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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 24 octobre 2024, n° 24/01248

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/01248

24 octobre 2024

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 24 OCTOBRE 2024

N° RG 24/01248 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NVX7

S.A.R.L. SOCIETE DE TRAVAUX ET DEBARDAGE ANTUNES

c/

S.A. GAN ASSURANCES

SAS SOGEDEP

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 17 janvier 2024 (Pourvoi N°X 21-23.909) par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 07 septembre 2021 (RG 19/2498) par la 1ère chambre de la Cour d'Appel de PAU en suite d'un jugement du tribunal de grande instance de MONT DE MARSAN du 19 juin 2019 (RG 17/719), suivant déclaration de saisine en date du 15 mars 2024

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. SOCIETE DE TRAVAUX ET DEBARDAGE ANTUNES (STDA),

société à responsabilité limitée au capital social de 10.000,00€, dont le siège social est [Adresse 1], immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 431 602 770, prise en la personne de ses représentants légaux

Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Camille CASAGRANDE substituant Me Grégory TURCHET de la SELARL GREGORY TURCHET, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES :

S.A. GAN ASSURANCES

Société Anonyme, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° SIREN 542 063 797, ayant son siège en FRANCE, [Adresse 2] représentée par

son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Adrien REYNET de la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE

et assistée de Me Xavier DE GINESTET DE PUIVERT de la SELARL SELARL DE GINESTET DE PUIVERT, avocat au barreau de DAX

SAS SOGEDEP

Société par actions simplifiée immatriculée au RCS d'AGEN sous le n°303 457 915 dont le siège social est [Adresse 3]

Représentée par Me VINCIGUERRA substituant Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me François DELMOULY de la SELARL AD-LEX, avocat au barreau d'AGEN

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 septembre 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller

Madame Sandra BAREL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Audrey COLLIN

En présence de Madame [L] [M], élève avocat et de Monsieur [C] [Z], juriste assistant

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrat du 10 janvier 2015, la société de travaux de débardage Orlando Antunes (Stda), de [Localité 4] (Gironde), a consenti à M. [K] [N], entrepreneur de travaux forestiers à [Localité 7] (Gironde), une location-vente d'un porteur-débardeur forestier d'occasion fabriqué en 2007 par la société Sogedep, de [Localité 5] (Lot-et-Garonne), au prix total de 98 000 € hors taxes.

Il n'est pas contesté que cet engin a brûlé sur un chantier à [Localité 6] (Landes) le 30 avril 2015, ce qui a entraîné la destruction du tracteur et d'une partie du massif forestier environnant.

Par ordonnance du 17 décembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a ordonné une expertise judiciaire sur ce sinistre.

L'expert commis, M. [K] [S], a déposé son rapport en date du 4 juin 2016. Ses conclusions étaient les suivantes :

- l'origine du sinistre réside dans l'inflammation de vapeurs issues du dégazage provoqué par le remplissage, par une pompe électrique d'avitaillement, du réservoir de gazole de l'engin ;

- la cause du sinistre réside dans l'irrespect par le fabricant de l'arrêté du 8 juillet 2003 sur les atmosphères explosives, applicable en l'espèce, avec apparition de gaz inflammables dans un volume mal ventilé et mal dévié ;

- le matériel détruit a été estimé à 76 000 € hors taxes, au jour du sinistre,

- l'audition du conducteur de l'engin au moment du sinistre a paru inutile à l'expert ;

- l'hypothèse d'un départ de feu lié à l'utilisation de cigarettes est écartée, faute de graves brûlures du fumeur éventuel.

Par actes des 19 avril et 8 juin 2017, la société Groupe d'assurances nationales (Gan), assureur de M. [N], a fait assigner au fond devant le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan les sociétés Sogedep et Stda pour les voir condamner in solidum à lui rembourser diverses indemnités servies aux victimes, outre 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 2 000 € pour indemnité de procédure.

Par jugement du 19 juin 2019, le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a : - homologué le rapport de l'expert ;

- condamné solidairement les sociétés Sogedep et Antunes à payer à la demanderesse les sommes de 76 000 €, 90 877,32 €, 4 672,50 €, 6 146 €, et 1 800 € pour indemnité de procédure ;

- condamné la société Sogedep à garantir et relever indemne la société Antunes de ces condamnations ;

- rejeté la demande de dommages-intérêts et les demandes reconventionnelles d'indemnités de procédure ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné la société Sogedep aux dépens, incluant les frais de référé et d'expertise judiciaire.

La société Sogedep a interjeté appel de la décision.

Par arrêt rendu le 7 septembre 2021, la cour d'appel de Pau a :

- confirmé le jugement dans ses dispositions prises à l'encontre de la société Stda, mais, en raison de l'évolution du litige, l'a infirmé dans ses dispositions concernant la Sogedep ;

- accueilli le moyen de prescription soulevé en appel par la société Sogedep ;

- déclaré irrecevable toute action principale et toute action récursoire qui la vise ;

- mis la société Sogedep hors de cause ;

- condamné la Stda à payer 2 000 euros à la Sogedep en compensation de frais irrépétibles exposés en appel ;

- condamné la Stda aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- dit n'y avoir lieu à d'autre application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société de travaux et débardage Antunes s'est pourvue en cassation. La société Gan Assurances a formé un pourvoi incident.

Par arrêt en date du 17 janvier 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, sauf en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société de travaux et débardage Antunes à payer à la société Gan Assurances la somme de 76 000 euros et rejette la demande de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

- remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

- condamné la société Sogedep aux dépens ;

- rejeté, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, les demandes formées par la société Sogedep, la condamne à payer à la société de travaux et débardage Antunes (Stda) la somme de 3 000 euros et à la société Gan Assurances la somme de 3 000 euros.

La société de travaux et débardage Antunes a saisi la cour d'appel de renvoi le 15 mars 2024.

Dans ses dernières conclusions en date du 27 août 2024, la société de travaux et débardage Antunes (Stda) demande à la cour de :

- juger la société Sogedep irrecevable et en tout cas mal fondée en ses demandes et l'en débouter ;

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 19 juin 2019 en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Sogedep et Stda à payer à la Sa Gan les sommes de 76 000 €, 90 877,32 €, 4 672,50 €, 6 146 €, et 1 800 € pour indemnité de procédure ;

- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- homologué le rapport de l'expert ;

- condamné la société Sogedep à la garantir et la relever indemne de ces condamnations ;

- rejeté la demande de dommages-intérêts et les demandes reconventionnelles d'indemnités de procédure de la Sa Gan Assurances ;

- condamné la société Sogedep aux dépens, incluant les frais de référé et d'expertise judiciaire.

En conséquence,

- débouter la SA Sogedep de la fin de non-recevoir soulevée pour cause de prescription;

- juger qu'elle ne peut être considérée comme vendeur professionnel au sens de l'article 1641 et suivants du Code civil ;

- condamner la société Sogedep à payer à la Sa Gan la somme de 76 000 € ;

- condamner la société Sogedep à la garantir et la relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;

- débouter la Sa Gan et la Sas Sogedep de l'ensemble de ses autres demandes formulées à son encontre ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la Sas Sogedep à la relever indemne de toute condamnation découlant de la vente de l'engin en cause ;

En tout état de cause,

- condamner la partie succombante à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la partie succombante aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions du 23 août 2024, la société Sogedep demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 19 juin 2019 en ce qu'il a :

- homologué le rapport de l'expert ;

- condamné solidairement les sociétés Sogedep et Antunes à payer à la demanderesse les sommes de 76 000 €, 90 877,32 €, 4 672,50 €, 6 146 €, et 1 800 € pour indemnité de procédure ;

- condamné la société Sogedep à garantir et relever indemne la société Antunes de ces condamnations ;

- condamné la société Sogedep aux dépens, incluant les frais de référé et d'expertise judiciaire.

Statuant à nouveau,

- débouter le Gan et la Stda de toutes leurs demandes dirigées contre elle ;

- les condamner à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions du 6 septembre 2024, la société Gan Assurances demande à la cour de :

- dire et juger la société Sogedep irrecevable en tout cas mal fondée en ses demandes, et l'en débouter ;

Réformant partiellement la décision dont appel,

- condamner solidairement la société Sogedep et la société Stda à lui payer la somme de 76 000 euros ;

- confirmer la décision pour le surplus ;

- condamner la société Sogedep à lui payer les sommes de 90 877,32 euros, 4 672,50 euros, 6 146 euros et 1 800 euros pour indemnité de procédure, outre les dépens incluant les frais d'expertise ;

- condamner solidairement la société Sogedep et la société Stda au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; - condamner solidairement la société Sogedep et la société Stda aux dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 août 2024.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I-Sur la portée de la cassation

Conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.

Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

La cassation annule intégralement le chef de dispositif qu'elle atteint quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation et la cour de renvoi n'est pas liée par les motifs de l'arrêt cassé, étant tenue d'examiner tous les moyens soulevés devant elle.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 625 du même code que sur les points qu'elle atteint la décision replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

La cour de renvoi est ainsi saisie par l'acte d'appel initial, dans les limites du dispositif de l'arrêt de cassation.

L'article 638 du code de procédure civile prévoit que 'l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation'.

En l'espèce, il convient de rappeler que devant le tribunal de Mont-de-Marsan, la société Gan sollicitait la condamnation in solidum des sociétés Stda et Sogedep à lui rembourser les sommes suivantes :

- indemnité servie à M. [N], son assuré, et correspondant à la valeur du véhicule incendié : 76 000 €

- indemnité servie aux consorts [T], propriétaires forestiers voisins : 90 877,32 €

- indemnité servie à M. [V], propriétaire forestier voisin : 4672,50 €

- frais d'assistance à l'expertise par un technicien : 6146 €

Bien qu'ayant reconnu que la société Stda n'avait pas la qualité de vendeur professionnel et ne pouvait donc pas être présumée avoir connu le vice et être tenue au paiement des dommages et intérêts, il l'a néanmoins condamnée in solidum avec la société Sogedep à payer, outre le remboursement du prix, les différentes

sommes susdites.

Il a condamné la société Sogedep à relever indemne de toute condamnation la société Stda.

La cour d'appel de Pau a confirmé le jugement pour ce qui concernait les dispositions concernant la société Stda mais mis la société Sogedep hors de cause.

La Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce que, confirmant le jugement, il condamnait la société de travaux et débardage Antunes à payer à la société Gan Assurances la somme de 76 000 euros et rejette la demande de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau.

Elle a en effet considéré :

- que la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision en estimant que la société Stda était un vendeur professionnel sans avoir recherché, alors qu'elle était professionnelle de travaux forestiers, si elle se livrait de façon habituelle à la vente d'engins agricoles

- que la cour d'appel avait violé les articles 2224 et 2232 du code civil et L. 110-4 du code de commerce en déclarant prescrite l'action récursoire exercée contre la société Sogedep alors que le délai-butoir institué par le second de ces textes était applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur du texte qui l'instituait.

Il résulte donc de tout ceci que le seul point qui n'est pas remis en cause par la cassation est la condamnation de la société Stda à payer le remboursement du prix du véhicule.

Demeurent donc à trancher la qualification de vendeur professionnel de cette société, la mise à sa charge des indemnités versées à titre de dommages et intérêts aux victimes de l'incendie et les recours récursoires formés contre la société Sogedep.

II- Le recours récursoire formé contre la société Stda

La société STDA fait grief au jugement du 19 juin 2019 de l'avoir condamnée solidairement avec la société Sogedep à verser à la compagnie Gan Assurances les sommes de :

- 76.000 euros au titre de l'indemnité correspondant à la valeur de l'engin détruit

- 90.877,32 euros au titre de l'indemnité versée aux consorts [T] propriétaires d'un terrain avoisinant

- 4672,50 euros au titre de l'indemnité versée à Monsieur [V], autre propriétaire d'un terrain avoisinant

- 6146 euros au titre de l'indemnité de frais d'assistance technique

- 1800 euros au titre de l'indemnité de procédure

Elle argue que compte tenu de sa qualité de vendeur non professionnel, elle ne pouvait être condamnée qu'au paiement de la somme de 76.000 euros, correspondant à la valeur de l'engin détruit par l'incendie, ce qui a été confirmé par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 17 janvier 2024.

Dans ses dernières conclusions, la société Gan Assurances renonce à sa demande de condamnation solidaire de la société STDA avec la société Sogedep à réparer les dommages résultant de la vente, considérant que la société STDA ne pouvait être considérée comme vendeur professionnel.

La société STDA sera condamnée au paiement de la somme de 76.000 euros au titre de l'indemnité correspondant à la valeur de l'engin forestier détruit mais la décision du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan est devenue irrévocable sur ce point.

Toutefois, n'étant pas considérée comme un vendeur professionnel, elle ne peut être tenue à la réparation de l'intégralité de tous les dommages qui sont la conséquence du vice de la chose vendue.

En revanche, le jugement du 19 juin 2019, en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes de 90.877,32 euros, 4672,50 euros, 6146 euros et 1800 euros à la société Gan Assurances, doit être infirmé.

III- Le recours subrogatoire formé par la société Gan contre la société Sogedep

La société Sogedep, dans ses dernières conclusions du 23 août 2024 fait valoir que la société Gan Assurances ne peut se prévaloir du mécanisme de la subrogation, que celle-ci soit légale ou conventionnelle.

S'agissant de la subrogation légale, la Sogedep argue que l'assureur ne peut invoquer la subrogation prévue par l'article L121-12 du code des assurances que si le règlement auquel il a procédé est intervenu en vertu d'une garantie légalement souscrite.

Or, la société Gan Assurances ne verse pas aux débats sa police, ce qui ne permettrait pas de savoir si les paiements effectués l'ont été en raison de risques couverts.

S'agissant de la subrogation conventionnelle, la Sogedep estime que les conditions de l'article 1346-1 du Code civil ne sont pas remplies.

Plus précisément, la condition de concomitance entre le paiement et la subrogation ne peut être constatée.

En réponse, la société Gan Assurances fait valoir que la Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la cour d'appel de Pau en ce qu'il a reconnu que la société Gan Assurances était subrogée dans les droits de son assuré en condamnant la société STDA à lui payer la somme de 76.000 euros.

La société Gan Assurances considère qu'elle démontre que les paiements ont été effectués et que les quittances subrogatoires ont été signées.

Elle relève que l'article L121-12 du Code des assurances, relatif à la subrogation légale, n'exige pas que le paiement soit concomitant à la signature de la quittance subrogative, cette condition n'était prévue que dans le cadre de la subrogation conventionnelle.

À titre liminaire, s'agissant de l'application de la loi dans le temps, il est nécessaire de relever qu'en matière de subrogation, les paiements effectués antérieurement au 1er octobre 2016 sont soumis aux dispositions des anciens articles 1250 et suivants du Code civil, tandis que les paiements effectués à compter du 1er octobre 2016 sont soumis aux articles 1346 et suivants du Code civil.

La cour relève qu'en matière de subrogation, l'assureur ayant payé l'indemnité d'assurance dispose contre les tiers, qui, par leur fait, ont causé le dommage, d'un recours sur le fondement de la subrogation légale prévue à l'article L121-12 du Code des assurances, mais également de la subrogation conventionnelle.

S'agissant de la subrogation légale, l'assureur doit s'être acquitté de l'indemnité mais ce paiement doit être effectué en application du contrat d'assurance. Ainsi, seule une réelle indemnité d'assurance peut donner naissance à la subrogation légale. Par ailleurs, la preuve du paiement ainsi que celle de son caractère obligatoire repose sur l'assureur.

En l'espèce, la société Gan Assurances a justifié des paiements au profit de Monsieur [N], de la société STDA, de l'indivision [T], de Monsieur [H] et de Monsieur [V].

Toutefois, et comme le relève la société Sogedep, la police d'assurance n'a pas été versée aux débats, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer que la société Gan Assurances couvrait bien les risques au titre desquels les paiement ont été effectués et que ceux-ci ont été effectués en exécution d'un contrat qui la liait.

En conséquence, la société Gan ne peut se prévaloir de la subrogation légale.

S'agissant de la subrogation conventionnelle, les dispositions du Code civil prévoient qu'elle doit résulter de la volonté expresse de l'assuré et être manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement de l'assureur, sans qu'il y ait cette fois à établir que le règlement de l'indemnité a été fait en exécution d'une obligation contractuelle de garantie.

Dès lors, une simple quittance subrogatoire suffit.

En l'espèce, il est remarqué que les paiements du Gan ont eu lieu :

- le 7 juillet 2015 en faveur de la STDA pour 74.000 euros (pièce 15 Gan)

- le 10 juillet 2015 en faveur de Monsieur [K] [N] pour 20.100 euros (pièce 15 Gan)

- le 1er décembre 2015 pour l'indivision [T] pour 90.877,23 euros (pièce 16 Gan)

- le 29 décembre 2015 pour Monsieur [U] [V] pour 4.672,50 (pièce 17 Gan).

Les quittances subrogatoires ont quant à elles été signées :

- le 8 novembre 2016 pour Monsieur [K] [N] (pièce 2 dossier société Sogedep)

- le 16 novembre 2016 pour la société STDA (pièce 3)

- le 24 novembre 2015 pour l'indivision [T] (pièce 4)

- le 6 décembre 2015, Monsieur [U] [V] donnait son accord (pièce 5)

Ainsi, s'agissant de Monsieur [N] et de la société STDA, les paiements ont eu lieu avant la signature des quittances subrogatoires. Les paiements sont intervenus une année et quatre mois avant la signature de la quittance. Le paiement ayant eu un effet extinctif, la subrogation se révèle impossible.

Il convient de noter d'ailleurs qu'alors que M [N] n'a perçu que la somme de 20 100 € ainsi qu'il résulte de la quittance qu'il a signée et de l'attestation de décaissement établie par la société Gan, celle-ci se prévaut néanmoins d'une subrogation qu'il lui aurait consentie pour un montant de 76 000 €, montant sur lequel elle ne s'explique pas puisque par ailleurs, elle a versé la somme de 74 000 € à la société Stda.

S'agissant de l'indivision [T] et de Monsieur [U] [V], les quittances subrogatoires ont été signées antérieurement aux paiements, ce qui est classiquement admis. Ces paiements ont d'ailleurs eu lieu une semaine après signature pour l'indivision [T] et trois semaines pour Monsieur [U] [V].

En conséquence, la société Gan Assurances se trouve bien subrogée dans les droits de Monsieur [U] [V] et de l'indivision [T].

Dès lors, subrogée dans les droits de Monsieur [V] et de l'indivision [T], la société Gan Assurances ne pourrait solliciter que la condamnation au paiement des sommes versées à Monsieur [V] soit 4.672,50 euros et l'indivision [T] soit 90.877,23.

Mais c'est à juste titre que la société Sogedep fait valoir qu'au travers de la subrogation, le subrogé ne peut exercer que les droits dont était titulaire le subrogeant, c'est-à-dire ici M [V] et l'indivision [T].

Or si les autres subrogeants, c'est-à-dire M. [N] et la société Stda pouvaient invoquer la garantie des vices cachés à l'égard de la société Sogedep en sa qualité de vendeur originaire, tel n'est pas le cas des propriétaires forestiers victimes de l'incendie et force est de constater que la société Gan n'indique pas quel est le fondement de l'action qu'elle entend exercer grâce à son recours subrogatoire.

Par conséquent, celui-ci sera rejeté et le jugement infirmé.

Il en est de même par voie de conséquence de la demande de remboursement des frais liés à l'expertise qui ne relève pas directement du recours subrogatoire mais en est la suite nécessaire.

IV- Le recours formé par la société Stda contre la société Sogedep

Il convient de noter que la société Sogedep n'invoque plus la prescription de ce recours dont il n'est pas contesté par ailleurs qu'il repose sur la garantie des vices cachés

Cette dernière conteste en revanche l'existence d'un vice caché.

Selon l'expert en effet, le sinistre trouve :

« -son origine dans l'inflammation de vapeurs issues du dégazage généré par le remplissage du réservoir. L'étincelle étant émise par le fonctionnement du moteur électrique de la pompe de remplissage du réservoir de carburant (seul équipement identifié en fonctionnement dans ce volume)

- sa cause dans le non-respect d'une obligation de sécurité au regard du risque feu (Arrêté du 8 juillet 2003 relatif à la protection des travailleurs susceptibles d'être exposés à une atmosphère explosive) :

En maintenant un volume mal ventilé (non confiné), réceptionnant les gaz inflammables dont les conditions d'inflammabilité sont susceptibles d'être réunies

En faisant fonctionner dans ce volume un équipement électrique ne répondant pas aux obligations ATEX (Atmosphère Explosive)».

La société Sogedep fait valoir que l'arrêté du 8 juillet 2003 ne saurait être invoqué ni même le décret n° 96-1010 du 19 novembre 1996 relatif aux appareils et aux systèmes de protection destinés à être utilisés en atmosphère explosive dans la mesure où le premier de ces textes renvoie à une liste d'établissements abritant des salariés auxquels ne peut être assimilée une activité à l'air libre en forêt et où le second ne vise que les appareils susceptibles de provoquer une explosion et non un incendie.

Toutefois, c'est de manière pertinente qu'interrogé à ce sujet, l'expert a précisé :

'Compte tenu des dates à prendre en considération (date de fabrication, date de vente, date du sinistre) ce décret est en effet une référence applicable, au même titre que l'arrêté du 8 Juillet 2003 développé au § « 10 Origine et cause du sinistre » de ce même rapport.

Le fait que cet équipement, à savoir le débardeur Sogedep, engin de chargement et transport de pièces de bois, ne travaille pas en atmosphère explosif est en effet incontestable.

Toutefois, la définition apportée sur la notion d'appareil englobe aussi les dispositifs fixes ou mobiles, dont fait partie la pompe d'avitaillement en carburant (opération de transport de carburant d'une citerne extérieur vers le réservoir de la machine). Ce décret est de fait applicable à cet équipement dès lors qu'elle est située dans un environnement explosif ou explosible et que le contexte ne le place pas dans le cadre d'une exclusion prévue par ce même décret.

Ce qui en l'espèce est le cas, puisque l'opération d'avitaillement génère le rejet d'un gaz explosible par l'évent dans un volume mal ventilé. Ce volume devient de fait un

environnement ATEX (ATmospère EXplosive) que le concepteur doit prendre en considération lors des études de conception.'

La cour relève enfin que l'expert précise (page 31) que le non-respect de l'obligation de sécurité au regard du risque de feu trouve son origine dans l'étude et la conception de l'engin. Il avance deux hypothèses. Premièrement un défaut de confection qui a généré un volume ATEX en raison d'une mauvaise ventilation ou d'une absence de ventilation ; ou, deuxièmement, une pompe à gasoil non conforme, au regard des contraintes liées à cet environnement, en faisant fi du volume ATEX.

De l'ensemble de ces éléments il résulte que c'est à bon droit que le tribunal a conclu que le débardeur de la société Sogedep était affecté d'un vice de fabrication, que ce vice existait ab initio, et était forcément présent lors de l'acquisition de l'engin par la société STDA puis lors de sa mise à disposition en exécution du contrat de location-vente à Monsieur [K] [N].

Par conséquent, cette société sera tenue de relever indemne la société Stda des condamnations prononcées à son encontre.

V- Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la société Sogedep les dépens y compris les frais de référé et d'expertise.

Cette société supportera également les dépens d'appel et versera à la société Sdta une somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne sera pas fait droit en revanche aux autres demandes d'allocation sur le fondement de ce dernier texte.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de la cassation,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 19 juin 2019 en ce qu'il a condamné la société Sogedep à payer à la société Gan Assurances les sommes de 76 000 €, 90 877€, 4672,50 €, 6146 € et 1800 € pour indemnité de procédure;

Statuant à nouveau,

Déboute la société Gan Assurances de ses recours subrogatoires dirigés contre la société Sogedep

Condamne la société Sogedep à relever indemne la société Sdta des condamnations prononcées contre elle.

Confirme le jugement pour le surplus;

Y ajoutant,

Condamne la société Sogedep à payer à la société Stda la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,