Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 17 janvier 1924

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouquet

Avocats :

Me Thomas, Me Violette

LA COUR :

Attendu que c'est à bon droit que le jugement de défaut du 21 juill. 1922 et le jugement contradictoire du 7 mars 1923, rendu sur opposition au précédent, l’un et l'autre objet de l’appel, ont prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-brandon du 1er sept. 1921, dressé contre Boussault à la requête de Jacquin et Chiffe ; qu’en effet, sans qu’il soit besoin, comme l’a dit le tribunal, d’examiner les autres moyens invoqués par Boussault, il est certain que l’intervalle d’un jour franc entre le commandement et la saisie-brandon, prescrit par l’art. 626 c. pr. civ., augmenté suivant l’art., du même code, d’un jour par cinq myriamètres de distance, n’a pas été observé, puisque le commandement a été signifié à Boussault à Paris, le 29 août 1921 et la saisie-brandon pratiquée sur ses terres de Saint-Thibery (Hérault) le 1er septembre ;

Attendu sans doute qu’aucune disposition spéciale n’impose l’observation des délais de distance en matière de saisie-brandon, mais que l’art. 634 c. pr. civ. renvoie à la saisie-exécution, dont la saisie-brandon n’est d’une certaine manière, qu’un mode particulier et qu’il est admis que le délai qui doit s’écouler entre le commandement et la saisie, quand il s’agit de saisie-exécution, doit être augmenté à raison des distances, conformément à l’art. 1033 c. pr. civ. ;

Attendu que les appelants soutiennent qu’en admettant qu’une nullité quelconque ail pu exister dans la saisie du 1er sept. 1921, cette nullité a été couverte par les agissements postérieurs de Boussault, qui s’est abstenu de protestations et de réserves au moment où l’irrégularité aurait été commise et a acquiescé à l’ordonnance du 20 sept. 1921 ;

Mais attendu qu’alors même qu'il serait démontré que Boussault a accompli les actes desquels on voudrait faire résulter une renonciation de sa part à se prévaloir de la nullité de la saisie, encore faudrait-il qu’il n’existât aucun doute sur son intention de couvrir cette nullité ;

Or attendu que de suffisantes justifications ne sont pas présentées à cet égard alors qu’on ne doit pas aisément être présumé avoir renoncé à un droit ; que lorsque, par exemple, le 2 sept. 1921 Boussault signifie des offres à Jacquin et Chiffe tout tend à établir que, quoique mis en éveil par le commandement qui lui avait été notifié le 29 août à son domicile à Charenton, il ignorait encore que la saisie-brandon avait été pratiquée sur ses terres de Saint-Thibery, puisqu’il s’exprime ainsi dans son exploit en parlant des appelants : « qu’en outre le requérant vient d’apprendre qu'ils comptaient (ce qui suppose dans son esprit un événement futur) lui occasionner un préjudice plus considérable encore, en faisant pratiquer la saisie-brandon de la récolte de sa propriété » ; qu’il est à noter que le procès-verbal de saisie ne lui a été notifié que le 7 septembre ;

Attendu que les autres considérations invoquées dans le même sens par Jacquin et Chiffe ne paraissent pas mieux fondées ; qu’on ne saurait notamment, inférer la renonciation de Boussault à se prévaloir de la nullité susvisée de ce que, dans son ordonnance du 20 sept. 1921, le juge des référés a constaté que Boussault s’était opposé à la nomination d’un séquestre par le motif que la décision en vertu de laquelle avait procédé la saisie-brandon avait été frappée d’appel cette attitude de l’intimé, qui invoquait à l’encontre de la mesure sollicitée un moyen tout de circonstance, n’impliquant pas nécessairement l’abandon de son droit à invoquer les irrégularités dont pouvait être entaché le procès-verbal de saisie ; que sans doute, il n’a pas pris de réserves à ce sujet devant le juge des référés, mais que, ce n’était pas indispensable, ce dernier ne statuant qu’au provisoire, à propos d’une mesure urgente et réservant le principal, c’est-à-dire l’examen par la cour de la décision en vertu de laquelle la saisie-brandon avait été pratiquée ; qu’on ne saurait considérer davantage l’encaissement par le sieur Lambault, liquidateur judiciaire de Boussault, dans l'intérêt des créanciers de celui-ci des fonds détenus par le séquestre Dubois, comme impliquant un abandon, surtout par Boussault lui-même, du moyen de nullité proposr ; qu’il n’est donc pas justifié que la nullité admise par les premiers juges se soit trouvée couverte par l’attitude postérieure prise par l’intimé ;

Attendu en ce qui touche les dommages intérêts que, bien que Jacquin et Chiffe ne fissent qu’user d’un droit légitime en opérant la saisie-brandon, alors qu’ils étaient nantis d’un jugement exécutoire par provision, il n'est pas douteux que cette saisie avec toutes ses conséquences, notamment la nomination d'un séquestre aux récoltes saisies, avec mandat de faire procéder aux vendanges, à la vinification et à la vente du vin, ne lui ait causé un certain préjudice en le gênant dans son indépendance et son initiative ; qu'il convient, par suite, de reconnaitre son droit à une réparation ; que le tribunal a cependant évalué celle-ci à une somme trop élevée en la fixant à 1 000 fr. qu'il convient de la ramener à 300 fr. ;

Par ces motifs et ceux des premiers juges ;

Démet les appelants de leur appel ;

Confirme le jugement entrepris ;

Réduit toutefois à 300 fr. la somme de 1 000 fr. allouée par le tribunal à titre de dommages intérêts.