Décisions
CA Rouen, 1re ch. civ., 23 octobre 2024, n° 24/01092
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 24/01092 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JTTI
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 23 OCTOBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
23/00476
Ordonnance de référé du président du tribunal judiciaie d'Evreux du 28 février 2024
APPELANTS :
Monsieur [L] [P]
né le [Date naissance 4] 1980 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Estelle HELEINE de la SELARL CABINET HELEINE, avocat au barreau de l'Eure
EARL [P]
RCS de Bernay 439 357 628
[Adresse 12]
[Localité 5]
représentée par Me Estelle HELEINE de la SELARL CABINET HELEINE, avocat au barreau de l'Eure
INTIMEE :
Madame [B] [P]
née le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 10]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Pauline COSSE de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro [Numéro identifiant 9] du 27/06/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 septembre 2024 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 11 septembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 octobre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 octobre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte du 28 décembre 2007, Mme [Y] [P] a donné à sa fille, Mme [B] [P], en pleine propriété une parcelle de terrain en nature située à [Localité 11] cadastrée section A n°[Cadastre 8] d'une surface de 74a et 53ca, issue du partage entre ses trois enfants, de la parcelle antérieurement cadastrée [Cadastre 6].
Se plaignant que cette parcelle est occupée par M. [L] [P] et l'Earl familiale sans droit ni titre depuis plusieurs années malgré une mise en demeure du 4 septembre 2023, Mme [B] [P] a, par actes du 15 novembre 2023, fait assigner M. [P] et l'Earl [P] devant le président du tribunal judiciaire d'Evreux aux fins d'expulsion.
Par ordonnance contradictoire du 28 février 2024, la présidente du tribunal judiciaire d'Evreux a :
- rejeté l'exception d'incompétence,
- ordonné à M. [P] et à l'Earl [P] et à tous occupants de leur chefs de quitter la parcelle de terre située commune de [Localité 11] cadastrée section A n°[Cadastre 8], dans le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision à l'un d'entre eux,
- et en tant que de besoin, ordonné son expulsion, passé ce délai, si besoin avec le concours de la force publique,
- assorti l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard pendant 90 jours à l'issue du délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision à l'un d'entre eux,
- condamné M. [P] et l'Earl [P] à payer à Mme [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [P] et l'Earl [P] aux entiers dépens,
- rappelé que la présence décision est exécutoire par provision.
Par déclaration reçue le 21 mars 2024, M. [P] et l'Earl [P] ont formé appel de la décision.
Un calendrier de procédure a été notifié aux parties le 8 avril 2024 conformément aux dispositions des articles 905 et suivants du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 10 septembre 2024, M. [P] et l'Earl [P] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et L. 411-1 et suivants, L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime, de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel de l'Earl [P] et de M. [P],
- infirmer en totalité l'ordonnance de référé du juge des référés d'Evreux, en date du 28 février 2024,
réformant et statuant à nouveau, y ajoutant,
- déclarer incompétent le juge des référés d'Evreux au profit du tribunal paritaire des baux ruraux de Bernay,
- constater l'existence d'une contestation sérieuse,
à titre subsidiaire,
- constater l'existence d'un bail rural au profit de l'Earl [P] sur les parcelles litigieuses,
- s'entendre Mme [P] condamnée au paiement au paiement d'une indemnité de 2 000 euros sur la base des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- s'entendre Mme [P] condamnée en tous les dépens (première instance et appel).
Concernant l'existence d'un bail rural, ils relèvent qu'il n'a pas été pris en compte qu'au moment de la donation, Mme [Y] [P] exerçait la fonction d'agricultrice au sein d'une Earl avec son mari et leur fils [L] [P] et que le bien partagé entre les trois enfants était inclus dans l'exploitation ; qu'ainsi les parcelles étaient exploitées par l'Earl en leur qualité de bien propre de Mme [Y] [P] et qu'après 2007, ils ont continué de l'être en vertu d'un bail verbal.
Ils soutiennent qu'il faut distinguer la propriété de la parcelle de son exploitation ; que si Mme [P] est propriétaire de la parcelle, le preneur des terres, à savoir l'Earl [P], bénéficie d'un bail rural qui s'est poursuivi après la donation de 2007.
Ils entendent faire valoir que l'usage agricole de la parcelle litigieuse n'est pas de son seul fait, mais relève de l'exploitation depuis de nombreuses années par l'Earl [P], ce que ne peut ignorer Mme [P]. De plus ils retiennent que la récolte d'herbe devient un bail rural soumis au statut d'ordre public du fermage lorsqu'elle se répète dans le temps, de façon continue, au profit du même bénéficiaire et que le bailleur n'entretient pas le fonds.
Ils soutiennent donc que pour se prononcer sur le caractère manifestement illicite de l'occupation, il est nécessaire de statuer préalablement sur l'existence ou non du bail rural ; que la question relève de la compétence du tribunal paritaire. Ils défendent l'exception de procédure tirée de l'incompétence du juge des référés pour connaître de ce contentieux.
Par dernières conclusions notifiées le 29 mai 2024, Mme [P] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, L. 411-1 et L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime, de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
- débouter M. [P] et l'Earl [P] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [P] et l'Earl [P] en tous les dépens.
Elle expose que l'existence d'un bail rural entre les parties doit être écartée, les défendeurs ne tentant pas d'apporter la preuve du caractère onéreux de l'exploitation sans droit ni titre de la parcelle lui appartenant.
Elle souligne qu'aucun fermage n'a jamais été réglé ou même tenté d'être réglé entre ses mains, et rappelle également qu'une plainte a été déposé en 2022 contre le demandeur pour vol d'herbes et que l'affaire a été évoquée devant le tribunal correctionnel d'Evreux à l'audience du 12 juin 2024.
Elle ajoute que selon les registres parcellaires versés aux débats, l'Earl [P] s'est permise de déclarer à la PAC la parcelle de l'intimée comme prairie permanente au titre de ses campagnes 2022 et 2023, relevant que les déclarations à la PAC ne sont pas soumises à l'information préalable du bailleur.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2024.
MOTIFS
Sur l'exception d'incompétence
En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut ordonner des mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite et allouer des provisions à valoir sur l'indemnisation d'un préjudice, lorsque le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce qu'en partie, de la compétence des juridictions de l'ordre auquel il appartient.
Pour s'opposer à la compétence du juge des référés, M. [P] et l'Earl [P] se prévalent des dispositions du code rural.
En effet, l'article L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que le tribunal paritaire des baux ruraux est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux.
L'article L. 411-1 du même code précise que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2. Cette disposition est d'ordre public.
Si la preuve d'un bail verbal peut être établie par tous moyens, elle ne peut pour autant résulter de la seule occupation des lieux par le preneur et devra être suppléée, par un faisceau d'indices, tels que des relevés de comptes, des factures, des témoignages de tiers ou encore la volonté non équivoque et commune des parties.
En l'espèce, les appelants soutiennent que l'occupation de la parcelle litigieuse résulterait, avant 2007, d'une exploitation d'un bien propre de Mme [Y] [P], puis, après la donation du 28 décembre 2007, d'un bail verbal. Toutefois, M. [P] et l'Earl [P] ne produisent aucune pièce permettant de caractériser un accord entre les parties sur les éléments essentiels du bail qui aurait pu être consenti, à savoir, la détermination du bien objet dudit contrat, la durée du bail, et le montant du loyer, pas plus que la preuve d'un paiement de quelque nature que ce soit, élément nécessaire à la caractérisation d'un bail rural.
Pour soutenir leur argumentation, les appelants produisent exclusivement :
- les attestations de M. [D] [P] et Mme [Y] [P], père et mère de l'appelant, dont les informations sommaires quant à l'exploitation de parcelles ne sont pas confortées par les témoignages de tiers,
- des relevés parcellaires des années 1994 et 2002 qui ne sont pas assortis de la production d'un bail, de justificatifs de paiement d'un fermage, d'éléments sur les conditions d'exploitation des parcelles visées,
- le registre des parcelles établi les 15 mai 2022 et le 24 mai 2023 établi pour le dossier PAC mais ne visant exclusivement qu'une superficie (1,05 ha).
Ces éléments ne sont assortis d'aucune pièce démontrant la réalité d'une exploitation continue des parcelles avec, en contrepartie, paiement d'un fermage, de correspondances ou tout écrit caractérisant une relation susceptible d'être qualifiée de lien entre bailleur et preneur.
En l'absence de démonstration de l'existence d'un bail rural, le juge des référés est compétent pour statuer dans le présent litige.
L'ordonnance entreprise sera confirmée, l'exception de procédure étant rejetée.
Sur l'expulsion de M. [P] et de l'Earl [P]
L'article 835 du code de procédure civile étant rappelé ci-dessus, il convient, à défaut d'existence d'un bail rural et dès lors d'un titre justifiant l'occupation des parcelles appartenant à Mme [B] [P], de dire M. [P] et l'Earl [P] sans droit ni titre, le trouble manifestement illicite devant cesser.
Dès lors c'est à bon droit, que le premier juge a ordonné, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, l'expulsion de M. [P] et de l'Earl [P].
L'ordonnance est confirmée de ce chef.
Sur les frais procédure
L'ordonnance entreprise sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
M. [P] et l'Earl [P], qui succombent à l'instance, devront en supporter les dépens et verront leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [P] et l'Earl [P] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] et l'Earl [P] aux dépens.
Le greffier, La présidente de chambre,
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 23 OCTOBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
23/00476
Ordonnance de référé du président du tribunal judiciaie d'Evreux du 28 février 2024
APPELANTS :
Monsieur [L] [P]
né le [Date naissance 4] 1980 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Estelle HELEINE de la SELARL CABINET HELEINE, avocat au barreau de l'Eure
EARL [P]
RCS de Bernay 439 357 628
[Adresse 12]
[Localité 5]
représentée par Me Estelle HELEINE de la SELARL CABINET HELEINE, avocat au barreau de l'Eure
INTIMEE :
Madame [B] [P]
née le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 10]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Pauline COSSE de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro [Numéro identifiant 9] du 27/06/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 septembre 2024 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 11 septembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 octobre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 octobre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte du 28 décembre 2007, Mme [Y] [P] a donné à sa fille, Mme [B] [P], en pleine propriété une parcelle de terrain en nature située à [Localité 11] cadastrée section A n°[Cadastre 8] d'une surface de 74a et 53ca, issue du partage entre ses trois enfants, de la parcelle antérieurement cadastrée [Cadastre 6].
Se plaignant que cette parcelle est occupée par M. [L] [P] et l'Earl familiale sans droit ni titre depuis plusieurs années malgré une mise en demeure du 4 septembre 2023, Mme [B] [P] a, par actes du 15 novembre 2023, fait assigner M. [P] et l'Earl [P] devant le président du tribunal judiciaire d'Evreux aux fins d'expulsion.
Par ordonnance contradictoire du 28 février 2024, la présidente du tribunal judiciaire d'Evreux a :
- rejeté l'exception d'incompétence,
- ordonné à M. [P] et à l'Earl [P] et à tous occupants de leur chefs de quitter la parcelle de terre située commune de [Localité 11] cadastrée section A n°[Cadastre 8], dans le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision à l'un d'entre eux,
- et en tant que de besoin, ordonné son expulsion, passé ce délai, si besoin avec le concours de la force publique,
- assorti l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard pendant 90 jours à l'issue du délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision à l'un d'entre eux,
- condamné M. [P] et l'Earl [P] à payer à Mme [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [P] et l'Earl [P] aux entiers dépens,
- rappelé que la présence décision est exécutoire par provision.
Par déclaration reçue le 21 mars 2024, M. [P] et l'Earl [P] ont formé appel de la décision.
Un calendrier de procédure a été notifié aux parties le 8 avril 2024 conformément aux dispositions des articles 905 et suivants du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 10 septembre 2024, M. [P] et l'Earl [P] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et L. 411-1 et suivants, L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime, de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel de l'Earl [P] et de M. [P],
- infirmer en totalité l'ordonnance de référé du juge des référés d'Evreux, en date du 28 février 2024,
réformant et statuant à nouveau, y ajoutant,
- déclarer incompétent le juge des référés d'Evreux au profit du tribunal paritaire des baux ruraux de Bernay,
- constater l'existence d'une contestation sérieuse,
à titre subsidiaire,
- constater l'existence d'un bail rural au profit de l'Earl [P] sur les parcelles litigieuses,
- s'entendre Mme [P] condamnée au paiement au paiement d'une indemnité de 2 000 euros sur la base des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- s'entendre Mme [P] condamnée en tous les dépens (première instance et appel).
Concernant l'existence d'un bail rural, ils relèvent qu'il n'a pas été pris en compte qu'au moment de la donation, Mme [Y] [P] exerçait la fonction d'agricultrice au sein d'une Earl avec son mari et leur fils [L] [P] et que le bien partagé entre les trois enfants était inclus dans l'exploitation ; qu'ainsi les parcelles étaient exploitées par l'Earl en leur qualité de bien propre de Mme [Y] [P] et qu'après 2007, ils ont continué de l'être en vertu d'un bail verbal.
Ils soutiennent qu'il faut distinguer la propriété de la parcelle de son exploitation ; que si Mme [P] est propriétaire de la parcelle, le preneur des terres, à savoir l'Earl [P], bénéficie d'un bail rural qui s'est poursuivi après la donation de 2007.
Ils entendent faire valoir que l'usage agricole de la parcelle litigieuse n'est pas de son seul fait, mais relève de l'exploitation depuis de nombreuses années par l'Earl [P], ce que ne peut ignorer Mme [P]. De plus ils retiennent que la récolte d'herbe devient un bail rural soumis au statut d'ordre public du fermage lorsqu'elle se répète dans le temps, de façon continue, au profit du même bénéficiaire et que le bailleur n'entretient pas le fonds.
Ils soutiennent donc que pour se prononcer sur le caractère manifestement illicite de l'occupation, il est nécessaire de statuer préalablement sur l'existence ou non du bail rural ; que la question relève de la compétence du tribunal paritaire. Ils défendent l'exception de procédure tirée de l'incompétence du juge des référés pour connaître de ce contentieux.
Par dernières conclusions notifiées le 29 mai 2024, Mme [P] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, L. 411-1 et L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime, de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
- débouter M. [P] et l'Earl [P] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [P] et l'Earl [P] en tous les dépens.
Elle expose que l'existence d'un bail rural entre les parties doit être écartée, les défendeurs ne tentant pas d'apporter la preuve du caractère onéreux de l'exploitation sans droit ni titre de la parcelle lui appartenant.
Elle souligne qu'aucun fermage n'a jamais été réglé ou même tenté d'être réglé entre ses mains, et rappelle également qu'une plainte a été déposé en 2022 contre le demandeur pour vol d'herbes et que l'affaire a été évoquée devant le tribunal correctionnel d'Evreux à l'audience du 12 juin 2024.
Elle ajoute que selon les registres parcellaires versés aux débats, l'Earl [P] s'est permise de déclarer à la PAC la parcelle de l'intimée comme prairie permanente au titre de ses campagnes 2022 et 2023, relevant que les déclarations à la PAC ne sont pas soumises à l'information préalable du bailleur.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2024.
MOTIFS
Sur l'exception d'incompétence
En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut ordonner des mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite et allouer des provisions à valoir sur l'indemnisation d'un préjudice, lorsque le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce qu'en partie, de la compétence des juridictions de l'ordre auquel il appartient.
Pour s'opposer à la compétence du juge des référés, M. [P] et l'Earl [P] se prévalent des dispositions du code rural.
En effet, l'article L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que le tribunal paritaire des baux ruraux est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux.
L'article L. 411-1 du même code précise que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2. Cette disposition est d'ordre public.
Si la preuve d'un bail verbal peut être établie par tous moyens, elle ne peut pour autant résulter de la seule occupation des lieux par le preneur et devra être suppléée, par un faisceau d'indices, tels que des relevés de comptes, des factures, des témoignages de tiers ou encore la volonté non équivoque et commune des parties.
En l'espèce, les appelants soutiennent que l'occupation de la parcelle litigieuse résulterait, avant 2007, d'une exploitation d'un bien propre de Mme [Y] [P], puis, après la donation du 28 décembre 2007, d'un bail verbal. Toutefois, M. [P] et l'Earl [P] ne produisent aucune pièce permettant de caractériser un accord entre les parties sur les éléments essentiels du bail qui aurait pu être consenti, à savoir, la détermination du bien objet dudit contrat, la durée du bail, et le montant du loyer, pas plus que la preuve d'un paiement de quelque nature que ce soit, élément nécessaire à la caractérisation d'un bail rural.
Pour soutenir leur argumentation, les appelants produisent exclusivement :
- les attestations de M. [D] [P] et Mme [Y] [P], père et mère de l'appelant, dont les informations sommaires quant à l'exploitation de parcelles ne sont pas confortées par les témoignages de tiers,
- des relevés parcellaires des années 1994 et 2002 qui ne sont pas assortis de la production d'un bail, de justificatifs de paiement d'un fermage, d'éléments sur les conditions d'exploitation des parcelles visées,
- le registre des parcelles établi les 15 mai 2022 et le 24 mai 2023 établi pour le dossier PAC mais ne visant exclusivement qu'une superficie (1,05 ha).
Ces éléments ne sont assortis d'aucune pièce démontrant la réalité d'une exploitation continue des parcelles avec, en contrepartie, paiement d'un fermage, de correspondances ou tout écrit caractérisant une relation susceptible d'être qualifiée de lien entre bailleur et preneur.
En l'absence de démonstration de l'existence d'un bail rural, le juge des référés est compétent pour statuer dans le présent litige.
L'ordonnance entreprise sera confirmée, l'exception de procédure étant rejetée.
Sur l'expulsion de M. [P] et de l'Earl [P]
L'article 835 du code de procédure civile étant rappelé ci-dessus, il convient, à défaut d'existence d'un bail rural et dès lors d'un titre justifiant l'occupation des parcelles appartenant à Mme [B] [P], de dire M. [P] et l'Earl [P] sans droit ni titre, le trouble manifestement illicite devant cesser.
Dès lors c'est à bon droit, que le premier juge a ordonné, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, l'expulsion de M. [P] et de l'Earl [P].
L'ordonnance est confirmée de ce chef.
Sur les frais procédure
L'ordonnance entreprise sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
M. [P] et l'Earl [P], qui succombent à l'instance, devront en supporter les dépens et verront leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [P] et l'Earl [P] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] et l'Earl [P] aux dépens.
Le greffier, La présidente de chambre,