Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 24 octobre 2024, n° 20/01992
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT MIXTE
DU 24 OCTOBRE 2024
PH
N°2024/335
Rôle N° RG 20/01992 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFSJY
[X] [M]
C/
Syndicat RESIDENCE LES AGAVES
Copie exécutoire délivrée le :
à :
SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIES
SCP DONNET - DUBURCQ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 17 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00719.
APPELANTE
Madame [X] [M]
demeurant Chez Monsieur [R], [Adresse 1]
représentée par Me Florence BENSA-TROIN de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Syndicat des copropriétaires de la copropriété RESIDENCE LES AGAVES sis [Adresse 4], représenté par son Syndic en exercice la SARL AGENCE DE L'OASIS dont le siège social est sis [Adresse 7]
représenté par Me Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, et Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Président
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.
Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [X] [M] est propriétaire des lots n° 114 et 117 au sein de la copropriété dénommée Les agaves sise [Adresse 4].
Lors de l'assemblée générale du 15 décembre 2017 les copropriétaires ont approuvé notamment les résolutions n° 5, 6 et 18 à 24, concernant l'approbation des comptes arrêtés au 30 juin 2017, le quitus du syndic et la saisie immobilière de lots appartenant à Mme [X] [M].
Déclarant s'être opposée à ces résolutions, Mme [X] [M] a, par exploit d'huissier du 17 janvier 2018, fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Les agaves représenté par son syndic, (ci-après le syndicat des copropriétaires) devant le tribunal de grande instance de Grasse, aux fins de voir prononcer l'annulation de ces résolutions.
Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a :
- rejeté les demandes d'annulation des résolutions n°5, 6 et 18 à 24 de l'assemblée générale du 15 décembre 2017 concernant l'approbation des comptes arrêtés au 30 juin 2017, ainsi que le quitus au syndic pour sa gestion et la saisie immobilière des lots 114 et 117 appartenant à Mme [X] [M] dans la copropriété Les agaves,
- condamné Mme [X] [M] à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [M] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Myriam Duburcq de la SCP Donnet-Duburcq, avocat postulant,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
Le tribunal a considéré :
- s'agissant des résolutions n° 5 et 6 concernant l'approbation et le quitus, qu'il ne peut s'immiscer dans l'exercice du pouvoir majoritaire de l'assemblée pour contrôler l'opportunité des résolutions et il n'est pas démontré que la résolution favoriserait des copropriétaires majoritaires au détriment de propriétaires minoritaires,
- s'agissant des résolutions n° 18 à 24 autorisant la saisie immobilière des lots de Mme [M] pour défaut de paiement des charges, que de telles décisions prises dans l'intérêt collectif des copropriétaires, ne sont pas annulables pour abus de majorité, dès lors qu'il n'y a pas de malveillance de la part du créancier.
Par déclaration du 7 février 2020, Mme [X] [M] a interjeté appel de ce jugement.
Postérieurement, par jugement du 17 décembre 2020 statuant sur une demande principale en paiement de charges et une demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour un dégât des eaux, le tribunal judiciaire de Grasse a fixé la créance de charges du syndicat des copropriétaires du 18 août 2015 au 1er avril 2020, à la somme de 14 955,95 euros, et celle de Mme [M] à 28 331 euros en réparation de dommages consécutifs à des travaux réalisés sur les parties communes, et a prononcé leur compensation.
Par jugement du 10 mars 2021, Mme [M] a été déboutée de son action fondée sur l'abus de majorité, en annulation de résolutions de l'assemblée générale du 20 décembre 2018, autorisant notamment le syndic à diligenter une procédure de saisie immobilière.
Le 21 octobre 2021, les lots n° 114 et 117 ont été vendus aux enchères publiques sur les poursuites exercées par la Caisse régionale de crédit agricole Provence-Côte d'Azur, le syndicat des copropriétaires ayant perçu la somme de 25 624,02 euros dans le cadre de la distribution du prix d'adjudication.
Le 18 octobre 2023, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, infirmant le jugement du 17 décembre 2020, a dit que la demande en paiement des charges était devenue sans objet du fait de la collocation intervenue au profit du syndicat des copropriétaires, a déclaré recevables notamment les demandes de Mme [M] concernant la restitution de saisies sur salaire à hauteur de 1 308,22 euros et au titre de charges indues à hauteur de 18 059,03 euros, condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [M] la somme de 31 331 euros pour les préjudices subis du fait des désordres relevant de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 et débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Le 10 avril 2024, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du 10 mars 2021.
Par ordonnance du 28 novembre 2023 concernant le présent appel, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement du syndicat des copropriétaires de son incident de péremption et l'a condamné aux dépens et à verser à Mme [M], la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA le 4 juin 2024, Mme [X] [M] demande à la cour de :
Vu les articles 24 et 42 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 octobre 2023,
- réformer le jugement du 17 septembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Grasse,
- débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- prononcer la nullité des résolutions 5, 6, 18, 19, 20, 21, 22, 23 et 24 de l'assemblée générale des copropriétaires du 15 décembre 2017,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui restituer l'ensemble des charges de copropriété de l'année 2014 à l'année 2020,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui rembourser la somme de 859,64 euros au titre du trop-perçu de la saisie sur rémunération,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens sous distraction de Me Florence Bensa-Troin avocat au barreau de Grasse en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [X] [M] fait essentiellement valoir :
- que ce litige s'inscrit dans un contexte conflictuel initié et entretenu par la copropriété,
- ses deux lots qui constituent un seul et même appartement, ont fait l'objet d'un sinistre dégât des eaux depuis plus de six ans, engageant la responsabilité du syndicat des copropriétaires, la copropriété a déclaré le sinistre à son assurance, qu'une expertise judiciaire a été ordonnée par jugement du 20 décembre 2017, qui a déclaré irrecevable la seconde demande de condamnation à payer les charges de copropriété,
- elle a déjà assigné en nullité une précédente autorisation de saisie immobilière donnée par l'assemblée générale du 14 décembre 2016 et le jugement n'était pas rendu lorsque le premier juge a statué,
- sa retraite fait l'objet d'une saisie sur rémunération à hauteur de 39,52 euros et la saisie immobilière est disproportionnée, par rapport à la dette de charges de copropriété laquelle est remboursée partiellement mensuellement et laquelle va se compenser avec une indemnisation de ses préjudices matériels et immatériels,
- qu'il est de jurisprudence constante qu'il y a abus de majorité lorsque l'assemblée use de ses droits sans profit pour elle-même dans l'intention de nuire ou à tout le moins dans un but autre que l'intérêt commun de la copropriété (Civile 3ème 17.12.2014 n° 13-25.134 ; cour d'appel de Poitiers 13.04.2011 Juris-Data n° 2011-029462),
- la copropriété poursuit manifestement une saisie immobilière pour empêcher un copropriétaire minoritaire, de faire valoir ses droits du fait des infiltrations subies,
- à la lecture de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 octobre 2023, il est possible de constater que son bien immobilier a fait l'objet d'une vente aux enchères sur poursuite du Crédit agricole et que la vente a permis le paiement de l'intégralité des charges de copropriété réclamées par la copropriété, sous la réserve de contestation par Mme [M] desdites charges et de ses demandes de dommages et intérêts liées aux dégâts des eaux non traités par la copropriété,
- la copropriété a été condamnée à lui payer une somme de 31 331 euros correspondant aux dommages et intérêts pour les préjudices subis,
- que l'abus de majorité est constitué par l'absence de traitement des dégâts des eaux, par le souhait de poursuivre une première saisie immobilière, pour défaut d'information des copropriétaires sur les deux procédures en cours,
- ces informations sont importantes quant à la prise de décision,
- il est logique de contester l'approbation des comptes et le quitus si les comptes ne sont pas justes, du fait de sa demande indemnitaire,
- que l'abus de majorité est constitué car elle n'est pas propriétaire de tous les lots mentionnés dans les résolutions 20 à 24, et par l'absence de réalisation des travaux,
- que l'abus de majorité est constitué du fait de réclamations de charges indues,
- que les charges depuis 2014 peuvent faire l'objet d'un remboursement puisqu'il n'y a eu aucune contrepartie à ces charges, du fait de l'impossibilité d'occuper l'appartement,
- qu'en suite de la mainlevée de la saisie sur rémunération, elle s'est aperçue d'un trop-perçu par la copropriété.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 29 mai 2024, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse du 17 septembre 2019,
- débouter Mme [X] [M] de toutes ses demandes fins et conclusions,
En l'état de l'ordonnance rendue par le juge de l'exécution compétent en matière de saisie immobilière du 5 juin 2023,
- déclarer irrecevable la demande de Mme [M] de voir le syndicat des copropriétaires condamné à lui restituer l'ensemble des charges de copropriété de l'année 2014 à 2020,
Sur le même fondement,
- déclarer irrecevable Mme [M] dans sa demande à le voir condamner à lui rembourser la somme de 859,64 euros au titre du trop-perçu de la saisie sur rémunération,
- la condamner au paiement d'une somme d'un montant de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires soutient en substance :
Sur l'abus de majorité,
- qu'il consiste à utiliser la majorité dans un intérêt autre que l'intérêt collectif, soit dans un intérêt personnel, soit sans motif légitime ou encore avec une intention de nuire,
- que Mme [M] ne démontre, en aucun cas, l'existence d'un abus de majorité qui aurait consisté à ce que l'ensemble des copropriétaires votent en faveur de résolutions dans le seul but de lui nuire,
- la résolution n° 5 concerne l'approbation des comptes arrêtés au 30 juin 2017 et Mme [M] ne démontre pas en quoi le fait d'avoir voté et approuvé les comptes arrêtés au 30 juin 2017 constituerait un abus de la majorité,
- il en est de même pour la résolution n° 6 concernant le quitus,
- pour les résolutions concernant la saisie immobilière, la procédure de saisie immobilière a fait l'objet de plusieurs votes, en dernier lieu le 20 décembre 2018, que Mme [M] a contesté cette assemblée en a été déboutée par arrêt définitif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 avril 2024,
Sur les demandes de Mme [M],
- le juge de l'exécution compétent en matière de saisie immobilière a homologué le projet de distribution par ordonnance définitive du 5 juin 2023, et la demande de restitution des charges de copropriété porte donc atteinte à l'autorité de la chose jugée,
- la demande de remboursement d'un trop-perçu est nouvelle et les comptes des parties ont été arrêtés par le juge de l'exécution, qui a autorité de chose jugée.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 11 juin 2024.
L'arrêt sera contradictoire, toutes les parties ayant constitué avocat.
MOTIFS DE LA DECISION
La cour est saisie des demandes suivantes :
- d'annulation de résolutions de l'assemblée générale du 15 décembre 2017
- de condamnation du syndicat des copropriétaires à restituer les charges de copropriété de l'année 2014 à 2020,
- de condamnation du syndicat des copropriétaires à rembourser la somme de 859,64 euros au titre d'un trop-perçu d'une saisie de rémunération.
Sur l'exception d'irrecevabilité des deux dernières demandes
Le syndicat des copropriétaires oppose à ces deux demandes, l'autorité de chose jugée par le juge de l'exécution compétent en matière de saisie immobilière, par ordonnance du 5 juin 2023, d'homologation du projet de répartition, outre le caractère nouveau de la demande de remboursement d'un trop-perçu.
Selon les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans le dispositif.
Par ailleurs, l'article 564 du code de procédure civile énonce qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les articles 565 et 566 du même code précisent que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, ou si elles sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.
En l'espèce, la cour est saisie d'une demande de remboursement de charges réglées au titre des années 2014 à 2020 et d'un trop-perçu sur une saisie des rémunérations.
L'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse du 5 juin 2023 rendue à la demande de la [Adresse 6], a au visa d'un accord des parties, homologué un projet de distribution du prix de vente des biens de Mme [M], à savoir les lots n° 114 et 117 dépendant de la copropriété Les agaves, entre le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Les agaves et la [Adresse 6].
Cette ordonnance rendue dans le cadre de la saisie immobilière des biens de Mme [M], n'a manifestement pas le même objet, ni la même cause que la demande de remboursement de charges payées et au titre d'un trop-perçu sur saisie sur rémunération, formée par Mme [M].
En revanche des demandes ayant le même objet ont été formées par Mme [M], dans le cadre de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt de cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 octobre 2023, opposant Mme [M] au syndicat des copropriétaires au sujet du montant des charges de copropriété réclamées.
Il convient d'ordonner la réouverture des débats sur le moyen soulevé d'office tiré de l'autorité de chose jugée de l'arrêt de cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 octobre 2023, outre le caractère non chiffré de la demande de remboursement de charges.
Sur la demande d'annulation des résolutions n° 5, 6, 18 à 24 de l'assemblée générale du 15 décembre 2017
Cette demande tout à fait autonome des deux demandes concernées par l'exception d'irrecevabilité soulevée par le syndicat des copropriétaires, peut être tranchée indépendamment de la réouverture des débats ordonnée.
Selon les dispositions de l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée.
Il ressort du procès-verbal d'assemblée générale du 15 décembre 2017, que Mme [M] était absente lors des votes.
Une décision d'assemblée générale ne peut être annulée pour abus de majorité que s'il est démontré qu'elle est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires.
La charge de cette preuve de l'abus de majorité pèse sur le copropriétaire qui l'allègue, étant précisé qu'il n'appartient pas à la juridiction de substituer son appréciation à celles des copropriétaires statuant en assemblée générale.
Les résolutions contestées sont les suivantes :
- résolution n° 5, concernant l'approbation des comptes arrêtés au 30 juin 2017, votée à la majorité de 381/417 tantièmes des présents et représentés,
- résolution n° 6, concernant le quitus donné au syndic, votée à la majorité de 381/417 tantièmes des présents et représentés,
- résolutions n° 18 et 19, concernant le lancement d'une procédure de saisie immobilière et la fixation de la mise à prix, du bien cadastré BX n° [Cadastre 2], lots n° 114 et 117 appartenant à Mme [M] faisant l'objet d'une saisie immobilière pour non-paiement des charges, votées à la majorité de 417/417 tantièmes des présents et représentés,
- résolutions n° 20 et 21, concernant le lancement d'une procédure de saisie immobilière et la fixation de la mise à prix, du bien cadastré AV n° [Cadastre 5], lots n° 25, 33 et 34 sis à [Localité 8], appartenant à Mme [M] faisant l'objet d'une saisie immobilière pour non-paiement des charges, votées à la majorité de 417/417 tantièmes des présents et représentés,
- résolutions 22 et 23, concernant le lancement d'une procédure de saisie immobilière et la fixation de la mise à prix, du bien cadastré AS n° [Cadastre 3], sis à [Localité 8] appartenant à Mme [M] faisant l'objet d'une saisie immobilière pour non-paiement des charges, votées à la majorité de 417/417 tantièmes des présents et représentés,
- résolution n° 24, concernant la fixation du montant de la provision en vue de la procédure de saisie immobilière, votées à la majorité de 417/417 tantièmes des présents et représentés.
Des relevés cadastraux datés de 2013 et demandes de renseignement auprès de la direction générale des finances publiques de 2014 (pièces n° 10 et 11 du syndicat des copropriétaires) établissent la propriété de Mme [M] sur ces biens visés dans ces résolutions.
Depuis les lots n° 114 et 117 de Mme [M], ont été vendus aux enchères et le prix en a été distribué, avec l'accord de Mme [M], dont 25 624,02 euros au profit du syndicat des copropriétaires, au titre de sa créance superprivilégiée et privilégiée, sur un montant total déclaré de 52 718,08 euros.
Même si les pièces produites permettent de comprendre que Mme [M] était en litige avec le syndicat des copropriétaires dans le traitement du dégât des eaux dont elle a été victime et qui a finalement donné lieu à une décision de condamnation du syndicat des copropriétaires à lui verser des dommages et intérêts, Mme [M] ne démontre pas que ces résolutions concernant l'approbation du budget et la décision de procéder à une saisie immobilière aux fins de recouvrer des charges de copropriété, totalement indépendantes de l'indemnisation qu'elle réclamait, et légitimes au regard des règles de fonctionnement de la copropriété, sont contraires à l'intérêt collectif des copropriétaires, favorisent des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires, ou ont été prises dans une intention de lui nuire.
Mme [M] sera donc déboutée de sa demande d'annulation des résolutions n° 5, 6 et 18 à 24 de l'assemblée générale du 15 décembre 2017 et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Il convient de les réserver au regard de la réouverture des débats.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mixte,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation des résolutions n°5, 6 et 18 à 24 de l'assemblée générale du 15 décembre 2017 ;
Avant dire droit sur les demandes de remboursement de charges réglées au titre des années 2014 à 2020 et d'un trop-perçu sur une saisie des rémunérations,
Ordonne la réouverture des débats aux fins de susciter les observations des parties sur le moyen soulevé d'office tiré de l'autorité de chose jugée de l'arrêt de cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 octobre 2023, outre le caractère non chiffré de la demande de remboursement de charges ;
Renvoie l'affaire à l'audience du mardi 25 mars 2025 à 14h15 salle PALAIS MONCLAR avec une nouvelle clôture au 11 mars 2025.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 1-5
ARRÊT MIXTE
DU 24 OCTOBRE 2024
PH
N°2024/335
Rôle N° RG 20/01992 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFSJY
[X] [M]
C/
Syndicat RESIDENCE LES AGAVES
Copie exécutoire délivrée le :
à :
SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIES
SCP DONNET - DUBURCQ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 17 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00719.
APPELANTE
Madame [X] [M]
demeurant Chez Monsieur [R], [Adresse 1]
représentée par Me Florence BENSA-TROIN de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Syndicat des copropriétaires de la copropriété RESIDENCE LES AGAVES sis [Adresse 4], représenté par son Syndic en exercice la SARL AGENCE DE L'OASIS dont le siège social est sis [Adresse 7]
représenté par Me Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, et Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Président
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.
Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [X] [M] est propriétaire des lots n° 114 et 117 au sein de la copropriété dénommée Les agaves sise [Adresse 4].
Lors de l'assemblée générale du 15 décembre 2017 les copropriétaires ont approuvé notamment les résolutions n° 5, 6 et 18 à 24, concernant l'approbation des comptes arrêtés au 30 juin 2017, le quitus du syndic et la saisie immobilière de lots appartenant à Mme [X] [M].
Déclarant s'être opposée à ces résolutions, Mme [X] [M] a, par exploit d'huissier du 17 janvier 2018, fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Les agaves représenté par son syndic, (ci-après le syndicat des copropriétaires) devant le tribunal de grande instance de Grasse, aux fins de voir prononcer l'annulation de ces résolutions.
Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a :
- rejeté les demandes d'annulation des résolutions n°5, 6 et 18 à 24 de l'assemblée générale du 15 décembre 2017 concernant l'approbation des comptes arrêtés au 30 juin 2017, ainsi que le quitus au syndic pour sa gestion et la saisie immobilière des lots 114 et 117 appartenant à Mme [X] [M] dans la copropriété Les agaves,
- condamné Mme [X] [M] à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [M] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Myriam Duburcq de la SCP Donnet-Duburcq, avocat postulant,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
Le tribunal a considéré :
- s'agissant des résolutions n° 5 et 6 concernant l'approbation et le quitus, qu'il ne peut s'immiscer dans l'exercice du pouvoir majoritaire de l'assemblée pour contrôler l'opportunité des résolutions et il n'est pas démontré que la résolution favoriserait des copropriétaires majoritaires au détriment de propriétaires minoritaires,
- s'agissant des résolutions n° 18 à 24 autorisant la saisie immobilière des lots de Mme [M] pour défaut de paiement des charges, que de telles décisions prises dans l'intérêt collectif des copropriétaires, ne sont pas annulables pour abus de majorité, dès lors qu'il n'y a pas de malveillance de la part du créancier.
Par déclaration du 7 février 2020, Mme [X] [M] a interjeté appel de ce jugement.
Postérieurement, par jugement du 17 décembre 2020 statuant sur une demande principale en paiement de charges et une demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour un dégât des eaux, le tribunal judiciaire de Grasse a fixé la créance de charges du syndicat des copropriétaires du 18 août 2015 au 1er avril 2020, à la somme de 14 955,95 euros, et celle de Mme [M] à 28 331 euros en réparation de dommages consécutifs à des travaux réalisés sur les parties communes, et a prononcé leur compensation.
Par jugement du 10 mars 2021, Mme [M] a été déboutée de son action fondée sur l'abus de majorité, en annulation de résolutions de l'assemblée générale du 20 décembre 2018, autorisant notamment le syndic à diligenter une procédure de saisie immobilière.
Le 21 octobre 2021, les lots n° 114 et 117 ont été vendus aux enchères publiques sur les poursuites exercées par la Caisse régionale de crédit agricole Provence-Côte d'Azur, le syndicat des copropriétaires ayant perçu la somme de 25 624,02 euros dans le cadre de la distribution du prix d'adjudication.
Le 18 octobre 2023, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, infirmant le jugement du 17 décembre 2020, a dit que la demande en paiement des charges était devenue sans objet du fait de la collocation intervenue au profit du syndicat des copropriétaires, a déclaré recevables notamment les demandes de Mme [M] concernant la restitution de saisies sur salaire à hauteur de 1 308,22 euros et au titre de charges indues à hauteur de 18 059,03 euros, condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [M] la somme de 31 331 euros pour les préjudices subis du fait des désordres relevant de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 et débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Le 10 avril 2024, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du 10 mars 2021.
Par ordonnance du 28 novembre 2023 concernant le présent appel, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement du syndicat des copropriétaires de son incident de péremption et l'a condamné aux dépens et à verser à Mme [M], la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA le 4 juin 2024, Mme [X] [M] demande à la cour de :
Vu les articles 24 et 42 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 octobre 2023,
- réformer le jugement du 17 septembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Grasse,
- débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- prononcer la nullité des résolutions 5, 6, 18, 19, 20, 21, 22, 23 et 24 de l'assemblée générale des copropriétaires du 15 décembre 2017,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui restituer l'ensemble des charges de copropriété de l'année 2014 à l'année 2020,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui rembourser la somme de 859,64 euros au titre du trop-perçu de la saisie sur rémunération,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens sous distraction de Me Florence Bensa-Troin avocat au barreau de Grasse en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [X] [M] fait essentiellement valoir :
- que ce litige s'inscrit dans un contexte conflictuel initié et entretenu par la copropriété,
- ses deux lots qui constituent un seul et même appartement, ont fait l'objet d'un sinistre dégât des eaux depuis plus de six ans, engageant la responsabilité du syndicat des copropriétaires, la copropriété a déclaré le sinistre à son assurance, qu'une expertise judiciaire a été ordonnée par jugement du 20 décembre 2017, qui a déclaré irrecevable la seconde demande de condamnation à payer les charges de copropriété,
- elle a déjà assigné en nullité une précédente autorisation de saisie immobilière donnée par l'assemblée générale du 14 décembre 2016 et le jugement n'était pas rendu lorsque le premier juge a statué,
- sa retraite fait l'objet d'une saisie sur rémunération à hauteur de 39,52 euros et la saisie immobilière est disproportionnée, par rapport à la dette de charges de copropriété laquelle est remboursée partiellement mensuellement et laquelle va se compenser avec une indemnisation de ses préjudices matériels et immatériels,
- qu'il est de jurisprudence constante qu'il y a abus de majorité lorsque l'assemblée use de ses droits sans profit pour elle-même dans l'intention de nuire ou à tout le moins dans un but autre que l'intérêt commun de la copropriété (Civile 3ème 17.12.2014 n° 13-25.134 ; cour d'appel de Poitiers 13.04.2011 Juris-Data n° 2011-029462),
- la copropriété poursuit manifestement une saisie immobilière pour empêcher un copropriétaire minoritaire, de faire valoir ses droits du fait des infiltrations subies,
- à la lecture de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 octobre 2023, il est possible de constater que son bien immobilier a fait l'objet d'une vente aux enchères sur poursuite du Crédit agricole et que la vente a permis le paiement de l'intégralité des charges de copropriété réclamées par la copropriété, sous la réserve de contestation par Mme [M] desdites charges et de ses demandes de dommages et intérêts liées aux dégâts des eaux non traités par la copropriété,
- la copropriété a été condamnée à lui payer une somme de 31 331 euros correspondant aux dommages et intérêts pour les préjudices subis,
- que l'abus de majorité est constitué par l'absence de traitement des dégâts des eaux, par le souhait de poursuivre une première saisie immobilière, pour défaut d'information des copropriétaires sur les deux procédures en cours,
- ces informations sont importantes quant à la prise de décision,
- il est logique de contester l'approbation des comptes et le quitus si les comptes ne sont pas justes, du fait de sa demande indemnitaire,
- que l'abus de majorité est constitué car elle n'est pas propriétaire de tous les lots mentionnés dans les résolutions 20 à 24, et par l'absence de réalisation des travaux,
- que l'abus de majorité est constitué du fait de réclamations de charges indues,
- que les charges depuis 2014 peuvent faire l'objet d'un remboursement puisqu'il n'y a eu aucune contrepartie à ces charges, du fait de l'impossibilité d'occuper l'appartement,
- qu'en suite de la mainlevée de la saisie sur rémunération, elle s'est aperçue d'un trop-perçu par la copropriété.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 29 mai 2024, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse du 17 septembre 2019,
- débouter Mme [X] [M] de toutes ses demandes fins et conclusions,
En l'état de l'ordonnance rendue par le juge de l'exécution compétent en matière de saisie immobilière du 5 juin 2023,
- déclarer irrecevable la demande de Mme [M] de voir le syndicat des copropriétaires condamné à lui restituer l'ensemble des charges de copropriété de l'année 2014 à 2020,
Sur le même fondement,
- déclarer irrecevable Mme [M] dans sa demande à le voir condamner à lui rembourser la somme de 859,64 euros au titre du trop-perçu de la saisie sur rémunération,
- la condamner au paiement d'une somme d'un montant de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires soutient en substance :
Sur l'abus de majorité,
- qu'il consiste à utiliser la majorité dans un intérêt autre que l'intérêt collectif, soit dans un intérêt personnel, soit sans motif légitime ou encore avec une intention de nuire,
- que Mme [M] ne démontre, en aucun cas, l'existence d'un abus de majorité qui aurait consisté à ce que l'ensemble des copropriétaires votent en faveur de résolutions dans le seul but de lui nuire,
- la résolution n° 5 concerne l'approbation des comptes arrêtés au 30 juin 2017 et Mme [M] ne démontre pas en quoi le fait d'avoir voté et approuvé les comptes arrêtés au 30 juin 2017 constituerait un abus de la majorité,
- il en est de même pour la résolution n° 6 concernant le quitus,
- pour les résolutions concernant la saisie immobilière, la procédure de saisie immobilière a fait l'objet de plusieurs votes, en dernier lieu le 20 décembre 2018, que Mme [M] a contesté cette assemblée en a été déboutée par arrêt définitif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 avril 2024,
Sur les demandes de Mme [M],
- le juge de l'exécution compétent en matière de saisie immobilière a homologué le projet de distribution par ordonnance définitive du 5 juin 2023, et la demande de restitution des charges de copropriété porte donc atteinte à l'autorité de la chose jugée,
- la demande de remboursement d'un trop-perçu est nouvelle et les comptes des parties ont été arrêtés par le juge de l'exécution, qui a autorité de chose jugée.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 11 juin 2024.
L'arrêt sera contradictoire, toutes les parties ayant constitué avocat.
MOTIFS DE LA DECISION
La cour est saisie des demandes suivantes :
- d'annulation de résolutions de l'assemblée générale du 15 décembre 2017
- de condamnation du syndicat des copropriétaires à restituer les charges de copropriété de l'année 2014 à 2020,
- de condamnation du syndicat des copropriétaires à rembourser la somme de 859,64 euros au titre d'un trop-perçu d'une saisie de rémunération.
Sur l'exception d'irrecevabilité des deux dernières demandes
Le syndicat des copropriétaires oppose à ces deux demandes, l'autorité de chose jugée par le juge de l'exécution compétent en matière de saisie immobilière, par ordonnance du 5 juin 2023, d'homologation du projet de répartition, outre le caractère nouveau de la demande de remboursement d'un trop-perçu.
Selon les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans le dispositif.
Par ailleurs, l'article 564 du code de procédure civile énonce qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les articles 565 et 566 du même code précisent que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, ou si elles sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.
En l'espèce, la cour est saisie d'une demande de remboursement de charges réglées au titre des années 2014 à 2020 et d'un trop-perçu sur une saisie des rémunérations.
L'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse du 5 juin 2023 rendue à la demande de la [Adresse 6], a au visa d'un accord des parties, homologué un projet de distribution du prix de vente des biens de Mme [M], à savoir les lots n° 114 et 117 dépendant de la copropriété Les agaves, entre le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Les agaves et la [Adresse 6].
Cette ordonnance rendue dans le cadre de la saisie immobilière des biens de Mme [M], n'a manifestement pas le même objet, ni la même cause que la demande de remboursement de charges payées et au titre d'un trop-perçu sur saisie sur rémunération, formée par Mme [M].
En revanche des demandes ayant le même objet ont été formées par Mme [M], dans le cadre de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt de cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 octobre 2023, opposant Mme [M] au syndicat des copropriétaires au sujet du montant des charges de copropriété réclamées.
Il convient d'ordonner la réouverture des débats sur le moyen soulevé d'office tiré de l'autorité de chose jugée de l'arrêt de cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 octobre 2023, outre le caractère non chiffré de la demande de remboursement de charges.
Sur la demande d'annulation des résolutions n° 5, 6, 18 à 24 de l'assemblée générale du 15 décembre 2017
Cette demande tout à fait autonome des deux demandes concernées par l'exception d'irrecevabilité soulevée par le syndicat des copropriétaires, peut être tranchée indépendamment de la réouverture des débats ordonnée.
Selon les dispositions de l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée.
Il ressort du procès-verbal d'assemblée générale du 15 décembre 2017, que Mme [M] était absente lors des votes.
Une décision d'assemblée générale ne peut être annulée pour abus de majorité que s'il est démontré qu'elle est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires.
La charge de cette preuve de l'abus de majorité pèse sur le copropriétaire qui l'allègue, étant précisé qu'il n'appartient pas à la juridiction de substituer son appréciation à celles des copropriétaires statuant en assemblée générale.
Les résolutions contestées sont les suivantes :
- résolution n° 5, concernant l'approbation des comptes arrêtés au 30 juin 2017, votée à la majorité de 381/417 tantièmes des présents et représentés,
- résolution n° 6, concernant le quitus donné au syndic, votée à la majorité de 381/417 tantièmes des présents et représentés,
- résolutions n° 18 et 19, concernant le lancement d'une procédure de saisie immobilière et la fixation de la mise à prix, du bien cadastré BX n° [Cadastre 2], lots n° 114 et 117 appartenant à Mme [M] faisant l'objet d'une saisie immobilière pour non-paiement des charges, votées à la majorité de 417/417 tantièmes des présents et représentés,
- résolutions n° 20 et 21, concernant le lancement d'une procédure de saisie immobilière et la fixation de la mise à prix, du bien cadastré AV n° [Cadastre 5], lots n° 25, 33 et 34 sis à [Localité 8], appartenant à Mme [M] faisant l'objet d'une saisie immobilière pour non-paiement des charges, votées à la majorité de 417/417 tantièmes des présents et représentés,
- résolutions 22 et 23, concernant le lancement d'une procédure de saisie immobilière et la fixation de la mise à prix, du bien cadastré AS n° [Cadastre 3], sis à [Localité 8] appartenant à Mme [M] faisant l'objet d'une saisie immobilière pour non-paiement des charges, votées à la majorité de 417/417 tantièmes des présents et représentés,
- résolution n° 24, concernant la fixation du montant de la provision en vue de la procédure de saisie immobilière, votées à la majorité de 417/417 tantièmes des présents et représentés.
Des relevés cadastraux datés de 2013 et demandes de renseignement auprès de la direction générale des finances publiques de 2014 (pièces n° 10 et 11 du syndicat des copropriétaires) établissent la propriété de Mme [M] sur ces biens visés dans ces résolutions.
Depuis les lots n° 114 et 117 de Mme [M], ont été vendus aux enchères et le prix en a été distribué, avec l'accord de Mme [M], dont 25 624,02 euros au profit du syndicat des copropriétaires, au titre de sa créance superprivilégiée et privilégiée, sur un montant total déclaré de 52 718,08 euros.
Même si les pièces produites permettent de comprendre que Mme [M] était en litige avec le syndicat des copropriétaires dans le traitement du dégât des eaux dont elle a été victime et qui a finalement donné lieu à une décision de condamnation du syndicat des copropriétaires à lui verser des dommages et intérêts, Mme [M] ne démontre pas que ces résolutions concernant l'approbation du budget et la décision de procéder à une saisie immobilière aux fins de recouvrer des charges de copropriété, totalement indépendantes de l'indemnisation qu'elle réclamait, et légitimes au regard des règles de fonctionnement de la copropriété, sont contraires à l'intérêt collectif des copropriétaires, favorisent des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires, ou ont été prises dans une intention de lui nuire.
Mme [M] sera donc déboutée de sa demande d'annulation des résolutions n° 5, 6 et 18 à 24 de l'assemblée générale du 15 décembre 2017 et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Il convient de les réserver au regard de la réouverture des débats.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mixte,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation des résolutions n°5, 6 et 18 à 24 de l'assemblée générale du 15 décembre 2017 ;
Avant dire droit sur les demandes de remboursement de charges réglées au titre des années 2014 à 2020 et d'un trop-perçu sur une saisie des rémunérations,
Ordonne la réouverture des débats aux fins de susciter les observations des parties sur le moyen soulevé d'office tiré de l'autorité de chose jugée de l'arrêt de cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 octobre 2023, outre le caractère non chiffré de la demande de remboursement de charges ;
Renvoie l'affaire à l'audience du mardi 25 mars 2025 à 14h15 salle PALAIS MONCLAR avec une nouvelle clôture au 11 mars 2025.
LE GREFFIER LE PRESIDENT