CA Dijon, 2e ch. civ., 24 octobre 2024, n° 23/01505
DIJON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ats Ambulance Taxi (SAS)
Défendeur :
Desbois (SCI), Btsg² (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Blanchard
Conseillers :
Mme Charbonnier, Mme Kuentz
Avocats :
Me Soulard, Me Hopgood
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte authentique reçu par Maître [D], notaire à [Localité 8], du 02 août 2017, la SCI Desbois a donné à bail à usage commercial à la société ATS Ambulance Taxi un bâtiment comprenant bureau, atelier, locaux sociaux sis [Adresse 6] pour un durée de 9 années ayant commencé à courir le 1er août 2017 pour se terminer le 31 juillet 2026 moyennant un loyer annuel de 10 920 euros H.T.
Par ordonnance du 23 juin 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a ordonné une expertise judiciaire et a condamné la SAS ATS Ambulance Taxi à payer à la SCI Desbois la somme provisionnelle de 14 037,74 euros au titre des loyers et charges impayés jusqu'au mois d'avril 2020 et une somme provisionnelle mensuelle de 740,57 euros à partir du mois de mai 2020 et jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.
La SAS ATS Ambulance Taxi a relevé appel de cette ordonnance et par arrêt du 1er avril 2021, la cour d'appel de Dijon a confirmé ladite ordonnance et débouté la société ATS Ambulance Taxi de l'ensemble de ses prétentions, l'a condamnant aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à la SCI Desbois d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 09 novembre 2021, le juge des référés a constaté la résolution du bail commercial à compter du 08 juillet 2021 et condamné la société ATS Ambulance Taxi à payer à la SCI Desbois la somme provisionnelle de 11 108,55 euros correspondant aux loyers impayés jusqu'au mois de juillet 2021 inclus, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais de commandement.
Par jugement du 07 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a notamment :
- prononcé la résiliation du bail commercial aux torts de la SCI Desbois à compter du 26 décembre 2018,
- condamné la SAS ATS Ambulance Taxi à verser à la SCI Desbois la somme de 27 243,65 euros en deniers ou quittances au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période échue du 26 décembre 2018 au 16 septembre 2021,
- condamné la SCI Desbois à verser à la SAS ATS Ambulance Taxi la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Desbois aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire, avec distraction au profit de la SCP Gaunet-Foveau, avocats.
Par jugement en date du 27 octobre 2022, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a prononcé le redressement judiciaire de la SAS ATS Ambulance Taxi.
Par jugement du 26 octobre 2023, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a homologué le plan de redressement par continuation de la société ATS Ambulance Taxi.
La SCI Desbois a déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la société ATS Ambulance Taxi pour un montant de 12 711,46 euros.
Par ordonnance du 20 novembre 2023, le juge commissaire a admis la créance de la SCI Desbois pour la somme de 12 711,46 euros à titre privilégié définitif.
La société ATS Ambulance Taxi a relevé appel de cette décision par déclaration du 30 novembre 2023.
Selon conclusions notifiées le 30 avril 2024, elle demande à la cour, au visa des articles R 662-1 et R 624-4 du code de commerce, 14, 455, 472, 562 et 670-1 du code de procédure civile, 1353 du code civil, de :
- la recevant en son appel et l'y déclarer bien fondée,
- annuler l'ordonnance dont appel,
- dire n'y avoir lieu à statuer par effet dévolutif,
subsidiairement,
- annuler l'ordonnance dont appel,
statuant à nouveau,
- rejeter l'admission de créance sollicitée par la SCI Desbois,
- la débouter de toutes ses demandes, fins et prétention,
encore plus subsidiairement,
- infirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- rejeter l'admission de créance sollicitée par la SCI Desbois,
- la débouter de toutes ses demandes, fins et prétention,
en toute hypothèse,
- condamner la SCI Desbois à lui payer une somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI Desbois aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Selon conclusions d'intimée notifiées le 8 février 2024, la SCP BTSG², ès qualité de mandataire judiciaire de la SAS ATS Ambulance Taxi demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice.
Selon conclusions d'intimée notifiées le 17 avril 2024, la SCI Desbois demande à la cour de :
- débouter la société ATS Ambulance Taxi de son appel,
- à titre principal, confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge commissaire du 20 novembre 2023,
- à titre subsidiaire, voir fixer sa créance au passif de la SARL ATS Ambulance Taxi à la somme de 7 502,51 euros,
en tout état de cause,
- condamner la société ATS Ambulance Taxi à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société ATS Ambulance Taxi aux dépens de première instance et d'appel.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
La clôture est intervenue le 18 juin 2024.
SUR CE, LA COUR
I/ Sur la demande d'annulation de l'ordonnance déférée
A l'appui de sa demande, la SAS ATS Ambulance Taxi fait valoir qu'elle n'a pas été régulièrement convoquée devant le juge commissaire et ce, au mépris des dispositions de l'article R.624-4 du code de commerce, de sorte que l'ordonnance déférée doit être annulée sans effet dévolutif, ce que conteste le créancier.
L'article R 662-1 1° du code de commerce prévoit que les règles du code de procédure civile sont applicables dans les matières régies par le livre VI de la partie législative de ce code, à savoir les difficultés des entreprises.
L'article R 624-4 du code de commerce rappelle que les parties sont convoquées devant le juge commissaire statuant en matière d'admission de créance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Au terme de l'article 670-1 du code de procédure civile, applicable à toute juridiction en vertu du principe posé par l'article 749, en cas de retour au greffe de la juridiction d'une lettre de notification dont l'avis de réception n'a pas été signé dans les conditions prévues à l'article 670, le greffier invite la partie à procéder par voie de signification.
L'article 14 du code de procédure civile dispose que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.
Par ailleurs, selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il est régulièrement jugé que lorsque l'acte introductif d'instance est annulé, la dévolution du litige inhérente à l'appel ne s'opère pour le tout que si l'appelant a conclu au fond à titre principal devant la cour d'appel (Cass. 1re civ., 11 janv. 2017, n°15-27.530).
Le juge commissaire ne peut en principe statuer sur des créances contestées sans convocation préalable du débiteur.
En l'espèce, l'ordonnance déférée indique que les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec accusé de recéption à comparaître à l'audience du 20/11/2023.
Il est produit aux débats, par l'intimée, une convocation établie par le greffe du tribunal de commerce le 15 septembre 2023 à destination de la société ATS Ambulance Taxi en vue de l'audience du 20 novembre 2023 ayant pour objet 'la contestation de créance ou conflit sur la compétence portée devant le JC - L624-2, L631-18, L641-14, R624-4", le créancier référencé étant la SCI Desbois.
L'avis de réception de la lettre recommandée par laquelle le greffe a convoqué la société ATS Ambulance Taxi en vue de cette audience est revenu avec la mention 'pli non réclamé'.
Toutefois, même à considérer, comme le soutient l'appelante, que cette convocation est irrégulière, l'inobservation des dispositions relatives à la convocation du débiteur n'emporte pas de plein droit la nullité de la procédure de vérification des créances, et
il appartient au débiteur qui l'invoque de démontrer l'existence d'un grief relatif à un défaut d'information ou à un retard dans l'établissement de la liste des créances déclarées avec les propositions d'admissions du liquidateur.
Or, la société Ambulance Taxi, à qui incombe la charge de la preuve, n'apporte aucune explication pour justifier de l'existence d'un grief de ce chef.
Au demeurant, il est relevé que la nullité, fût-elle établie, ne saurait faire obstacle à l'effet dévolutif de l'appel, aucune irrégularité n'affectant l'acte introductif d'instance qui n'est pas la convocation devant le juge commissaire mais la déclaration de créance qui équivaut à une demande en justice et dont la régularité n'est pas contestée.
Le débiteur conclut, par ailleurs, à l'annulation de la décision déférée avec effet dévolutif pour défaut de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
Mais, il résulte de la décision entreprise que le premier juge s'est fondé sur les éléments remis par le créancier afin de fixer la créance.
De même, en admettant la créance, il a nécessairement vérifié que la demande était recevable, régulière et bien fondée au regard de l'article 472 du code de procédure civile sans qu'aucun texte n'impose que les dispositions de cet article soient expressement mentionnées dans la décision.
En conséquence, le moyen est infondé et il n'y a pas lieu d'annuler la décision déférée.
II/ Sur la contestation de créance
La société ATS Ambulance Taxi soutient que la SCI Desbois a abusivement persisté à vouloir faire admettre une créance inexistante, puisqu'au contraire à l'issue des relations contractuelles, c'est elle qui est créancière de l'intimée d'une somme de 774,57 euros.
La SCI Desbois conclut, à titre principal, à la confirmation du montant retenu par l'ordonnance du juge commissaire selon décompte du 11/11/2022 de Me [E], commissaire de justice, et subsidiairement indique que si l'on reprend les différentes décisions de justice rendues entre les parties, la SAS ATS Ambulance Taxi reste lui devoir une somme de 7 502,51 euros.
Il n'est pas contesté que les loyers ont été intégralement payés par la SAS ATS Ambulance jusqu'à fin 2018.
Comme le soutient l'appelante, l'ordonnance de référé du 30 juin 2020 ainsi que l'arrêt du 1er avril 2021, qui n'ont pas l'autorité de la chose jugée, ont été mis à néant par le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône le 7 décembre 2021.
Il en va de même en ce qui concerne l'ordonnance de référé du 9 novembre 2021.
Il en résulte qu'au terme du jugement du 7 décembre 2021, qui n'a pas fait l'objet de recours, la société ATS Ambulance Taxi est redevable de la somme de 27 243,65 euros au titre des indemnités d'occupation dues sur la période du 26 décembre 2018 au 16 septembre 2021, le bail ayant été résilié aux torts du bailleur à compter du 26 décembre 2018.
Il est constant que la SCI Desbois a perçu sur cette somme au moyen de deux saisies attributions :
- 3 569,73 euros le 19 mai 2021,
- 15 081,03 euros le 15 novembre 2021.
Il est, par ailleurs, dû par l'intimée à la société ATS Ambulance Taxi en vertu de la même décision les sommes suivantes :
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 2 551, 06 euros au titre des frais d'expertise.
S'il n' y pas lieu de déduire de la créance de la SCI bailleresse la somme de 2 000 euros que la société appelante soutient avoir versé en 2019 en contrepartie de la promesse de travaux sans en rapporter la preuve, en revanche l'intimée ne peut valablement réclamer paiement de la somme de 2 806,40 euros au titre de la taxe foncière 2019 alors que le bail commercial a été résilié à compter du 26 décembre 2018 et qu'aucune disposition du jugement rendu le 7 décembre 2021 ne met cette taxe à la charge de la société ATS Ambulance Taxi, postérieurement à la résiliation du bail.
Il résulte de ce qui précède que, par infirmation de l'ordonnance déférée, la créance de la SCI Desbois est admise au passif du débiteur pour la somme de 1 235,43 euros et ce à titre privilégié définitif, ce dernier point n'étant pas contesté.
III/ Sur les demandes accessoires
Les dépens de première instance et d'appel doivent être partagés par moitié entre les parties.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute la SAS ATS Ambulance Taxi de sa demande d'annulation de l'ordonnance déférée,
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Prononce l'admission de la créance de la SCI Desbois au passif de la SAS ATS Ambulance Taxi pour la somme de 1 235,43 euros à titre privilégié définif,
Partage les dépens de première instance et d'appel par moitié entre les parties,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.