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Décisions

Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 22-23.522

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

SNCF voyageurs

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Rapporteur :

Mme Vendryes

Avocat général :

Mme Trassoudaine-Verger

Avocats :

SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Rennes, 8e ch. prud'h., du 9 septembre 2…

9 septembre 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 septembre 2022), la société SNCF voyageurs (la société), venant aux droits de la société SNCF mobilités, a relevé appel, le 24 octobre 2019, d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à M. [U].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel et de constater en conséquence que la cour n'était saisie d'aucune demande alors « que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, notamment, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure, même en l'absence d'empêchement technique, et peu important que la déclaration d'appel à laquelle l'annexe est jointe mentionne en outre expressément l'existence de l'annexe jointe ; qu'en l'espèce, pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel et considérer qu'elle n'était saisie d'aucune demande, la cour d'appel a énoncé qu'il résultait de l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 tel que modifié par arrêté du 25 février 2022 que « lorsqu'un fichier PDF contenant une annexe est joint à la déclaration d'appel, celle-ci doit renvoyer expressément à ce fichier », que « l'annexe jointe à la déclaration d'appel du 24 octobre 2019, qui ne contient aucun renvoi à une quelconque annexe mentionne que l'objet de l'appel est un « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués », avant de considérer que l'annexe jointe à la déclaration, non expressément visée dans la déclaration d'appel et contenant les chefs de la décision critiqués, ne saurait prévaloir sur l'acte d'appel « qui doit se suffire à lui-même » ; qu'en statuant ainsi, quand le fait que la déclaration d'appel mentionne ou non l'existence d'une annexe était indifférent, selon l'avis de la Cour de cassation du 8 juillet 2022, nonobstant l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020, tel que modifié par arrêté du 25 février 2022, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 tel que modifié par l'arrêté du 25 février 2022, ensemble l'article 6,§ 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, les articles 748-1, 748-6, 930-1, alinéas 1 et 5, du code de procédure civile et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022 :

4. Selon le deuxième de ces textes, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° la constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° l'indication de la décision attaquée ;
3° l'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.

5. Selon le troisième, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre 1er du code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication.

6. Il résulte du quatrième que les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et, celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire. Vaut signature, pour l'application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les parties, le ministère public ou les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues au premier alinéa.

7. En matière de procédure avec représentation obligatoire, selon le cinquième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.

8. Il résulte du dernier que, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.

9. Il en découle que si, en application de l'article 4 de l'arrêté précité, lorsqu'un document doit être joint à l'acte, ledit acte renvoie expressément à ce document, une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.

10. Aussi, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à la nullité de l'acte en application de l'article 114 précité.

11. Par ailleurs, cette circonstance ne saurait davantage priver la déclaration d'appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.

12. Pour retenir que la cour d'appel n'était saisie d'aucun chef de jugement critiqué, l'arrêt relève que la déclaration d'appel mentionne pour seul objet : « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » tandis que l'annexe qui lui est jointe, contenant les chefs de la décision critiqués, n'y est pas expressément visée.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

Condamne M. [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-quatre.