Décisions
CA Riom, ch. com., 23 octobre 2024, n° 24/00143
RIOM
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 23 Octobre 2024
N° RG 24/00143 - N° Portalis DBVU-V-B7I-GDYB
ACB
Arrêt rendu le vingt trois Octobre deux mille vingt quatre
Sur APPEL d'une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 27 décembre 2023 par le Président du tribunal judiciaire de MONTLUCON (RG n° 23/00061)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Madame Anne Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [K] [X]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Me Valérie DAFFY de la SELAS ALLIES AVOCATS, avocat au barreau de MONTLUCON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro C63113-2024-000947 du 08/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
APPELANT
ET :
La société MJ [I] représentée Par Me [Z] [I]
SELARL immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 848 467 734 00028
[Adresse 3]
[Localité 7]
agissant ès qualités de mandataire judiciaire de Mr [K] [X] demeurant [Adresse 5], désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Montluçon en date du 11 octobre 2023
Non représentée, assignée à personne morale (personne habilitée)
M. [O] [M]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentant : Me Carole GRELLET de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS
M. [K] [M]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentant : Me Carole GRELLET de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS
M. [W] [M]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Carole GRELLET de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS
M. [H] [M]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentant : Me Carole GRELLET de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS
INTIMÉS
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, à l'audience publique du 04 Septembre 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON et Madame BERGER, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 23 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige :
Le 28 mars 2000, M. [O] [M] et Mme [C] [N] [U], épouse [M] ont donné à bail à M. [T] [P] et Mme [D] [F] épouse [P] les locaux d'un fonds de commerce de boulangerie, pâtisserie, confiserie, glacier, chocolaterie et épicerie fine, faisant partie d'un immeuble dont ils étaient propriétaires, situé [Adresse 5] à [Localité 9].
Le bail était conclu pour une durée de neuf ans et trois jours à compter du 28 mars 2000 pour se terminer le 31 mars 2009 moyennant un loyer annuel initial de 6.402,86 euros hors charges, payable mensuellement. Il était dû ainsi la somme de 533,57 euros par mois, ce loyer mensuel s'appliquant pour 304,89 euros aux locaux commerciaux et pour 228,68 euros aux locaux à usage d'habitation.
A compter du 1er avril 2009, le bail a été rétroactivement renouvelé aux mêmes charges et conditions pour une durée de neuf ans jusqu'au 31 mars 2018 moyennant un loyer annuel, hors charges de 9.452,42 euros, payable mensuellement et d'avance le premier jour de chaque mois, soit 787,70 euros par mois, s'appliquant aux locaux commerciaux pour 450,11 euros et aux locaux d'habitation pour 337,59 euros.
Mme [C] [U] épouse [M] est décédée le 17 janvier 2010 laissant à sa succession son époux, M. [O] [M] et leurs trois fils M.M [K] [M], [W] [M] et [H] [M].
Le 25 avril 2018, le bail a de nouveau été renouvelé pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 2018 pour se terminer le 31 mars 2027 aux mêmes charges et conditions que le bail initial, moyennant un loyer annuel de 10.130,50 euros hors charges, soit mensuellement la somme de 844,20 euros, ce loyer s'appliquant aux locaux commerciaux pour 482,38 euros et aux locaux d'habitation pour 361,82 euros.
Par acte authentique du 6 juillet 2018, M. [K] [X] et Mme [A] [E] épouse [X] ont reçu à bail commercial de M et Mme [P] ce fonds de commerce à usage de boulangerie pâtisserie.
Par exploit du 25 mai 2023 (RG n°23/63), MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] (les consorts [M]) ont assigné M. [X] et Mme [E] devant le président du tribunal de Montluçon afin de voir :
- constater que la clause résolutoire contenue au bail en date du 28 mars 2000 renouvelé les 11 juin 2009, puis le 25 avril 2018, puis cédé le 6 juillet 2018, est acquise depuis le 8 février 2023';
- constater, en conséquence, la résiliation dudit bail à compter de cette date ;
- ordonner l'expulsion de M. [X] et Mme [E] épouse [X], et de tous occupants de leur chef, des locaux en cause, dans le mois de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros, par jour de retard ;
- condamner M. [X] et Mme [E] épouse [X] à titre provisionnel, au paiement d'une somme de 5.681,06 euros ;
- condamner M. [X] et Mme [E] épouse [X] au paiement d'une somme de 880,70 euros par mois, au titre d'indemnité d'occupation, du 8 février 2023 jusqu'à justification de la libération totale des lieux et la remise des clés ;
- condamner M. [X] et Mme [E] épouse [X] à payer la somme de 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [X] et Mme [E] épouse [X] aux entiers dépens.
M. [X] faisant l'objet d'une procédure collective, les consorts [M], ont par acte de commissaire de justice du 14 novembre 2023 (RG n°23/101) déclaré leur créance d'un montant de 10.225,39 euros au titre des loyers, charges et frais envers M. [X] à la SELARL MJ [I], mandataire judiciaire, ainsi que la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 27 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montluçon a :
- ordonné la jonction de l'affaire n° RG 23/101 à celle n° RG 23/61 ;
- fixé la créance de M.M [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de M. [K] [X] à la somme de 10.225,39 euros au 18 octobre 2023 ;
- condamné Mme [A] [E] à payer à Messieurs [O] [M], [K] [M], [W] [M], et [H] [M] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que M. [K] [X] et [A] [E] supporteront solidairement les dépens du présent référé qui comprendront, notamment, les frais des commandements de payer des 3 novembre 2022 et 8 février 2023.
Le juge des référés a constaté que M. [X] était placé en redressement judiciaire ; qu'il n'avait contesté ni le principe ni le montant de la créance relative aux loyers impayés et charges des consorts [M] s'élevant à 10.225,39 euros au 18 octobre 2023 ; qu'aux termes du bail, Mme [E] était co-preneuse et redevable du loyer au même titre que M. [X] ; qu'elle était donc tenue comme co-obligée au titre de cette dette locative ; que la créance de loyers et charges des consorts [M] doit être fixée au passif de la procédure collective, Mme [E] étant condamnée pour sa part au paiement à titre de provision.
Par déclaration du 24 janvier 2024, M. [X] a interjeté appel de ce jugement faisant porter son appel sur le montant retenu de la créance des consorts [M] et sur les frais irrépétibles.
Par conclusions déposées et notifiées le 7 février 2024 par voie électronique, M. [X] demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Montluçon le 27 décembre 2023 ;
- statuant à nouveau, en conséquence :
- de fixer la créance des consorts [M] au passif de la procédure collective ouverte à son encontre à la somme provisionnelle de 5.843,10 euros ;
- de fixer la créance des consorts [M] au passif de la procédure collective ouverte à son encontre, à la somme provisionnelle de 800 euros ainsi qu'aux dépens de première instance ;
- de juger opposable la décision à intervenir à la SELARL MJ [I], ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure collective ouverte à son encontre ;
- de statuer ce que de droit quant aux dépens d'appel.
Au titre de ses demandes, il fait valoir que le montant de la déclaration de la créance antérieure est inexact puisqu'elle n'inclut pas les règlements des loyers des mois de juin à septembre ni même la somme versée à titre d'acompte soit 750 euros au total ; que les consorts [M] sollicitaient à l'audience du 13 décembre 2023 la somme de 5.843,10 euros en prenant en compte le règlement du loyer du mois de septembre et le versement de l'acompte de 250 euros réglé le 22 septembre 2023 par M. [X] ; que les consorts [M] détenaient bien une créance à hauteur de 5.843,10 euros laquelle ne correspondait pas au montant de 10.225,39 euros fixé par le juge des référés. S'agissant de la condamnation au titre des frais irrépétibles, M. [X] fait valoir qu'il est établi en jurisprudence que les instances en cours au moment de l'ouverture d'une procédure collective tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, en ce compris les créances au titre des frais irrépétibles et les dépens (Cass.civ.3, 8 juillet 2021 n°19-18.437, F-D); qu'ainsi s'agissant d'une instance en cours lors de l'ouverture d'une procédure collective le concernant, il ne pouvait être condamné à payer aux consorts [M] une quelconque somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ou aux dépens, toute somme devant être fixée au passif de sa procédure collective.
Par conclusions déposées et notifiées le 23 juillet 2024 par voie électronique, MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] demandent à la cour de :
- déclarer M. [X] et la SELARL MJ [I] irrecevables et en tout état de cause mal fondés en leurs demandes, et les en débouter ;
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a fixé leur créance à la somme 10.225,39 euros ;
- statuant à nouveau sur le montant de la créance :
- dire que leur créance à fixer au passif s'élève à la somme de 6.723,80 euros arrêtée au 1er février 2024 ;
- condamner la SELARL MJ [I] ès-qualités à leur payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, subsidiairement fixer cette somme au passif de la procédure collective ;
- condamner la SELARL MJ [I] ès-qualités aux dépens.
Les consorts [M] font valoir que s'agissant de la fixation de la créance au passif, qu'en statuant ultra petita, le premier juge a vraisemblablement commis une erreur matérielle qui aurait pu être réparée selon la procédure prévue aux articles 462 et suivants. Ils font valoir que M. [X], en redressement judiciaire, n'a pas payé le loyer correspondant au mois de février 2024 (payable au 1er février 2024) ; que cette somme devra être ajoutée au décompte de sorte que leur créance s'élève désormais à la somme totale de 6.723,80 euros (5.843,10 euros + 880,70 euros).
Sur l'article 700 du code de procédure civile, les intimés font valoir que le juge des référés a fait application de la jurisprudence dominante selon laquelle la condamnation aux frais irrépétibles bénéficie des dispositions de l'article L. 622-17 du code de commerce lorsque la décision qui statue est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ; que l'ordonnance de référé a été rendue en l'espèce le 27 décembre 2023 et est postérieure au jugement d'ouverture du 11 octobre 2023 de sorte que l'appel sera déclaré infondé et qu'il leur sera alloué une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et correspondant à la procédure d'appel.
La SELARL MJ [I] n' a pas constitué avocat. Par acte du 15 février 2024 M. [X] lui a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions (à personne habilitée).
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 septembre 2024.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
L'article 462 du code de procédure civile dispose que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement ['] peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré.
L'appel est irrecevable s'il tend uniquement à faire rectifier une erreur matérielle (CA Paris, 15 décembre 1982: Gaz Pal.1983.1.264).
En l'espèce, si M. [X] conteste la somme retenue par le juge des référés au regard de l'erreur matérielle, il convient de relever que sa contestation porte également sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Son appel sera donc déclaré recevable.
Sur la créance de les consorts [M] :
Il ressort des pièces produites qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective le 11 octobre 2023 M. [X] était redevable des sommes suivantes :
- décompte au 16 mai 2023 : 5 861,06 euros
- acompte versé le 28 août 2023 : - 500 euros
- acompte versé le 22 septembre 2023 : - 250 euros
- loyer du mois d'octobre 2023 : 880,70 euros
- intérêts : 31,34 euros
soit une somme de 5 843, 10 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 février 2024, les consorts [M] ont précisé à la SELARL MJ [I] que le loyer du mois de février 2024 n'avait pas été honoré. Cette somme devra donc être ajoutée au décompte soit 5 843,10 euros + 880,70 euros = 6 723,80 euros.
L'ordonnance sera donc réformée et la créance des consorts [M] sera fixée à la somme de 6'723,80 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. [X] soutient qu'il est de jurisprudence constante que les instances en cours au moment de l'ouverture d'une procédure collective tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, en ce compris les créances au titre des frais irrépétibles et des dépens (Cass.civ.3, 8 juillet 2021, n° 19-18,437, F-D). Il en conclut que s'agissant d'une instance en cours lors de l'ouverture de la procédure collective le concernant il ne pouvait être condamné à payer aux consorts [M] une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur ce,
La créance de dépens et de frais irrépétibles suit le régime de l'article L.622- 17 du code de commerce (Com., 2 décembre 2014, n° 13-20311, NP). Ainsi, pour relever du traitement préférentiel prévu à l'article L. 622- 17 du code du commerce, une créance de frais irrépétibles doit non seulement être postérieure au jugement d'ouverture du débiteur, mais aussi respecter les autres critères fixées par ce texte, c'est-à-dire être utile au déroulement de la procédure collective ou être due par le débiteur en contrepartie d'une prestation à lui fournie après le jugement d'ouverture.
En l'espèce, la créance issue de la condamnation au paiement des honoraires d'avocat des consorts [M] par l'ordonnance de référé du 27 décembre 2023 est bien postérieure au jugement d'ouverture du 11 octobre 2023.
En revanche, cette créance ne peut être qualifiée d'utile au déroulement de la procédure collective et elle ne naît pas d'une contrepartie d'une prestation fournie à celle-ci de sorte que cette créance ne relève pas du traitement préférentiel invoqué.
L'ordonnance déférée sera donc infirmée de ce chef.
Il sera alloué aux intimés la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et correspondante à la procédure d'appel. Cette créance sera fixée au passif de la procédure collective de M. [K] [X].
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;
Déclare M. [X] recevable en son appel ;
Infirme l'ordonnance du juge des référés du 27 décembre 2023 en ses dispositions contestées en ce qu'elle a fixé la créance des consorts [M] à la somme de 10 225,39 euros et a condamné M. [K] [X] à payer à MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
Fixe la créance de MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] au passif de la procédure collective de M. [K] [X] à la somme provisionnelle de 6 723,80 euros ;
Fixe la créance de MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] au titre des frais irrépétibles de première instance au passif de la procédure collective de M. [K] [X] à la somme provisionnelle de 800 euros ;
Fixe la créance de MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] au titre des frais irrépétibles d'appel au passif de la procédure collective de M. [K] [X] à la somme provisionnelle de 800 euros ;
Condamne la SELARL MJ [I] ès-qualités aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance.
Le greffier, La présidente,
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 23 Octobre 2024
N° RG 24/00143 - N° Portalis DBVU-V-B7I-GDYB
ACB
Arrêt rendu le vingt trois Octobre deux mille vingt quatre
Sur APPEL d'une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 27 décembre 2023 par le Président du tribunal judiciaire de MONTLUCON (RG n° 23/00061)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Madame Anne Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [K] [X]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Me Valérie DAFFY de la SELAS ALLIES AVOCATS, avocat au barreau de MONTLUCON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro C63113-2024-000947 du 08/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
APPELANT
ET :
La société MJ [I] représentée Par Me [Z] [I]
SELARL immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 848 467 734 00028
[Adresse 3]
[Localité 7]
agissant ès qualités de mandataire judiciaire de Mr [K] [X] demeurant [Adresse 5], désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Montluçon en date du 11 octobre 2023
Non représentée, assignée à personne morale (personne habilitée)
M. [O] [M]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentant : Me Carole GRELLET de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS
M. [K] [M]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentant : Me Carole GRELLET de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS
M. [W] [M]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Carole GRELLET de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS
M. [H] [M]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentant : Me Carole GRELLET de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS
INTIMÉS
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, à l'audience publique du 04 Septembre 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON et Madame BERGER, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 23 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige :
Le 28 mars 2000, M. [O] [M] et Mme [C] [N] [U], épouse [M] ont donné à bail à M. [T] [P] et Mme [D] [F] épouse [P] les locaux d'un fonds de commerce de boulangerie, pâtisserie, confiserie, glacier, chocolaterie et épicerie fine, faisant partie d'un immeuble dont ils étaient propriétaires, situé [Adresse 5] à [Localité 9].
Le bail était conclu pour une durée de neuf ans et trois jours à compter du 28 mars 2000 pour se terminer le 31 mars 2009 moyennant un loyer annuel initial de 6.402,86 euros hors charges, payable mensuellement. Il était dû ainsi la somme de 533,57 euros par mois, ce loyer mensuel s'appliquant pour 304,89 euros aux locaux commerciaux et pour 228,68 euros aux locaux à usage d'habitation.
A compter du 1er avril 2009, le bail a été rétroactivement renouvelé aux mêmes charges et conditions pour une durée de neuf ans jusqu'au 31 mars 2018 moyennant un loyer annuel, hors charges de 9.452,42 euros, payable mensuellement et d'avance le premier jour de chaque mois, soit 787,70 euros par mois, s'appliquant aux locaux commerciaux pour 450,11 euros et aux locaux d'habitation pour 337,59 euros.
Mme [C] [U] épouse [M] est décédée le 17 janvier 2010 laissant à sa succession son époux, M. [O] [M] et leurs trois fils M.M [K] [M], [W] [M] et [H] [M].
Le 25 avril 2018, le bail a de nouveau été renouvelé pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 2018 pour se terminer le 31 mars 2027 aux mêmes charges et conditions que le bail initial, moyennant un loyer annuel de 10.130,50 euros hors charges, soit mensuellement la somme de 844,20 euros, ce loyer s'appliquant aux locaux commerciaux pour 482,38 euros et aux locaux d'habitation pour 361,82 euros.
Par acte authentique du 6 juillet 2018, M. [K] [X] et Mme [A] [E] épouse [X] ont reçu à bail commercial de M et Mme [P] ce fonds de commerce à usage de boulangerie pâtisserie.
Par exploit du 25 mai 2023 (RG n°23/63), MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] (les consorts [M]) ont assigné M. [X] et Mme [E] devant le président du tribunal de Montluçon afin de voir :
- constater que la clause résolutoire contenue au bail en date du 28 mars 2000 renouvelé les 11 juin 2009, puis le 25 avril 2018, puis cédé le 6 juillet 2018, est acquise depuis le 8 février 2023';
- constater, en conséquence, la résiliation dudit bail à compter de cette date ;
- ordonner l'expulsion de M. [X] et Mme [E] épouse [X], et de tous occupants de leur chef, des locaux en cause, dans le mois de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros, par jour de retard ;
- condamner M. [X] et Mme [E] épouse [X] à titre provisionnel, au paiement d'une somme de 5.681,06 euros ;
- condamner M. [X] et Mme [E] épouse [X] au paiement d'une somme de 880,70 euros par mois, au titre d'indemnité d'occupation, du 8 février 2023 jusqu'à justification de la libération totale des lieux et la remise des clés ;
- condamner M. [X] et Mme [E] épouse [X] à payer la somme de 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [X] et Mme [E] épouse [X] aux entiers dépens.
M. [X] faisant l'objet d'une procédure collective, les consorts [M], ont par acte de commissaire de justice du 14 novembre 2023 (RG n°23/101) déclaré leur créance d'un montant de 10.225,39 euros au titre des loyers, charges et frais envers M. [X] à la SELARL MJ [I], mandataire judiciaire, ainsi que la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 27 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montluçon a :
- ordonné la jonction de l'affaire n° RG 23/101 à celle n° RG 23/61 ;
- fixé la créance de M.M [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de M. [K] [X] à la somme de 10.225,39 euros au 18 octobre 2023 ;
- condamné Mme [A] [E] à payer à Messieurs [O] [M], [K] [M], [W] [M], et [H] [M] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que M. [K] [X] et [A] [E] supporteront solidairement les dépens du présent référé qui comprendront, notamment, les frais des commandements de payer des 3 novembre 2022 et 8 février 2023.
Le juge des référés a constaté que M. [X] était placé en redressement judiciaire ; qu'il n'avait contesté ni le principe ni le montant de la créance relative aux loyers impayés et charges des consorts [M] s'élevant à 10.225,39 euros au 18 octobre 2023 ; qu'aux termes du bail, Mme [E] était co-preneuse et redevable du loyer au même titre que M. [X] ; qu'elle était donc tenue comme co-obligée au titre de cette dette locative ; que la créance de loyers et charges des consorts [M] doit être fixée au passif de la procédure collective, Mme [E] étant condamnée pour sa part au paiement à titre de provision.
Par déclaration du 24 janvier 2024, M. [X] a interjeté appel de ce jugement faisant porter son appel sur le montant retenu de la créance des consorts [M] et sur les frais irrépétibles.
Par conclusions déposées et notifiées le 7 février 2024 par voie électronique, M. [X] demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Montluçon le 27 décembre 2023 ;
- statuant à nouveau, en conséquence :
- de fixer la créance des consorts [M] au passif de la procédure collective ouverte à son encontre à la somme provisionnelle de 5.843,10 euros ;
- de fixer la créance des consorts [M] au passif de la procédure collective ouverte à son encontre, à la somme provisionnelle de 800 euros ainsi qu'aux dépens de première instance ;
- de juger opposable la décision à intervenir à la SELARL MJ [I], ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure collective ouverte à son encontre ;
- de statuer ce que de droit quant aux dépens d'appel.
Au titre de ses demandes, il fait valoir que le montant de la déclaration de la créance antérieure est inexact puisqu'elle n'inclut pas les règlements des loyers des mois de juin à septembre ni même la somme versée à titre d'acompte soit 750 euros au total ; que les consorts [M] sollicitaient à l'audience du 13 décembre 2023 la somme de 5.843,10 euros en prenant en compte le règlement du loyer du mois de septembre et le versement de l'acompte de 250 euros réglé le 22 septembre 2023 par M. [X] ; que les consorts [M] détenaient bien une créance à hauteur de 5.843,10 euros laquelle ne correspondait pas au montant de 10.225,39 euros fixé par le juge des référés. S'agissant de la condamnation au titre des frais irrépétibles, M. [X] fait valoir qu'il est établi en jurisprudence que les instances en cours au moment de l'ouverture d'une procédure collective tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, en ce compris les créances au titre des frais irrépétibles et les dépens (Cass.civ.3, 8 juillet 2021 n°19-18.437, F-D); qu'ainsi s'agissant d'une instance en cours lors de l'ouverture d'une procédure collective le concernant, il ne pouvait être condamné à payer aux consorts [M] une quelconque somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ou aux dépens, toute somme devant être fixée au passif de sa procédure collective.
Par conclusions déposées et notifiées le 23 juillet 2024 par voie électronique, MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] demandent à la cour de :
- déclarer M. [X] et la SELARL MJ [I] irrecevables et en tout état de cause mal fondés en leurs demandes, et les en débouter ;
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a fixé leur créance à la somme 10.225,39 euros ;
- statuant à nouveau sur le montant de la créance :
- dire que leur créance à fixer au passif s'élève à la somme de 6.723,80 euros arrêtée au 1er février 2024 ;
- condamner la SELARL MJ [I] ès-qualités à leur payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, subsidiairement fixer cette somme au passif de la procédure collective ;
- condamner la SELARL MJ [I] ès-qualités aux dépens.
Les consorts [M] font valoir que s'agissant de la fixation de la créance au passif, qu'en statuant ultra petita, le premier juge a vraisemblablement commis une erreur matérielle qui aurait pu être réparée selon la procédure prévue aux articles 462 et suivants. Ils font valoir que M. [X], en redressement judiciaire, n'a pas payé le loyer correspondant au mois de février 2024 (payable au 1er février 2024) ; que cette somme devra être ajoutée au décompte de sorte que leur créance s'élève désormais à la somme totale de 6.723,80 euros (5.843,10 euros + 880,70 euros).
Sur l'article 700 du code de procédure civile, les intimés font valoir que le juge des référés a fait application de la jurisprudence dominante selon laquelle la condamnation aux frais irrépétibles bénéficie des dispositions de l'article L. 622-17 du code de commerce lorsque la décision qui statue est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ; que l'ordonnance de référé a été rendue en l'espèce le 27 décembre 2023 et est postérieure au jugement d'ouverture du 11 octobre 2023 de sorte que l'appel sera déclaré infondé et qu'il leur sera alloué une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et correspondant à la procédure d'appel.
La SELARL MJ [I] n' a pas constitué avocat. Par acte du 15 février 2024 M. [X] lui a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions (à personne habilitée).
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 septembre 2024.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
L'article 462 du code de procédure civile dispose que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement ['] peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré.
L'appel est irrecevable s'il tend uniquement à faire rectifier une erreur matérielle (CA Paris, 15 décembre 1982: Gaz Pal.1983.1.264).
En l'espèce, si M. [X] conteste la somme retenue par le juge des référés au regard de l'erreur matérielle, il convient de relever que sa contestation porte également sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Son appel sera donc déclaré recevable.
Sur la créance de les consorts [M] :
Il ressort des pièces produites qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective le 11 octobre 2023 M. [X] était redevable des sommes suivantes :
- décompte au 16 mai 2023 : 5 861,06 euros
- acompte versé le 28 août 2023 : - 500 euros
- acompte versé le 22 septembre 2023 : - 250 euros
- loyer du mois d'octobre 2023 : 880,70 euros
- intérêts : 31,34 euros
soit une somme de 5 843, 10 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 février 2024, les consorts [M] ont précisé à la SELARL MJ [I] que le loyer du mois de février 2024 n'avait pas été honoré. Cette somme devra donc être ajoutée au décompte soit 5 843,10 euros + 880,70 euros = 6 723,80 euros.
L'ordonnance sera donc réformée et la créance des consorts [M] sera fixée à la somme de 6'723,80 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. [X] soutient qu'il est de jurisprudence constante que les instances en cours au moment de l'ouverture d'une procédure collective tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, en ce compris les créances au titre des frais irrépétibles et des dépens (Cass.civ.3, 8 juillet 2021, n° 19-18,437, F-D). Il en conclut que s'agissant d'une instance en cours lors de l'ouverture de la procédure collective le concernant il ne pouvait être condamné à payer aux consorts [M] une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur ce,
La créance de dépens et de frais irrépétibles suit le régime de l'article L.622- 17 du code de commerce (Com., 2 décembre 2014, n° 13-20311, NP). Ainsi, pour relever du traitement préférentiel prévu à l'article L. 622- 17 du code du commerce, une créance de frais irrépétibles doit non seulement être postérieure au jugement d'ouverture du débiteur, mais aussi respecter les autres critères fixées par ce texte, c'est-à-dire être utile au déroulement de la procédure collective ou être due par le débiteur en contrepartie d'une prestation à lui fournie après le jugement d'ouverture.
En l'espèce, la créance issue de la condamnation au paiement des honoraires d'avocat des consorts [M] par l'ordonnance de référé du 27 décembre 2023 est bien postérieure au jugement d'ouverture du 11 octobre 2023.
En revanche, cette créance ne peut être qualifiée d'utile au déroulement de la procédure collective et elle ne naît pas d'une contrepartie d'une prestation fournie à celle-ci de sorte que cette créance ne relève pas du traitement préférentiel invoqué.
L'ordonnance déférée sera donc infirmée de ce chef.
Il sera alloué aux intimés la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et correspondante à la procédure d'appel. Cette créance sera fixée au passif de la procédure collective de M. [K] [X].
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;
Déclare M. [X] recevable en son appel ;
Infirme l'ordonnance du juge des référés du 27 décembre 2023 en ses dispositions contestées en ce qu'elle a fixé la créance des consorts [M] à la somme de 10 225,39 euros et a condamné M. [K] [X] à payer à MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
Fixe la créance de MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] au passif de la procédure collective de M. [K] [X] à la somme provisionnelle de 6 723,80 euros ;
Fixe la créance de MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] au titre des frais irrépétibles de première instance au passif de la procédure collective de M. [K] [X] à la somme provisionnelle de 800 euros ;
Fixe la créance de MM. [O] [M], [K] [M], [W] [M] et [H] [M] au titre des frais irrépétibles d'appel au passif de la procédure collective de M. [K] [X] à la somme provisionnelle de 800 euros ;
Condamne la SELARL MJ [I] ès-qualités aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance.
Le greffier, La présidente,