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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 2, 23 octobre 2024, n° 23/05301

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/05301

23 octobre 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRET DU 23 OCTOBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05301 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHKFS

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Février 2023 -Juge de la mise en état de Paris - RG n° 21/13872

APPELANTE

Société TILSIT REAL ESTATE BV Société de droit néerlandais, immatriculée au registre des entreprises néerlandais sous le numéro KVK 33150937

[Adresse 8]

[Localité 2] (Pays-Bas)

Représentée par Me Tristan DUPRE DE PUGET et plaidant par Me Tanguy JAMBU-MERLIN - SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR (FTMS) ASSOCIES - avocat au barreau de PARIS, toque : P0147

INTIME

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 3] [Localité 5] représenté par son syndic, le Cabinet LOISELET PERE FILS ET F. DAIGREMONT, SA immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 542 061 015 dont le siège social est [Adresse 4] - [Localité 7]

En son agence : [Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Valérie GARCON et plaidant par Me Adrien VINEY - SCP W2G - avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS - toque : 22

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline BIANCONI-DULIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

Mme Perrine VERMONT, Conseillère

Madame Caroline BIANCONI-DULIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Perrine VERMONT, Conseillère, pour le président empêché en vertu de l'article R 312-3 du code de l'organisation judiciaire, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors de la mise à disposition.

* * * * * * * * *

FAITS ET PROCEDURE

La société de droit néerlandais Tilsit Real Estate BV est propriétaire des lots de copropriété

n°7 (cave), 13 (cave), 14 (cave), 15 (chaufferie), 34 (appartement), 50 (chambre), 51 (chambre), 57 (parking), 62 (appartement) et 64 (droit de jouissance exclusive du couloir) au sein de l'immeuble sis [Adresse 3] [Localité 5].

La société Tilsit Real Estate BV est détenue par M. [N] [I] lequel en est le gérant.

L'immeuble est soumis au régime de la copropriété ; le Cabinet Loiselet Père Fils et F. Daigremont est son syndic en exercice.

Par exploit d'huissier signifé le 8 novembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] a fait assigner la société Tilsit Real Estate BV devant le Tribunal judiciaire de Paris.

Aux termes du dispositif de l'assignation, et au visa des articles 10, 15 et 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, et de l'article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

- condamner la Société Tilsit Real Estate BV au paiement de la somme de 142.229, 06 € au titre des charges arrêtées au 4ème trimestre 2021 avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure ;

- La condamner en outre àpayer la somme de 3.500, 00 € à titre de dommages et intérêts en vertu des dispositions de l'article 1231-6alinéa 3 du Code Civil, la somme de 173,10 € au titre de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 outre une indemnité de 2.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le défendeur en tous les dépens en vertu des dispositions de lfarticle 696 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 18 mai 2022, puis le 25 novembre 2022, la société Tilsit Real Estate BV a saisi le juge de la mise en état afin de voir déclarer les demandes adverses irrecevables, et d'obtenir le débouté de toutes demandes adverses au titre de l'incident d'instance, outre demandes accessoires au titre des dépens et frais irrépétibles.

Par conclusions notifées le 19 octobre 2022, le syndicat des copropriétaires a répliqué sur l'incident et conclut à la recevabilité de ses demandes - outre demandes accessoires au -titre des dépens et frais irrépétibles.

Par ordonnance contradictoire du 2 février 2023 le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :

- Débouté la société Tilsit Real Estate BV de sa fin de non-recevoir,

- Déclaré en conséquence recevables les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] ;

- Condamné la société Tilsit Real Estate BV au paiement des entiers dépens engagés pour l'incident ;

- Condamné la société Tilsit Real Estate BV à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles ;

- Ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 11 mai 2023 à 10 heures, pour conclusions en défense de la part de la société Tilsit Real Estate BV ;

- Rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

La société Tilsit Real Estate BV a relevé appel de l'ordonnance par déclaration remise au greffe le 16 mars 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions notifiées le 14 juin 2023 par lesquelles la société Tilsit Real Estate, appelante, invite la cour à ;

- Infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 2 février

2023 (RG n°21/13872) en ce qu'elle a :

- Débouté la société Tilsit Real Estate BV de sa fin de non-recevoir et Déclaré en conséquence recevables les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5],

- Condamné la société Tilsit Real Estate BV au paiement des entiers dépens engagés pour l'incident,

- Condamné la société Tilsit Real Estate BV à payer au syndic des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 1.500,00 € au titre des frais irrépétibles,

- Ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 11 mai 2023 à 10 heures pour conclusions en défense de la part de la société Tilsit Real Estate BV

- Rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Et la reprenant et y ajoutant,

- Juger l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble,

irrecevable faute d'intérêt à agir,

En conséquence,

- Mettre fin à l'instance,

En tout état de cause,

- Débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner le syndicat des copropriétaires à verser à la société Tilisit Real Estate BV la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Par conclusions signifiées le 16 mai 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] [Localité 5], intimé, demande à la cour, au visa de l'article 32, et les articles 132 et suivants du code de procédure civile et de l'article 559 du même code,

Débouter la Société Tilsit Real Estate BV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions,

Condamner la société Tilsit Real Estate BV à payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus du droit d'ester en justice,

La condamner à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens en vertu des dispositions de l'article 696 du code

de procédure civile.

SUR CE

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur l'intérêt à agir du syndicat en paiement des charges :

L'article 122 du code de procédure civile dispose que 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l 'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen aufond, pour défaut de droit d'agir, tel le defaut de qualité, le défaut d 'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, «l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé» ;

L'intérêt à agir est usuellement défini comme une condition de recevabilité de l'action consistant dans l'avantage que procurerait au demandeur la reconnaissance par le juge du bien fondé de sa prétention.

Il doit être persomel, direct, né et actuel, et il n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action. L'intérêt qu'a une partie à exercer une action est apprécié souverainement par les juges du fond, au jour de l'introduction de la demande en justice, et sans tenir compte de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet.

Aux termes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipements communs en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots ;

L'approbation des comptes du syndic par l'assemblée générale rend certaine, liquide et exigible la créance du syndicat des copropriétaires relative à chaque quote-part de charges ; les provisions pour charges sont exigibles le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour fixé par l'assemblée générale et les sommes afférentes aux dépenses pour travaux sont exigibles selon les modalités votées en assemblée générale.

En l'espèce, il est constant que la société Tilsit Real Estate BV ne conteste pas l'exigibilité et le quantum des sommes réclamées à son encontre par le syndicat des copropriétaires mais excipe de l'irrecevabilité du syndicat des copropriétaires à agir pour défaut d'intérêt né, actuel et légitime à agir à son endroit dans la mesure où la banque du syndic, agissant ès qualités de représentant du syndicat des copropriétaires, refuse de recevoir le paiement de la société Tilsit Real Estate BV nécessaire à se libérer de sa dette, ainsi que toute proposition de réglement amiable.

La société Tilsit Real Estate BVsoutient ainsi que l'action engagée par le syndicat des copropriétaires apparaît avoir pour seul but de faire reconnaître une situation juridique non contestée, et revêt en conséquence un aspect purement déclaratoire ; de surcroît elle ajoute que quand bien même une décision la condamnerait au paiement de sa dette de charges, cette condamnation serait insusceptible d'exécution ; enfin, le syndicat des copropriétaires agit de mauvaise foi en réclamant le paiement de sommes dont il a matériellement empêché le versement amiable.

En réplique, le syndicat des copropriétaires fait principalement valoir que la société Tilsit Real Estate BV ne conteste certes pas l'exigibilité et le montant de sa dette, mais que cela n'entraîne aucunement un défaut d'intérêt à agir, tout créancier étant bien fondé à voir reconnaître le montant de sa créance par l'obtention d'un titre exécutoire ; que les pièces produites par la défenderesse démontrent en réalité une absence de volonté de procéder au paiement des arriérés de charges.

Sur ce, et comme l'a justement retenu le juge de la mise en état, l'objet de l'action exercée par le syndicat des copropriétaires est le paiement d'une somme d'argent ; il s'ensuit que l'action en recouvrement de charges de l'espèce n'a pas une visée d'ordre déclaratoire mais bien d'ordre pratique.

En outre, tout créancier dispose d'un intérêt à voir statuer judiciairement sur le bien fondé et le montant de sa créance, même si celle-ci n'est pas contestée, et obtenir ainsi un titre exécutoire.

En effet par application des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile précité l'intérêt à agir s'apprécie à la date à laquelle la procédure est intentée et non à la date à laquelle le juge statue, l'intérêt à agir ne pouvant dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet.

Dès lors, la société Tilsit Real Estate BV ne sauraient arguer des éventuelles difficultés d'exécution de la condamnation au paiement à intervenir et afférentes à l'évolution de la situation juridico-financière de la société ou à la situation personnelle de son gérant ne sauraient être prises en considération pour apprécier l'intérêt à agir du syndicat des copropriétaires, lequel s'apprécie nécessairement de manière distincte des conditions d'exécution de la décision à intervenir ;

Les demandes formées par le syndicat des copropriétaires seront ainsi déclarées recevables et la décision dont appel sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté la société Tilsit Real Estate BV de sa fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité à agir du syndicat des copropriétaires à son encontre.

Il y a lieu de rejeter toute autre demande.

Sur la demande de dommages-intérêts du syndicat :

En application des dispositions de l'article 1240 du code civil, le droit d'action ou de défense ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol et l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne suffit pas à caractériser l'abus du droit d'air en justice.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires sollicite l'allocation de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure.

Or, par application des dispositions de l'article 1240 du code civil, le droit d'action ou de défense ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol et l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne suffit pas à caractériser l'abus du droit d'air en justice.

En considération des éléments des débats, et sauf à priver la société appelante de son droit d'agir en justice, il apparait que le syndicat des copropriétaires ne justifie pas de son préjudice ; Le syndicat sera donc débouté de sa demande en dommages et intérêts formée en cause d'appel.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer l'ordonnance sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Tilsit Real Estate B, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires la somme supplémentaire de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme l'ordonnance du 2 février 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] [Localité 5] de sa demande en dommages et intérêts ;

Condamne la sociétéTilsit Real Estate BV aux dépens d'appel ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] [Localité 5] la somme supplémentaire de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE P/ LE PRESIDENT EMPECHE