Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 24 octobre 2024, n° 22/13496
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
ph
N°2024/ 338
Rôle N° RG 22/13496 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKESG
[U] [Y]
C/
[M] [W]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Michèle EL BAZ
Me Thibault POMARES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TARASCON en date du 05 Septembre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/1751.
APPELANT
Monsieur [U] [Y]
demeurant [Adresse 8] - [Localité 7]
représenté par Me Michèle EL BAZ, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Caroline VARLET-ANGOVE, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [M] [W]
demeurant [Adresse 1] - [Localité 7]
représenté par Me Thibault POMARES de la SAS ABP AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de TARASCON substituée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, et Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Président
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.
Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
M [M] [W] a été bénéficiaire d'un bail à ferme conclu avec M. [U] [Y] le 1er juillet 2011 portant sur la parcelle cadastrée section ZP n° [Cadastre 2] d'une surface de 1,5 hectare, sur la commune d'[Localité 7].
M. [M] [W] a créé une entreprise individuelle ayant pour activité principale la culture de légumes, de melons, de racines et tubercules, avec prise d'activité à compter du 1er juillet 2011.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 avril 2021 adressé à M. [U] [Y], M. [M] [W] a fait écrire par son conseil, qu'en 2014 une partie des parcelles données à bail, a été vendue à une tierce personne, qui y a édifié un bâtiment et l'a contraint à réduire son espace de culture, et qu'en 2017 une seconde partie des terres a été vendue, engendrant encore une perte d'espace de culture. Il a fait prévaloir la violation de son droit de préemption et l'absence de versement d'une quelconque indemnité, situation qui l'a conduit à une procédure de liquidation judiciaire par jugement du 12 décembre 2019.
Aux termes des demandes de renseignement effectuées le 5 août 2021, auprès de la direction générale des finances publiques :
- la parcelle cadastrée ZP [Cadastre 2] a été divisée par un document d'arpentage du 23 mai 2013, en les parcelles cadastrées ZP [Cadastre 3] et [Cadastre 4], et la parcelle ZP [Cadastre 4] a été vendue le même jour.
- la parcelle cadastrée ZP [Cadastre 3] a été divisée par un document d'arpentage du 10 janvier 2017, en les parcelles cadastrées ZP [Cadastre 5] et [Cadastre 6], et la parcelle ZP [Cadastre 5] a été vendue le même jour, avec constitution de servitude de passage de divers réseaux, le fonds servant étant la parcelle ZP [Cadastre 6] et le fonds dominant la parcelle ZP [Cadastre 5].
Par requête enregistrée au greffe le 14 décembre 2021, M. [M] [W] a sollicité la convocation de M. [U] [Y] en audience de conciliation devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarason.
La conciliation n'a pas abouti et l'affaire a été renvoyée au fond.
M. [W] a sollicité du tribunal au visa des articles L. 412-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime de :
- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation de son droit de préemption,
- le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de ses prétentions il a fait valoir que son droit de préemption avait été violé et que la cession s'était faite sans indemnisation, que son action n'était pas forclose car le défendeur ne l'a pas informé des ventes litigieuses et ne rapporte pas la preuve de la date à laquelle le preneur en a eu connaissance.
M. [Y] représenté à l'audience, a soutenu la forclusion de l'action du demandeur en application de l'article L. 412-12 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime en ajoutant qu'il a toujours informé M. [W] de son intention de vendre et que ce dernier n'a jamais manifesté sa volonté d'acquérir, que le demandeur a eu connaissance de ces ventes au moment où elles ont été passées rendant son action forclose.
Par jugement du 5 septembre 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon a écarté l'exception de forclusion aux motifs que M. [Y] ne conteste pas avoir violé le droit de préemption du preneur, que les ventes n'ont jamais été notifiées au preneur à bail et qu'aucun élément versé au débat ne permet d'indiquer que le bailleur a informé le preneur à bail de quelque manière que ce soit, que l'alinéa 3 de l'article L. 412-13 en réalité l'article L. 412-12 indique expressément que le point de départ du délai de forclusion n'est pas la date de la vente mais le jour où la date de la vente est connue du preneur, qu'en l'espèce, aucun courrier recommandé du notaire instrumentaire ni acte d'huissier mentionnant le prix de vente, les charges et modalités de la vente n'ont été adressés au preneur, qu'il en ressort que le point de départ du délai de forclusion ne peut être que celui mentionné par le demandeur, faute pour le bailleur d'avoir accompli la moindre formalité de notification des ventes, soit le 5 août 2021.
Le tribunal a également condamné M. [Y] à payer à M. [W] la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, somme non contestée en défense et condamné le défendeur au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe de la cour le 10 octobre 2022, M. [U] [Y] a relevé appel de ce jugement en déclarant qu'il entendait soulever la forclusion de l'action engagée par M. [W].
Par ordonnance de référé du 6 février 2023, le premier président de la cour d'appel a dit irrecevable la demande de M. [Y] tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire de droit du jugement déféré et l'a condamné à verser à M. [W], la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Un calendrier de procédure a été établi par ordonnance du 2 mai 2023 au visa des articles 446-2, 939 et 940 du code de procédure civile et de l'accord des parties, l'affaire étant renvoyée au 19 décembre 2023 pour être plaidée.
L'affaire a été renvoyée, la cour ayant par mention au dossier, sollicité la production du jugement clôturant la liquidation judiciaire et la mise en cause du liquidateur.
Par conclusions remises au greffe de la cour par lettre recommandée reçue le 3 août 2023, reprises à l'audience, M. [Y] demande à la cour de :
- accueillir son appel et le déclarer régulier et justifié au fond,
- déclarer l'action engagée par M. [W] forclose,
- condamner M. [W] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] soutient :
- que les terres données à bail ont été vendues en 2013 et 2017,
- que M. [W] en était parfaitement informé, mais n'a jamais manifesté la volonté de les acquérir, puisqu'il n'en avait pas la capacité financière,
- que M. [W] a connu ces ventes au moment où elles ont été passées car il reconnaît qu'il n'a plus exploité les terres vendues,
- que M. [W] a agi au-delà du délai de six mois de la date de cette connaissance,
- que le tribunal s'est contenté de rappeler les textes, mais que le rappel de la législation ne constitue pas une motivation,
- que les dommages et intérêts alloués par le tribunal ne correspondent à aucun préjudice démontré.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 mai 2024, reprises à l'audience, M. [W] demande à la cour de :
Vu le jugement rendu le 5 septembre 2022,
Vu les articles L. 412-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les présentes conclusions,
Vu les articles 122 et 123 du code de procédure civile,
Vu l'article 907 du code de procédure civile,
Vu les présentes conclusions,
Vu les pièces versées aux débats,
- le déclarer recevable et fondé en son action introduite devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon le 5 septembre 2022,
En conséquence,
- rejeter la demande de déclaration de forclusion soulevée en défense pas M. [Y],
- déclarer recevable son action introduite à l'encontre de M. [U] [Y],
- condamner M. [U] [Y] à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice consécutif à la violation par le bailleur du droit de préemption du preneur,
- condamner M. [U] [Y] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [Y] aux dépens,
Y ajoutant,
- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [Y] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner M. [Y] aux entiers dépens.
M. [W] réplique :
In limine litis, sur la radiation du rôle en suite de l'inexécution des termes du jugement dont appel bénéficiant de l'exécution provisoire,
- que M. [Y] n'a pas exécuté le jugement qui l'a condamné à verser les sommes de 100 000 euros et 1 500 euros,
Sur la recevabilité de son action,
- que la fin de non-recevoir concernant sa liquidation judiciaire, n'a pas été soulevée en première instance, mais seulement en appel,
- qu'il disposait d'un statut professionnel actif au moment de l'introduction de sa requête devant le tribunal paritaire des baux ruraux, le 14 décembre 2021,
- s'il a pu être évoqué une procédure de liquidation judiciaire subie par lui en 2019, il n'en demeure pas moins qu'à la date de son action en justice, aucun liquidateur judiciaire n'est désigné,
- c'est donc à juste titre qu'il a introduit son action en nom propre,
Sur la violation de son droit de préemption,
- qu'il ressort de la demande de recherches effectuée auprès du service de la publicité foncière que les parcelles sur lesquelles il maintenait son exploitation agricole, ont été peu à peu divisées et vendues au profit de tiers acquéreurs, et ce, sans qu'il n'en soit informé,
- les choix de M. [Y] n'ont pas été valablement expliqués au fermier, à qui il a simplement été imposé une réduction de la surface d'exploitation,
- M. [Y] ne lui a jamais indiqué valablement les ventes intervenues, ni leur date précise, ni le nom des acquéreurs,
- il n'en a eu connaissance qu'à l'issue de ses recherches le 5 août 2021,
- que M. [Y] n'hésite pas à redoubler de mauvaise foi en considérant encore, et sans le démontrer, qu'il a « toujours averti Monsieur [W] de son intention de vendre mais Monsieur [W] n'a jamais manifesté la volonté d'acquérir ces terres puisqu'il n'en avait pas les capacités financières »,
- le prétendu chèque de loyer impayé n'a aucun rapport avec la présente espèce, et ne permet pas de considérer que M. [Y] l'a informé de son droit de préemption,
- que M. [Y] ne conteste ni l'existence du préjudice, ni le montant de l'indemnisation qu'il sollicite.
L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties sont représentées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile applicable tant à la procédure écrite qu'orale, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En procédure orale, l'article 446-2 du code de procédure civile, énonce : « Lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure, le juge peut organiser les échanges entre les parties comparantes. Après avoir recueilli leur avis, le juge peut ainsi fixer les délais et, si elles en sont d'accord, les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces.
Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, les conclusions doivent formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les écritures précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le juge ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
Lorsque les parties formulent leurs prétentions et moyens par écrit et qu'elles ne sont pas assistées ou représentées par un avocat, le juge peut, avec leur accord, prévoir qu'elles seront réputées avoir abandonné les prétentions et moyens non repris dans leurs dernières écritures communiquées.
A défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées par le juge, celui-ci peut rappeler l'affaire à l'audience, en vue de la juger ou de la radier.
Le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense ».
En l'espèce, toutes les parties sont représentées par un avocat et un calendrier de procédure a été établi avec leur accord.
La cour n'est donc saisie que des prétentions énoncées au dispositif des conclusions, ce qui n'est pas le cas de la demande de radiation de l'affaire pour inexécution du jugement appelé, formulée uniquement dans les motifs des conclusions de l'intimé, étant observé que des conclusions d'incident de radiation ont été déposées et notifiées le 6 avril 2023, demeurées sans effet, compte tenu de la nature orale de la présente procédure concernant un bail rural.
A l'audience, les parties ne se sont référées qu'à leurs dernières conclusions respectives déposées et notifiées sur le RPVA.
Il y a donc lieu de conclure que la cour n'est pas saisie d'une demande de radiation de l'affaire pour inexécution du jugement appelé.
Sur la fin de non-recevoir mise dans le débat par la cour tirée de la liquidation judiciaire de M. [M] [W]
Aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur à la date de la liquidation judiciaire en décembre 2019 :
« I.- Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.
III.- Lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2. Toutefois, le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut poursuivre l'exercice d'une ou de plusieurs de ces activités, si celles-ci engagent un patrimoine autre que celui visé par la procédure.
IV. - Le liquidateur ne peut, sauf accord du débiteur, réaliser les biens ou droits acquis au titre d'une succession ouverte après l'ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire, ni provoquer le partage de l'indivision pouvant en résulter ».
C'est M. [W] qui a reconnu avoir fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire, qu'il date du 12 décembre 2019 dans le courrier adressé par son avocat à M. [Y], et qui selon l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal judiciaire de Tarascon du 23 décembre 2020, compétente pour les agriculteurs, est datée du 25 juillet 2019, l'ordonnance faisant état de l'insuffisance des deniers de l'entreprise pour les frais de procédure.
Aucune information n'est donnée sur cette procédure de liquidation judiciaire, alors que l'affaire a été renvoyée expressément sur ce point, le conseil de M. [W] ayant été interpelé précisément sur la question de la recevabilité de sa demande.
A cet égard, le moyen tiré de l'irrecevabilité de cette exception d'irrecevabilité pour être soulevée pour la première fois en cause d'appel, ne peut prospérer, dès lors que cette exception est précisément soulevée par la cour elle-même et s'impose au regard des règles régissant les procédures collectives.
M. [W] n'a pas produit le jugement de clôture de la liquidation judiciaire, mais seulement les pièces suivantes :
- un extrait des inscriptions au registre national des entreprises au 15 janvier 2024, faisant état de son immatriculation sous le n° 534064076, le 1er juillet 2011 pour la culture de légumes, melons, racines et tubercules avec deux établissements : un principal au [Adresse 1] à [Localité 7], un secondaire à [Adresse 9] à [Localité 7], ce dernier étant noté fermé le 31 janvier 2018 ; une radiation du registre du commerce et des sociétés de Tarascon y est mentionnée, à titre d'observation, avec effet le 30 juin 2023,
- une publication au BODACC du 29 mai 2019, faisant état de la création d'un établissement principal de vente en gros de fruits et légumes, vente ambulante de fruits et légumes, vêtements, biens d'équipement de la maison, bazars, chaussures) à dater du 13 mai 2019, [Adresse 1] sous le même numéro que ci-dessus au registre du commerce et des sociétés de Tarascon,
- un extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Tarascon au 14 mai 2024, sous le même numéro d'immatriculation, à compter du 19 juillet 2023 pour une activité ambulante,
- sa situation au répertoire Sirene au 15 janvier 2024, faisant état des mêmes informations.
Ainsi, on comprend qu'après avoir été salarié de M. [Y], M. [W] a créé une entreprise individuelle en juillet 2011 pour la culture de terres prises à bail rural, qu'après avoir vu une demande d'allocation de retour à l'emploi formée en mars 2019 rejetée au motif que son contrat de travail a pris fin le 29 juillet 2011 et qu'il s'est inscrit le 13 mars 2019, soit au-delà du délai de douze mois suivant la fin de son dernier contrat de travail, M. [W] s'est immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour la vente en gros de légumes, que le 25 juillet 2019 le tribunal de grande instance de Tarascon a prononcé la liquidation judiciaire de son activité d'agriculteur, que M. [W] poursuit son activité commerciale, qui a été radiée en juin 2023 pour être reprise sous forme de vente ambulante en juillet 2023.
M. [W] a par requête du 14 décembre 2021, de sa seule initiative, fait convoquer M. [Y] aux fins d'indemnisation du préjudice résultant du non-respect par M. [Y], de son droit de préemption, en lien avec son activité d'agriculteur.
Or, l'éventuelle indemnisation qu'il obtiendrait au titre de son activité d'agriculteur, devrait profiter à la procédure collective ouverte par le jugement de liquidation judiciaire et impose la présence du liquidateur judiciaire, et ce, même si la procédure de liquidation judiciaire est clôturée, en application de l'article L. 643-13 du code de commerce aux termes duquel : « Si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise ».
Dès lors, l'action de M. [W] sera déclarée irrecevable, ce qui conduit à l'infirmation du jugement appelé.
Sur les demandes accessoires
En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement appelé sur les dépens et les frais irrépétibles, et statuant à nouveau, de condamner M. [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de M. [Y], les frais exposés pour les besoins de la procédure et non inclus dans les dépens. M. [Y] sera donc déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement appelé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare M. [M] [W] irrecevable en sa demande d'indemnisation pour violation de son droit de préemption ;
Condamne M. [M] [W] aux entiers dépens ;
Déboute M. [U] [Y] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
ph
N°2024/ 338
Rôle N° RG 22/13496 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKESG
[U] [Y]
C/
[M] [W]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Michèle EL BAZ
Me Thibault POMARES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TARASCON en date du 05 Septembre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/1751.
APPELANT
Monsieur [U] [Y]
demeurant [Adresse 8] - [Localité 7]
représenté par Me Michèle EL BAZ, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Caroline VARLET-ANGOVE, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [M] [W]
demeurant [Adresse 1] - [Localité 7]
représenté par Me Thibault POMARES de la SAS ABP AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de TARASCON substituée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, et Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Président
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.
Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
M [M] [W] a été bénéficiaire d'un bail à ferme conclu avec M. [U] [Y] le 1er juillet 2011 portant sur la parcelle cadastrée section ZP n° [Cadastre 2] d'une surface de 1,5 hectare, sur la commune d'[Localité 7].
M. [M] [W] a créé une entreprise individuelle ayant pour activité principale la culture de légumes, de melons, de racines et tubercules, avec prise d'activité à compter du 1er juillet 2011.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 avril 2021 adressé à M. [U] [Y], M. [M] [W] a fait écrire par son conseil, qu'en 2014 une partie des parcelles données à bail, a été vendue à une tierce personne, qui y a édifié un bâtiment et l'a contraint à réduire son espace de culture, et qu'en 2017 une seconde partie des terres a été vendue, engendrant encore une perte d'espace de culture. Il a fait prévaloir la violation de son droit de préemption et l'absence de versement d'une quelconque indemnité, situation qui l'a conduit à une procédure de liquidation judiciaire par jugement du 12 décembre 2019.
Aux termes des demandes de renseignement effectuées le 5 août 2021, auprès de la direction générale des finances publiques :
- la parcelle cadastrée ZP [Cadastre 2] a été divisée par un document d'arpentage du 23 mai 2013, en les parcelles cadastrées ZP [Cadastre 3] et [Cadastre 4], et la parcelle ZP [Cadastre 4] a été vendue le même jour.
- la parcelle cadastrée ZP [Cadastre 3] a été divisée par un document d'arpentage du 10 janvier 2017, en les parcelles cadastrées ZP [Cadastre 5] et [Cadastre 6], et la parcelle ZP [Cadastre 5] a été vendue le même jour, avec constitution de servitude de passage de divers réseaux, le fonds servant étant la parcelle ZP [Cadastre 6] et le fonds dominant la parcelle ZP [Cadastre 5].
Par requête enregistrée au greffe le 14 décembre 2021, M. [M] [W] a sollicité la convocation de M. [U] [Y] en audience de conciliation devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarason.
La conciliation n'a pas abouti et l'affaire a été renvoyée au fond.
M. [W] a sollicité du tribunal au visa des articles L. 412-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime de :
- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation de son droit de préemption,
- le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de ses prétentions il a fait valoir que son droit de préemption avait été violé et que la cession s'était faite sans indemnisation, que son action n'était pas forclose car le défendeur ne l'a pas informé des ventes litigieuses et ne rapporte pas la preuve de la date à laquelle le preneur en a eu connaissance.
M. [Y] représenté à l'audience, a soutenu la forclusion de l'action du demandeur en application de l'article L. 412-12 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime en ajoutant qu'il a toujours informé M. [W] de son intention de vendre et que ce dernier n'a jamais manifesté sa volonté d'acquérir, que le demandeur a eu connaissance de ces ventes au moment où elles ont été passées rendant son action forclose.
Par jugement du 5 septembre 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon a écarté l'exception de forclusion aux motifs que M. [Y] ne conteste pas avoir violé le droit de préemption du preneur, que les ventes n'ont jamais été notifiées au preneur à bail et qu'aucun élément versé au débat ne permet d'indiquer que le bailleur a informé le preneur à bail de quelque manière que ce soit, que l'alinéa 3 de l'article L. 412-13 en réalité l'article L. 412-12 indique expressément que le point de départ du délai de forclusion n'est pas la date de la vente mais le jour où la date de la vente est connue du preneur, qu'en l'espèce, aucun courrier recommandé du notaire instrumentaire ni acte d'huissier mentionnant le prix de vente, les charges et modalités de la vente n'ont été adressés au preneur, qu'il en ressort que le point de départ du délai de forclusion ne peut être que celui mentionné par le demandeur, faute pour le bailleur d'avoir accompli la moindre formalité de notification des ventes, soit le 5 août 2021.
Le tribunal a également condamné M. [Y] à payer à M. [W] la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, somme non contestée en défense et condamné le défendeur au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe de la cour le 10 octobre 2022, M. [U] [Y] a relevé appel de ce jugement en déclarant qu'il entendait soulever la forclusion de l'action engagée par M. [W].
Par ordonnance de référé du 6 février 2023, le premier président de la cour d'appel a dit irrecevable la demande de M. [Y] tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire de droit du jugement déféré et l'a condamné à verser à M. [W], la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Un calendrier de procédure a été établi par ordonnance du 2 mai 2023 au visa des articles 446-2, 939 et 940 du code de procédure civile et de l'accord des parties, l'affaire étant renvoyée au 19 décembre 2023 pour être plaidée.
L'affaire a été renvoyée, la cour ayant par mention au dossier, sollicité la production du jugement clôturant la liquidation judiciaire et la mise en cause du liquidateur.
Par conclusions remises au greffe de la cour par lettre recommandée reçue le 3 août 2023, reprises à l'audience, M. [Y] demande à la cour de :
- accueillir son appel et le déclarer régulier et justifié au fond,
- déclarer l'action engagée par M. [W] forclose,
- condamner M. [W] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] soutient :
- que les terres données à bail ont été vendues en 2013 et 2017,
- que M. [W] en était parfaitement informé, mais n'a jamais manifesté la volonté de les acquérir, puisqu'il n'en avait pas la capacité financière,
- que M. [W] a connu ces ventes au moment où elles ont été passées car il reconnaît qu'il n'a plus exploité les terres vendues,
- que M. [W] a agi au-delà du délai de six mois de la date de cette connaissance,
- que le tribunal s'est contenté de rappeler les textes, mais que le rappel de la législation ne constitue pas une motivation,
- que les dommages et intérêts alloués par le tribunal ne correspondent à aucun préjudice démontré.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 mai 2024, reprises à l'audience, M. [W] demande à la cour de :
Vu le jugement rendu le 5 septembre 2022,
Vu les articles L. 412-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les présentes conclusions,
Vu les articles 122 et 123 du code de procédure civile,
Vu l'article 907 du code de procédure civile,
Vu les présentes conclusions,
Vu les pièces versées aux débats,
- le déclarer recevable et fondé en son action introduite devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon le 5 septembre 2022,
En conséquence,
- rejeter la demande de déclaration de forclusion soulevée en défense pas M. [Y],
- déclarer recevable son action introduite à l'encontre de M. [U] [Y],
- condamner M. [U] [Y] à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice consécutif à la violation par le bailleur du droit de préemption du preneur,
- condamner M. [U] [Y] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [Y] aux dépens,
Y ajoutant,
- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [Y] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner M. [Y] aux entiers dépens.
M. [W] réplique :
In limine litis, sur la radiation du rôle en suite de l'inexécution des termes du jugement dont appel bénéficiant de l'exécution provisoire,
- que M. [Y] n'a pas exécuté le jugement qui l'a condamné à verser les sommes de 100 000 euros et 1 500 euros,
Sur la recevabilité de son action,
- que la fin de non-recevoir concernant sa liquidation judiciaire, n'a pas été soulevée en première instance, mais seulement en appel,
- qu'il disposait d'un statut professionnel actif au moment de l'introduction de sa requête devant le tribunal paritaire des baux ruraux, le 14 décembre 2021,
- s'il a pu être évoqué une procédure de liquidation judiciaire subie par lui en 2019, il n'en demeure pas moins qu'à la date de son action en justice, aucun liquidateur judiciaire n'est désigné,
- c'est donc à juste titre qu'il a introduit son action en nom propre,
Sur la violation de son droit de préemption,
- qu'il ressort de la demande de recherches effectuée auprès du service de la publicité foncière que les parcelles sur lesquelles il maintenait son exploitation agricole, ont été peu à peu divisées et vendues au profit de tiers acquéreurs, et ce, sans qu'il n'en soit informé,
- les choix de M. [Y] n'ont pas été valablement expliqués au fermier, à qui il a simplement été imposé une réduction de la surface d'exploitation,
- M. [Y] ne lui a jamais indiqué valablement les ventes intervenues, ni leur date précise, ni le nom des acquéreurs,
- il n'en a eu connaissance qu'à l'issue de ses recherches le 5 août 2021,
- que M. [Y] n'hésite pas à redoubler de mauvaise foi en considérant encore, et sans le démontrer, qu'il a « toujours averti Monsieur [W] de son intention de vendre mais Monsieur [W] n'a jamais manifesté la volonté d'acquérir ces terres puisqu'il n'en avait pas les capacités financières »,
- le prétendu chèque de loyer impayé n'a aucun rapport avec la présente espèce, et ne permet pas de considérer que M. [Y] l'a informé de son droit de préemption,
- que M. [Y] ne conteste ni l'existence du préjudice, ni le montant de l'indemnisation qu'il sollicite.
L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties sont représentées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile applicable tant à la procédure écrite qu'orale, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En procédure orale, l'article 446-2 du code de procédure civile, énonce : « Lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure, le juge peut organiser les échanges entre les parties comparantes. Après avoir recueilli leur avis, le juge peut ainsi fixer les délais et, si elles en sont d'accord, les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces.
Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, les conclusions doivent formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les écritures précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le juge ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
Lorsque les parties formulent leurs prétentions et moyens par écrit et qu'elles ne sont pas assistées ou représentées par un avocat, le juge peut, avec leur accord, prévoir qu'elles seront réputées avoir abandonné les prétentions et moyens non repris dans leurs dernières écritures communiquées.
A défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées par le juge, celui-ci peut rappeler l'affaire à l'audience, en vue de la juger ou de la radier.
Le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense ».
En l'espèce, toutes les parties sont représentées par un avocat et un calendrier de procédure a été établi avec leur accord.
La cour n'est donc saisie que des prétentions énoncées au dispositif des conclusions, ce qui n'est pas le cas de la demande de radiation de l'affaire pour inexécution du jugement appelé, formulée uniquement dans les motifs des conclusions de l'intimé, étant observé que des conclusions d'incident de radiation ont été déposées et notifiées le 6 avril 2023, demeurées sans effet, compte tenu de la nature orale de la présente procédure concernant un bail rural.
A l'audience, les parties ne se sont référées qu'à leurs dernières conclusions respectives déposées et notifiées sur le RPVA.
Il y a donc lieu de conclure que la cour n'est pas saisie d'une demande de radiation de l'affaire pour inexécution du jugement appelé.
Sur la fin de non-recevoir mise dans le débat par la cour tirée de la liquidation judiciaire de M. [M] [W]
Aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur à la date de la liquidation judiciaire en décembre 2019 :
« I.- Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.
III.- Lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2. Toutefois, le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut poursuivre l'exercice d'une ou de plusieurs de ces activités, si celles-ci engagent un patrimoine autre que celui visé par la procédure.
IV. - Le liquidateur ne peut, sauf accord du débiteur, réaliser les biens ou droits acquis au titre d'une succession ouverte après l'ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire, ni provoquer le partage de l'indivision pouvant en résulter ».
C'est M. [W] qui a reconnu avoir fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire, qu'il date du 12 décembre 2019 dans le courrier adressé par son avocat à M. [Y], et qui selon l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal judiciaire de Tarascon du 23 décembre 2020, compétente pour les agriculteurs, est datée du 25 juillet 2019, l'ordonnance faisant état de l'insuffisance des deniers de l'entreprise pour les frais de procédure.
Aucune information n'est donnée sur cette procédure de liquidation judiciaire, alors que l'affaire a été renvoyée expressément sur ce point, le conseil de M. [W] ayant été interpelé précisément sur la question de la recevabilité de sa demande.
A cet égard, le moyen tiré de l'irrecevabilité de cette exception d'irrecevabilité pour être soulevée pour la première fois en cause d'appel, ne peut prospérer, dès lors que cette exception est précisément soulevée par la cour elle-même et s'impose au regard des règles régissant les procédures collectives.
M. [W] n'a pas produit le jugement de clôture de la liquidation judiciaire, mais seulement les pièces suivantes :
- un extrait des inscriptions au registre national des entreprises au 15 janvier 2024, faisant état de son immatriculation sous le n° 534064076, le 1er juillet 2011 pour la culture de légumes, melons, racines et tubercules avec deux établissements : un principal au [Adresse 1] à [Localité 7], un secondaire à [Adresse 9] à [Localité 7], ce dernier étant noté fermé le 31 janvier 2018 ; une radiation du registre du commerce et des sociétés de Tarascon y est mentionnée, à titre d'observation, avec effet le 30 juin 2023,
- une publication au BODACC du 29 mai 2019, faisant état de la création d'un établissement principal de vente en gros de fruits et légumes, vente ambulante de fruits et légumes, vêtements, biens d'équipement de la maison, bazars, chaussures) à dater du 13 mai 2019, [Adresse 1] sous le même numéro que ci-dessus au registre du commerce et des sociétés de Tarascon,
- un extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Tarascon au 14 mai 2024, sous le même numéro d'immatriculation, à compter du 19 juillet 2023 pour une activité ambulante,
- sa situation au répertoire Sirene au 15 janvier 2024, faisant état des mêmes informations.
Ainsi, on comprend qu'après avoir été salarié de M. [Y], M. [W] a créé une entreprise individuelle en juillet 2011 pour la culture de terres prises à bail rural, qu'après avoir vu une demande d'allocation de retour à l'emploi formée en mars 2019 rejetée au motif que son contrat de travail a pris fin le 29 juillet 2011 et qu'il s'est inscrit le 13 mars 2019, soit au-delà du délai de douze mois suivant la fin de son dernier contrat de travail, M. [W] s'est immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour la vente en gros de légumes, que le 25 juillet 2019 le tribunal de grande instance de Tarascon a prononcé la liquidation judiciaire de son activité d'agriculteur, que M. [W] poursuit son activité commerciale, qui a été radiée en juin 2023 pour être reprise sous forme de vente ambulante en juillet 2023.
M. [W] a par requête du 14 décembre 2021, de sa seule initiative, fait convoquer M. [Y] aux fins d'indemnisation du préjudice résultant du non-respect par M. [Y], de son droit de préemption, en lien avec son activité d'agriculteur.
Or, l'éventuelle indemnisation qu'il obtiendrait au titre de son activité d'agriculteur, devrait profiter à la procédure collective ouverte par le jugement de liquidation judiciaire et impose la présence du liquidateur judiciaire, et ce, même si la procédure de liquidation judiciaire est clôturée, en application de l'article L. 643-13 du code de commerce aux termes duquel : « Si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise ».
Dès lors, l'action de M. [W] sera déclarée irrecevable, ce qui conduit à l'infirmation du jugement appelé.
Sur les demandes accessoires
En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement appelé sur les dépens et les frais irrépétibles, et statuant à nouveau, de condamner M. [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de M. [Y], les frais exposés pour les besoins de la procédure et non inclus dans les dépens. M. [Y] sera donc déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement appelé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare M. [M] [W] irrecevable en sa demande d'indemnisation pour violation de son droit de préemption ;
Condamne M. [M] [W] aux entiers dépens ;
Déboute M. [U] [Y] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT