CA Lyon, ch. soc. A, 23 octobre 2024, n° 21/05168
LYON
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mailhes
Conseillers :
Mme Rocci, Mme Brunner
Avocats :
Me Vandelet, Me Corroyer, Me Nicolas, Me Bocko
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Maison [D] est une entreprise artisanale de boulangerie située [Adresse 2] à [Localité 3], crée le 20 février 2015 par M. [H] [D]-[O], son frère [L] et leurs compagnes respectives.
Le 4 juillet 2018, l'assemblée générale de la société a décidé de mettre fin, par anticipation, au mandat de président de M. [H] [D]-[O] et de nommer, en qualité de président, M. [L] [D]-[O].
Le 4 janvier 2019, M. [H] [D]-[O], se prévalant d'un contrat de travail et soutenant avoir été licencié verbalement à l'issue de cette assemblée générale, a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir la société Maison [D] condamnée à lui verser :
une indemnité compensatrice de préavis,
une indemnité légale de licenciement,
une indemnité compensatrice de congés payés,
une indemnité pour travail dissimulé,
des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la condamnation de la société Maison [D] à lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés avec astreinte, et au paiement des intérêts au taux légal.
La société Maison [D] a été convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception devant le bureau de conciliation et d'orientation du 12 février 2019.
La société Maison [D] s'est opposée aux demandes du salarié et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celui-ci au versement de la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 18 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
dit recevable et bien fondée l'action de M. [H] [D]-[O] et s'est déclaré compétent pour étudier l'affaire au fond ;
dit qu'il existe une relation contractuelle entre M. [H] [D]-[O] et la SAS Maison [D] et en conséquence qu'il existe un contrat de travail à temps complet avec un salaire mensuel moyen brut de 3 201 euros au profit de M. [H] [D]-[O] ;
condamné la SAS Maison [D] à régulariser les cotisations UNEDIC pour le chômage de Monsieur [H] [D]-[O]
dit que le contrat de travail de M. [H] [D]-[O] a été conclu le 10 février 2017 ;
débouté M. [H] [D]-[O] de sa demande de rappel de salaire pour la période allant du 20 février 2015 au 10 février 2017 ;
débouté M. [H] [D]-[O] de sa demande au titre du travail dissimulé ;
dit que le licenciement de M. [H] [D]-[O] est sans cause réelle et sérieuse ;
condamné la SAS Maison [D] à régler à M. [H] [D]-[O] les sommes de :
6 402 euros au titre des indemnités compensatrices de préavis
640,20 euros au titre des congés payés afférents
1200 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
6 400 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
2 216,66 euros au titre d'indemnités de congés payés
1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamné la SAS Maison [D] à la remise de tous les documents de fin de contrat ainsi que du solde de tout compte, sans astreinte ;
débouté la SAS Maison [D] de l'ensemble de ses demandes, fins ou frais et prétentions ;
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que celle de droit ;
rappelé que les condamnations au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, du salaire et de l'indemnité conventionnelle de licenciement sont assortis de plein droit de l'exécution provisoire selon les dispositions de l'article R. 1454-28 du Code du Travail ;
fixé pour l'application de ce texte la moyenne des salaires la somme de 3 201 euros brut ;
condamné la société Maison [D] aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution forcée.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 15 juin 2021, la société Maison [D] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 19 mai 2021, aux fins :
d'infirmation en ce qu'il a dit recevable et bien fondée l'action de Monsieur [H] [D]-[O] et se déclare compétent pour étudier l'affaire au fond, dit qu'il existe une relation contractuelle entre Monsieur [H] [D]-[O] et la SAS MAISON [D] et en conséquence qu'il existe un contrat de travail à temps complet avec un salaire mensuel moyen brut de 3.201 euros au profit de Monsieur [H] [D]-[O], condamné la SAS MAISON [D] à régulariser les cotisations UNEDIC pour le chômage de Monsieur [H] [D]-[O], dit que le contrat de travail de Monsieur [H] [D]-[O] a été conclu le 10 février 2017, dit que le licenciement de Monsieur [H] [D]-[O] est sans cause réelle et sérieuse, l'a condamnée à régler à Monsieur [H] [D]-[O] les sommes de 6 402 euros au titre des indemnité compensatrices de préavis, 640,20 euros au titre des congés payés afférents, 1 200 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 6 400 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 2166,66 euros au titre d'indemnités de congés payés, 1 500euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, l'a condamnée à la remise de tous les documents de fin de contrat ainsi que du solde de tout compte, sans astreinte, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins ou frais et prétentions ;
de confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [H] [D]-[O] de sa demande de rappel de salaires pour la période allant du 20 février 2015 au 10 février 2017 et de sa demande au titre du travail dissimulé.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 29 juillet 2021, la société Maison [D] demande à la cour de :
infirmer le jugement en ce en ce qu'il a dit recevable et bien fondée l'action de M. [H] [D]-[O] et s'est déclaré compétent pour étudier l'affaire au fond, dit qu'il existe une relation contractuelle entre M. [H] [D]-[O] et la SAS Maison [D] et en conséquence qu'il existe un contrat de travail à temps complet avec un salaire mensuel moyen brut de 3.201 euros au profit de M. [H] [D]-[O], condamné la SAS Maison [D] à régulariser les cotisations UNEDIC pour le chômage de M. [H] [D]-[O], dit que le contrat de travail de M. [H] [D]-[O] a été conclu le 10 février 2017, dit que le licenciement de M. [H] [D]-[O] est sans cause réelle et sérieuse, l'a condamnée à régler à M. [H] [D]-[O] les sommes de 6 402 euros au titre des indemnité compensatrices de préavis, 640,20 euros au titre des congés payés afférents, 1 200 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 6 400 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 2166,66 euros au titre d'indemnités de congés payés, 1 500euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, l'a condamnée à la remise de tous les documents de fin de contrat ainsi que du solde de tout compte, sans astreinte, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins ou frais et prétentions ;
confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] [D]-[O] de sa demande de rappel de salaires pour la période allant du 20 février 2015 au 10 février 2017 et de sa demande au titre du travail dissimulé ;
Statuant à nouveau :
- In limine litis :
constater l'absence de tout lien de subordination et de tout contrat de travail avec M. [H] [D]-[O] ;
se déclarer incompétent au profit du Tribunal de commerce de Lyon en l'absence de contrat de travail existant entre les parties ;
rejeter toutes les demandes de M. [H] [D]-[O] ;
- Sur le fond si un contrat de travail est reconnu et que la Cour d'appel se déclare compétente :
débouter M. [H] [D]-[O] de sa demande de rappel de salaires de 74.829,72 euros ;
dire et juger que le caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi salarié n'est pas prouvé ;
débouter M. [H] [D]-[O] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé pour 19 207,20 euros ;
dire et juger qu'aucun licenciement oral n'est intervenu de sa part ;
dire et juger que M. [H] [D]-[O] a de lui-même décidé de ne plus venir à la société MAISON [D] et requalifier la rupture du 5 juillet 2018 de démission ;
débouter M. [H] [D]-[O] de toutes ses demandes au titre de :
- l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 12 804,80 euros ;
- l'indemnité de préavis de 6 402 euros ;
- l'indemnité de congés payés afférents au préavis de 791,63 euros ;
- l'indemnité légale de licenciement de 2 640,83 euros ;
- l'indemnité compensatrice de congés payés de 10 713,42 euros ;
- la remise de documents de fin de contrat ;
débouter M. [H] [D]-[O] de sa demande de communication de documents de fin de contrat de travail sous astreinte ;
condamner M. [H] [D]-[O] à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 22 octobre 2021, M. [H] [D]-[O], ayant fait appel incident en ce que le jugement a dit que le contrat de travail a été conclu le 10 février 2017, l'a débouté de sa demande de rappel de salaire pour la période allant du 20 février 2015 au 10 février 2017, de sa demande au titre du travail dissimulé, a condamné la société Maison [D] à lui régler les sommes de 640,20 euros au titre des congés payés afférents, 1200 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 6 400 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 216,66 euros au titre d'indemnités de congés payés, 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de :
condamner la SAS Maison [D] à verser :
une somme de 74 829,72 euros à titre de rappel des salaires pour la période allant du 20 février 2015 au 10 février 2017,
une somme de 19 207,20 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé pendant la période précitée, correspondant aux six mois de salaires,
une somme de 12 804,80 euros à titre d'indemnité pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
le tout avec intérêts de droit capitalisés par année entière à compter de la date de réception de la convocation du greffe du Conseil à l'employeur pour l'audience de tentative de conciliation et d'orientation ;
une somme de 791,63 euros correspondant aux congés payés afférents au préavis de licenciement,
une somme de 2.640,83 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
une somme de 10.713,42 euros à titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
condamner la SAS Maison [D] à lui remettre à le certificat de travail, le solde de tout compte ainsi que l'attestation de Pôle emploi mentionnant les montants rectifiés ;
débouter la société SAS Maison [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
condamner la SAS Maison [D] à verser une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance d'appel et une somme de 4.000 euros pour l'instance devant le Conseil de prud'hommes ;
condamner la SAS Maison [D] aux entiers dépens.
La clôture des débats a été ordonnée le 16 mai 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
SUR CE,
Sur l'existence d'une relation de travail :
La société soutient qu'en l'absence de lien de subordination, les demande de M. [H] [D]-[O] doivent être rejetées. Elle fait valoir que :
le 20 juillet 2015, les associés, réunis, en assemblée générale, sur convocation de M. [H] [D]-[O], ont adopté deux résolutions à l'unanimité des voix des associés : M. [H] [D]-[O] ne percevra aucune rémunération pour ses fonctions de Président à compter de la création de la société et jusqu'à la fin de son indemnisation Pôle Emploi, et Mme [Z] [X] ne percevra aucune rémunération pour ses fonctions de Directeur Général à compter de la création de la société et jusqu'à la fin de son indemnisation Pôle Emploi ;
à la fin de son indemnisation par Pôle Emploi, dans le cadre de l'Accre, M. [H] [D]-[O] a été rémunéré à compter du 10 février 2017, pour son mandat de président de la SAS ;
il n'a jamais été envisagé que M. [H] [D]-[O] soit salarié pour un emploi distinct de boulanger ;
si les fiches de paie mentionnent la qualification d'ouvrier boulanger, c'est à la suite d'une simple erreur de l'expert-comptable, qui n'a pourtant appliqué aucune cotisation chômage ;
les bulletins de paie ne justifient pas de l'existence d'un contrat de travail et il en va de même du certificat de travail mentionnant « mandat social » et de la déclaration préalable à l'embauche non signée ;
M. [H] [D]-[O] ne peut se prévaloir de l'absence d'assemblée générale fixant sa rémunération de mandataire alors qu'en sa qualité de président, il aurait dû convoquer cette assemblée générale ;
M. [H] [D]-[O] 'uvrait en tant que patron boulanger, ne recevait aucune instruction dans l'exercice de ses tâches et disposait d'une grande autonomie ;
M. [H] [D]-[O], titulaire de 520 parts, était associé égalitaire avec Mme [X], et il est difficile de comprendre comment il aurait pu être sous la subordination de la société ou l'un de ses représentants ;
personne n'avait de pouvoir de sanction ou de directive à son égard ;
M. [L] [D]-[O] n'était pas associé majoritaire, jusqu'au 23 janvier 2016, il était salarié d'une maison d'édition de logiciel, était très peu présent, et jusqu'à la révocation de M. [H] [D]-[O], n'avait aucun mandat social ;
M. [H] [D]-[O] prenait des décisions de gestion quant à la distribution de dividendes, quant à l'embauche de salariés, leur rémunération ou encore la rupture de contrats de travail ;
M. [H] [D]-[O] organisait son temps de travail et de repos comme il le souhaitait ;
les échanges de SMS entre les deux frères n'établissent pas l'existence d'un lien de subordination ;
il n'y a pas eu de licenciement, M. [H] [D]-[O] a été révoqué de son mandat social.
M. [H] [D]-[O] objecte que :
il n'a jamais été rémunéré pour sa fonction de président du début à la fin de son mandat social ;
depuis la création de la société, il a exercé comme ouvrier boulanger, fonctions distinctes de celles de mandataire social ;
M. [L] [D]-[O], associé majoritaire, pacsé avec Mme [Z] [X], associée et directrice générale, a envisagé le 7 mai 2018 que la société le licencie, et déjà en 2017 cette idée a été avancée par M. [L] [D]-[O], comme cela ressort d'un sms ;
ses fiches de paie mentionnent des congés payés et des heures supplémentaires ;
il était Président associé minoritaire et en sa qualité d'ouvrier boulanger, il devait rendre compte de son activité de boulanger à l'ensemble des associés de la société ;
la seule raison pour laquelle il a été nommé président était qu'il s'agissait d'une condition d'octroi de prêt par la banque, exigeant la présence d'un boulanger ;
il recevait régulièrement des ordres de M. [L] [D]-[O] et les échanges de sms l'établissent ;
à la suite de son licenciement, il a reçu un certificat de travail et un solde de tout compte ;
ses fiches de paie mentionnent un poste de boulanger et une déclaration préalable à l'embauche a été régularisée à compter du 10 février 2017 ;
M. [L] [D]-[O] a exercé les fonctions de directeur administratif et financier et est l'initiateur du licenciement ;
Mme [Z] [X], directrice générale de la société et associée majoritaire avec son compagnon, avec des pouvoirs identiques aux pouvoirs du Président comme cela ressort des statuts de la société, était en mesure d'exercer le contrôle, la direction et le pouvoir de sanction à son égard ;
il n'avait pas le contrôle de la société et se trouvait dans une situation de subordination ;
il a perçu une rémunération pour ses fonctions techniques puisque la rémunération d'un mandataire social doit être déterminée par l'assemble générale des actionnaires ;
le rapport spécial du président en vue de l'assemblée générale du 27 novembre 2018 fait mention de son contrat de travail.
En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Lorsque celui qui prétend avoir été salarié exerçait un mandat social, la production des bulletins de salaire est à elle seule insuffisante à créer l'apparence d'un contrat de travail.
Par ailleurs, les fonctions techniques exercées pendant la durée d'un mandat social relèvent d'un contrat de travail à la condition qu'elles aient été accomplies dans un état de subordination à l'égard de la société.
Selon ses statuts, établis le 20 février 2015, la société Maison [D] a pour objet « boulangerie Pâtisserie Traiteur, vente de chocolats et glaces » et son président est M. [H] [D]-[O]. Les fonctions du président consistent à représenter, diriger et administrer la société.
Lors de l'assemblée générale du 20 juillet 2015, les associés ont décidé que M. [H] [D]-[O] ne percevrait aucune rémunération pour ses fonctions de président à compter de la création de la société et jusqu'à la fin de son indemnisation par Pôle Emploi.
Il ressort de l'attestation de M. [T] [W], expert-comptable de la société, que cette dernière a commencé à rémunérer M. [H] [D]-[O], à compter du 10 février 2017, au terme de sa période d'indemnisation Pôle emploi.
S'il est constant que M. [H] [D]-[O] a exercé des fonctions techniques de boulanger concomitamment au mandat social, il lui appartient de démontrer qu'elles ont été accomplies dans un état de subordination à l'égard de la société.
M. [H] [D]-[O] verse, en pièce n°13, des échanges de sms avec son frère [L], par lequel ce dernier lui transmet des commandes de client ou lui demande son avis sur des achats « 2 euros les 125 g de framboises je prends ' 'Combien ' ». Ces échanges n'établissent aucunement que M. [L] [D]-[O] donne des ordres et des directives à son frère.
Le fait que M. [L] [D]-[O] ait déposé une plainte au nom de la société le 1er juillet 2017, en sa qualité d'associé ou encore que, muni d'un pouvoir, il ait représenté la société lors d'une audience de conciliation devant le conseil de prud'hommes le 12 juin 2018 est inopérant pour établir l'existence d'un lien de subordination.
Il n'est pas non plus établi que M. [H] [D]-[O] demandait une autorisation pour prendre ses congés. Ainsi son sms à son frère du 3 mars 2018 « Ce serait bien que je prenne une semaine de vacances. Soit [I] me remplace, soit on ferme une semaine » n'exprime pas une telle demande mais expose les solutions qu'il envisage pour partir en congé.
La société verse aux débats des échanges de sms entre les frères à propos des employés de la société, dans lesquels M. [H] [D]-[O] exprime notamment « Si elle veut une augmentation elle doit être justifiée. Si on peut plus parler avec les gens, je vais fermer ma gueule et plus parler à personne » ou encore, à propos d'un salarié en fin de période d'essai, « Faut le dégager trop con pour être chef pâtissier » et son frère répond en l'invitant à la modération sur sa façon de s'exprimer « oui mais c'est contre-productif de mal leur parler. Elles font quand même bien attention dans la moyenne je trouve ».
Il s'agit d'échange d'égal à égal, au cours desquels M. [L] [D]-[O] ne donne ni ordre ni consigne.
L'emploi du terme « salaire » par [L] [D]-[O] dans un sms à son frère du 7 mai 2018 « je te paie tout de suite 3 mois de salaire d'avance mais il ne faut plus venir » en réponse à « je partirai quand j'aurai trouvé un travail. Je ne vais pas me retrouver à la rue pour toi » est insuffisant à établir que M. [H] [D]-[O] exerçait ses fonctions techniques dans un état de subordination puisqu'au contraire, il annonce qu'il choisira la date de son départ.
Ces échanges s'inscrivent dans des discussions autour du départ de M. [H] [D]-[O] et se terminent par un message de la part de [L] [D]-[O] « j'ai contacté le comptable, [P] [U] spécialiste du juridique. Je propose un protocole d'accord global à l'amiable avec rachat des parts, départ de la société, indemnité'Seule solution pour éviter conflit majeur ».
Le mail du 17 mai 2018 est dans la continuité de ces échanges autour du départ de M. [H] [D]-[O] : M. [L] [D]-[O] fait des propositions à son frère, lui fait part de son incompréhension quant à son comportement et s'adresse à lui sur un pied d'égalité. Il n'exerce aucunement un pouvoir de sanction sur un subordonné.
L'existence d'un lien de subordination n'étant pas démontrée par M. [H] [D]-[O], la cour infirme le jugement en toutes ses dispositions et déboute M. [H] [D]-[O] de l'ensemble de ses demandes.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront infirmées, M. [H] [D]-[O] sera condamné aux dépens et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
M. [H] [D]-[O], qui succombe en appel, sera condamné aux dépens.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Maison [D], les sommes, non comprises dans les dépens, qu'elle a dû exposer au titre de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Dans la limite de la dévolution,
INFIRME le jugement ;
Statuant à nouveau
DÉBOUTE M. [H] [D]-[O] de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant
CONDAMNE M. [H] [D]-[O] aux dépens de première instance et d'appel ;
DÉBOUTE la société Maison [D] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.