Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 24 octobre 2024, n° 20/03011

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Passion Bois (SARL)

Défendeur :

Décor'Laque (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bonafos

Conseillers :

Mme Möller, M. Candau

Avocats :

Me Badie, Me Laversa, Me Juston, Me Pozzo di Borgo

T. com. Nice, du 19 déc. 2019, n° 2019F0…

19 décembre 2019

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Au cours de l'année 2018, la SARL PASSION BOIS a eu recours aux services de l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE et de trois autres prestataires, pour teinter et vernir des boiseries d'un chantier devant commencer au mois de mai 2018 dans une villa située aux ETATS UNIS.

La SARL PASSION BOIS expose qu'il était demandé à l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE d'utiliser les mêmes produits et les mêmes techniques que les autres intervenants sur le chantier.

La SARL PASSION BOIS a considéré que cette dernière obligation n'avait pas été respectée et a demandé à ce que les travaux confiés à l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE soient repris par un des autres prestataires.

L'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE a réclamé à la SARL PASSION BOIS le paiement des travaux qu'elle avait réalisés et a déposé une requête en injonction de payer devant le Président du Tribunal de commerce de Nice.

Une ordonnance d'injonction de payer a ainsi été rendue le 27 novembre 2018 enjoignant à la SARL PASSION BOIS de payer la somme de 9.502,36€ en principal, 119,65€ au titre des accessoires et 51,48€ au titre des frais de procédure.

Le 8 janvier 2019, la SARL PASSION BOIS a formé opposition à cette ordonnance d'injonction de payer.

Par jugement en date du 19 décembre 2019, le Tribunal de commerce de NICE :

Déboute la SARL PASSION BOIS de son opposition.

Confirme l'ordonnance d'injonction de payer N° 2018101631 du 27 novembre 2018.

Condamne la SARL PASSION BOIS à payer à la l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE la somme de 9.502,36 € (neuf mille cinq cent deux euros et trente-six centimes), en règlement de sa facture n° 074/18 du 4 juin 2018, augmenté des intérêts au taux légal.

Rejette pour le surplus toute autres demandes fins, conclusions contraires au dispositif du présent jugement

Condamne la SARL PASSION BOIS à payer à l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE la somme de 2.000,00 € (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civil.

Condamne la SARL PASSION BOIS aux entiers dépens de la présente instance et afférents à la procédure d'injonction de payer.

Liquide les dépens à la somme de 126,30€ (cent vingt-six euros et trente centimes).

Par déclaration en date du 27 février 2020, la SARL PASSION BOIS a formé appel de cette décision à l'encontre de l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE en ce qu'elle a :

- Débouté la SARL PASSION BOIS de son opposition.

- Confirmé l'ordonnance d'injonction de payer N° 2018101631 du 27 novembre 2018.

- Condamné la SARL PASSION BOIS à payer à la l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE la somme de 9.502,36 € (neuf mille cinq cent deux euros et trente-six centimes), en règlement de sa facture n° 074/18 du 4 juin 2018, augmenté des intérêts au taux légal.

- Rejeté pour le surplus toute autres demandes fins, conclusions contraires au dispositif du présent jugement de la SARL PASSION BOIS tendant à :

* Dire et juger que l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE n'a pas respecté ses obligations contractuelles en refusant d'utiliser le vernis et les techniques de vernissage spécialement mis en place par la société IVS tel que sollicité par son contractant.

En conséquence,

* Rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE ;

* Opposer une fin de non-recevoir quant à la demande fondée sur la brusque rupture des relations commerciales au visa de l'article 442-6 5° du Code du commerce.

* Condamner l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE à payer à la SARL PASSION BOIS la somme de 2.500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'opposition-Condamné la SARL PASSION BOIS à payer à l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE la somme de 2.000 Euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure Civile.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions notifiées le 27 mai 2020, la SARL PASSION BOIS demande à la Cour de :

Vu l'article 1104 du Code civil,

Vu les articles L.442-6, D.442-3 et annexe 4-2-1 du Code de commerce, dans leurs rédactions applicables la présente Instance.

Réformer partiellement le Jugement du Tribunal de Commerce de NICE du 19 décembre 2019 querellé :

Dire et juger que la Société DECOR'LAQUE n'a pas respecté ses obligations contractuelles en refusant d'utiliser le vernis et les techniques de vernissage spécialement mis en place par la société IVS tel que sollicité par son cocontractant.

En conséquence,

Juger que la demande de paiement de la somme de 9.502,36 € est infondée et que l'opposition de la Société PASSION BOIS aurait dû être validée.

Rejeter l'intégralité des demandes fins et conclusions de la société DECOR'LAQUE.

En tout état de Cause,

Opposer une fin de non-recevoir quant à la demande fondée sur la brusque rupture des relations commerciales au visa de l'article 442-6 5° du Code de commerce.

Condamner la société DECOR'LAQUE à payer à la société PASSION BOIS la somme de de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance en ce compris Les frais d'opposition.

Par conclusions notifiées le 16 mai 2024, la SARL PASSION BOIS, reformulant ses prétentions demande à la Cour de :

Vu l'article 1104 du Code civil,

Vu les articles L.442-6, D.442-3 et annexe 4-2-1 du Code de commerce, dans leurs rédactions applicables la présente Instance.

JUGER la société PASSION BOIS recevable et fondée en ses demandes,

REFORMER le Jugement du Tribunal de Commerce de NICE du 19 décembre 2019 en ce qu'il a jugé ce qui suit :

DEBOUTE la SARL PASSION BOIS DE SON OPPOSITION,

CONFIRME l'ordonnance d'injonction de payer n°2018101631 du 27 novembre 2018,

CONDAMNE la SARL PASSION BOIS à payer à la l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE la somme de 9.502,36 € (neuf mille cinq cent deux euros et trente-six centimes), en règlement de sa facture n° 07418 du 4 juin 2018, augmenté des intérêts au taux légal.

REJETTE pour le surplus toute autres demandes fins, conclusions contraires au dispositif du présent jugement

CONDAMNE la SARL PASSION BOIS à payer à l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE la somme de 2.000,00€ (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civil.

CONDAMNE la SARL PASSION BOIS aux entiers dépens de la présente instance et afférents à la procédure d'injonction de payer.

LIQUIDE les dépens à la somme de 126,30€ (cent vingt six euros et trente centimes).

Statuant à nouveau :

JUGER que la demande de paiement de la somme de 9.502,36 € est infondée et que l'opposition de la Société PASSION BOIS aurait dû être validée.

DEBOUTER la société DECOR'LAQUE de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

En tout état de Cause,

OPPOSER une fin de non-recevoir quant à la demande fondée sur la brusque rupture des relations commerciales au visa de l'article 442-6 5° du Code de commerce.

CONDAMNER la société DECOR'LAQUE à payer à la société PASSION BOIS la somme de de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER la société DECOR'LAQUE aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'opposition.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que lors de l'exécution des travaux, l'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE a utilisé des produits qui n'étaient pas ceux fournis par la société IVS et qui devaient être utilisés par tous les prestataires pour l'ensemble du chantier. Elle reproche donc à la société intimée de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles en refusant d'utiliser le vernis qui devait servir à la réalisation du chantier sans qu'il puisse être invoqué qu'il n'était pas démontré qu'un autre vernis pouvait prendre une teinte différente, compte tenu du risque de rupture de teinte et de perte d'homogénéité dans le temps. Elle considère également qu'aucune rupture brutale des relations commerciales ne peut lui être reprochée en l'espèce et sollicite sur ce pont la confirmation du jugement attaqué ; elle considère en outre que la demande formée devant le Tribunal de commerce aurait dû être déclarée irrecevable et qu'il appartient à la Cour de relever le défaut de pouvoir juridictionnel du premier juge sur ce point.

L'EURL SOCIETE DECOR'LAQUE, par ses dernières conclusions en réplique portant appel incident notifiées le 22 mai 2024 demande à la Cour de :

Vu l'article 1104 du Code civil,

Vu l'article L.442-6 du Code de commerce,

CONFIRMER le Jugement du Tribunal de commerce de Nice du 19 décembre 2019 en ce qu'il a :

DEBOUTER la Société « PASSION BOIS » de ses demandes, fins et conclusions;

DEBOUTER la Société « PASSION BOIS » de son opposition à injonction de payer;

CONDAMNER la Société « PASSION BOIS » au titre de l'injonction de payer des sommes dues au titre de la facture n°074/18,

CONDAMNER la Société « PASSION BOIS » à payer à la Société « DECOR'LAQUE » la somme de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

INFIRMER le Jugement du Tribunal de commerce de Nice du 19 décembre 2019 pour le surplus

ET STATUANT DE NOUVEAU :

PORTER la condamnation de la Société « PASSION BOIS » à la Société « DECOR'LAQUE » la somme de 9.802,23 Euros au titre de la facture n°074/18 outre les intérêts légaux, en ce compris les frais de signification ;

CONDAMNER la Société « PASSION BOIS » à payer à la Société « DECOR'LAQUE » la somme de 29.545,40 Euros en réparation du préjudice causé du fait de la rupture brutale des relations commerciales ;

CONDAMNER la Société « PASSION BOIS » à payer à la Société « DECOR'LAQUE » la somme de 4.751,18 Euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ; CONDAMNER la Société « PASSION BOIS » à payer à la Société « DECOR'LAQUE » la somme de 4.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, La CONDAMNER aux entiers dépens.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir qu'elle n'a facturé à la SARL PASSION BOIS que le travail réalisé et que la décision du Tribunal de commerce doit être confirmée en ce qu'elle a condamné au paiement des factures émises, sauf à augmenter ce montant à la somme de 9.802,23€, conformément à l'avis de signification de l'ordonnance d'injonction de payer. Elle demande l'infirmation de la décision du Tribunal de commerce s'agissant de l'indemnisation pour rupture brutale et abusive, considère cette demande recevable en exposant qu'elle a subi un préjudice et un manque à gagner du fait de la rupture de ce contrat. Elle conclut également à l'infirmation de la décision en ce qu'elle a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive compte tenu de ce que la SARL PASSION BOIS ne lui a réglé à ce stade aucune somme.

L'affaire a été clôturée à la date du 27 mai 2024 et appelée en dernier lieu à l'audience du 19 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale :

La SARL PASSION BOIS expose que dans le cadre du chantier concerné, afin d'obtenir une homogénéité sur l'ensemble des surfaces traitées, elle avait imposé à ses différents sous-traitants de travailler avec un fournisseur unique : la société IVS qui proposait un procédé spécifique. Elle soutient que cette obligation contractuelle était bien connue de l'ensemble des sous-traitants et constituait une disposition impérative dans la réalisation de ce chantier. Selon elle, le non-respect de ce procédé par la société DECOR'LAQUE qui aurait utilisé ses propres produits constituerait la cause de ce litige.

En application des articles 1103 et 1104 du Code civil, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi. En outre, par application des dispositions de l'article 1353 du Code civil, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

En l'espèce, par courriel en date du 30 mai 2018, la société DECOR'LAQUE a fait parvenir à PASSION BOIS un devis en vue de la réalisation de ce chantier de vernissage ; ce devis prévoyait une facturation à hauteur de 699,60€ par mètre carré. En réponse, la société PASSION BOIS mentionnait le fait qu'elle souhaitait que les différents vernisseurs devant intervenir utilisent les mêmes produits. Il est admis que cette demande est intervenue postérieurement au commencement des travaux.

Le 4 juin 2018, après interruption du chantier, la société DECOR'LAQUE a émis une facture d'un montant de 9.502,36€ à destination de la société PASSION BOIS au titre des travaux « cave à vin finition brillante ». Il n'est pas contesté que ces travaux correspondent à ceux ayant donné lieu au présent litige.

Par courriel en date du 14 août 2018, la société PASSION BOIS a fait part de son désaccord avec cette facture, en indiquant « car vous n'avez pas fini le travail. J'ai du récupérer celui-ci et le donner à un autre vernisseur ». Elle indiquait en outre : « je suis d'accord pour vous régler 50% de la somme. Merci de m'adresser l'avoir correspondant et je vous la règle ».

Le 29 mars 2019, la société IVS a émis une attestation indiquant que dans le cadre du chantier réalisé sur une villa aux Etats-Unis, s'agissant du choix de la fourniture, et des procédures d'application pour les finitions (teinte, vernis polyester, vernis satiné, vernis brillant et laque polyuréthane), « pour que ces travaux soient homogènes et vieillissent de la même façon, il était indispensable de respecter le processus exigé par PASSION BOIS », élément qui aurait été communiqué aux sociétés concernées.

Trois des autres sociétés chargées de ces prestations ont émis des attestations dans lesquelles elles exposent avoir utilisé les teintes et vernis ainsi que les procédés de vernissage spécialement mise en place avec l'aide de la société IVS.

Ainsi, comme le souligne la société DECOR'LAQUE, il convient de relever que les parties se sont engagées selon les termes d'un devis en date du 30 mai 2018 sans qu'il soit fait état, à cette date, d'exigences particulières dans les produits et procédés à utiliser pour le vernissage. En effet, de telles précisions n'apparaissent pas dans le devis accepté par la société PASSION BOIS et ne sont évoquées que postérieurement dans les différentes attestations produites.

Les pièces versées ne démontrent pas que la société DECOR'LAQUE n'aurait pas exécuté en intégralité les prestations au titre desquelles elle a émis sa facture, la seule affirmation faite à ce titre dans le courriel du 14 août 2018 faisant suite à l'émission de celle-ci n'apparaît pas suffisante pour établir ce non-accomplissement de la prestation. En outre, si la société PASSION BOIS reproche à DECOR'LAQUE d'avoir commencé le chantier sans utiliser les produits imposés, élément présenté comme étant la cause de la rupture de la relation contractuelle, elle n'apporte aucun justificatif à ce titre. Si elle évoque cette problématique dans un courrier en date du 5 septembre 2018 qu'elle a adressé à DECOR'LAQUE, le courriel du 14 août 2018 n'évoquait en revanche qu'un simple inachèvement et non pas une difficulté quant aux produits appliqués.

Ainsi, à défaut de justifier d'engagements distincts de ceux mentionnés dans le devis du 30 mai 2018 et de l'inachèvement de la prestation confiée à DECOR'LAQUE, la société PASSION BOIS n'est pas en mesure de s'opposer au règlement de la facture qui a été émise au titre de ce chantier.

Aux termes de ses conclusions, la société DECOR'LAQUE sollicite que le montant de cette condamnation soit porté à 9.802,23€, montant qui correspond à celui indiqué sur l'acte de signification de l'ordonnance d'injonction de payer. Elle expose que les dépens liquidés par le Tribunal de commerce à hauteur de 126,30€ ont été insuffisants pour couvrir les frais de cette procédure d'injonction de payer.

S'agissant des dépens, lorsque l'opposition à une injonction de payer est considérée non fondée, en rejetant l'opposition, le tribunal peut condamner le débiteur aux entiers dépens comprenant les dépens du jugement et ceux de l'opposition. Les dépens de l'instance sur opposition à injonction de payer comprennent l'ensemble des frais de la procédure d'injonction de payer. Par ailleurs, il convient de rappeler que par application de l'article 1420 du Code civil, l'opposition mettant à néant l'ordonnance portant injonction de payer à laquelle elle s'applique, le Tribunal ou la Cour ne peuvent ni infirmer ni confirmer cette ordonnance.

Ainsi, le jugement attaqué doit être infirmé en ce qu'il a confirmé l'ordonnance d'injonction de payer du 27 novembre 2018 et en ce qu'il a liquidé les dépens à la somme de 126,30€.

Il sera en revanche confirmé en ce qu'il a condamné la SARL PASSION BOIS au paiement de la somme en principal et aux entiers dépens de la première instance et de ceux afférents à la procédure d'injonction de payer.

Sur le préjudice de rupture des relations commerciales :

La société DECOR'LAQUE expose que les conditions dans lesquelles ses relations commerciales avec la société PASSION BOIS ont été interrompues lui a causé un préjudice en ce que trois salariés étaient affectés à ce chantier et que cette décision a provoqué une période de cessation d'activité durant le temps nécessaire pour que soient retrouvés de nouveaux chantiers ; elle se prévaut donc d'importantes difficultés financières consécutives à cette interruption du chantier et fonde sa demande de réparation sur les dispositions de l'article L442-6 du Code de commerce dans sa version applicable au litige selon lequel :

« I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers:

(')

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (') ».

La SARL PASSION BOIS conclut à l'irrecevabilité de cette demande tout en sollicitant dans le corps de ses écritures la confirmation de la décision du Tribunal de commerce en ce qu'il a rejeté cette prétention. Elle indique en effet que selon l'article D442-3 du Code de commerce, le ressort des juridictions commerciales compétentes pour l'application de l'article L442-6 de ce Code est fixé conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 ; que selon cette annexe, pour le ressort de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, le Tribunal de Commerce compétent est celui de MARSEILLE ; qu'en saisissant le Tribunal de Commerce de NICE, la société DECOR'LAQUE a mal dirigé son action.

En application de l'article 77 du Code de procédure civile : « en matière gracieuse, le juge peut relever d'office son incompétence territoriale. Il ne le peut, en matière contentieuse, que dans les litiges relatifs à l'état des personnes, dans les cas où la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction ou si le défendeur ne comparaît pas ».

Selon les dispositions de l'article D442-3 dans sa version applicable à l'instance, le Tribunal de commerce compétent pour connaître d'un litige fondé sur l'article L442-6 du Code de commerce était en effet le Tribunal de commerce de Marseille et, en cause d'appel, la présente Cour.

Or, sur ces fondements, la Cour de cassation a considéré que la Cour d'appel de Paris était seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L442-6. Elle a qualifié ce pouvoir de pouvoir juridictionnel exclusif, dont l'inobservation devait être sanctionnée par une fin de non-recevoir (Chambre commerciale 24 septembre 2013 n°12-21.089). La Cour de cassation a également retenu que la règle investissant la Cour d'appel de Paris du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L442-6 du Code de commerce constituait une règle d'ordre public (Chambre commerciale 31 mars 2015 n°14-10.016).

En application de l'article 125 du Code de procédure civile, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public.

Il se déduit de ces éléments, d'une part que la règle de compétence posée par les textes précités doit s'analyser comme une règle de compétence d'attribution de pouvoir juridictionnel soumis au régime des fins de non-recevoir ; d'autre part, que le Tribunal de commerce de NICE qui disposait des éléments lui permettant de relever d'office son incompétence pour statuer sur cette question devait en l'espèce déclarer la demande irrecevable.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision du Tribunal de commerce de NICE en ce qu'il a déclarée recevable la demande de la société DECOR'LAQUE relative à la rupture des relations commerciales.

Il convient cependant de relever que la compétence de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE pour statuer sur cette demande n'est pas contestée aux termes des textes et jurisprudences précités.

Ainsi, la société DECOR'LAQUE verse à ce titre une simulation de facture datée du 4 juin 2018 dont le montant est de 21.202,36€. Cependant, ce document émis unilatéralement par la société DECOR'LAQUE ne suffit pas à démontrer la réalité de sa perte, notamment compte tenu de l'absence de contrat initial suffisamment précis pour pouvoir appréhender le montant total qu'elle devait percevoir dans le cadre de la réalisation de ce chantier. Certes, cette simulation est fondée sur le traitement d'une même surface mais avec application d'un prix au mètre carré supérieur à celui appliqué dans la facture de 9.502,36€ et se rapprochant davantage du prix mentionné dans le devis du 30 mai 2018. Mais ce seul élément, dans un contexte où les raisons de l'interruption du contrat sont par ailleurs incertaines, ne permet pas de faire droit à la demande d'indemnisation présentée au titre de cette rupture des relations commerciales ; quant à la perte de chiffre d'affaires sur l'année 2018 telle qu'elle ressort du bilan versé aux débats, il n'est pas démontré qu'elle soit imputable à l'interruption de cette relation commerciale.

La demande présentée de ce chef sera en conséquence rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts :

La société DECOR'LAQUE conclut à la condamnation de la société PASSION BOIS au paiement de dommages et intérêts compte tenu de la résistance abusive de celle-ci, notamment en ce qu'elle n'a payé aucune somme et qu'elle est coutumière du fait de ne pas respecter ses obligations financières.

Elle verse aux débats une attestation de Madame [R] en date du 21 janvier 2019 dans laquelle elle expose que la société PASSION BOIS lui aurait refusé le paiement de l'intégralité des sommes lui étant dues au titre d'un travail accompli pour cette société. Le lien de cette attestation avec le présent litige n'est cependant pas établi.

Cependant, l'intimée ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct de celui déjà indemnisé par les intérêts applicables à la condamnation prononcée et qui résulterait d'une résistance fautive de la société PASSION BOIS de se soumettre à ses obligations.

Il convient en conséquence de confirmer la décision du Tribunal de commerce de NICE en ce qu'il a rejeté cette prétention.

Sur les demandes annexes :

Les dispositions de la décision attaquée s'agissant de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et de la condamnation aux dépens seront confirmées, à l'exception, comme indiqué supra, de la liquidation des dépens à la somme de 126,30€.

Au vu de la solution du litige, la société PASSION BOIS succombant au principal en son appel, elle sera condamnée à payer à la société DECOR'LAQUE une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société PASSION BOIS sera également condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du Tribunal de commerce de NICE en date du 19 décembre 2019, sauf en ce qu'il a confirmé l'ordonnance d'injonction de payer du 27 novembre 2018, a liquidé les dépens à la somme de 126,30€ et a déclaré recevable la demande de la société DECOR'LAQUE relative à la rupture des relations commerciales.