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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 octobre 2024, n° 21/00798

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Attractive Rénovation Construction Bâtiment (SAS)

Défendeur :

Presqu'île de la Touque Loisirs (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Prigent

Avocats :

Me Cazals, Me Dumond, Me Lugosi

T. com. Paris, 10e ch., du 11 déc. 2020,…

11 décembre 2020

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5 et par M. Maxime Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

A l'occasion de la construction d'une résidence de tourisme à [Localité 4], sous la maîtrise d'ouvrage de la société Presqu'île de la Touques Loisirs (la société Presqu'île de la Touques), la société TBI, entrepreneur principal, a, par contrat du 20 juin 2016, sous-traité une partie des travaux de 'coffrage plancher' à la société Attractive Rénovation Construction Bâtiment (la société ARCB), pour un montant de 337 800 euros HT.

Par jugement du 4 août 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société TBI avec poursuite d'activité jusqu'au 31 octobre 2017.

Par lettre recommandée du 9 août 2017, la société ARCB a adressé à la société Presqu'île de la Touques un décompte général définitif faisant apparaître un solde dû au titre de travaux supplémentaires de 176 218, 75 euros.

La société ARCB a déclaré sa créance au mandataire liquidateur de la société TBI pour un montant de 176 218, 75 euros HT.

Par lettre recommandée du 29 novembre 2017, la société ARCB a mis en demeure la société Presqu'île de la Touques de payer la somme totale de 163 616, 03 euros.

Par acte du 12 septembre 2018, la société ARCB a assigné la société Presqu'île de la Touques devant le tribunal de commerce de Paris en paiement des sommes de 13 554,57 euros au titre du solde du marché de sous-traitance, 16 890 euros au titre de la retenue de garantie du marché, 133 171, 46 euros au titre de travaux réalisés au-delà du marché de sous-traitance, et 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré compétent et a :

- Condamné la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB la somme de 13 554,57 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017 ;

- Condamné la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB la somme de 16 890 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017 ;

- Condamné la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

- Condamné la société Presqu'île de la Touques aux dépens ;

- Ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie.

Par déclaration du 7 janvier 2021, la société ARCB a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Presqu'île de la Touques au paiement de la somme de 133 171,46 euros au titre des travaux réalisés au-delà du marché de sous-traitance de base et de la retenue de garantie correspondante avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017.

Par ses dernières conclusions notifiées le 22 mars 2023, la société ARCB demande, au visa de l'article 1240 du code civil et de l'article 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB la somme de 13 554,57 euros au titre du solde du marché de sous-traitance de base, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017 ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB la somme de 16 890 euros au titre de la retenue de garantie du marché de sous-traitance de base, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017 ;

- Condamner la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB la somme de 133 171,46 euros au titre des travaux réalisés au-delà du marché de sous-traitance de base et de la retenue de garantie correspondante, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017 ;

- Condamner la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 18 juin 2021, la société Presqu'île de la Touques demande, au visa des articles 1134 du code civil et 6 et 14 de la loi du 31 décembre 1975, de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société ARCB de sa demande de condamnation de la société Presqu'île de la Touques au paiement de la somme de 133 171,46 euros au titre des travaux prétendument réalisés au-delà du marché de sous-traitance de base et de la retenue de garantie correspondante, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017 ;

Pour le surplus,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB la somme de 13 554,57 euros au titre du solde du marché de sous-traitance de base avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017 ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB la somme de 16 890 euros au titre de la retenue de garantie du marché de sous-traitance de base avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017 ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et à payer les entiers dépens ;

En tout état de cause,

- Débouter la société ARCB de toutes ses demandes ;

- Condamner la société ARCB à payer à la société Presqu'île de la Touques la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mai 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le contrat de sous-traitance

L'article 6, alinéa 1, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dispose que 'le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution.'

L'article 13 de cette loi précise que 'l'action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance et dont le maître de l'ouvrage est effectivement bénéficiaire.'

L'article 14 de la même loi prévoit que :

'A peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.

Les obligations du maître de l'ouvrage sont limitées à ce qu'il doit encore à l'entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure prévue à l'article précédent.'

Aux termes de l'article 14-1 de la même loi, 'pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :

- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ;

- si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution.'

La société Presqu'île de la Touques a, le 18 juillet 2016, accepté la société ARCB en qualité de sous-traitant de la société TBI pour les travaux confiés de 'coffrage plancher' pour un montant de 337 800 euros HT, avec délégation de paiement.

Le contrat de sous-traitance conclu le 20 juin 2016 entre la société TBI et la société ARCB fixe un montant de 337 800 euros HT global et forfaitaire et précise que 'les parties sont d'accord pour rectifier le prix global en fonction des quantités réellement exécutées établies à la suite d'un métré contradictoire sur la base des prix unitaires du bordereau joint en annexe'.

La société ARCB a reçu paiement de la somme totale de 307 355,43 euros.

La société Presqu'île de la Touques ne justifie pas de l'absence de levée de réserves ou de reprise de malfaçons concernant les travaux réalisés par la société ARCB, se contentant de ses allégations, alors que cette dernière produit un dossier de reprise des réserves.

Il ne ressort pas de la situation de travaux n° 9-1 une réfaction définitive du prix du marché.

La société Presqu'île de la Touques n'établit pas que la société ARCB n'aurait pas achevé les travaux confiés, quand bien même la société TBI aurait abandonné le chantier pour les travaux la concernant et qu'elle n'avait pas sous-traités.

Par conséquent, le jugement qui a condamné la société Presqu'île de la Touques à payer à la société ARCB les sommes de 13 554,57 euros et de 16 890 euros, au titre du solde du marché, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017, date de la mise en demeure, sera confirmé.

Sur les travaux supplémentaires

La délégation de paiement a été consentie pour le montant global et forfaitaire de 337 800 euros HT.

L'article 7.1.1 du contrat de sous-traitance stipule :

'Le sous-traitant ne peut s'opposer à une demande de travaux supplémentaires, lesquels lui seront réglés au prix unitaire de son bordereau de décomposition du prix global et forfaire, ou à défaut par analogie à ces prix.

Le sous-traitant s'engage à signaler par écrit et à bref délai, sous peine de forclusion, tous les faits qui peuvent justifier une demande de travaux supplémentaires auprès du maître d'ouvrage. Ces travaux supplémentaires seront réglés dès que le maître d'ouvrage aura mis l'entrepreneur principal en mesure de le faire.

En tout état de cause, compte tenu du caractère forfaitaire des présentes, tout travail supplémentaire ou modificatif devra, pour être accepté et payé, avoir fait l'objet d'un ordre écrit de l'entrepreneur principal précisant son prix et le délai d'exécution.

Un refus de prise en compte de travaux supplémentaires adressé par le maître d'ouvrage à l'entrepreneur principal pourra être opposé par l'entrepreneur principal au sous-traitant dans les mêmes conditions.'

Les travaux supplémentaires dont le sous-traitant réclame le paiement doivent avoir été soumis à l'acceptation du maître de l'ouvrage et avoir fait l'objet d'un ordre écrit de l'entrepreneur principal.

La société ARCB réclame le paiement de travaux supplémentaires pour un montant total de 133 171,46 euros HT correspondant à des situations 11, 12 et 13 et une facture n° 6.

Elle ne justifie pas avoir signalé par écrit et à bref délai la nécessité d'exécuter des travaux supplémentaires.

Il n'est pas établi par les pièces du dossier que la société Presqu'île de la Touques aurait été informée de la réalisation de travaux supplémentaires ou aurait eu connaissance de la présence de la société ARCB sur le chantier pour leur exécution.

L'allégation d'une présence sur le chantier au-delà de la date du 20 février 2017 prévue par le contrat de sous-traitance ne suffit pas établir la connaissance par le maître de l'ouvrage de la réalisation de travaux supplémentaires, alors que le chantier était affecté de retards et que les procès-verbaux de réunion de chantier ne révèlent pas l'intervention de la société ARCB pour effectuer des travaux ne relevant pas du marché conclu.

Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du décompte général définitif du 9 août 2017, que la société Presqu'île de la Touques aurait payé des prestations ne relevant pas du marché de base, ni qu'elle aurait accepté, postérieurement à leur réalisation, des travaux supplémentaires.

En outre, la société ARCB réclame, au titre de travaux supplémentaires, l'indemnisation de coûts de main d'oeuvre, location de matériel et frais de déplacement qu'elle impute aux retards du chantier.

Elle produit un tableau établi par elle-même sans l'accompagner de factures justificatives, les relevés de son compte bancaire étant insuffisants à établir précisément l'engagement des frais allégués, et ne justifie pas de leur imputabilité à la société Presqu'île de la Touques sur le fondement invoqué de l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.

Par conséquent, le jugement qui a rejeté la demande de la société ARCB au titre de travaux supplémentaires, sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société ARCB, qui succombe en son appel, sera tenue aux dépens d'appel.

Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société Presqu'île de la Touques la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter la demande de la société ARCB à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 11 décembre 2020 du tribunal de commerce de Paris ;

Y ajoutant,

Condamne la société Attractive Rénovation Construction Bâtiment à payer à la société Presqu'île de la Touques Loisirs la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Attractive Rénovation Construction Bâtiment au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Attractive Rénovation Construction Bâtiment aux dépens d'appel.