Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 22-20.035
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Défendeur :
Société générale (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martinel
Rapporteur :
M. Waguette
Avocat général :
Mme Trassoudaine-Verger
Avocat :
SCP Célice, Texidor, Périer
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mai 2022), par déclaration du 24 avril 2019, Mme [H] a relevé appel du jugement d'un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la Société générale, son employeur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
2. Mme [H] fait grief à l'arrêt de dire que sa déclaration d'appel du 24 avril 2019 n'emporte pas d'effet dévolutif et de dire en conséquence que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, dont l'article 6 de ce décret dispose qu'elle est applicable aux instances en cours, que la mention des chefs du jugement expressément critiqués peut figurer dans une annexe à la déclaration d'appel ; que, dès lors, en considérant qu'en l'absence de démonstration d'un empêchement technique ayant justifié le recours à ce procédé, « l'annexe à la déclaration d'appel, qui énonce les chefs de jugement critiqués, n'est pas susceptible de valoir déclaration d'appel », la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, ensemble l'article 6 de ce décret ;
2°/ que le renvoi exprès de la déclaration d'appel à son annexe n'est pas prévu à peine de nullité ; que la cour d'appel a constaté que l'appelante avait joint à sa déclaration d'appel un document annexe énonçant les chefs du jugement expressément critiqués ; qu'en considérant qu'elle n'avait pas été régulièrement saisie, faute pour la déclaration d'appel de renvoyer expressément à son annexe, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'article 2 de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, les articles 748-1, 748-6, 930-1, alinéas 1 et 5, du code de procédure civile et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022 :
3. Selon le deuxième de ces textes, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
4. Selon le troisième, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre 1er du code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication.
5. Il résulte du quatrième que les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et, celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire. Vaut signature, pour l'application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les parties, le ministère public ou les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues au premier alinéa.
6. En matière de procédure avec représentation obligatoire, selon le cinquième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.
7. Il résulte du dernier que, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.
8. Il en découle que, si en application de l'article 4 de l'arrêté précité, lorsqu'un document doit être joint à l'acte, ledit acte renvoie expressément à ce document, une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.
9. Aussi, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à nullité de l'acte en application de l'article 114 précité.
10. Par ailleurs, cette circonstance ne saurait davantage priver la déclaration d'appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.
11. Enfin, la Cour de cassation a jugé qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, et ce, même en l'absence d'empêchement technique (Avis de la Cour de cassation, 8 juillet 2022, n° 22-70.005 ; 2e Civ., 26 octobre 2023, pourvoi n° 22-16.185, publié au Bulletin).
12. Pour constater que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande par la déclaration d'appel de Mme [H], l'arrêt retient que la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués, lesquels sont uniquement précisés dans une annexe à laquelle elle ne renvoie pas expressément, et qu'aucun cas d'empêchement d'ordre technique à renseigner la déclaration n'est établi.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.
Condamne la Société générale aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-quatre.