CA Paris, Pôle 1 ch. 9, 4 avril 2023, n° 21/00280
PARIS
Ordonnance
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Association Banque Alimentaire Vetaher (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
Mme Chaintron
Avocats :
Me Mengeot, Me Nataf, Me Jannot-Drouin, Me Slupowski
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Me [F] [K] a été amenée à intervenir pour le compte de l'association Banque alimentaire Vetaher qui a été créée par son frère, M. [A] [K].
Aucune convention d'honoraires n'a été conclue entre les parties.
Par courrier reçu le 2 octobre 2020, Me [K] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une demande en fixation de ses honoraires à hauteur de la somme de 10 500 euros HT sur laquelle une somme de 3 690 euros HT avait été réglée, soit un solde restant du de 6 810 euros HT.
Par décision réputée contradictoire du 24 mars 2021, le délégué du bâtonnier a :
- fixé à la somme de 8 500 euros TTC (huit mille cinq cents euros toutes taxes comprises) le montant total des honoraires dus à Me [K] par l'association Banque alimentaire Vetaher ;
- constaté des règlements partiels intervenus laissant subsister un solde de 4 810 euros TTC (quatre mille huit cents dix euros toutes taxes comprises) en faveur de Me [K] ;
En conséquence,
- condamné l'association Banque alimentaire Vetaher à régler à Me [K] la somme de 4 810 euros TTC (quatre mille huit cents dix euros toutes taxes comprises) ;
- dit que cette somme sera majorée des intérêts légaux à compter de la notification de la décision ainsi que des frais éventuels de signification de celle-ci si elle s'avérait nécessaire;
- dit que si la somme de 4 500 euros n'a pas d'ores et déjà été déposée à la CARPA par Me [K], elle devra procéder à sa restitution immédiate auprès de sa cliente ;
- dit que si les fonds sont déjà à la CARPA, Me [K] devra déposer sans délai une requête afin de consignation entre les mains du bâtonnier séquestre ;
- prononcé l'exécution provisoire de la décision.
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception en date du 24 mars 2021 dont l'AR a été signé le 26 mars 2021 par Me [K] et qui est revenue avec la mention 'pli avisé et non réclamé' par l'association Banque alimentaire Vetaher.
Suivant exploit de commissaire de justice délivré le 6 mai 2021 à l'étude, Me [K] a fait signifier à l'association Banque alimentaire Vetaher la décision du bâtonnier.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 mai 2021, le cachet de la poste faisant foi, l'association Banque alimentaire Vetaher a formé un recours contre la décision précitée.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 7 mars 2023 par lettres recommandées avec avis de réception en date du 22 décembre 2022 dont elles ont signé les AR le 7 décembre 2022 pour Me [K] et le 12 décembre 2022 pour l'association Banque alimentaire Vetaher.
Les deux parties ont comparu à l'audience du 7 mars 2023.
L'association Banque alimentaire Vetaher a sollicité oralement l'infirmation de la décision déférée estimant n'être redevable d'aucun solde d'honoraires à l'égard de Me [K] et le remboursement d'une somme de 6 000 euros prêtée à Me [K] le 23 décembre 2019.
Me [K] a sollicité oralement la confirmation de la décision déférée et la condamnation de l'association Banque alimentaire Vetaher à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur les honoraires
A l'appui de ses prétentions, l'association Banque alimentaire Vetaher relève, à titre principal, l'absence de convention d'honoraires conclue entre les parties. Subsidiairement, elle expose que Me [K] est intervenue à titre gratuit. Très subsidiairement, elle conteste le temps prétendument passé par Me [K] à la réalisation de ses diligences.
En réplique, Me [K] soutient qu'il était convenu entre les parties que ses diligences étaient rémunérées. Elle en veut pour preuve le fait que l'association Banque alimentaire Vetaher lui ait déjà réglé des honoraires. Elle relève que les relations entre les parties ont débuté avant la loi Macron de sorte qu'une convention d'honoraires n'était pas obligatoire. Elle expose que son taux horaire est de 250 euros HT, alors qu'elle a 25 ans d'ancienneté au barreau de Paris ayant prêté serment en 1998. Elle reconnaît qu'un prêt d'un montant de 6 000 euros lui a été consenti par l'association Banque alimentaire Vetaher sur lequel elle a remboursé la somme de 1 500 euros, mais relève que la demande de la requérante relative au remboursement de ce prêt ne concerne pas le juge de l'honoraire. Elle expose enfin qu'elle intervenait également dans l'association à titre bénévole un après-midi par semaine pour trier et classer des pièces.
Le recours de l'association Banque alimentaire Vetaher qui a été effectué dans le délai d'un mois prévu par l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié par le décret n° 2007-932 du 15 mai 2007 est recevable.
En application des dispositions de l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, le premier président ou son délégataire connaît des recours formés contre les décisions du bâtonnier statuant sur les réclamations en matière d'honoraires des avocats. Cette procédure n'est applicable qu'aux différends en matière d'honoraires entre un avocat et son client.
Il en résulte que le premier président ou son délégataire ne peut ordonner la compensation des honoraires qu'il fixe avec une somme due par l'avocat à son client pour une autre cause.
Le délégataire du premier président n'est donc pas compétent pour statuer sur la demande de remboursement de l'association Banque alimentaire Vetaher de la somme de 6 000 euros au titre d'un prêt prétendument consenti à Me [K] le 23 décembre 2019 et opérer une éventuelle compensation entre les sommes dues au titre de ce prêt et les sommes dues au titre des honoraires réclamés par Me [K].
Il y a donc lieu de se déclarer incompétent pour statuer sur cette demande.
Les parties s'accordent sur l'absence de convention d'honoraires conclu entre elles.
Il résulte de l'alinéa 2 de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dans sa version applicable au litige qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Avant la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi Macron, la conclusion d'une convention d'honoraires entre un avocat et son client n'était pas obligatoire.
À titre liminaire, il y a lieu de relever que l'association ne conteste pas vraiment l'existence d'un mandat confié à Me [K], mais le caractère onéreux de ses diligences, dans la mesure où elle affirme que Me [K] intervenait pour son compte à titre gratuit.
En application de l'article 1986 du code civil, la mandat gratuit par nature, est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle, de sorte que l'absence de convention d'honoraire entre les parties n'est pas de nature à exclure l'existence d'un mandat à titre onéreux.
Contrairement à ce que soutient l'association Banque alimentaire Vetaher, la gratuité des prestations de Me [K] est contredite par le fait que cette dernière a déjà perçu des honoraires de la part de l'association puisque les parties s'accordent sur le règlement par la requérante à l'intimée d'une somme d'un montant total de 3 690 euros à ce titre. Ces règlements effectués sur une période de quatre années (730 euros en 2017, 1 100 euros en 2018, 1 000 euros en 2019 et 860 euros en 2020) démontrent la commune intention des parties de rémunérer le travail accompli par l'avocate.
Me [K] produit une facture récapitulative n° 2015/2020 du 30 septembre 2020 d'un montant de 10 500 euros TTC au titre de conseils en droit du travail et droit des successions, rédaction de contrats, d'actes et de courriers qui mentionne un taux horaire de 300 euros TTC et un temps total de travail de 35 heures se décomposant comme suit :
- ASP : 1 heure étude de dossier et rédaction de courrier,
- [L] : 2 heures conseil en droit du travail,
- [M] : 1 heure conseil en droit du travail,
- CNIL : 2 heures mise aux normes,
- commissaire aux comptes : 1 heure rédaction de courrier,
- M. [N] : 3 heures conseil et rédaction droit du travail,
- Mme [N] : 3 heures conseil et rédaction droit du travail,
- [B] : 1 heure étude dossier et rédaction de courrier,
- [G] : 2 heures rédaction de contrat,
- [E] : 6 heures contentieux prud'homal,
- [D] 1 heure rédaction de courrier,
- [U] : 2 heures conseil en droit du travail,
- ministère du travail 3 heures mise aux normes,
- [V] 3 heures rédaction d'actes,
- SLS 2 heures étude de dossier et rédaction de courriers,
- [W] 2 heures étude de dossier.
Me [K] a sollicité à l'audience l'application d'un taux horaire de 250 euros HT qui n'apparaît pas excessif au regard de son ancienneté au barreau de Paris (25 années d'exercice) et sera donc retenu.
Me [K] verse aux débats des pièces justifiant de ses diligences dans chacun des dossiers visés dans sa facture récapitulative.
Il en résulte qu'elle est notamment intervenue pour des travaux juridiques, essentiellement en droit social, et notamment :
- dans le cadre d'un contentieux prud'homal opposant l'association à l'un de ses salariés,
- auprès de la DIRECCTE,
- auprès de fournisseurs de services dans le cadre de résiliations de contrats,
- auprès de la CNIL lors de l'installation de caméras dans les locaux de l'association.
L'association ne conteste pas la réalisation des diligences de l'avocate, mais le temps passé consacré à ces diligences qu'elle estime excessif.
Au vu de l'ensemble des diligences justifiées par Me [K], il y a lieu de fixer à la somme de 8 500 euros TTC le montant des honoraires dus par l'association Banque alimentaire Vetaher à Me [K] au titre des diligences effectuées et eu égard au règlement par cette dernière de la somme de 3 690 euros TTC de la condamner à régler à Me [K] la somme de 4 810 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision du bâtonnier.
La décision déférée est donc confirmée en l'ensemble de ses dispositions.
Sur les autres demandes
L'association Banque alimentaire Vetaher, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Me [K] les frais irrépétibles qu'elle a dû engager dans la présente instance pour assurer la défense de ses intérêts. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en dernier ressort, par décision contradictoire, et par mise à disposition au greffe,
Se déclare incompétent pour statuer sur la demande de remboursement de la somme de 6 000 euros formée par l'association Banque alimentaire Vetaher à l'encontre de Me [F] [K] au titre d'un prêt ;
Confirme la décision déférée du bâtonnier de Paris en date du 24 mars 2021 ;
Condamne l'association Banque alimentaire Vetaher aux dépens ;
Rejette toute autre demande ;
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec avis de réception.