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Décisions

CA Colmar, ch. 3 a, 21 octobre 2024, n° 24/00954

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 24/00954

21 octobre 2024

MINUTE N° 24/486

Copie exécutoire à :

- Me Raphaël REINS

- Me Florence

APPRILL-THOMPSON

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 21 Octobre 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 24/00954 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IIDZ

Décision déférée à la cour : ordonnance (référé) rendue le 06 février 2024 par le juge des contentieux de la protection de Schiltigheim

APPELANTE :

Madame [I] [O]

[Adresse 2]

[Localité 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/1269 du 26/03/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Représentée par Me Raphaël REINS, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉE :

S.C.I. FONDS DE LOGEMENT INTERMÉDIAIRE, prise en la personne de son réprésentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Florence APPRILL-THOMPSON, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 septembre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

M. LAETHIER, vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. BIERMANN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme FABREGUETTES, présidente et M.BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat du 2 avril 2020, la Sci le Fonds de Logement Intermédiaire a consenti à Mme [I] [O] un bail portant sur un logement à usage d'habitation situé [Adresse 2] à [Localité 3] moyennant le paiement d'un loyer mensuel fixé à la somme de 451,81 euros, outre 119,71 euros de provision sur charges.

Le même jour, les parties ont conclu un contrat de location portant sur un emplacement de stationnement à la même adresse moyennant un loyer mensuel fixé à 30,46 euros, outre 0,69 euros de provision sur charges.

Le 27 février 2023, la société bailleresse a fait délivrer à Mme [O] un commandement de payer visant les clauses résolutoires portant sur la somme totale de 1 767,88 euros (1 544,39 euros au titre des loyers impayés du logement, 97,90 euros au titre des loyers impayés de l'emplacement de stationnement et 125,59 euros au titre du coût de l'acte).

Par acte d'huissier délivré le 31 juillet 2023, la Sci le Fonds de Logement Intermédiaire a fait assigner en référé Mme [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Schiltigheim, aux fins de voir :

- constater la résiliation de plein droit des baux conclus entre les parties par l'effet du commandement de payer resté infructueux délivré le 27 février 2023,

- ordonner l'expulsion de Mme [O],

- la condamner au paiement d'une somme de 1 342 euros au titre des loyers impayés arrêtés à la date du 27 avril 2023, date de résiliation du bail, avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner Mme [O] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 700 euros à compter du 1er mai 2023, ce montant pouvant être révisé le 1er janvier de chaque année en fonction des variations de l'indice de référence des loyers,

- la condamner au paiement d'une somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance comprenant le coût du commandement.

À l'audience du 19 décembre 2023, le bailleur a indiqué qu'un dossier de surendettement avait été déposé par Mme [O] et qu'il renonçait à sa demande au titre des loyers impayés.

Mme [O] a comparu en personne à la première audience du 7 novembre 2023 mais n'était pas présente, ni représentée à l'audience de renvoi du 19 décembre 2023.

Par ordonnance contradictoire du 6 février 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de [Localité 3] a :

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant aux baux conclus le 2 avril 2020 sont réunies à la date du 27 avril 2023,

- ordonné en conséquence à Mme [I] [O] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance,

- dit qu'à défaut pour Mme [O] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clefs dans ce délai, la Sci Le Fonds de Logement Intermédiaire, représentée par la société d'économie mixte CDC habitat social, pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous

occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

- condamné Mme [O] à verser à la Sci Le Fonds de Logement Intermédiaire, représentée par la société d'économie mixte CDC habitat social, une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui des loyers et charges, tel qu'il aurait été dû si le contrat s'était poursuivi, à compter du 28 avril 2023, et ce jusqu'à la date de libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clefs,

- dit que le montant de cette indemnité mensuelle d'occupation sera révisée au 1er janvier de chaque année en fonction des variations de l'indice de référence des loyers,

- débouté la Sci Le Fonds de Logement Intermédiaire, représentée par la société d'économie mixte CDC habitat social, du surplus de ses demandes,

- condamné Mme [I] [O] à verser à la Sci Le Fonds de Logement Intermédiaire, représentée par la société d'économie mixte CDC habitat social, une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [I] [O] aux dépens qui comprendront notamment les frais du commandement de payer.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que le commandement de payer était demeuré infructueux pendant plus de deux mois, de sorte que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies.

Il a également relevé que la recevabilité du dossier de surendettement de Mme [O] avait été prononcée postérieurement à l'acquisition de la clause résolutoire et que les dispositions de la loi ELAN étaient inapplicables dans la mesure où le paiement du loyer courant n'avait pas repris.

Mme [O] a interjeté appel à l'encontre de cette décision par une première déclaration transmise par voie électronique le 23 février 2024 à 14 h 43 (RG n° 24/954) et par une seconde déclaration transmise le même jour à 18 h 37 (RG n° 24/955).

L'affaire été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 2 mai 2024, Mme [O] demande à la cour de :

- ordonner la jonction des procédures RG 3A 24/00954 et 24/00955,

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- faire droit à l'ensemble des demandes de Mme [O],

- déclarer les demandes de l'intimée irrecevables en tous cas mal fondées, y compris s'agissant d'un éventuel appel incident, les rejeter,

- infirmer la décision entreprise sauf en ce qu'elle a :

' constaté que la société civile immobilière le Fonds de Logement Intermédiaire,représentée par la société d'économie mixte CDC Habitat, renonce à ses demandes relatives aux arriérés de loyers,

' débouté la société civile immobilière le Fonds de Logement Intermédiaire, représentée par la société d'économie mixte CDC Habitat, du surplus de ses demandes.

Statuant à nouveau,

- débouter l'intimée de toutes ses demandes,

Subsidiairement, si la cour venait à confirmer l'ordonnance entreprise,

- accorder à Mme [O] un délai de 3 ans pour quitter l'appartement litigieux,

En tout état de cause,

- confirmer la décision entreprise pour le surplus,

- dire que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens de 1ère instance et d'appel.

L'appelante fait valoir qu'elle a rencontré des problèmes familiaux et de santé majeurs à compter du début de l'année 2023, de sorte qu'elle a été dans l'impossibilité d'honorer l'intégralité des loyers pendant plusieurs semaines. Elle précise qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles, indépendantes de sa volonté, qu'elle a repris le règlement des loyers et charges depuis que la résiliation a été prononcée et qu'elle souhaite demeurer dans son logement social.

Subsidiairement, l'appelante soutient qu'elle rencontrerait de grandes difficultés pour se reloger du fait de ses problèmes de santé et de sa situation financière, ce qui justifie l'octroi d'un délai de trois ans pour quitter l'appartement en application des dispositions des articles L 412-3 et 4 du code des procédures civiles d'exécution.

La Sci Le Fonds de Logement Intermédiaire n'a pas conclu.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens de l'appelante, la cour se réfère aux conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 9 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la jonction :

Eu égard à leur connexité les affaires enrôlées sous les numéros 24/954 et 24/955 seront jointes dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et poursuivies sous le numéro 24/954.

Sur la résiliation des contrats de bail :

En vertu de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 le bail qui contient une clause résolutoire est résilié de plein droit en cas d'impayé locatif deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux. La régularisation des infractions doit être accomplie dans le délai du commandement.

En l'espèce, il résulte des constatations du premier juge, qui ne sont pas contestées par l'appelante, que le bailleur a fait délivrer à Mme [O] le 27 février 2023 un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail pour la somme en principal de 1 642,29 euros au titre des impayés de loyer.

Il n'est pas davantage contesté par l'appelante que ce commandement est demeuré infructueux pendant plus de deux mois.

Mme [O] invoque la régularisation de sa situation, indiquant qu'elle honore le règlement de ses loyers et charges et qu'elle n'a plus d'arriéré locatif.

Cependant, alors que la charge de la preuve du paiement des loyers et charges incombe au locataire, Mme [O] ne produit aucune pièce justificative démontrant l'apurement de sa dette locative et le paiement de ses loyers courant.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 27 avril 2023, constaté la résiliation des baux et condamné Mme [O] au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer et des charges.

Sur les délais :

En vertu des dispositions des articles L 412-3 et L 412-4 du code des procédures civiles d'exécution dans leur version issue de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

La durée des délais prévus à l'article L 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L 441-2-3 et L 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l'espèce, l'attestation du docteur [H] [B] du 20 mars 2024, faisant état d'un suivi médical de Mme [O] dans les suites d'une intervention, est trop imprécise pour établir la réalité des problèmes de santé allégués.

En revanche, Mme [O] justifie avoir sollicité le bénéficie du dispositif du droit au logement opposable (DALO) dans le cadre d'une demande de logement social.

Elle justifie également de sa situation professionnelle par la production d'un avenant à son contrat de travail du 19 février 2024 dont il résulte qu'elle travaille pour l'association Emmaüs à hauteur de 75,83 heures par mois.

Par ailleurs, Mme [O] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 mars 2024 faisant état d'un revenu fiscal de référence de 4 498 euros.

Au regard des démarches entreprises en vue de retrouver un logement, de son âge (66 ans) et de ses moyens financiers limités, il convient de lui accorder des délais d'évacuation de six mois.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Succombant pour l'essentiel, Mme [O] sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

ORDONNE la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 24/954 et 24/955 et dit qu'elles seront poursuivies sous le numéro 24/954,

CONFIRME l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a :

- ordonné à Mme [I] [O] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance,

- dit qu'à défaut pour Mme [O] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clefs dans ce délai, la Sci Le Fonds de Logement Intermédiaire, représentée par la société d'économie mixte CDC habitat social, pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

ACCORDE à Mme [I] [O] un délai de six mois à compter de la date du présent arrêt pour quitter les lieux,

DIT qu'à défaut de libération volontaire à l'issue de ce délai de 6 mois, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et le concours d'un serrurier à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux,

Condamne Mme [I] [O] aux dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier La Présidente