CA Grenoble, ch. com., 24 octobre 2024, n° 23/03152
GRENOBLE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Oliver Produits Pétroliers (SARL)
Défendeur :
Noyal Poids Lourds (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Figuet
Conseillers :
M. Bruno, Mme Faivre
Avocats :
Me Chapuis, Me Chavrier, Me Brouillet
EXPOSE DU LITIGE
La SARL Olivier Produits Pétroliers est une société spécialisée dans le transport routier de produits pétroliers, outre une activité de négoce.
La SA Noyal Poids Lourds est spécialisée dans la commercialisation et la location de véhicules industriels et utilitaires et en assure également l'entretien et la réparation outre un service de lavage.
En octobre 2017, pour les besoins de son activité, la société Olivier Produits Pétroliers s'est rapprochée de la société Noyal Poids Lourds aux fins d'acquisition de deux tracteurs d'occasions de marque DAF ADR (Accord for dangerous gonds by road) immatriculés [Immatriculation 3] et [Immatriculation 4] au prix de 43.200 euros T.T.C. chacun.
La règlementation européenne impose une mise aux normes ADR afin que les véhicules soient estampillés AT (pour les véhicules destinés au transport de marchandises dangereuses dans des conteneurs-citernes) / FL (pour les véhicules destinés au transport de liquides avec point d'éclair inférieur ou égal à 61°C ou de gaz inflammables).
Les véhicules étant adaptés à la norme AT, la mise à la norme complémentaire FL a été confiée à la société Noyal Poids Lourds qui a fait notamment appel à la société CACIDEP, carrossier, afin de procéder à l'installation d'un boîtier électrique coupe circuit, permettant de déclencher l'arrêt d'urgence du moteur de camions, en cas d'accident, par le conducteur depuis sa cabine de conduite, compte tenu de la dangerosité des produits transportés.
Le prix convenu a alors été réévalué à la somme de 46.800 euros T.T.C par véhicule.
Le camion immatriculé [Immatriculation 3] a été livré en février 2018 et le camion immatriculé [Immatriculation 4] le 7 mai 2018.
Les deux véhicules ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception à titre isolé d'un véhicule destiné au transport de marchandises dangereuses selon l'ADR émis par la Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement de Bretagne (ci-après dénommée DREAL), respectivement le 5 avril 2018 s'agissant du véhicule immatriculé [Immatriculation 3] et le 7 juin 2018 s'agissant du véhicule immatriculé [Immatriculation 4] attestant ainsi qu'il suit que « les véhicules sont homologués selon le point 9.1.1.2 sous la désignation AT/FL et sont conformes aux dispositions de l'ADR applicables aux désignations visées ci-dessus ».
Suivant acte d'huissier délivré le 23 avril 2019, la société Olivier Produits Pétroliers a assigné la société Noyal Poids Lourds devant le tribunal de commerce de Vienne aux fins d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 14.376 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier lié au retard de livraison des deux camions, outre une somme de 3.000 euros en indemnisation du préjudice de temps perdu.
Par jugement en date du 27 février 2020, le tribunal de commerce de Vienne a :
- débouté la société Olivier Produits Pétroliers de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier lié au retard de livraison des deux camions,
- condamné la société Noyal Poids Lourds à payer à la société Olivier Produits Pétroliers une somme de 1.500 euros au titre de son préjudice de temps perdu,
- condamné la société Noyal Poids Lourds à payer à la société Olivier Produits Pétroliers une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
- condamné la société Noyal Poids Lourds aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile et liquidés conformément à l'article 701 du code de procédure civile.
En juillet 2019, les deux véhicules ont été immobilisés pour des problèmes d'ordre électrique.
La société Olivier Produits Pétroliers a missionné un expert pour déterminer l'origine des pannes. Ce dernier a mis en évidence un problème affectant les faisceaux électriques des boîtiers coupe circuit.
Par exploit d'huissier en date du 29 novembre 2019, la société Olivier Produits Pétroliers a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise judiciaire des deux camions.
Par ordonnance du 9 janvier 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Vienne a ordonné une expertise et désigné M. [D] [H] pour y procéder.
Le 13 juillet 2021, M. [H] a déposé son rapport d'expertise judiciaire définitif.
Par acte d'huissier en date du 21 décembre 2021, la société Olivier Produits Pétroliers a assigné la société Noyal Poids Lourds devant le tribunal de commerce de Vienne aux fins d'obtenir la résolution du contrat de vente des deux camions.
Par jugement en date du 22 juin 2023, le tribunal de commerce de Vienne a:
- constaté que la société Olivier Produits Pétroliers ne rapporte pas la preuve d'une non-conformité des deux véhicules, ni la preuve formelle de l'existence des désordres avant leur vente et leur livraison par la société Noyal Poids Lourds,
- jugé qu'il est impossible de dater l'apparition des désordres identifiés,
- jugé que les désordres ne compromettent pas l'usage des camions et ne justifient pas la mise en 'uvre de la garantie contre les vices cachés,
En conséquence,
- débouté la société Olivier Produits Pétroliers de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Olivier Produits Pétroliers à payer à la société Noyal Poids Lourds la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Olivier Produits Pétroliers aux entiers dépens de l'instance, prévus à l'article 695 du code de procédure civil liquidés conformément à l'article 701 du code de procédure civile.
Par déclaration d'appel du 22 août 2023 la société Olivier Produits Pétroliers a interjeté appel de ce jugement.
Prétentions et moyens de la société Olivier Produits Pétroliers :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée, le 20 novembre 2023, la société Olivier Produits Pétroliers demande à la cour, sur le fondement des articles 1604 et 1641 du code civil de :
- juger recevables et bien fondées ses demandes,
- infirmer le jugement rendu le 22 juin 2023 par le tribunal de commerce de Vienne,
Et statuant à nouveau,
- juger que les deux tracteurs immatriculés [Immatriculation 3] et [Immatriculation 4] qui lui ont été livrés par la société Noyal Poids Lourds ne sont pas conformes à la commande qu'elle a effectuée,
- juger que les deux tracteurs immatriculés [Immatriculation 3] et [Immatriculation 4] qui lui ont été livrés par la société Noyal Poids Lourds étaient atteints d'un vice caché,
- en tout état de cause, ordonner qu'elle restitue les véhicules [Immatriculation 3] et [Immatriculation 4] aux frais exclusifs de la société Noyal Poids Lourds, à charge pour elle de venir récupérer le véhicule à son siège ou en tout autre lieu où elle indiquera les avoir entreposés,
- condamner la société Noyal Poids Lourds à restituer la somme de 93.600 euros au titre du montant du prix de vente des deux tracteurs immatriculés [Immatriculation 3] et [Immatriculation 4] avec intérêt au taux légal à compter du 7 mai 2018,
- condamner la société Noyal Poids Lourds à lui payer la somme de 9.153,40 euros au titre des frais d'assurances des deux tracteurs immatriculés [Immatriculation 3] et [Immatriculation 4],
- condamner la société Noyal Poids Lourds à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais d'expertise judiciaire,
- condamner la société Noyal Poids Lourds à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- juger que les frais de gardiennage des deux tracteurs immatriculés [Immatriculation 3] et [Immatriculation 4] seront supportés à compter du prononcé du jugement et jusqu'à l'enlèvement des véhicules par la société Noyal Poids Lourds et condamner la même en tant que de besoin à lui payer cette somme,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- débouter la société Noyal Poids Lourds de l'intégralité de ses conclusions, moyens, fins plus amples ou contraires,
- condamner la société Noyal Poids Lourds à payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
S'agissant du défaut de conformité, elle expose que :
- sur le fondement des articles 1603 et suivants du code civil, le vendeur est tenu d'une obligation de délivrance de la chose, c'est-à-dire de fournir à l'acheteur un bien conforme à l'objet de la commande. Le défaut de délivrance s'entend ainsi de la remise à l'acheteur d'un bien qui ne correspond pas aux spécifications contractuelles convenues,
- dans son rapport d'expertise judiciaire, M. [H] relève que la norme FL impose un système permettant de couper l'alimentation en électricité et ceci depuis la cabine de conduite (commande déportée du coupe-circuit extérieur) et que cette commande est défectueuse sur les deux véhicules,
- s'agissant du tracteur immatriculé [Immatriculation 4], M. [H] constate que la commande du coupe circuit placée dans la cabine est raccordée par un des fils électriques volants montés à l'aide de cosses rapides. L'une d'elle n'est pas convenablement sertie et il suffit de tirer à peine sur l'un des fils pour que le moteur cesse de fonctionner. Au niveau de la batterie, le faisceau électrique est raccordé par des épissures grossières,
- s'agissant du tracteur immatriculé [Immatriculation 3], il constate que bien que le contact soit mis, le moteur ne démarre pas. Le chronotachygraphe est non alimenté et il est impossible de relever le kilométrage. Il constate le même type de montage du coupe-circuit. Au niveau de la batterie, il relève qu'un des connecteurs est cassé avec présence d'eau par infiltration et que les connecteurs qui alimentent la batterie sont oxydés avec présence de vert de gris (sulfate de cuivre),
- l'expert retient que les désordres qui affectent la commande du coupe-circuit depuis la cabine de conduite sont la conséquence d'un mauvais montage de celles-ci,
- la société Noyal Poids Lourds avait l'obligation contractuelle de modifier les deux tracteurs, déjà homologués AT en vue de leur homologation AT/FL,
- la société Noyal Poids Lourds doit sa garantie de la chose qu'il vend, et ce en dépit du fait que les contrôles effectués avant la vente par la CACIDEP et/ou la DREAL de Bretagne n'ont pas relevé les malfaçons,
- M. [H] relève qu'il n'y a aucun document probant, ni de certificat de conformité par DAF, ni de facture de la société CACIDEP, laquelle s'est chargée des démarches auprès de la DREAL,
- elle n'avait donc aucun moyen de vérifier que la chose livrée n'était pas conforme à la commande effectuée et ce d'autant plus qu'elle n'est pas un professionnel de l'automobile. Elle n'est aucunement habilitée à manipuler les commandes d'un coupe-circuit soumis à homologation pour le transport de matière dangereuse,
- M. [H] affirme également que les désordres étaient existants avant la vente et sont indécelables pour un profane en matière d'automobile et que la commande est défectueuse sur les deux véhicules, de sorte que les désordres sont de nature à les rendre impropres à leur usage ou leur destination et sont dus à une malfaçon imputable à la société Noyal Poids Lourds.
S'agissant de l'existence d'un vice caché dans la commande du coupe circuit, elle avance que :
- il résulte de l'expertise judiciaire que les désordres sont dus à un mauvais montage du coupe-circuit et que pour l'un des véhicules, le moteur ne démarre plus et que pour l'autre, le coupe-circuit défaillant a occasionné un accident de la circulation, le conducteur ne pouvant plus man'uvrer son camion (coupure direction assistée),
- ces désordres rendent donc les deux tracteurs inutilisables en l'état et surtout dangereux pour le conducteur et les tiers (bombe ambulante selon les termes de M. [H]),
- en conséquence, l'expertise judiciaire menée sur les deux tracteurs permet de conclure que le défaut de montage a rendu la chose impropre à son usage normal, caractérisant ainsi la nécessité de mettre en 'uvre la garantie des vices cachés,
- à la suite de la première réunion d'expertise ayant eu lieu le 19 février 2020, M. [H] a adressé un projet de rapport le 3 mai 2020, de sorte qu'elle n'a donc eu connaissance du vice, dans toute son ampleur et ses conséquences qu'à compter du 3 mai 2020 et qu'en conséquence sa demande fondée sur la garantie des vices cachés est parfaitement recevable,
- l'expert judiciaire indique que les désordres étaient existants avant la vente et sont indécelables pour un profane en matière d'automobile, ce qui est le cas en l'espèce alors qu'elle ne dispose donc pas de compétences techniques en pareille matière mais surtout elle n'est aucunement habilitée à manipuler les commandes d'un coupe-circuit soumis à homologation pour le transport de matières dangereuses,
- le moyen selon lequel, l'antériorité n'est pas démontrée au seul motif que les camions ont roulé pendant plus de 18 mois sur plusieurs milliers de kilomètres est inopérant, alors que le vice caché était à l'état de germe et il n'est pas anormal que les camions aient parcouru plusieurs milliers de kilomètres puisque par définition le kilométrage d'un camion et d'une voiture n'est assurément pas comparable,
- elle a respecté les prescriptions du constructeur et assuré l'entretien des véhicules,
- l'attestation de conformité de la DREAL et de la CACIPED ne suffit pas à démontrer l'absence de vice antérieur à la vente,
- comme le rappelle à juste titre l'expert judiciaire, le rôle de ses organismes « se limite à vérifier l'existence du coupe-circuit et de son fonctionnement mais ceci sans démontage et sans vérification de l'état du coupe-circuit »,
- la CACIPED affirme qu'ils ne sont pas intervenus du point de vue du montage des équipements homologués,
- il résulte de l'expertise judiciaire que les désordres sont dus à un mauvais montage du coupe-circuit et que pour l'un des véhicules, le moteur ne démarre plus et que pour l'autre, le coupe circuit défaillant a occasionné un accident de la circulation, le conducteur ne pouvant plus man'uvrer son camion (coupure direction assistée). Ces désordres rendent donc les deux tracteurs inutilisables en l'état et surtout dangereux pour le conducteur et les tiers (bombe ambulante selon les termes de M. [H]).
- en conséquence, l'expertise judiciaire menée sur les deux tracteurs permet de conclure que le défaut de montage a rendu la chose impropre à son usage normal, caractérisant ainsi la nécessité de mettre en 'uvre la garantie des vices cachés.
- la cour ne pourra que constater que les observations de M. [H] sont purement techniques, documentées et motivées et qu'elles ne sont pas sérieusement contredites par l'intimée qui, bien que convoqué à l'expertise, n'y a pas assisté et qui fait état d'un manque d'impartialité de l'expert sans toutefois en tirer les conséquences de droit, se contentant à cet égard de critiquer son appréciation technique sans cependant produire, de son côté, d'éléments sérieux de nature à la contredire,
- l'intimée ne peut sérieusement conclure qu'elle ignorait l'existence des vices, alors que de jurisprudences constantes, il pèse sur le vendeur professionnel une présomption de connaissance des vices au visa de l'article 1643 du code civil,
- elle ne peut qu'opter pour une action rédhibitoire compte tenu de sa perte totale de confiance envers la société Noyal Poids Lourds qui a toujours observé une défense de rupture en repoussant toute tentative amiable de résolution du litige, en s'opposant à l'expertise judiciaire, en s'abstenant de respecter a minima la bonne foi dans l'exécution de ses obligations contractuelles et faisant fi de tous gestes commerciaux,
Au soutien de sa demande indemnitaire, elle expose que :
- elle avait acquis les deux tracteurs pour la somme de 46.800 euros T.T.C. chacun, financés par deux emprunts de 39.000 euros souscrits auprès de la banque populaire, de sorte qu'en raison de la résolution de la vente sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme ou de la garantie des vices cachées, elle est en droit de se faire restituer la somme de 93.600 euros au titre du montant du prix de vente,
- elle doit obtenir remboursement de la somme de 9.153,40 euros au titre des frais d'assurance qu'elle a versé en 2019 pour les deux tracteurs immobilisés depuis le mois de juillet 2019,
- du fait de la résolution du contrat, le vendeur professionnel, outre le remboursement des frais occasionnés par la vente, doit prendre en charge l'indemnisation des préjudices subis par l'acquéreur, notamment les frais d'assurance puisque les tracteurs sont immobilisés depuis le mois de juillet 2019, les frais d'expertise judiciaire, les frais de gardiennage des deux tracteurs immobilisés depuis leur panne dans les locaux de la société Salaise Poids Lourds.
- elle sollicite paiement des frais d'expertise judiciaire,
- la société Noyal Poids Lourds a résisté abusivement en ce qu'elle n'a présenté aucune solution pour tenter de résoudre amiablement le litige, s'est opposée à l'expertise judiciaire, a cru ne pas devoir se présenter à la première réunion d'expertise judiciaire et n'a proposé aucune prise en charge à titre commercial, ni mis à disposition de véhicule de prêt / ou de remplacement.
Prétentions et moyens de la société Noyal Poids Lourds :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée, le 20 décembre 2023, la société Noyal Poids Lourds demande à la cour, sur le fondement des articles 1604, 1641 et suivants, 1224, 1228, et 1353 du code civil de :
- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions et ce après avoir en tout état de cause et en tant que de besoin :
* constaté que la société Olivier Produits Pétroliers ne rapporte pas la preuve d'une non-conformité des véhicules dès lors que ces derniers ont été présentés aux organismes d'agrément et de contrôle et disposent des certificats correspondants conformément à leur destination,
* constaté que les véhicules ont été présentés à des contrôleurs techniques avant et après la vente sans qu'aucune anomalie ne soit décelée et que les véhicules ont parfaitement remplis leurs fonctions pendant plus de 18 mois et ont parcouru 100.000 kilomètres et qu'il est impossible de dater l'origine des désordres allégués,
* constaté que les désordres ne sont pas suffisamment graves pour compromettre l'usage des camions et justifier la mise en 'uvre de la garantie contre les vices cachés,
En conséquence,
- débouter la société Olivier Produits Pétroliers de l'ensemble de ses demandes fin et prétentions développés en cause d'appel tant sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme que sur celui de la garantie des vices cachés,
- condamner en cause d'appel la société Olivier Produits Pétroliers à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Subsidiairement, pour le cas où la cour devait considérer que les désordres sont antérieurs à la vente, suffisamment graves et lui sont imputables :
- constater que les désordres affectant les véhicules ne sont pas d'une gravité telle qu'ils justifient la résolution judiciaire des ventes et alors même que les véhicules ont donné parfaite satisfaction à la société Olivier Produits Pétroliers pendant plus de dix-huit mois et plus de 100.000 kilomètres chacun,
- constater que l'expert judiciaire a considéré que le coût de la réparation était de 5.638,90 euros HT pour le tout et qu'elle est d'accord de régler cette somme en tant que de besoin pour permettre à la société Olivier Produits Pétroliers d'effectuer les réparations,
- constater que l'accident de la route impactant l'un des deux véhicules est la cause de l'immobilisation dudit véhicule,
- débouter la société Olivier Produits Pétroliers de ses demandes formulées au titre des frais d'assurance, de gardiennage ou de dommages et intérêts pour résistance abusive, infondées et injustifiées,
- limiter le montant des condamnations prononcées à son encontre à la somme de 5.638,90 euros correspondant au coût des réparations suivant rapport d'expertise judiciaire et 800 euros au titre des frais de remorquage,
- rejeter les demandes adverses plus amples au contraire,
A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la résolution judiciaire de la vente serait prononcée :
- ordonner les restitutions réciproques entre les parties,
- dire et juger qu'elle ne pouvait pas avoir connaissance des désordres au moment de la vente,
- débouter la société Olivier Produits Pétroliers de ses demandes au titre des divers frais d'assurance, d'expertise, de gardiennage,
- rejeter les demandes adverses plus amples ou contraire,
En tout état de cause,
- débouter la société Olivier Produits Pétroliers de sa demande indemnitaire à hauteur de 15.000 euros au titre d'un prétendu abus de droit.
Pour contester toute existence d'une non conformité des véhicules, elle expose que :
- la conformité des véhicules à leur classement règlementaire eu égard à l'usage attendu par l'acheteur est parfaitement établie et aucun élément ne permet de remettre en cause cette conformité contractuelle.
- elle a préparé les véhicules, pour répondre aux transports de matières dangereuses (accord européen relatif au transport en vigueur des marchandises dangereuses par route : ADR ' Genève le 30 septembre 1957 modifié à New-York le 21.08.1975) et notamment la norme AT pour les véhicules destinés au transport de marchandises dangereuses dans des conteneurs-citernes et la norme FL pour les véhicules destinés au transport de liquides avec point d'éclair inférieur ou égal à 61°C (à l'exception des carburants diesel, du gasoil et de l'huile de chauffage) ou de gaz inflammables,
- les deux véhicules ont été passés sous le contrôle par la CACIDEP ainsi que cela est parfaitement établi par la facture de l'organisme correspondant et la délivrance des certificats correspondants,
- les véhicules ont été livrés avec leur certificat d'agrément délivrés par la DREAL et la CACIDEP,
- ils ont pu être utilisés par la société Olivier Produits Pétroliers sans aucun problème pour leur usage particulier de transport de matières dangereuses depuis leur date de livraison (soit le 6 février 2018 pour le premier et le 7 mai 2018 pour le second),
- aucun élément ne permet à la société Olivier Produits Pétroliers de soutenir qu'elle n'aurait pas pu utiliser ces véhicules pour cet usage particulier de transport,
- les véhicules sont immobilisés par la société Olivier Produits Pétroliers pour des motifs totalement indépendants de la conformité de ces derniers,
- ce n'est qu'en cours d'expertise judiciaire par dire du 31 juillet 2020 que la société Olivier Produits Pétroliers a révélé qu'une panne aurait affecté l'un d'entre eux en mai 2019 et que l'autre a subi un accident de la circulation le 24 juin 2019, informations qui n'avaient jamais été portées à sa connaissance ni à celle de l'expert auparavant ni à celle du juge des référés pourtant saisi le 29 novembre 2019,
- à l'époque de cette demande d'expertise judiciaire, il avait été allégué l'existence d'un problème avec le boîtier VIC sans rapport avec les désordres présentés finalement à l'expert qui lui-même a écarté ce sujet,
- aucun élément n'a été transmis sur les périodes d'immobilisations des véhicules et aucun justificatif d'intervention pour prouver la réalité de ces dates par la société Olivier Produits Pétroliers, de sorte que ces informations sont à prendre avec précaution, ce d'autant qu'elle a refusé un audit contradictoire de ses comptes en ne faisant pas appel à un sapiteur expert-comptable,
- il est en réalité impossible de savoir si ces faits sont survenus à ces dates particulières, alors, par exemple que la preuve d'un remorquage n'a jamais été rapportée et que la panne évoquée ne fait l'objet d'aucune diagnostic,
- si l'appelante soutient que « les professionnels en charge des contrôles techniques après la vente ne pouvaient pas déceler les malfaçons », il est rappelé que l'expert judiciaire n'a eu besoin d'aucun démontage ni d'aucune investigation particulière sur les véhicules pour aboutir à la conclusion selon laquelle les coupe-circuits étaient « mal montés » et seraient à l'origine des désordres,
- les désordres n'existaient pas au jour de la livraison et la présence de fils volants et de cosses non conformes ou mal serties sur le faisceau électrique des véhicules relève d'interventions de personnes tierces postérieurement à la vente, dès lors que :
* les contrôleurs automobiles mandatés par l'appelante n'ont eux-mêmes pas constaté ce type de désordre a priori aussi visibles et accessibles lors de l'entretien des véhicules qui ont roulé pendant 18 mois et effectués plus de 100.000 kilomètres,
* le premier « expert » M.[N] [L] mandaté par l'appelante n'a pas constaté ces désordres et a évoqué seulement le boîtier « VIC », finalement sans rapport aucun avec le dossier,
* la société CACIDEP qui a vérifié et agréé les véhicules ne l'a pas constaté,
- la seule explication à cette prétendue « invisibilité » de ces désordres est que ceux-ci n'existaient tout simplement pas au jour de la livraison et que la présence de fils volants et de cosses non conformes ou mal serties sur le faisceau électrique des véhicules relève d'interventions de personnes tierces postérieurement à la vente,
- l'absence aux débats des carnets d'entretien des véhicules, le défaut de passage en concession DAF pour faire état des prétendus désordres, comme le défaut de révélation des circonstances de « l'accident » d'un des deux véhicules sont autant d'éléments énigmatiques qui ne permettent pas de faire la transparence sur la réalité et l'origine des griefs.
Pour contester l'existence d'un vice caché, elle fait valoir que :
- l'expertise judiciaire a relevé les désordres suivants dont il chiffre le coût des réparations à 3.500 euros HT par camion :
* s'agissant du camion immatriculé [Immatriculation 4]: il présente un choc à l'avant gauche et selon l'expert judiciaire la commande du coupe-circuit placée dans la cabine est « raccordée par des fils électriques volants, montés à l'aide de cosses rapides dont l'une n'est pas convenablement sertie de sorte qu'il suffit de tirer légèrement sur l'un des fils pour que le moteur cesse de fonctionner»,
* s'agissant du camion immatriculé [Immatriculation 3] : ne démarre plus et présente le même type de montage du coupe-circuit. En outre, au niveau de la batterie, l'un des connecteurs est cassé avec présence d'eau par infiltration. Les connecteurs qui alimentent la batterie sont oxydés avec présence de vert de gris (sulfate de cuivre),
- la société Olivier Produits Pétroliers ne démontre pas l'antériorité des désordres dès lors qu'il est impossible que de tels désordres affectant les faisceaux électriques aient pu passer sans être constatés par les organismes certificateurs dont le rôle est précisément de s'assurer de leur conformité et résultant :
* des contrôles effectués avant la vente les 5 et 6 octobre 2017 à sa demande,
* des contrôles qui ont été effectués lors des modifications apportées sur les tracteurs par son intermédiaire afin qu'ils répondent aux exigences de l'agrément ADR tel que cela a été demandé par la société Olivier Produits Pétroliers avant la vente sous couvert de l'approbation du constructeur DAF, avec l'assistance technique et procédurale de la société CACIDEP, spécialisée dans ce type de transformation, avec la validation et la certification des modifications apportées par la DREAL, avec obtention d'une réception à titre isolée et en utilisant des pièces neuves d'origine constructeur et notamment les faisceaux en kit prémonté,
- au regard de ces éléments, la conformité des pièces utilisées et leurs montages ne souffrent d'aucune ambiguïté selon M. [F], expert amiable intervenant à ses côtés lors de l'expertise judiciaire,
- les véhicules ont été livrés le 6 février 2018 ([Immatriculation 3]) et 7 mai 2018 ([Immatriculation 4]), or les deux bilans effectués le 3 octobre 2018 postérieurement à la vente par un centre de contrôle agréé indépendant à la demande de l'appelante confirment que 40.000 kilomètres après leurs livraisons par la société Noyal Poids Lourds, les deux tracteurs munis des modifications ADR, étaient alors encore dans un bon état d'entretien et de fonctionnement et qu'aucune défaillance n'a été relevée au niveau des points de contrôle complémentaires portant sur les équipements ADR dont les coupe-batteries,
- M. [F] a constaté que la société Olivier Produits Pétroliers a confié en révision au garage Mollard & Thievenaz les 7 mars 2019 et 31 mars 2019 le tracteur [Immatriculation 4] après 83.405 kilomètres d'utilisation et presque 13 mois après la dernière révision et le tracteur [Immatriculation 3] en révision après 83.585 kilomètres d'utilisation et presque 17 mois après la dernière révision et aucune annotation ou réserve particulière de la part du garage Mollard & Thievenaz n'est mentionnée sur leurs factures,
- la révision d'entretien annuelle préconisée par DAF prévoit notamment un contrôle des fusibles habitacle et des batteries dans les environnements directs d'une partie des désordres allégués, or il y a eu un dépassement des intervalles temporelles de révision et aucun justificatif de révision intermédiaire n'a été porté au débat contradictoire,
- il résulte de l'ensemble de ces éléments que plus d'un an et demi après la livraison des véhicules et plus de 100.000 kilomètres accomplis, les contrôles effectués tant à la requête du vendeur que de l'acquéreur par des organismes indépendants ne révèlent aucun désordre,
- les tracteurs n'ont pas été entretenus conformément aux préconisations du constructeur et le défaut de qualification des multiples intervenants sur les véhicules et ce à la demande de la société Olivier Produits Pétroliers non agréés dans le réseau DAF, peut parfaitement être à l'origine des désordres,
- M. [F] indique que les conditions de stockage sont inconnues, qu'il n'existe aucune trace de dépannage officiel ni aucun document formalisant une panne et conclut qu'en tout état de cause, ce désordre aujourd'hui présent, qui est tenu comme responsable de tous les maux sur ce tracteur, est mineur, n'a pas engendré de panne et nécessite une simple et banale reprise de cette connexion,
- si le défaut était existant au jour de ce contrôle, la DREAL qui a vérifié l'existence du coupe circuit et l'état de son fonctionnement aurait certainement constaté le caractère défectueux du faisceau qui présente un aspect « rafistolé » selon les dires de l'expert judiciaire,
- Selon M. [F], une réception à titre isolé effectuée par la DREAL ne se limite pas seulement à vérifier l'existence et le fonctionnement du coupe circuit, leur mission, dont le sérieux, le niveau d'exigence et l'impartialité ne souffrent d'aucune ambiguïté concerne la vérification globale de la transformation et du véhicule selon un cahier des charges très strict,
- s'agissant de l'utilisation des pièces neuves d'origine constructeur et faisceaux électriques en kits prémontés, l'expert judiciaire avance qu'il est difficile d'affirmer que la société Noyal Poids Lourds a bien acheté auprès du constructeur DAF l'intégralité des faisceaux nécessaires à la transformation AT/FL, et ce en dépit des factures produites par la société GM Consultant, qui justifieraient qu'elle a bien acheté des faisceaux en rapport avec la nomenclature du constructeur, dès lors que les extraits de ladite nomenclature incluses dans le rapport de cette société GM Consultant sont illisibles, or, le respect du principe du contradictoire imposait à l'expert de lui signaler ce problème de lisibilité, de sorte que la communication pouvait être rectifiée immédiatement et sa conclusion aurait été très certainement différente.
- elle rapporte la preuve de l'installation d'un kit neuf conforme aux préconisations constructeur DAF, comme en atteste la facture en annexe n°1 du rapport,
- dans le cadre des contrôles de la DREAL, la société DAF a attesté que le gainage électrique souple PVC HT de marque Uniwell équipant les véhicules était conforme aux prescriptions de la règlementation ADR,
- M. [F] indique dans sa note définitive, que les faisceaux utilisés étaient neufs et ce point est confirmé par les dates de fabrication figurant sur ces derniers et les justificatifs produits,
- s'agissant des deux bilans effectués le 3 octobre 2018 à l'initiative de la société Olivier Produits Pétroliers, M. [F] soutient que contrairement à ce que retient l'expert judiciaire le coupe circuit extérieur est forcément accessible sans dépose des couvercles de batterie qui étaient par ailleurs absents lors de ces expertises, un coupe circuit doit en effet permettre de couper rapidement l'installation électrique du tracteur sans aucun démontage, un désordre dans cet environnement est donc forcément visible par un professionnel,
- l'expert judiciaire avance de façon erronée que si lors des révisions, la société DAF préconise le contrôle des batteries et des fusibles habitacle, elle ne préconise pas le contrôle du circuit électrique du coupe-circuit AT/FL, alors que l'extrait du journal officiel de la république française du 27 juin 2009, concernant les contrôles et essais à réaliser sur les équipements ADR stipule un contrôle de l'état, la présence et la conformité des installations électriques (référence ADR arrêté TMD et autres textes 1922), un contrôle de l'état de la fixation, de la présence et de la conformité des coffres et des batteries, un contrôle de l'état du fonctionnement de la fixation, de la présence et de la conformité du coupe-circuit extérieur (point 9,2,2.3.2),
- contrairement à ce qui est indiqué, le contrôleur technique doit dans le cadre de sa mission réglementée effectuer des contrôles précis sur les éléments mis en cause par l'expert. Si des désordres étaient présents sur les faisceaux ADR, ils auraient dû être signalés par le contrôleur technique agréé qui est intervenu après les ventes,
- les véhicules ont roulé chacun plus de 100.000 kilomètres sur toute la période depuis la livraison, de sorte que l'affirmation de l'expert judiciaire selon laquelle les véhicules ont « peu roulé » est donc très relative et s'avère en réalité fausse,
- les « constats » initiaux sur le boitier VIC du véhicule ont été effectués par le cabinet ABS Expertise, hors sa présence (elle n'a pas été convoquée), et sans qu'elle ne soit avertie au préalable avant toute intervention d'un quelconque problème affectant le véhicule. Ces constats n'ont donné lieu à aucun rapport,
- les camions n'étaient évidemment plus dans leur état d'origine et avaient été manipulés à de très nombreuses reprises lors de contrôle et d'intervention de tierces personnes non agrées,
- elle conteste fermement avoir procédé à la « découpe d'un faisceau électrique ADR et de l'avoir rafistoler ».
- M. l'expert affirme l'antériorité des désordres sur simple constat de « l'apparence des désordres, notamment l'oxydation du connecteur principal» et prétend qu'aucun des professionnels ou organismes certificateurs intervenus sur les véhicules n'a pu les déceler auparavant faute d'investigations « destructives » au cours des multiples contrôles intervenus,
- or, il admet qu'il a fallu détruire les faisceaux pour constater ces anomalies car le rafistolage a malgré tout été fait suffisamment convenablement pour qu'il passe inaperçu. Ce type de pratique est assez déroutant car cela ne correspond à aucun cahier des charges d'expertise rigoureuse,
- l'oxydation du connecteur principal relevée par l'expert judiciaire est nécessairement postérieure à la livraison à défaut de quoi les véhicules auraient connu une immobilisation immédiatement après leur livraison et surtout n'auraient pu passer aucun des contrôles auxquels ils ont été soumis,
- il doit être relevé que la société Olivier Produits Pétroliers n'avait relevé aucun désordre avant l'organisation de l'expertise judiciaire sur le véhicule CZ-394-Y alors qu'il a été immobilisé le 24 juin 2019, suite à un accident de la circulation. Celui-ci n'était pas mentionné dans son assignation, les seuls griefs portaient sur l'autre véhicule,
- aucun constat de désordre n'ayant été effectué sur ce véhicule avant son immobilisation causé par l'accident de la circulation, le lien de causalité entre les désordres évoqués et cette immobilisation est pour ce seul motif totalement inexistant.
Pour contester l'existence d'un vice de nature à compromettre l'usage de la chose, elle indique que :
- les vices affectant les camions sont les suivants :
* le camion immatriculé [Immatriculation 4] présente un choc à l'avant gauche et la commande du coupe-circuit placée dans la cabine est selon l'expert judiciaire « raccordée par des fils électriques volants, montés à l'aide de cosses rapides dont l'une n'est pas convenablement sertie de sorte qu'il suffit de tirer légèrement sur l'un des fils pour que le moteur cesse de fonctionner »,
* le camion immatriculé [Immatriculation 3] ne démarre plus et présente le même type de montage du coupe-circuit. En outre, au niveau de la batterie, l'un des connecteurs est cassé avec présence d'eau par infiltration. Les connecteurs qui alimentent la batterie sont oxydés avec présence de vert de gris (sulfate de cuivre),
- ces désordres concernent donc simplement des connectiques défaillantes de sorte que le vice ne peut être considéré comme suffisamment grave pour impacter l'usage des camions dans la mesure où une simple réparation permettrait de solutionner les dysfonctionnements tel que le relève à juste titre M. [F],
- elle ne peut être tenue pour responsable de l'état de conservation des camions en raison du fait qu'elle n'avait aucune maîtrise sur les conditions de stockage des véhicules ayant pu potentiellement provoquer de nouveaux désordres qui ont pu rendre les véhicules impropres à leur usage en l'absence de mesure conservatoire suffisante par la société Olivier Produits Pétroliers,
- l'expert judiciaire lui-même n'a jamais qualifié le défaut de vice caché de nature à rendre le bien impropre à son usage dès lors que les véhicules sont réparables pour un coût très raisonnable,
- à le supposer antérieur à la vente, le vice détecté dans le cadre de l'expertise n'est pas suffisamment grave pour justifier une résolution judiciaire sur le fondement de la garantie légale contre les vices cachés.
Au soutien de sa demande subsidiaire de cantonnement des demandes de l'appelante, elle fait valoir que :
- les désordres impactant les camions concernent des connectiques défaillantes et dans son rapport, l'expert judiciaire estime le coût des réparations à 5.638,90 euros et les frais de remorquage à 800 euros,
- dès lors, en l'état, rien ne permet de justifier que ce type de désordre entraîne la résolution de la vente des deux véhicules et le défaut de gravité du vice à le supposer avéré l'interdit,
- la réparation est possible pour une somme de 5.638,90 euros et elle peut prendre en charge le coût de cette réparation afin que la société Olivier Produits Pétroliers puisse faire procéder à la remise en état des camions par la société tierce de son choix,
- la société Olivier Produits Pétroliers ne produit pas d'éléments probatoires à l'appui de sa demande au titre des frais de gardiennage, et ce d'autant plus que l'un des deux véhicules est immobilisé non pas à cause du désordre revendiqué mais d'un accident de la circulation routière imputable à l'appelante,
- l'assurance des véhicules incombe à celui qui possède et utilise les véhicules ce qui a été le cas pendant plus de dix-huit mois depuis la livraison, les véhicules ayant été utilisés par la société Olivier Produits Pétroliers.
Au soutien de sa demande infiniment subsidiaire tenant à l'absence de connaissance du vice caché, elle expose qu'elle ignorait de bonne foi l'existence de ce vice au moment de la vente.
Pour s'opposer à la demande indemnitaire pour résistance abusive, elle indique qu'elle a simplement fait valoir sa défense en contestant légitimement l'imputabilité des désordres et que l'origine des désordres restant encore à ce jour incertaine malgré la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire, elle était donc parfaitement légitime à refuser de faire droit aux demandes présentées par l'appelante sans que cette opposition ne puisse être considérée comme étant un abus de droit.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2024, l'affaire a été appelée à l'audience du 13 septembre 2024 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 24 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir «constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
Sur le défaut de conformité
Conformément à l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
En application de ce texte, l'acquéreur ne peut être tenu d'accepter une chose différente de celle qu'il a commandé.
En l'espèce, pour les besoins de son activité, la société Olivier Produits Pétroliers a acquis auprès de la société Noyal Poids Lourds deux tracteurs d'occasion de marque DAF ADR (Accord for dangerous gonds by road) homologués « AT pour les véhicules destinés au transport de marchandises dangereuses dans des conteneurs-citernes », immatriculés [Immatriculation 3] et [Immatriculation 4] au prix unitaire de 43.200 euros T.T.C, réévalué à la somme de 46.800 euros T.T.C par véhicule après mise à la norme « FL pour les véhicules destinés au transport de liquides avec point d'éclair inférieur ou égal à 61°C ou de gaz inflammables », par la société Noyal Poids Lourds et la société CACIDEP, carrossier et consistant en l'installation d'un boîtier électrique coupe-circuit, permettant, en cas d'accident, au chauffeur de déclencher l'arrêt d'urgence du moteur depuis sa cabine de conduite, et ce, compte tenu de la dangerosité des produits transportés.
Or, il ressort des pièces de la procédure que le camion immatriculé [Immatriculation 3] livré en février 2018 et le camion immatriculé [Immatriculation 4] livré le 7 mai 2018 ont fait l'objet d'un « procès-verbal de réception à titre isolé d'un véhicule destiné au transport de marchandises dangereuses selon l'ADR » émis par la Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement de Bretagne (DREAL), respectivement le 5 avril 2018 s'agissant du véhicule immatriculé [Immatriculation 3] et le 7 juin 2018 s'agissant du véhicule immatriculé [Immatriculation 4], attestant que « les véhicules sont homologués selon le point 9.1.1.2 sous la désignation AT, FL et sont conformes aux dispositions de l'ADR applicable aux désignations visées ci-dessus ».
Il s'ensuit que la société Olivier Produits Pétroliers a bien reçu deux véhicules équipés d'un système coupe circuit homologués AT/FL, destinés au transport de marchandises dangereuses dans des conteneurs-citernes et au transport de liquides avec point d'éclair inférieur ou égal à 61°C ou de gaz inflammables. Elle n'est donc pas fondée à se prévaloir d'un défaut de conformité au sens des dispositions précitées, faute pour elle de rapporter la preuve de ce qu'elle a reçu une chose différente de celle qu'elle a commandé.
Sur le vice caché
Conformément à l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Par ailleurs, conformément à l'article 1644 du même code, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
En application de l'article 1645, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En revanche, si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente et ce, par application de l'article 1646 du même code.
Le vendeur professionnel ne peut ignorer les vices de la chose vendu, même à un professionnel ( Civ 2ème, 30 mars 2000, n°98-15.286).
En l'espèce, aux termes de son rapport en date du 13 juillet 2021, M. [H], expert judiciaire constate ainsi qu'il suit que : « le tracteur routier immatriculé [Immatriculation 4] a subi un choc à l'avant gauche et la commande du coupe circuit placée dans la cabine est raccordée par des fils électriques volants, montés à l'aide de cosses rapides. L'une d'elle n'est pas convenablement sertie et il suffit de tirer à peine sur l'un des fils pour que le moteur cesse de fonctionner. Au niveau de la batterie, nous constatons que le faisceau électrique est raccordé par des épissures grossières ».
S'agissant du tracteur routier immatriculé [Immatriculation 3], l'expert relève ainsi qu'il suit que :« bien que le contact soit mis, le moteur ne démarre pas. Le chronotachygraphe est non alimenté et nous ne pouvons relever le kilométrage. Nous constatons le même type de montage du coupe-circuit. Au niveau de la batterie, un des connecteurs est cassé avec la présence d'eau par infiltration. Les connecteurs qui alimentent la batterie sont oxydés avec présence de verre de gris ( sulfate de cuivre)'.
L'expert retient que les désordres similaires qui concernent les deux tracteurs routiers affectent la commande du coupe-circuit depuis la cabine de conduite et sont dus à un mauvais montage de ces commandes qui sont en conséquences défectueuses.
Il conclut que les désordres étaient existants avant la vente et étaient indécelables par un profane en matière d'automobile. Il relève également que les deux véhicules sont prévus pour tracter des citernes contenant des produits inflammables type gazole et fuel pour lesquels la simple homologation AT est suffisante, mais également des liquides avec un point éclair inférieur à 61° C c'est à titre hautement inflammable, type essence et pour lesquels l'homologation FL est indispensable et ajoute qu'outre les spécifications prévues par la norme AT(chronotachygraphe, reinage etc..), la norme FL impose un système permettant de couper l'alimentation en électricité et ceci depuis la cabine de conduite (commande déportée du coupe-circuit extérieur).
Selon l'expert judiciaire, ces désordres trouvent leur origine dans une malfaçon imputable à la société Noyal Poids lourds.
Contrairement à ce que soutient la société Noyal Poids Lourds, les procès-verbaux de réception à titre isolé d'un véhicule destiné au transport de marchandises dangereuses selon l'ADR émis par la DREAL de Bretagne, respectivement le 5 avril 2018 s'agissant du véhicule immatriculé [Immatriculation 3] et le 7 juin 2018 s'agissant du véhicule immatriculé [Immatriculation 4], attestant que « les véhicules sont homologués selon le point 9.1.1.2 sous la désignation AT, FL et sont conformes aux dispositions de l'ADR applicable aux désignations visées ci-dessus » ne font pas la preuve de l'absence d'antériorité des désordres à la vente, alors que l'expert judiciaire indique que le rôle de cet organisme se limite à vérifier l'existence du coupe-circuit et de son fonctionnement mais sans démontage et donc sans vérification de l'état du circuit électrique, et que ces conclusions ne sauraient être remises en cause par les affirmations contraires contenues dans la note technique de M. [F], missionné par l'intimé, lesquelles ne sont au demeurant objectivées par aucun élément d'ordre technique s'agissant de l'étendue du contrôle opéré par la DREAL.
De même, si la société DAF a attesté le 23 avril 2018 s'agissant du véhicule immatriculé [Immatriculation 4] et le 13 février 2018 s'agissant du véhicule immatriculé [Immatriculation 3], que le gainage électrique souple PVC HT de marque Univwell les équipant est conforme aux prescriptions de la réglementation ADR suivant la directive 89/91, il ne saurait se déduire de ces attestations, ni d'ailleurs du caractère neuf des pièces utilisées, l'absence d'antériorité des désordres à la vente, alors que l'expert retient que ceux-ci trouvent leur origine dans un mauvais montage des commandes du coupe-circuit et non pas dans la qualité des matériaux utilisés pour mettre aux normes AT/FL les deux véhicules.
C'est encore en vain que l'intimée se prévaut de l'absence de défaillance des commandes de coupe-circuit relevée par les deux contrôles effectués en octobre 2018, postérieurement à la vente alors que l'expert judiciaire indique que le fonctionnement du coupe-batterie et l'état des batteries sont vérifiés mais sans démontage, puisque les batteries sont couvertes par un capot que le contrôleur n'a pas le droit de démonter et le circuit électrique n'est pas visible sans démontage, lesquelles conclusions ne sauraient être remises en cause par les affirmations contraires contenues dans la note technique de M. [F], faite à la demande de l'intimée et qui ne sont au demeurant objectivées par aucun élément d'ordre technique.
Le fait que les deux véhicules ont parcouru respectivement 83.405 kilomètres et 85.585 kilomètres depuis la vente n'est pas non plus de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire s'agissant de l'antériorité des désordres, alors que ce dernier relève que les cosses étaient mal serties, de sorte que ce mauvais montage n'est pas incompatible avec un fonctionnement du véhicule tant que le fil électrique est demeuré dans son sertissage.
En outre, s'il n'est pas contesté que l'un des véhicules a subi un accident de la circulation, il n'existe pas de lien de causalité avec les désordres, lesquelles trouvent leur origine non pas dans un choc mais dans un mauvais montage du circuit.
Les affirmations tenant à l'absence d'entretien des véhicules conformément aux préconisations du constructeur et à l'existence d'un « rafistolage » opéré par des professionnels non agrées à l'insu de l'appelante, est tout aussi inopérant, alors qu'il s'agit d'allégations hypothétiques qui ne sont assorties d'aucune démonstration d'ordre factuel ou technique et que M. [F], expert mandaté par l'intimée était absent lors des opérations de démontages et de contrôles, comme le relève l'expert judiciaire.
Enfin, si les désordres antérieurs à la vente concernent des montages de connectiques, il est également constant que la défaillance de ces coupes-circuits depuis la cabine de contrôle rendent les camions impropres à l'usage auquel on les destine, s'agissant de véhicules tractant des citernes contenant des liquides avec un point éclair inférieur à 61°C c'est à dire hautement inflammable, type essence et pour lesquels l'homologation FL impose un système permettant de couper l'alimentation en électricité et ceci depuis la cabine de conduite (commande déportée du coupe-circuit extérieur), laquelle est indispensable pour des raisons impérieuses de sécurité.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Olivier Produits Pétroliers est bien fondée à solliciter que soit ordonnée la restitution du véhicule immatriculé [Immatriculation 4] et du véhicule immatriculé [Immatriculation 3] aux frais exclusifs de la société Noyal Poids Lourds ainsi que la condamnation de cette dernière à lui restituer la somme de 93.600 euros au titre du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2018.
Sur la demande au titre des frais d'assurance
En application de l'article l'article L.211-1 alinéa 1er du code des assurances, toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité.
Il ressort de ces dispositions que l'obligation d'assurer un véhicule terrestre à moteur s'impose à tout détenteur d'un tel engin, destiné à circuler, et les frais d'assurance ne peuvent constituer un préjudice réparable, ces frais étant sans lien de causalité avec les vices du véhicule.
En conséquence, il y a lieu de débouter la société Oliviers Produits Pétroliers de sa demande au titre des frais d'assurance.
Sur les frais d'expertise judiciaire
Les frais d'expertise judiciaire sont compris dans les dépens de sorte que cette demande qui est traitée au titre des dépens, doit être rejetée.
Sur les frais de gardiennage
La demande de la société Olivier Produits Pétroliers de juger que les frais de gardiennage des deux tracteurs immatriculés [Immatriculation 3] et [Immatriculation 4] seront supportés à compter du prononcé du jugement et jusqu'à l'enlèvement
des véhicules par la société Noyal Poids Lourds et de condamner la même en tant que de besoin à lui payer cette somme, qui est une demande non chiffrée et donc indéterminée doit être rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de la société Noyal Produits Pétroliers une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit de se défendre en justice. Il n'est pas fait droit à la demande de dommages-intérêts formée à ce titre.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens
Succombant dans son action, la société Noyal Poids Lourds doit supporter les dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire . Elle doit également supporter la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à la société Oliviers Produits Pétroliers la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d'appel. Il convient en outre d'infirmer le jugement déféré. Il y a également lieu de débouter la société Noyal Poids Lourds de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Ordonne la restitution du véhicule immatriculé [Immatriculation 4] et du véhicule immatriculé [Immatriculation 3] à la société Noyal Poids Lourds et à ses frais exclusifs,
Condamne la société Noyal Poids Lourds à restituer à la société Olivier Produits Pétroliers la somme de 93.600 euros au titre du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2018,
Déboute la société Olivier Produits Pétroliers de sa demande en paiement de la somme de 9.153,40 euros au titre des frais d'assurance,
Condamne la société Noyal Poids Lourds à payer à la société Olivier Produits Pétroliers la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel,
Déboute la société Noyal Poids Lourds de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Noyal Poids Lourds aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.