé à l'acte qui mentionnait en son article 7 que le conseil municipal avait prescrit la révision du plan local d'urbanisme de sorte qu'il appartenait à la SCI de s'assurer de la faisabilité de son projet de construction ; à cet égard, l'acte de vente précisait que "le certificat d'urbanisme constitue une information sur la constructibilité du terrain et non pas une autorisation de construire et [qu'] il appartient au bénéficiaire de consulter directement et par lui-même les dispositions réglementaires".
La cour considère fondamentales ces dernières constatations faites par les premiers juges et qui figurent indiscutablement dans les pièces versées aux débats car non seulement, la SCI n'en a tiré aucune conséquence et n'a procédé à aucune consultation ou recherche minimale alors que la révision du PLU était annoncée dès le mois de juin 2016, mais elle a en plus volontairement renoncé aux clauses qui lui permettaient de ne pas acquérir. En outre, si M. [E] avait déposé une demande de permis de construire dès la signature du compromis de vente le 5 mars 2016, il lui aurait été garanti une sorte de "droit acquis" à construire pendant trois ans dans les conditions initiales du PLU classant la parcelle en zone UG, lui octroyant la certitude du maintien des dispositions de ce PLU "ancienne version" et ce, à compter du 6 juin 2016, date de délivrance du certificat d'urbanisme. Au lieu de cela, la SCI a encore attendu le 23 février 2017 pour déposer une nouvelle demande de permis de construire et a ainsi perdu cette ultime chance par négligence.
Particulièrement informée par le notaire qui n'avait pas à accomplir ces démarches pour elle et qui n'encourt aucun reproche dans la réalisation de son office, l'appelante ne prouve pas non plus que le vendeur connaissait l'élaboration du futur arrêté interpréfectoral portant PEB, qui, étant postérieur à la vente, ne peut donc être caché au sens de l'article 1641 du code civil. De la même façon, aucune preuve de ce que l'agence immobilière qui avait prévu des garanties dans le compromis au profit de l'acheteur qui aurait permis de mettre à néant le contrat par le jeu des conditions suspensives, connaissait le changement de PLU la veille de la signature de l'acte authentique, n'est administrée ; ni la responsabilité contractuelle ni la responsabilité délictuelle de l'agence Alain ne peut être recherchée car au moment de la conclusion du compromis et même de l'acte authentique, le terrain était indiscutablement constructible.
L'agence n'est pas redevable non plus de conseils sur l'opportunité de l'opération comme soutenu par la SCI.
M. [C] avait pourtant attiré l'attention de l'acquéreur sur les dispositions particulières des terrains jouxtant une zone de bruit de même que le notaire, respectant par là même ses obligations tirées de l'article 1112-1 du code civil.
Le consentement de M. [E] n'a nullement été trompé, ce dernier ayant conjugué une inertie personnelle persistante et une volonté de parvenir coûte que coûte à la signature de l'acte authentique, quitte à prendre des risques et "à faire son affaire personnelle" de toutes ces considérations. Aucune erreur provoquée par une carence d'information de la part de ses différents interlocuteurs ne peut être sérieusement soutenue par l'appelante.
Ces considérations disqualifient aussi l'action en réticence dolosive comme celle de la violation de l'obligation de l'information qui aurait été commise par le vendeur, par le notaire et par l'agence.
Au surplus, un doute subsiste même sur le fait que la chose soit entièrement inapte à sa destination car cette interdiction de construction, aux dires même des dernières conclusions de la SCI, n'est pas définitive. C'est la raison pour laquelle la cour approuve également les premiers juges d'avoir rejeté l'action invoquant les vices du consentement pour erreur substantielle car il n'est pas prouvé que la SCI ne pourra pas édifier un bâtiment à destination d'habitation. La cour constate que l'interdiction de construire un pavillon d'habitation n'est d'ores et déjà pas absolue, les logements de fonction en lien avec les activités nécessaires aux activités industrielles ou commerciales admises dans la zone ou des constructions directement liées ou nécessaires aux activités agricoles restant autorisés. Ces considérations s'opposent donc à la reconnaissance d'une action pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, née d'une réticence à fournir une quelconque information de la part de ses interlocuteurs ou d'un vice du consentement quelconque.
Elles permettent même de mettre en doute l'existence d'un réel préjudice.
C'est donc par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont écarté l'ensemble des actions intentées par la SCI et conclu que les déboires subis par la SCI résultent tout à la fois de son manque de diligence à faire les démarches nécessaires en temps utiles, de son imprudence qui lui a fait renoncer aux conditions suspensives du contrat de vente et de son inertie qui l'a conduit à ignorer les possibilités offertes par le certificat d'urbanisme en matière d'obtention du permis de construire dans des conditions inhérentes à l'ancien plan local d'urbanisme.
Ce comportement est d'autant plus inconséquent que le Kbis de la SCI indique comme "activités principales" la location de terrain et de tous biens immobiliers ce qui en fait un professionnel de l'immobilier.
Du fait que la vente concernait un terrain constructible sans aucune ambiguïté au moment de la conclusion du contrat, la cour ne prononcera pas non plus la caducité de la vente fondée sur l'article 1186 du code civil qui énonce qu'un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît. Aucun élément essentiel n'a disparu avec certitude, en tout cas au moment de la conclusion du contrat et si tel était le cas dans l'avenir, ce qui n'est pas prouvé, cela serait le résultat à la fois du comportement de l'acheteur et d'avatars administratifs dont les autres participants à l'acte ne sont pas responsables pour avoir respecté les obligations qui pesaient sur eux et ne les avoir pas connus à l'avance.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement critiqué relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
Succombant, la SCI [Adresse 4] sera condamnée à verser à M. [C] , de la société Agence Alain, à Me [Y] et la SCP [V] [R], [G], [X], [N], [K] ensemble, la somme de 3000 euros, au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais à hauteur d'appel et supportera les dépens de l'instance d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,
Rejette les demandes de rabat de clôture et de sursis à statuer de la SCI [Adresse 4],
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la SCI [Adresse 4] à payer à chacun de M. [C] , de la société Agence Alain, à Me [Y] et la SCP [V] [R], [G], [X], [N], [K] ensemble, la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles,
Condamne la SCI [Adresse 4] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.