Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-7, 24 octobre 2024, n° 21/11575
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 370
Rôle N° RG 21/11575 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4XJ
SCI LES FLOTS BLEUS
C/
Syndic. de copro. [Adresse 1]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Pierre-yves IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Marseille en date du 03 Juin 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/02390.
APPELANTE
SCI LES FLOTS BLEUS immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le numéro 491 592 101, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Jean-pierre TERTIAN de la SCP TERTIAN-BAGNOLI & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMEE
Syndic. de copro. [Adresse 1] représenté par son Syndic en exercice le Cabinet D'AGOSTINO PATRICK, S.A.S.U dont le siège social est sis [Adresse 4], elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rebecca VANDONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Audrey BABIN de la SELARL AUDREY BABIN, avocat au barreau de MARSEILLE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Février 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024 puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 13 juin 2024 par mise à disposition au greffe puis au 4 juillet 2024 puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 24 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024,
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
L'immeuble en copropriété du [Adresse 1] à [Localité 3] est un bien de trois étages comportant cinq lots.
La SCI LES FLOTS BLEUS (dont les co-gérants sont Mme [U] et M.[Z]) est propriétaire d'un appartement en R3 et d'un débarras en rez-de-chaussée constituant les lots 4 et 5.
Jusqu'au 27 avril 2012, la SCI PHOCEENNE, qui était copropriétaire de l'autre appartement ( duplex au R1 et R2) et d'un garage, détenait la majorité des tantièmes.
Le 27 avril 2012, la SCI PHOCEENNE (dont la gérante et l'associée majoritaire est Mme [I]), a vendu son garage à Mme [O], alors compagne de M.[I], frère de la gérante de la SCI LA PHOCEENNE.
La SCI LES FLOTS BLEUS considère que cette vente est fictive et qu'elle a pour seul objectif de contourner les dispositions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965.
A la suite de cette vente, la répartition des tantièmes a été la suivante :
- 4416/11187 pour la SCI LES FLOTS BLEUS
- 6370/11187 pour la SCI LA PHOCEENNE
- 401/11187 pour Mme [O].
Lors d'une assemblée générale du 13 décembre 2017, ont été adoptées des résolutions visant à installer dans la cage d'escalier des détecteurs de présence et un système de vidéo-surveillance.
Par acte d'huissier du 19 février 2018, la SCI LES FLOTS BLEUS a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à Marseille, représenté par la société D'AGOSTINO, aux fins principalement de prononcer l'annulation de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du 13 décembre 2017 pour violation des dispositions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965. A titre subsidiaire, elle demandait l'annulation de cette résolution pour abus de majorité.
Par jugement contradictoire du 03 juin 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a débouté la SCI LES FLOTS BLEUS de ses demandes et condamné cette dernière au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Le premier juge a estimé que la SCI LES FLOTS BLEUS ne rapportait pas la preuve du caractère fictif de la vente du garage à Mme [O] par la SCI LA PHOCEENNE avec pour objectif de contourner les règles de majorité. Il a souligné que, ni le fait que le vote de Mme [O] ait été identique à celui de la SCI LA PHOCEENNE, ni l'existence de liens familiaux, affectifs ou conjugaux, ne pouvaient suffire à démontrer une entente préalable et l'existence d'une fraude. Il a indiqué qu'il n'y avait donc pas lieu de rétablir la règle de réduction des voix. Il a ajouté que la SCI LES FLOTS BLEUS ne démontrait pas plus la preuve de l'utilisation de la majorité dans un intérêt autre que celui de l'intérêt commun.
Il a rejeté la demande d'annulation de la résolution 6 au motif d'un abus de majorité. Il a relevé que la SCI LA PHOCEENNE ne démontrait, ni que l'installation de vidéo surveillance porterait atteinte aux modalités de jouissance de ses parties privatives, ni qu'une telle installation irait à l'encontre de l'intérêt collectif de la copropriété, ni que cette installation viserait à favoriser un intérêt personnel.
Par déclaration du 29 juillet 2021, la SCI LES FLOTS BLEUS a relevé appel de tous les chefs de cette décision.
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 3] a constitué avocat.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 02 mai 2023 auxquelles il convient de se reporter, la SCI LES FLOTS BLEUS demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
statuant à nouveau :
- de juger ses demandes recevables et bien fondées,
* à titre principal,
- de prononcer la nullité de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du13 décembre 2017 pour violation des dispositions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965,
A titre subsidiaire :
- de prononcer la nullité de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du13 décembre 2017 en raison d'un abus de majorité,
En tout état de cause :
- d'ordonner l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution de la décision à intervenir
- de juger qu'elle sera dispensée, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, de toute participation à la dépense commune des frais et dépens de la présente procédure, y inclut la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] au versement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Agnès ERMENEUX.
Elle soutient que la vente du garage de la SCI LA PHOCEENNE est fictive et a uniquement pour objet d'assurer à cette dernière que l'ensemble des dispositions qu'elle mettrait à l'ordre du jour seront votées. Elle conclut au contournement des dispositions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 qui pose la règle de la réduction du nombre de voix possédées par un copropriétaire majoritaire. Elle souligne disposer d'une attestation de l'ancien compagnon de la gérante de la SCI LES FLOTS BLEUS qui démontre le caractère fictif de la vente ainsi que d'une attestation d'une tierce personne. Elle indique que le garage acquis par Mme [O] est en réalité utilisé par la gérante de la SCI LA PHOCEENNE. Elle estime faux et établi pour les besoins de la procédure le bail du 14 mai 2012 selon lequel Mme [O] donne le garage à bail à la gérante de la SCI LA PHOCEENNE. Elle en veut pour preuve que l'acronyme ESRIS, visé dans le bail, n'est entré en vigueur que le premier janvier 2018. Elle relève que la production de cet acte par le syndicat des copropriétaires, tiers à l'acte, témoigne de sa partialité. Elle ajoute qu'aucun autre élément ne vient démontrer l'existence d'un bail.
Elle ajoute que la SCI LA PHOCEENNE, avec le concours du syndic, a mis à l'ordre du jour des assemblées générales des résolutions allant dans le sens contraire à l'intérêt de la copropriété et dans l'unique but de lui nuire.
Elle sollicite en conséquence la nullité de la résolution n° 6 pour fraude aux dispositions de l'article 22 de la loi précitée.
Elle expose que le syndicat des copropriétaires a fait adopter, lors d'une assemblée générale extraordinaire du 29 avril 2019, certaines résolutions visant aux mêmes fins, ce qui démontre le concours bienveillant du syndic en exercice.
Subsidiairement, elle sollicite la nullité de la résolution n°6 pour abus de majorité. Elle évoque une intention de nuire à son encontre. Elle explique que l'installation de luminaires de détection et de vidéo surveillance dans les parties communes sont inutiles compte tenu de la taille de la copropriété qui consiste en une maison de ville partagée en deux et de la sécurité régnant dans le quartier. Elle soutient que le vote de cette résolution s'inscrit dans un conflit de voisinage très virulent entretenu par la SCI LA PHOCEENNE. Elle conteste tout intérêt collectif.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 06 septembre 2023 auxquelles il convient de se référer, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] demande à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- de débouter la SCI LES FLOTS BLEUS de ses demandes,
- de condamner la SCI LES FLOTS BLEUS à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SCI LES FLOTS BLEUS aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître IMPERATORE, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE.
Il expose que la SCI LES FLOTS BLEUS n'est pas recevable à agir contre la première partie de la résolution n° 6 qui a été votée à l'unanimité.
Il soutient que l'attestation de M.[W] ne prouve pas l'existence d'une fraude, compte tenu du contexte dans lequel elle a été faite, alors qu'il était assigné par la SCI LES FLOTS BLEUS avec la SCI LA PHOCEENNE et Mme [I], sa gérante, en paiement de dommages et intérêts et que la SCI LES FLOTS BLEUS s'est désistée de son action à son encontre après la délivrance de l'attestation critiquée.
Il estime que la SCI LES FLOTS BLEUS ne rapporte pas la preuve d'une fraude liée au caractère estimé fictif de la vente de son garage par la SCI LA PHOCEENNE. Il explique devoir tenir compte des tantièmes liés à la vente tant que cette dernière n'est pas annulée.
Il soutient que la SCI LES FLOTS BLEUS ne démontre pas l'existence d'un abus de majorité. Il relève que la SCI LES FLOTS BLEUS n'est recevable qu'à contester les postes 3.6.1, 3.6.2 et 3.7.2 du devis de l'entreprise SMIDA, relatifs respectivement à un avertissement luminaire sur détection, à une vidéo-surveillance des parties communes et à des boîtes aux lettres. Il expose que l'avertissement luminaire sur détection a pour objectif un meilleur éclairage des parties communes et un allumage automatique de la lumière dans le hall d'entrée dès détection d'une présence alors qu'il n'y a qu'un seul interrupteur au niveau du rez-de-chaussée, à environ un mètre de la porte d'entrée. Il expose que les images de vidéo surveillance ne sont pas visibles par les copropriétaires et ne sont pas à leur disposition ; il estime que cette résolution a pour seul objectif d'améliorer la sécurité des occupants. Enfin, il précise que le dernier poste de la résolution contestée a pour but d'installer des boîtes à lettres individuelles. Il en conclut que la résolution dont l'annulation est demandée n'est pas contraire à l'intérêt commun.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2024 auxquelles il convient de se reporter, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] demande à la cour:
- de révoquer l'ordonnance de clôture,
- de déclarer recevables ses conclusions,
- de confirmer le jugement,
- de débouter la SCI LES FLOTS BLEUS de ses demandes,
- de condamner la SCI LES FLOTS BLEUS à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SCI LES FLOTS BLEUS aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître IMPERATORE, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE.
MOTIVATION
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et la recevabilité des conclusions notifiées le 31 janvier 2024 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1]
L'article 802 du code de procédure civile, dispose qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
Aux termes des dispositions de l'article 803 du même code, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.
La demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de recevabilité des conclusions du 31 janvier 2024 ne peut aboutir puisqu'il n'existe aucune cause grave la justifiant, les nouvelles conclusions ayant uniquement pour objectif de réparer une erreur matérielle sur le nom d'une partie, dans le corps des conclusions, erreur qui n'apparaît qu'à une reprise dans les précédentes conclusions et n'affecte en rien la compréhension du litige.
La cour statuera sur les conclusions notifiées le 06 septembre 2023 par l'intimé.
Sur la demande d'annulation de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du 13 décembre 2017
Selon l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable, chaque copropriétaire dispose d'un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes. Toutefois, lorsqu'un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires.
La fraude ne se présume pas.
Le syndicat des copropriétaires est tiers à la vente dont il est allégué le caractère fictif. Les seules parties à cette procédure sont la SCI LES FLOTS BLEUS et le syndicat des copropriétaires. La demande formulée par la SCI LES FLOTS BLEUS ne porte que sur l'annulation d'une résolution.
Dès lors, il n'y pas lieu d'étudier le caractère fictif ou non de la vente et la demande d'annulation ne peut être étudiée que sous l'angle d'un abus de majorité.
Il appartient au copropriétaire minoritaire de rapporter la preuve de l'abus commis et d'un préjudice injustement infligé à une minorité. L'abus de majorité suppose donc que la délibération adoptée par la majorité soit sans intérêt réel pour la collectivité et qu'elle soit préjudiciable au demandeur en justice. Un tel abus consiste donc à utiliser la majorité dans un intérêt autre que l'intérêt collectif ou dans un intérêt qui lui est contraire, en particulier en rompant l'équilibre entre les copropriétaires.
Il convient de rappeler que la copropriété du [Adresse 1] est un immeuble de trois étages comportant cinq lots, avec notamment deux appartements, l'un en duplex au R1 et R2, l'autre au R3.
Comme l'indique avec justesse le premier juge, la SCI LES FLOTS BLEUS ne peut discuter la première partie de la résolution n° 6 qui a été votée à l'unanimité. Cette partie concernait l'étude des postes 3.6.3, 3.6.4 et 3.6.5.
La discussion porte sur le vote à la majorité des postes 3.6.1 ( avertissement luminaires sur détection), 3.7.2 (boîtes aux lettres) et 3.6.2 (vidéo surveillance parties communes).
Il n'est pas contesté que le poste 'avertissement luminaires sur détection ' a pour objet de permettre que la lumière s'allume automatiquement dans le hall d'entrée dès la détection d'une présence. Un constat d'huissier (pièce 4 de l'intimé) démontre que l'interrupteur permettant d'actionner l'éclairage de la cage d'escalier situé dans le hall d'entrée se trouve à un mètre de la porte et à environ 5,5 mètres d'un appartement situé au rez-de-chaussée. La SCI LES FLOTS BLEUS ne démontre pas que la pose d'un tel avertissement luminaire serait sans intérêt réel pour la collectivité, contraire à son intérêt propre et lui nuirait.
Il n'est pas démontré par LA SCI LES FLOTS BLEUS que l'installation de boîtes aux lettres, dont le syndicat des copropriétaires expose qu'il s'agit de boîtes aux lettres individuelles, serait sans intérêt réel pour la collectivité, contraire à son intérêt propre et lui nuirait.
La SCI LES FLOTS BLEUS ne démontre pas non plus que la pose d'une vidéo surveillance des parties communes serait contraire à l'intérêt collectif de la copropriété ou qu'elle la léserait sans pour autant être conforme à l'intérêt commun. Elle ne justifie pas plus que ce vote aurait pour objectif de lui nuire. En effet, elle ne démontre pas que l'installation d'un dispositif de vidéo surveillance aurait pour objet de permettre à la SCI LA PHOCEENNE de violer la vie privée des gérants de la SCI LES FLOTS BLEUS, quand bien même il a existé un conflit de voisinage aigu entre les parties et que LA SCI LA PHOCEENNE ainsi que sa gérante Mme [I] ont été condamnées, en 2017, à lui verser des dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée pour avoir installé un judas électronique avec enregistrement vidéo donnant sur les escaliers communs, permettant de filmer toutes les personnes se rendant à l'appartement de la SCI LES FLOTS BLEUS. En effet, aucun vote n'a eu lieu concernant les modalités de consultation des images de l'installation de la vidéo surveillance ; la résolution critiquée ne porte que sur le principe d'une telle installation dont il apparaît qu'elle n'est pas contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires, s'agissant de permettre une sécurisation des lieux, ni qu'elle a été prise dans un intérêt autre que l'intérêt collectif, pour favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires, au détriment de la SCI LES FLOTS BLEUS.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la demande d'annulation de cette résolution.
Sur les dépens et sur les frais irrépétibles
La SCI LES FLOTS BLEUS est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles.
Il n'est pas équitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires les frais irrépétibles qu'il a exposés pour faire valoir ses droits en première instance et en appel.
Le jugement déféré qui a condamné la SCI LES FLOTS BLEUS aux dépens et au versement de la somme de 1000 euros sera confirmé.
La SCI LES FLOTS BLEUS sera condamnée en outre au versement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 31 janvier 2024,
DÉCLARE irrecevables les conclusions notifiées par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] le 31 janvier 2024,
CONFIRME le jugement déféré,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SCI LES FLOTS BLEUS au versement de la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la SCI LES FLOTS BLEUS aux dépens de la présente instance.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 370
Rôle N° RG 21/11575 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4XJ
SCI LES FLOTS BLEUS
C/
Syndic. de copro. [Adresse 1]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Pierre-yves IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Marseille en date du 03 Juin 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/02390.
APPELANTE
SCI LES FLOTS BLEUS immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le numéro 491 592 101, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Jean-pierre TERTIAN de la SCP TERTIAN-BAGNOLI & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMEE
Syndic. de copro. [Adresse 1] représenté par son Syndic en exercice le Cabinet D'AGOSTINO PATRICK, S.A.S.U dont le siège social est sis [Adresse 4], elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rebecca VANDONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Audrey BABIN de la SELARL AUDREY BABIN, avocat au barreau de MARSEILLE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Février 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024 puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 13 juin 2024 par mise à disposition au greffe puis au 4 juillet 2024 puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 24 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024,
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
L'immeuble en copropriété du [Adresse 1] à [Localité 3] est un bien de trois étages comportant cinq lots.
La SCI LES FLOTS BLEUS (dont les co-gérants sont Mme [U] et M.[Z]) est propriétaire d'un appartement en R3 et d'un débarras en rez-de-chaussée constituant les lots 4 et 5.
Jusqu'au 27 avril 2012, la SCI PHOCEENNE, qui était copropriétaire de l'autre appartement ( duplex au R1 et R2) et d'un garage, détenait la majorité des tantièmes.
Le 27 avril 2012, la SCI PHOCEENNE (dont la gérante et l'associée majoritaire est Mme [I]), a vendu son garage à Mme [O], alors compagne de M.[I], frère de la gérante de la SCI LA PHOCEENNE.
La SCI LES FLOTS BLEUS considère que cette vente est fictive et qu'elle a pour seul objectif de contourner les dispositions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965.
A la suite de cette vente, la répartition des tantièmes a été la suivante :
- 4416/11187 pour la SCI LES FLOTS BLEUS
- 6370/11187 pour la SCI LA PHOCEENNE
- 401/11187 pour Mme [O].
Lors d'une assemblée générale du 13 décembre 2017, ont été adoptées des résolutions visant à installer dans la cage d'escalier des détecteurs de présence et un système de vidéo-surveillance.
Par acte d'huissier du 19 février 2018, la SCI LES FLOTS BLEUS a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à Marseille, représenté par la société D'AGOSTINO, aux fins principalement de prononcer l'annulation de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du 13 décembre 2017 pour violation des dispositions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965. A titre subsidiaire, elle demandait l'annulation de cette résolution pour abus de majorité.
Par jugement contradictoire du 03 juin 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a débouté la SCI LES FLOTS BLEUS de ses demandes et condamné cette dernière au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Le premier juge a estimé que la SCI LES FLOTS BLEUS ne rapportait pas la preuve du caractère fictif de la vente du garage à Mme [O] par la SCI LA PHOCEENNE avec pour objectif de contourner les règles de majorité. Il a souligné que, ni le fait que le vote de Mme [O] ait été identique à celui de la SCI LA PHOCEENNE, ni l'existence de liens familiaux, affectifs ou conjugaux, ne pouvaient suffire à démontrer une entente préalable et l'existence d'une fraude. Il a indiqué qu'il n'y avait donc pas lieu de rétablir la règle de réduction des voix. Il a ajouté que la SCI LES FLOTS BLEUS ne démontrait pas plus la preuve de l'utilisation de la majorité dans un intérêt autre que celui de l'intérêt commun.
Il a rejeté la demande d'annulation de la résolution 6 au motif d'un abus de majorité. Il a relevé que la SCI LA PHOCEENNE ne démontrait, ni que l'installation de vidéo surveillance porterait atteinte aux modalités de jouissance de ses parties privatives, ni qu'une telle installation irait à l'encontre de l'intérêt collectif de la copropriété, ni que cette installation viserait à favoriser un intérêt personnel.
Par déclaration du 29 juillet 2021, la SCI LES FLOTS BLEUS a relevé appel de tous les chefs de cette décision.
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 3] a constitué avocat.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 02 mai 2023 auxquelles il convient de se reporter, la SCI LES FLOTS BLEUS demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
statuant à nouveau :
- de juger ses demandes recevables et bien fondées,
* à titre principal,
- de prononcer la nullité de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du13 décembre 2017 pour violation des dispositions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965,
A titre subsidiaire :
- de prononcer la nullité de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du13 décembre 2017 en raison d'un abus de majorité,
En tout état de cause :
- d'ordonner l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution de la décision à intervenir
- de juger qu'elle sera dispensée, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, de toute participation à la dépense commune des frais et dépens de la présente procédure, y inclut la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] au versement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Agnès ERMENEUX.
Elle soutient que la vente du garage de la SCI LA PHOCEENNE est fictive et a uniquement pour objet d'assurer à cette dernière que l'ensemble des dispositions qu'elle mettrait à l'ordre du jour seront votées. Elle conclut au contournement des dispositions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 qui pose la règle de la réduction du nombre de voix possédées par un copropriétaire majoritaire. Elle souligne disposer d'une attestation de l'ancien compagnon de la gérante de la SCI LES FLOTS BLEUS qui démontre le caractère fictif de la vente ainsi que d'une attestation d'une tierce personne. Elle indique que le garage acquis par Mme [O] est en réalité utilisé par la gérante de la SCI LA PHOCEENNE. Elle estime faux et établi pour les besoins de la procédure le bail du 14 mai 2012 selon lequel Mme [O] donne le garage à bail à la gérante de la SCI LA PHOCEENNE. Elle en veut pour preuve que l'acronyme ESRIS, visé dans le bail, n'est entré en vigueur que le premier janvier 2018. Elle relève que la production de cet acte par le syndicat des copropriétaires, tiers à l'acte, témoigne de sa partialité. Elle ajoute qu'aucun autre élément ne vient démontrer l'existence d'un bail.
Elle ajoute que la SCI LA PHOCEENNE, avec le concours du syndic, a mis à l'ordre du jour des assemblées générales des résolutions allant dans le sens contraire à l'intérêt de la copropriété et dans l'unique but de lui nuire.
Elle sollicite en conséquence la nullité de la résolution n° 6 pour fraude aux dispositions de l'article 22 de la loi précitée.
Elle expose que le syndicat des copropriétaires a fait adopter, lors d'une assemblée générale extraordinaire du 29 avril 2019, certaines résolutions visant aux mêmes fins, ce qui démontre le concours bienveillant du syndic en exercice.
Subsidiairement, elle sollicite la nullité de la résolution n°6 pour abus de majorité. Elle évoque une intention de nuire à son encontre. Elle explique que l'installation de luminaires de détection et de vidéo surveillance dans les parties communes sont inutiles compte tenu de la taille de la copropriété qui consiste en une maison de ville partagée en deux et de la sécurité régnant dans le quartier. Elle soutient que le vote de cette résolution s'inscrit dans un conflit de voisinage très virulent entretenu par la SCI LA PHOCEENNE. Elle conteste tout intérêt collectif.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 06 septembre 2023 auxquelles il convient de se référer, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] demande à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- de débouter la SCI LES FLOTS BLEUS de ses demandes,
- de condamner la SCI LES FLOTS BLEUS à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SCI LES FLOTS BLEUS aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître IMPERATORE, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE.
Il expose que la SCI LES FLOTS BLEUS n'est pas recevable à agir contre la première partie de la résolution n° 6 qui a été votée à l'unanimité.
Il soutient que l'attestation de M.[W] ne prouve pas l'existence d'une fraude, compte tenu du contexte dans lequel elle a été faite, alors qu'il était assigné par la SCI LES FLOTS BLEUS avec la SCI LA PHOCEENNE et Mme [I], sa gérante, en paiement de dommages et intérêts et que la SCI LES FLOTS BLEUS s'est désistée de son action à son encontre après la délivrance de l'attestation critiquée.
Il estime que la SCI LES FLOTS BLEUS ne rapporte pas la preuve d'une fraude liée au caractère estimé fictif de la vente de son garage par la SCI LA PHOCEENNE. Il explique devoir tenir compte des tantièmes liés à la vente tant que cette dernière n'est pas annulée.
Il soutient que la SCI LES FLOTS BLEUS ne démontre pas l'existence d'un abus de majorité. Il relève que la SCI LES FLOTS BLEUS n'est recevable qu'à contester les postes 3.6.1, 3.6.2 et 3.7.2 du devis de l'entreprise SMIDA, relatifs respectivement à un avertissement luminaire sur détection, à une vidéo-surveillance des parties communes et à des boîtes aux lettres. Il expose que l'avertissement luminaire sur détection a pour objectif un meilleur éclairage des parties communes et un allumage automatique de la lumière dans le hall d'entrée dès détection d'une présence alors qu'il n'y a qu'un seul interrupteur au niveau du rez-de-chaussée, à environ un mètre de la porte d'entrée. Il expose que les images de vidéo surveillance ne sont pas visibles par les copropriétaires et ne sont pas à leur disposition ; il estime que cette résolution a pour seul objectif d'améliorer la sécurité des occupants. Enfin, il précise que le dernier poste de la résolution contestée a pour but d'installer des boîtes à lettres individuelles. Il en conclut que la résolution dont l'annulation est demandée n'est pas contraire à l'intérêt commun.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2024 auxquelles il convient de se reporter, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] demande à la cour:
- de révoquer l'ordonnance de clôture,
- de déclarer recevables ses conclusions,
- de confirmer le jugement,
- de débouter la SCI LES FLOTS BLEUS de ses demandes,
- de condamner la SCI LES FLOTS BLEUS à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SCI LES FLOTS BLEUS aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître IMPERATORE, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE.
MOTIVATION
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et la recevabilité des conclusions notifiées le 31 janvier 2024 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1]
L'article 802 du code de procédure civile, dispose qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
Aux termes des dispositions de l'article 803 du même code, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.
La demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de recevabilité des conclusions du 31 janvier 2024 ne peut aboutir puisqu'il n'existe aucune cause grave la justifiant, les nouvelles conclusions ayant uniquement pour objectif de réparer une erreur matérielle sur le nom d'une partie, dans le corps des conclusions, erreur qui n'apparaît qu'à une reprise dans les précédentes conclusions et n'affecte en rien la compréhension du litige.
La cour statuera sur les conclusions notifiées le 06 septembre 2023 par l'intimé.
Sur la demande d'annulation de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du 13 décembre 2017
Selon l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable, chaque copropriétaire dispose d'un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes. Toutefois, lorsqu'un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires.
La fraude ne se présume pas.
Le syndicat des copropriétaires est tiers à la vente dont il est allégué le caractère fictif. Les seules parties à cette procédure sont la SCI LES FLOTS BLEUS et le syndicat des copropriétaires. La demande formulée par la SCI LES FLOTS BLEUS ne porte que sur l'annulation d'une résolution.
Dès lors, il n'y pas lieu d'étudier le caractère fictif ou non de la vente et la demande d'annulation ne peut être étudiée que sous l'angle d'un abus de majorité.
Il appartient au copropriétaire minoritaire de rapporter la preuve de l'abus commis et d'un préjudice injustement infligé à une minorité. L'abus de majorité suppose donc que la délibération adoptée par la majorité soit sans intérêt réel pour la collectivité et qu'elle soit préjudiciable au demandeur en justice. Un tel abus consiste donc à utiliser la majorité dans un intérêt autre que l'intérêt collectif ou dans un intérêt qui lui est contraire, en particulier en rompant l'équilibre entre les copropriétaires.
Il convient de rappeler que la copropriété du [Adresse 1] est un immeuble de trois étages comportant cinq lots, avec notamment deux appartements, l'un en duplex au R1 et R2, l'autre au R3.
Comme l'indique avec justesse le premier juge, la SCI LES FLOTS BLEUS ne peut discuter la première partie de la résolution n° 6 qui a été votée à l'unanimité. Cette partie concernait l'étude des postes 3.6.3, 3.6.4 et 3.6.5.
La discussion porte sur le vote à la majorité des postes 3.6.1 ( avertissement luminaires sur détection), 3.7.2 (boîtes aux lettres) et 3.6.2 (vidéo surveillance parties communes).
Il n'est pas contesté que le poste 'avertissement luminaires sur détection ' a pour objet de permettre que la lumière s'allume automatiquement dans le hall d'entrée dès la détection d'une présence. Un constat d'huissier (pièce 4 de l'intimé) démontre que l'interrupteur permettant d'actionner l'éclairage de la cage d'escalier situé dans le hall d'entrée se trouve à un mètre de la porte et à environ 5,5 mètres d'un appartement situé au rez-de-chaussée. La SCI LES FLOTS BLEUS ne démontre pas que la pose d'un tel avertissement luminaire serait sans intérêt réel pour la collectivité, contraire à son intérêt propre et lui nuirait.
Il n'est pas démontré par LA SCI LES FLOTS BLEUS que l'installation de boîtes aux lettres, dont le syndicat des copropriétaires expose qu'il s'agit de boîtes aux lettres individuelles, serait sans intérêt réel pour la collectivité, contraire à son intérêt propre et lui nuirait.
La SCI LES FLOTS BLEUS ne démontre pas non plus que la pose d'une vidéo surveillance des parties communes serait contraire à l'intérêt collectif de la copropriété ou qu'elle la léserait sans pour autant être conforme à l'intérêt commun. Elle ne justifie pas plus que ce vote aurait pour objectif de lui nuire. En effet, elle ne démontre pas que l'installation d'un dispositif de vidéo surveillance aurait pour objet de permettre à la SCI LA PHOCEENNE de violer la vie privée des gérants de la SCI LES FLOTS BLEUS, quand bien même il a existé un conflit de voisinage aigu entre les parties et que LA SCI LA PHOCEENNE ainsi que sa gérante Mme [I] ont été condamnées, en 2017, à lui verser des dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée pour avoir installé un judas électronique avec enregistrement vidéo donnant sur les escaliers communs, permettant de filmer toutes les personnes se rendant à l'appartement de la SCI LES FLOTS BLEUS. En effet, aucun vote n'a eu lieu concernant les modalités de consultation des images de l'installation de la vidéo surveillance ; la résolution critiquée ne porte que sur le principe d'une telle installation dont il apparaît qu'elle n'est pas contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires, s'agissant de permettre une sécurisation des lieux, ni qu'elle a été prise dans un intérêt autre que l'intérêt collectif, pour favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires, au détriment de la SCI LES FLOTS BLEUS.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la demande d'annulation de cette résolution.
Sur les dépens et sur les frais irrépétibles
La SCI LES FLOTS BLEUS est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles.
Il n'est pas équitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires les frais irrépétibles qu'il a exposés pour faire valoir ses droits en première instance et en appel.
Le jugement déféré qui a condamné la SCI LES FLOTS BLEUS aux dépens et au versement de la somme de 1000 euros sera confirmé.
La SCI LES FLOTS BLEUS sera condamnée en outre au versement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 31 janvier 2024,
DÉCLARE irrecevables les conclusions notifiées par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] le 31 janvier 2024,
CONFIRME le jugement déféré,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SCI LES FLOTS BLEUS au versement de la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la SCI LES FLOTS BLEUS aux dépens de la présente instance.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,