CA Bordeaux, 2e ch. civ., 24 octobre 2024, n° 21/02989
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Aureseb (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boudy
Conseillers :
M. Figerou, Mme Barel
Avocats :
Me Delavoye, Me Camadro, Me Boullet, Me Laydeker, Me Lief
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Aureseb a envisagé le développement d'un projet immobilier sur un terrain situé [Adresse 1] à [Localité 6] (24) appartenant aux consorts [V] et consistant à acquérir, puis à diviser ce terrain en trois lots fonciers distincts avec création d'une voirie commune pour que les lots n° 2 et n° 3 situés en bord de rivière soient reliés à la voie publique.
Il était ainsi prévu que les lots n° 2 et n° 3 susvisés seraient immédiatement revendus sur plans (avant même la réalisation de travaux de voirie) à des acquéreurs particuliers souhaitant y faire construire une villa, que le prix de vente retiré devait servir au financement des travaux de voirie commune et au début du chantier du lot n° 1, et que ce lot devait accueillir la construction d'un bâtiment commercial destiné à être divisé, puis revendu sous forme de lots commerciaux (boulangerie, assurance, coiffure, épicerie et agence immobilière).
La SARL Aureseb a entrepris la majeure partie des démarches nécessaires à la réalisation du projet immobilier, à savoir la régularisation au cours de l'année 2009 d'une promesse de vente du terrain des consorts [V], l'obtention d'un permis d'aménager auprès de la Mairie de [Localité 6] (délivré le 23 décembre 2014) et l'obtention d'un permis de construire auprès de la Mairie de [Localité 6] (délivré le 16 juin 2014 et modifié le 31 mars 2015).
Ce projet immobilier a toutefois été abandonné par la SARL Aureseb, puis repris par la SARL J2L au cours du mois d'août 2015. Par la suite, Monsieur [A] a, par l'intermédiaire de la société Aabac, souhaité reprendre ce projet.
Le 27 novembre 2015, Monsieur [A] a ainsi souscrit un emprunt d'un montant de 450 000 euros afin de financer l'acquisition du terrain.
Par acte authentique de Maître [W], notaire, en date du 11 janvier 2016, la SARL Aureseb a régularisé l'achat du terrain auprès des consorts [V], puis par acte authentique en date du 20 janvier 2016, la SARL Aureseb a alors revendu ce terrain à Monsieur [A].
Au début des travaux, Monsieur [A] a toutefois découvert que les terrains étaient affectés de vices qui n'avaient pas été mentionnés dans l'acte de vente susvisé. Le permis de construire du lot n° 1 a été par ailleurs annulé par la Mairie de [Localité 6] (24) faute de concordance entre le permis de construire obtenu (autorisant une construction avec un étage) et le projet présenté (prévoyant la construction d'un bâtiment sans étage).
Par acte du 04 novembre 2019, Monsieur [A] a fait assigner la SARL Aureseb et Maître [W], notaire, devant le tribunal de grande Instance de Bergerac (24) aux fins d'obtenir la résolution du contrat de vente du terrain conclu avec la SARL Aureseb, ainsi que l'indemnisation des préjudices causés par la SARL Aureseb et par Maître [W], notaire, du fait de manquements à leurs obligations professionnelles.
Par jugement en date du 7 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bergerac a :
- déclaré irrecevable car prescrite l'action engagée par Monsieur [O] [A] à l'encontre de la SARL Aureseb, par application des dispositions de l'article 1648-1 du code civil;
- débouté Monsieur [O] [A] de son action en nullité pour dol engagée à l'encontre de la SARL Aureseb sur le fondement de l'article 1137 du code civil et du surplus de ses demandes;
- débouté Monsieur [O] [A] de son action en responsabilité contractuelle engagée à l'encontre de la SARL Aureseb au titre d'un manquement à son obligation d'information sur le fondement de l'article L 111-1 du code de la consommation;
- débouté Monsieur [O] [A] de son action en responsabilité délictuelle engagée à l'encontre de Maître [W], notaire sur le fondement de l'article 1240 du code civil et du surplus de ses demandes;
- débouté Monsieur [O] [A] de l'ensemble de ses demandes présentées à l'encontre de la SARL Aureseb et de Maître [W], notaire;
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement;
- condamné Monsieur [O] [A] à payer à chacun de la SARL Aureseb et de Maître [W], notaire, la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance (dont distraction au profit des avocats constitués).
Par déclaration électronique en date du 26 mai 2021, Monsieur [O] [A] a interjeté appel total de la décision.
Dans ses dernières conclusions du 19 avril 2022, M. [A] demande à la cour de :
- juger recevable et bien fondé l'appel, interjeté par lui, suivant déclaration d'appel en date du 26 mai 2021, du jugement rendu le 7 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Bergerac;
- réformer le jugement rendu le 7 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Bergerac en ce qu'il :
- a déclaré irrecevable car prescrite l'action engagée par lui à l'encontre de la SARL Aureseb, par application des dispositions de l'article 1648-1 du code civil;
- l'a débouté de son action en nullité pour dol engagée à l'encontre de la SARL Aureseb sur le fondement de l'article 1137 du code civil et du surplus de ses demandes;
- l'a débouté de son action en responsabilité contractuelle engagée à l'encontre de la SARL Aureseb au titre d'un manquement à son obligation d'information sur le fondement de l'article L. 111-1 du code de la consommation;
- l'a débouté de son action en responsabilité délictuelle engagée à l'encontre de Maître [W], notaire, sur le fondement de l'article 1240 du code civil et du surplus de ses demandes;
- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes présentées à l'encontre de la SARL Aureseb et de Maître [W], notaire;
- l'a condamné à payer à chacun de la SARL Aureseb et de Maître [W], notaire, la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
- prononcer la résolution pour vices cachés du contrat de vente conclu le 20 janvier 2016 entre lui et la société Aureseb;
- ordonner la restitution de l'ensemble immobilier acquis le 20 janvier 2016 par lui, à la société Aureseb, qui en redeviendra propriétaire;
- ordonner la publication au Service de la Publicité Foncière du jugement à intervenir déclarant la société Aureseb propriétaire de l'ensemble immobilier;
- ordonner la restitution par la société Aureseb, du prix de vente du terrain à hauteur de 420 000 euros;
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] à lui verser la somme de 153 807,39 € en réparation de son préjudice financier, outre les intérêts d'emprunt à courir sur le solde non remboursé de l'emprunt de 300 000 € entre le mois d'avril 2019 et la date de son complet remboursement;
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] à lui verser la somme de 25 000 € en réparation de son préjudice moral;
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] à lui verser la somme de 15 000 € en réparation de son préjudice de temps perdu;
À titre subsidiaire,
- constater la nullité pour dol du contrat de vente conclu le 20 janvier 2016 entre la société Aureseb et lui-même;
- ordonner la restitution de l'ensemble immobilier acquis le 20 janvier 2016 par ses soins, à la société Aureseb, qui en redeviendra propriétaire;
- ordonner la publication au Service de la Publicité Foncière du jugement à intervenir déclarant la société Aureseb propriétaire de l'ensemble immobilier;
- ordonner la restitution par la société Aureseb du prix de vente du terrain à hauteur de 420 000 euros;
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] à lui verser la somme de 153 807,39 € en réparation de son préjudice financier, outre les intérêts d'emprunt à courir sur le solde non remboursé de l'emprunt de 300 000 € entre le mois d'avril 2019 et la date de son complet remboursement;
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] à lui verser la somme de 25 000 € en réparation de son préjudice moral;
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] à lui verser la somme de 15 000 € en réparation de son préjudice de temps perdu;
À titre infiniment subsidiaire,
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] à lui verser la somme de 413 807,39 € en réparation de son préjudice financier, dont 260 000 euros au titre de la perte de valeur du terrain acquis, outre les intérêts d'emprunt à courir sur le solde non remboursé de l'emprunt de 300 000 € entre le mois d'avril 2019 et la date de son complet remboursement;
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] à lui verser la somme de 25 000 € en réparation de son préjudice moral;
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] à lui verser la somme de 15 000 € en réparation de son préjudice de temps perdu;
En tout état de cause,
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner solidairement la société Aureseb et Maître [W] aux entiers dépens d'appel;
Dans ses dernières conclusions du 29 août 2022, la société Aureseb demande à la cour de :
À titre principal,
- confirmer en totalité le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bergerac en date du 7 mai 2021 en ce qu'il :
- 'Déclare irrecevable car prescrite l'action engagée par Monsieur [O] [A] à son encontre par application des dispositions de l'article 1648-1 du code civil;
- Déboute Monsieur [O] [A] de son action en nullité pour dol engagée à son encontre sur le fondement de l'article 1137 du code civil et du surplus de ses demandes;
- Déboute Monsieur [O] [A] de son action en responsabilité contractuelle engagée à son encontre au titre d'un manquement à son obligation d'information sur le fondement de l'article L. 111-1 du code de la consommation;
- Déboute Monsieur [O] [A] de son action en responsabilité délictuelle engagée à l'encontre de Maître [W], notaire, sur le fondement de l'article 1240 du code civil et du surplus de ses demandes;
- Déboute Monsieur [O] [A] de l'ensemble de ses demandes présentées à l'encontre de la SARL Aureseb et de Maître [W], notaire;
- Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement;
- Condamne Monsieur [O] [A] à payer tant à elle-même qu'à Maître [W], notaire, la somme de 1 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance (dont distraction au profit des avocats constitués)' ;
À titre subsidiaire et si la cour estimait l'action en garantie des vices cachés de Monsieur [A] recevable,
- débouter Monsieur [A] de son action rédhibitoire en garantie des vices cachés engagée à son encontre;
- débouter Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions sur ce fondement;
En tout état de cause, sur le mal fondé de l'action en nullité pour dol,
- débouter Monsieur [A] de sa demande de nullité de l'acte de vente du 20 janvier 2016;
- En conséquence, débouter Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions sur ce fondement;
À titre infiniment subsidiaire, sur les préjudices allégués, et si la cour estimait devoir faire droit dans son principe à la demande d'indemnisation de Monsieur [A], sur quelque fondement juridique que ce soit,
- débouter Monsieur [A] de sa demande d'indemnisation à hauteur de 164 640,28 € au titre de son préjudice financier;
En tout état de cause, constatant que Monsieur [A] ne justifie pas les postes de dépenses suivants comme lui étant imputables,
- débouter Monsieur [A] de sa demande d'indemnisation à hauteur de 37 946,05 € correspondant aux dépenses suivantes :
- Intérêt d'emprunt du prêt familial : 15 705 €
- Frais d'expertise immobilière : 1 000 €
- Frais de constitution de la société Acti Cité : 424,55 €
- Honoraires Secade Conseils : 10 077,50 €
- Frais de l'architecte [C] : 3 000 €
- Frais d'entretien du terrain : 138 €
- Frais de comptabilité Cabinet Iris : 3 198 €
- RSI : 4 403 €;
Si toutefois la cour faisait droit à la demande de condamnation à son encontre sur quelque fondement juridique que ce soit,
- réduire à de plus justes propositions l'indemnité sollicitée par Monsieur [A] en réparation du préjudice financier allégué;
- débouter Monsieur [A] de sa demande de condamnation à hauteur de 15 000 € à son encontre en réparation du préjudice de temps perdu allégué;
Si toutefois la cour faisait droit à la demande de condamnation à son encontre sur quelque fondement juridique que ce soit,
- réduire à de plus justes propositions l'indemnité sollicitée par Monsieur [A] en réparation du préjudice moral allégué;
- débouter Monsieur [A] de sa demande de condamnation à hauteur de 25000 € à son encontre en réparation du préjudice moral allégué;
Si toutefois la cour faisait droit à la demande de condamnation à son encontre sur quelque fondement juridique que ce soit,
- réduire à de plus justes propositions l'indemnité sollicitée par Monsieur [A] en réparation du préjudice moral allégué;
- débouter Monsieur [A] de sa demande d'indemnisation à hauteur de 260 000 €, qui correspondrait à la surévaluation du terrain acquis, et subsidiairement si la Cour admettait la recevabilité du rapport d'expertise invoqué, limiter la réparation du préjudice allégué à la somme de 18 000 €;
En tout état de cause,
- condamner Maître [W] à la garantir et le relever indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, dans sa version applicable au présent litige;
- débouter Monsieur [A] de sa demande formée à hauteur de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à son encontre;
- condamner Monsieur [A] à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont versement au profit de la SC. Gravellier-Lief-De Lagausie-Rodrigues, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions du 23 novembre 2021, Maître [X] [W] demande à la cour de :
À titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait infirmer le jugement dont appel en tout ou partie,
- débouter Monsieur [O] [A] de toutes demandes formulées à son encontre;
- débouter la société Aureseb de toutes demandes formulées à son encontre;
- dans l'hypothèse où il serait condamné à garantir à Monsieur [A] la restitution d'une partie du prix de vente, condamner la société Aureseb à le relever indemne de cette condamnation;
En tout état de cause,
- condamner Monsieur [O] [A] à lui verser une somme de 3 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
- condamner Monsieur [O] [A] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 août 2024.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'action en garantie des vices cachés de M. [A] dirigée à l'encontre de son vendeur la société Aureseb,
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu à la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
De plus, l'article 1648 alinéa 1 du code civil prévoit que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Il résulte des dispositions précitées que le point de départ du délai biennal de prescription de l'action en garantie des vices cachés se situe au jour de la découverte du vice par l'acquéreur, lequel doit être connu dans toute son ampleur et toutes ses conséquences.
En l'espèce, M. [A] critique le jugement entrepris, qui a déclaré irrecevable son action en garantie des vices cachés dirigée contre la société Aureseb, au motif que celle-ci était prescrite, en application de l'article 1648-1 du code civil, puisque ce dernier avait découvert les différents vices affectant les terrains litigieux lors de la réalisation des premiers travaux du projet immobilier au mois de mai 2017.
L'appelant conteste pour sa part cette analyse, arguant de ce que son action se fonde exclusivement sur les vices affectant les lots 2 et 3 des parcelles ainsi acquises, lesquels comporteraient des remblais et gravats hétérogènes, qui n'auraient été découverts dans toute leur ampleur et leurs conséquences que lors du dépôt du rapport d'expertise de M. [P] le 16 octobre 2017, de sorte que l'action en garantie des vices cachés introduite le 20 septembre 2019 n'est pas prescrite.
Cependant, il résulte de la correspondance en date du 7 mars 2019, adressée à la société Aureseb, par l'ex-conseil de M. [A], que depuis le début des travaux du projet immobilier, son client a découvert que le terrain était grevé de servitudes non apparentes dont la société Aureseb ne lui avait pas révélé l'existence (station de relevage des eaux usées alimentée par un câble électrique non-protégé et canalisation collectrice des eaux pluviales d'un diamètre de 50 cm) et que les sous-sols du terrain, qui étaient constitués de remblais hétérogènes en gravats, formaient un obstacle majeur à sa constructibilité.
En réalité dans son rapport d'expertise en date du 16 octobre 2017, M. [P] ne vient que confirmer les vices qui avaient été préalablement constatés par M. [A] lors du commencement des travaux et qui concernaient aussi bien le lot n°1 que les lots 2 et 3 et, lesquels étaient déjà à cette échéance connus par l'acquéreur dans toute leur ampleur, puisqu'il avait bien compris qu'ils portaient atteinte à la constructibilité de l'immeuble.
S'agissant de la date de commencement des travaux, elle a été fixée par M. [P] dans son rapport au mois au mois de mai 2017, mais en réalité il résulte de la facture des travaux de démolition et de terrassement, émanant de la société ETR du 24 novembre 2016, que les premiers travaux ont été réalisés au cours de l'année 2016. En tout état de cause que l'on retienne cette dernière date ou celle fixée par M. [P] en mai 2017, l'action en garantie des vices cachés de l'appelant est prescrite, dès lors que l'assignation délivrée par M. [A] dans le cadre de la présente procédure ne l'a été que le 20 septembre 2019, soit nécessairement après l'expiration du délai biennal prévu à l'article 1648-1 du code civil.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action en garantie des vices cachés exercée par M. [A] à l'encontre de la société Aureseb.
Sur l'action en annulation de la vente pour dol en application de l'article 1116 du code civil,
L'ancien article 1116 du code civil, applicable au présent litige, dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Le dol suppose donc la réunion de deux éléments : un élément matériel, consistant en des manoeuvres entreprises par son auteur pour inciter son adversaire à contracter ou à tout le moins le silence volontairement gardé sur une information déterminante du consentement du cocontractant et un élément moral constitué par l'intention de tromper l'autre partie.
M. [A] critique en l'espèce le jugement entrepris qui l'a débouté de son action en nullité du contrat de vente pour dol, aux motifs notamment que la SARL Aureseb n'avait été propriétaire des terrains en cause que durant 9 jours, soit du 11 au 20 janvier 2016, et qu'en réalité elle n'était intervenue à l'opération que pour faciliter la vente au profit de l'appelant dans la mesure ayant elle-même abandonné son projet au cours de l'année 2015.
Le dol était également écarté au motif que les désordres affectant les terrains vendus n'avaient été mis en évidence que postérieurement à la vente dans le cadre de plusieurs sondages.
Monsieur [A] qui s'oppose à une telle argumentation, considère pour sa part qu'en sa qualité de professionnelle de l'immobilier, la société Aureseb s'est volontairement abstenue de remplir son obligation d'information et de conseil quant à la constructibilité du terrain et a dissimulé une information qu'elle savait déterminante de son consentement, de sorte qu'elle s'est rendue coupable de réticence dolosive dans le seul et unique but de l'inciter à conclure la vente.
Toutefois, un tel moyen ne s'avère nullement pertinent, l'appelant opérant ici une confusion entre le dol et l'obligation d'information. Le dol suppose nécessairement un acte volontaire, alors que le manquement à l'obligation d'information et de conseil ne l'est pas nécessairement.
De plus, rien ne permet d'affirmer que la société Aureseb aurait pu commettre un dol au préjudice de M. [A] au moment de la vente, à savoir le 11 janvier 2016, en dissimulant des informations sur la constructibilité du terrain vendu, alors que les servitudes non apparentes grevant cet immeuble n'ont pu être découvertes qu'au moment du commencement des travaux intervenu plus tardivement au cours de l'année 2016.
De plus, M. [A] ne démontre pas en quoi la société Aureseb a intentionnellement renoncé à se renseigner sur l'état du sous-sol dans le but de convaincre son cocontractant à s'engager. En réalité, elle n'a servi que d'intermédiaire pour faciliter l'opération projetée par M. [A], en se portant acquéreur des parcelles litigieuses auprès des consorts [V] le 11 janvier 2016, après plusieurs années de péripéties juridiques, et ce alors même qu'elle avait renoncé à la réalisation de son projet au cours de l'année 2015. N'ayant en définitive été propriétaire des parcelles en cause que durant 9 jours, soit du 11 au 20 janvier 2016, soit sur un laps de temps excessivement circonscrit, rien ne permet d'affirmer qu'elle se soit volontairement abstenue de transmettre une information à son cocontractant de nature à affecter la constructibilité des terrains.
Dans ce contexte, la cour ne pourra que confirmer le jugement déféré qui a débouté M. [A] de son action en nullité de la vente pour dol, considérant que l'existence de ce dernier à l'endroit de la société Aureseb n'est nullement démontrée.
Sur l'action en responsabilité exercée à l'encontre du vendeur pour manquement à son obligation d'information, sur le fondement de l'article L111-1 du code de la consommation,
L'article L111-1 du code de la consommation dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes 1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte-tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ; 2° le prix du bien ou du service en application des articles L112-1 à L112-4, 3° en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; 4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ; 5° s'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et le cas échéant à son interopérabilité, à l'existence de toute restriction d'installation du logiciel, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ; 6° la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre 1er du livre VI.
Se fondant sur la disposition précitée, M. [A] conteste les termes du jugement entrepris qui l'a débouté de son action en responsabilité civile contractuelle dirigée contre la société Aureseb pour manquement à son obligation d'information, au motif que la venderesse lui avait communiqué l'ensemble des informations en sa possession et nécessaires à la réalisation de son projet immobilier.
La société Aureseb, sollicite pour sa part à titre principal la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'action en responsabilité contractuelle dirigée à son endroit, mais avec substitution de motifs, considérant que M. [A], qui était coutumier de ce type d'opérations immobilières, a agi en qualité de professionnel, comme en atteste d'ailleurs l'acte authentique signé entre les parties le 20 janvier 2016.
M. [A] conteste pour sa part sa qualité de professionnel de même spécialité que le vendeur, indiquant que l'acte a été conclu en urgence au moyen d'une procuration qui ne fait nullement état de sa qualité de professionnel de l'immobilier. Il se déclare comme étant un simple retraité belge qui certes, a créé au mois de mai 2016 une société Acti-cité, ayant la qualité de marchands de biens, mais uniquement dans le but de limiter sa responsabilité et pour des considérations fiscales. Enfin, il considère que le fait qu'il ait été accompagné dans le cadre de l'opération litigieuse par le cabinet Abbac ne dispense en rien la société Aureseb de son obligation d'information.
S'il est exact que la procuration donnée par M. [A] à l'étude de Maître [W] pour la signature du compromis de vente ne mentionne nullement sa qualité de professionnel, les mentions afférentes à acte sous seing sont contredites par l'acte authentique du 20 janvier 2016 qui a plusieurs reprises qualifie M. [A] de professionnel.
Il en est pour preuve la page 2 dudit acte qui, dans l'exposé préalable, indique s'agissant de l'article L271-1 du code de la construction et de l'habitation que 'l'acquéreur déclare destiner l'immeuble acquis pour partie à usage d'habitation. Toutefois en sa qualité de professionnel, il reconnaît ne pas pouvoir bénéficier des dispositions de l'article L271-1 du code de l'habitation et de la construction offrant un délai de rétractation ou de réflexion de 10 jours à l'acquéreur non professionnel d'un immeuble à usage d'habitation'
En page 17 du même acte, il est indiqué, s'agissant des vices cachés, que 's'agissant d'une vente entre professionnels, le vendeur ne sera pas tenu à la garantie des vices apparents ou cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments, à l'exception toutefois et le cas échéant de ce qui est dit ci-dessus sous le terme environnement'.
En outre, M. [A] a bénéficié dans le cadre de l'acte authentique du 20 janvier 2016 de dispositions fiscales propres aux professionnels, puisqu'il s'est déclaré assujetti à la TVA. A ce titre, il a sollicité dans l'acte le bénéfice des dispositions de l'article 1594-OG du code général des impôts qui prévoit qu'un assujetti à la TVA peut soumettre les acquisitions d'immeubles auxquelles il procède au seul droit fixe de 125 euros, sous condition d'effectuer dans un délai de quatre ans des travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf au sens au sens du 2e du 2 du I de l'article 257;
Il s'ensuit que M. [A] doit être considéré comme un professionnel de sorte que les dispositions de l'article L111-1 du code de la consommation ne lui sont pas applicables.
Pour autant, la société Aureseb ne se voit pas dispenser de toute obligation d'information à l'égard de M. [A]. L'étendue de l'obligation d'information du vendeur professionnel dépend en réalité des compétences de l'acheteur professionnel et doit être appréciée in concreto.
A ce titre, il convient de rappeler que la société Aureseb,exerce principalement une activité de holding de gestion à l'égard de sociétés filiales exploitant des fonds de commerce du groupement des Mousquetaires, ainsi qu'une activité d'acquisition ou de construction de locaux dans lesquels sont implantés des fonds de commerce. Or, cette activité de revente d'immeubles est occasionnelle au vu des statuts qui en définissent l'objet social et qui mentionnent que la société Aureseb procède 'éventuellement à la revente des ensembles immobiliers acquis ou édifiés par elle'.
Dès lors que M. [A] s'est présenté pour sa part comme un professionnel de l'immobilier et qu'il était assisté du cabinet d'architecture Abbac, il disposait de compétences techniques similaires à la société venderesse, de sorte que cette dernière n'avait aucune obligation de l'avertir de la nécessité de se renseigner sur la constructibilité du terrain.
Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [A] de son action en responsabilité civile contractuelle dirigée contre la société Aureseb pour manquement à son obligation d'information.
Sur la responsabilité du notaire Maître [W] en application de l'ancien article 1382 du code civil,
L'ancien article 1382 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui de par la faute duquel il est arrivé à la réparer.
M. [A] s'oppose enfin au jugement entrepris qui n'a pas retenu la responsabilité délictuelle de Maître [W] au titre d'un manquement à son devoir de conseil et d'information. Il rappelle que ce devoir a une portée absolue et que le notaire devait s'assurer de la validité et de l'efficacité de l'acte de vente signé le 20 janvier 2016 notamment au regard du projet immobilier qui était le sien.
Or, M. [A] reproche ici à Maître [W] de ne pas avoir vérifié que le permis de construire annexé à l'acte authentique était effectivement adapté à son projet immobilier, alors que ce dernier se distinguait de celui de la société J2L qui prévoyait un bâtiment à étage, le sien étant de plain-pied. De la même manière, l'appelant reproche au notaire de ne pas avoir vérifié l'adéquation de son projet immobilier avec le permis d'aménager adossé à l'acte de vente. Par ailleurs, il estime que Maître [W] aurait spontanément dû l'alerter sur les risques à s'engager dans une telle opération immobilière, qui n'avait jamais pu être menée à terme par les professionnels de l'immobilier qui l'avaient précédé et qu'il aurait dû lui proposer de mettre en place des garanties adaptées.
L'appelant ajoute que les agissements de Maître [W] ont en outre été menés en violation du principe d'impartialité dans le seul but de favoriser les intérêts de la société Aureseb au mépris des siens, l'objectif de l'opération étant en réalité de permettre à la société Aureseb d'insérer dans chacun des actes de vente successifs une clause de non concurrence permettant de s'assurer qu'aucun commerce de distribution alimentaire ou d'essence ne s'installerait dans les environs.
A titre liminaire, il convient de souligner qu'il ne peut être reproché à Maître [W] de ne pas avoir assuré la sécurité juridique de l'acte de vente puisque, celui-ci étant aujourd'hui parfaitement valable.
De plus, il ne peut être fait grief au notaire de ce que les autorisations d'urbanisme apposées à l'acte n'étaient pas compatibles avec le projet immobilier de Monsieur [A], dès lors qu'il ressort d'un courrier en date du 14 janvier 2016 du cabinet d'architecture que l'acquéreur entendait faire son affaire personnelle de l'obtention de toute nouvelle autorisation d'urbanisme et de tous les transferts qui lui seraient nécessaires pour la réalisation de ce projet.
Enfin, il n'incombait pas au notaire d'alerter l'appelant sur la complexité de l'opération, cette tâche incombant en l'espèce au cabinet d'architecture Aabac en charge de l'assister dans le cadre de son projet. En effet, si le notaire est le garant de l'efficacité juridique d'un acte, il n'a nullement pour mission de conseiller une partie sur la pertinence économique de son projet. Enfin, aucun élément objectif du dossier ne permet d'imputer à Maître [W] un manque d'impartialité.
Partant, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il n'a pas faire droit à l'action en responsabilité civile délictuelle dirigée contre Maître [W].
Sur les autres demandes,
Monsieur [A], qui succombe en son appel, sera condamné à payer à la société Aureseb la somme la somme de 4000 euros,en application de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 3000 euros à Maître [W] au même titre, outre les entiers dépens de la procédure avec distraction au profit de la SCP Gravelier Lief de Lagausie Rodrigues, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
M. [A] sera quant à lui débouté de ses demandes formées à ces titres.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [O] [A] à payer à la société Aureseb la somme de 4000 euros,en application de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 3000 euros à Maître [W] au même titre,
Condamne M. [O] [A] aux entiers dépens de la procédure avec distraction au profit de la SCP Gravelier Lief de Lagausie Rodrigues, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute M. [O] [A] de ses demandes formées à ces titres.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.