CA Pau, 1re ch., 8 octobre 2024, n° 23/01025
PAU
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Etcheverry et Fils (SARL)
Défendeur :
SMABTP
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Faure
Conseillers :
Mme de Framond, Mme Blanchard
Avocats :
Me Bertizberea, Me Petit, Me Piault, Me Huerta
EXPOSE DU LITIGE
Courant juillet 2014, M. [K] [V] a confié la rénovation de la couverture de sa maison d'habitation et de son garage à la société ETCHEVERRY & FILS, comprenant notamment le remplacement en façade ouest des pannes de débord de toiture.
Faisant état de désordres affectant l'écartement des consoles triangulaires en bois sur la façade ouest, la non réfection d'un chéneau, le défaut de pose d'un pare-pluie sur la couverture du garage et l'écrasement d'une gaine de la hotte de la cuisine, M. [V] a retenu une fraction du prix facturé, soit 1.500 €, avant de régler le solde.
En juin 2015, M. [V] a sollicité une expertise amiable auprès de son assureur qui a conclu à des désordres et inachèvements imputables à la SARL ETCHEVERRY & FILS.
Par acte du 26 avril 2017, M. [V] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne d'une demande d'expertise judiciaire, ordonnée le 4 juillet 2017 et confiée à M. [C] [N].
L'expert a déposé son rapport le 08 novembre 2018.
Par acte du 11 juillet 2019, M. [V] a assigné la SARL ETCHEVERRY & FILS devant le tribunal judiciaire de Bayonne.
Par acte du 27 mai 2020, la SARL ETCHEVERRY & FILS a assigné la SMABTP en sa qualité d'assureur de la SARL ETCHEVERRY et FILS .
Les deux instances ont été jointes.
Suivant jugement contradictoire du 20 mars 2023 (RG n°19/1331), le tribunal judiciaire de Bayonne a :
- condamné la SARL ETCHEVERRY & FILS à payer à M. [V] la somme de 11.723,87 € avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement au titre du préjudice matériel ;
- condamné la SARL ETCHEVERRY & FILS à payer à M. [V] la somme de 2.000 € au titre du préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
- débouté la SARL ETCHEVERRY & FILS de son appel en garantie à l'encontre de la SMABTP ;
- condamné la SARL ETCHEVERRY & FILS à payer à M. [V] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SARL ETCHEVERRY & FILS à payer à la SMABTP la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SARL ETCHEVERRY & FILS aux dépens, outre le coût de l'expertise judiciaire.
Dans sa motivation, le tribunal a considéré que :
- les conclusions de l'expert quant à la constatation des désordres, à leur origine et aux réparations, ne sont pas contestées.
- les désordres (1, 2 et 4) sont apparus alors qu'aucune réception n'avait eu lieu, et antérieurement à une date quelconque pouvant être fixée judiciairement pour la réception.
- le paiement intégral du prix par M. [V] ne peut être considéré comme caractérisant une volonté tacite d'accepter de manière non équivoque les travaux, avec ou sans réserve, dès lors qu'il a exprimé son refus d'acceptation des travaux, y compris au moment du paiement du solde.
- les désordres relèvent par conséquent de la responsabilité de droit commun de la SARL ETCHEVERRY & FILS, dont les fautes ont été caractérisées et décrites par l'expert.
- la SARL ETCHEVERRY et FILS ne démontre pas avoir souscrit auprès de la SMABTP une assurance facultative couvrant les dommages subis par l'ouvrage avant réception.
Par déclaration d'appel du 11 avril 2023, la SARL ETCHEVERRY & FILS a relevé appel de la décision en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions du 18 mars 2024, la SARL ETCHEVERRY & FILS, appelante, entend voir la cour :
- Infirmer et réformer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bayonne le 20 mars 2023 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande au titre du préjudice moral.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- Débouter M. [V] de ses demandes indemnitaires concernant l'écartement des consoles ainsi que l'écrasement de la gaine de la hotte d'aspiration.
- Dire que la SMABTP doit sa garantie à la société ETCHEVERRY & FILS et ainsi condamner la SMABTP à relever indemne la société ETCHEVERRY & FILS de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre.
Subsidiairement,
- Dire que la SMABTP doit sa garantie à la société ETCHEVERRY & FILS et ainsi condamner la SMABTP à relever indemne la société ETCHEVERRY & FILS s'agissant des demandes indemnitaires au titre des infiltrations sous toiture de garage (1.298 € TTC), de l'écoulement d'eau entre la couverture et la gouttière (8.784,60 €), au titre de l'écrasement d'une gaine (292,60 €) ; (responsabilité actuelle) et au titre du claquement des soulèvements de tuiles (réparé par ailleurs), du préjudice moral et préjudice de jouissance ainsi que des condamnations sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
En toute hypothèse
- Condamner la partie succombante au paiement de la somme de 2.000 € en faveur de la société ETCHEVERRY ET FILS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SARL ETCHEVERRY & FILS fait valoir principalement, sur le fondement des articles 1792 et 1231-1 du code civil, que :
- selon la jurisprudence, la réception tacite qui est présumée en cas de prise de possession et de paiement intégral du prix comme en l'espèce, les désordres signalés initialement par M. [V] pour obtenir l'expertise judiciaire étant des désordres minimes caractérisant une réception tacite avec réserves.
- les infiltrations en toiture, l'écoulement d'eau entre la couverture et la gouttière et le soulèvement des tuiles sont des désordres qui ont été révélés pendant les opérations d'expertise et donc, nécessairement, après la réception, et leur nature décennale justifie la garantie par la SMABTP.
- s'agissant de l'écrasement des gaines, le juge de première instance n'a pas répondu quant à la demande de prise en charge par la SMABTP au titre de la responsabilité civile délictuelle de la SARL ETCHEVERRY & FILS.
- s'agissant du basculement des consoles sous débord de toiture, les dires de l'expert judiciaire et le schéma technique transmis par M. [V] ne permettent pas de faire droit à ses demandes, le désordre n'étant pas avéré en l'absence de fléchissement; quand bien même ce désordre compromettrait la solidité de l'ouvrage selon l'expert judiciaire, il relève de la garantie décennale souscrite auprès de la SMABTP.
- M. [V] ne justifie pas d'un préjudice moral et aucun préjudice de jouissance n'est retenu par l'expert judiciaire, la maison étant parfaitement habitable en l'état et ce même au cours des travaux.
- la déclaration de sinistre a été réalisée au mois de juin 2015 pendant la période du contrat d'assurance souscrit auprès de la SMABTP (du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016), et l'expertise amiable consécutive obligent la SMABTP à garantir la société ETCHEVERRY & FILS au titre des prejudices immatériels (préjudice moral et de jouissance).
Par ses dernières conclusions du 20 juillet 2023, M. [K] [V], intimé et appelant incident demande à la Cour
A titre principal,
De confirmer le jugement en ce qu'il :
- Constate l'absence de réception de l'ouvrage
- Condamne la société ETCHEVERRY & FILS à verser à M. [V] la somme de 11.783,87 € assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en réparation de son préjudice matériel
En y ajoutant, l'indexation de la somme de 11.783,87 € à l'indice BT01 tenant compte de l'évolution des coûts de la construction compris entre la date du dépôt du rapport, et celle de l'arrêt d'appel à intervenir,
de réformer le jugement et statuant à nouveau de :
- Condamner la société ETCHEVERRY & FILS à verser à M. [V] la somme de 4.000 € en réparation de son préjudice de jouissance
- Condamner la société ETCHEVERRY & FILS à verser à M. [V] la somme de 2.000 € en réparation de son préjudice moral
et de condamner la société ETCHEVERRY & FILS à verser une indemnité de 5.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par M. [V] en cause d'appel, outre les entiers dépens, de première instance et d'appel, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire taxés à 7.347,02 €,
A titre subsidiaire, s'il était retenu une réception tacite des ouvrages,
- Condamner la SMABTP et la société ETCHEVERRY & FILS in solidum à verser à M. [V] :
- 11.783,87 € TTC au titre des travaux de reprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance outre de l'indexation à l'indice BT01 tenant compte de l'évolution des coûts de la construction entre la date du dépôt du rapport et celle de l'arrêt d'appel à intervenir,
- 4.000 € au titre du préjudice de jouissance ;
- 2.000 € au titre du préjudice moral ;
- Condamner in solidum la SMABTP et la société ETCHEVERRY & FILS au paiement d'une indemnité de 5.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par M. [V] en cause d'appel, outre aux entiers dépens, de première instance et d'appel, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire taxés à 7.347,02 €.
Au soutien de ses prétentions, M. [K] [V] fait valoir principalement, sur le fondement des articles 1792 et suivants et 1231-1 du code civil, que :
- la société ETCHEVERRY & FILS est tenue d'une obligation d'exécution de résultat ; M. [V] a toujours refusé de réceptionner les travaux, ayant dès juin 2015 déclaré le sinistre à son assureur en vue des expertises amiables et consignant le solde du prix de vente à la chambre des métiers ; en l'absence de ' volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir l'ouvrage', la société ETCHEVERRY & FILS engage sa responsabilité civile contractuelle de droit commun.
- l'expert judiciaire a constaté de désordres supplémentaires ajoutés en accord avec toutes les parties par extension de sa mission
- Subsidiairement en cas de réception, la responsabilité de la société ETCHEVERRY& Fils doit être retenue aux cotés de la SMABTP qui doit sa garantie sur le fondement de la garantie décennale.
- qu'en raison de l'augmentation importante des coûts de la construction depuis le dépôt du rapport en 2018, il convient d'indexer à la somme de 11.783,87 € TTC, l'indice BT01 de l'évolution des coûts de la construction entre le jour du dépôt du rapport et la date à laquelle l'arrêt d'appel sera rendu.
- du fait des désagréments d'humidité occasionnés dans le garage et du bruit des claquements de tuiles mal fixées, il a subi un préjudice moral et de jouissance durant plusieurs années.
Par ses dernières conclusions du 07 août 2023, la SMABTP, intimée, entend voir la cour :
A titre principal,
- Débouter la SARL ETCHEVERRY & FILS ou toute autre partie de sa demande de condamnation dirigée contre la SMABTP.
- Condamner la société ETCHEVERRY & FILS ou toute autre partie succombante à payer à la SMABTP la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société ETCHEVERRY & FILS aux entiers dépens.
- Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître [D] [L] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
A titre subsidiaire, si sa garantie était retenue
- Limiter toute éventuelle condamnation de la SMABTP aux dommages matériels liés aux désordres 1, 2, 4 et 5.
- Débouter la société ETCHEVERRY & FILS ou toute autre partie de demandes au titre du dommage 3 ainsi qu'aux titres des préjudices immatériels.
- Dire et juger que la franchise contractuelle de la SMABTP de 10% du montant du dommage avec un minimum de 935 € et un maximum de 9.350 € pour chacun des désordres 1, 2 et 4 auquel la société ETCHEVERRY & FILS serait condamnée et multipliée par deux est opposable à la société ETCHEVERRY & FILS.
- Dire et juger que la franchise contractuelle de la SMABTP de 561 € qui s'applique au désordre 3 (désordre relevant de la garantie responsabilité civile de la société ETCHEVERRY & FILS) est opposable à la société ETCHEVERRY & FILS ainsi qu'à M. [V].
Au soutien de ses prétentions, la SMABTP fait valoir principalement, que :
- la société ETCHEVERRY & FILS était assurée auprès de la SMABTP du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, date de résiliation du contrat ; que la réclamation est intervenue le 26 avril 2017, soit postérieurement à la résiliation du contrat ; qu'en conséquence, seule la garantie obligatoire (garantie décennale) est susceptible d'être mobilisée.
- seule la réclamation judiciaire doit être considérée comme une réclamation ayant pour effet de mobiliser les garanties de l'assureur.
- la déclaration de sinistre réalisée par la société ETCHEVERRY & FILS auprès de la CIVIS, GIE qui n'est pas une filiale de la SMABTP, n'est pas valable.
- M. [V] a toujours refusé de réceptionner l'ouvrage, y compris au moment du paiement du solde, ce qui interdit la mise en oeuvre de la garantie décennale pour l'écartement des consoles en façade Ouest, de l'infiltration sous la toiture du garage, de l'écoulement d'eau entre la gouttière et la planche de rive de toiture et du claquement des tuiles.
- s'agissant de l'écrasement de la gaine de hotte d'aspiration de la cuisine, désordre causé sur un élément ne faisant pas partie des travaux, la réclamation est intervenue postérieurement à la résiliation du contrat d'assurance, de sorte que la garantie de la SMABTP ne doit pas s'appliquer.
- s'agissant des préjudices immatériels, ceux-ci relèvent de la garantie de l'assureur de la société ETCHEVERRY & FILS à la date de la réclamation, à savoir, l'assureur AXA.
- si la réception tacite était retenue, il conviendrait de faire application de la franchise contractuelle applicable de 10% du montant du dommage avec un minimum de 935 € et un maximum de 9.350 € ; que dans la mesure où les désordres sont apparus dans la première année qui a suivi la réalisation des travaux, la franchise doit être doublée.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'indemnisation formée par M. [V] contre la SARL ETCHEVERRY à titre principal
Les constructeurs auxquels les désordres sont imputables peuvent voir engager leurs responsabilités spécifiques, décennale, biennale ou de parfait achèvement, en vertu des articles 1792 et suivants du code civil pour les désordres apparus après la réception des travaux, de même que leur responsabilité contractuelle de droit commun fondée sur l'article 1147 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce pour les désordres réservés à la réception ou pour les désordres intermédiaires cachés à la réception mais ne relevant pas des garanties légales.
Sur la réception des travaux :
La réception est définie à l'article 1792-6 alinéa 1 du code civil comme l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves et qui intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La réception formelle constatée par un procès-verbal de réception, avec ou sans réserves, et signée par le maître de l'ouvrage, traduit la volonté expresse de celui-ci de recevoir l'ouvrage.
La réception peut être tacite dès lors que la prise de possession manifeste une volonté non équivoque d'accepter l'ouvrage mais la cour de cassation juge que la prise de possession, à elle seule, n'est pas suffisante pour caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux ; cette prise de possession doit s'accompagner d'autres éléments tels que le paiement du prix.
L'achèvement des travaux n'est pas une condition de la réception, le critère retenu étant celui d'un ouvrage en état d'être reçu, c'est-à-dire, lorsqu'il s'agit d'un ouvrage servant à l'habitation, qu'il soit habitable et pour un autre type d'ouvrage, il faut qu'il puisse être mis en service.
Et en l'absence de réception expresse, la prise de possession et le paiement des travaux par le maître de l'ouvrage font présumer sa volonté non équivoque de réceptionner l'ouvrage (Civ. 3ème, 18 avril 2019 n° 18.13734).
En l'espèce, il ressort des pièces et explications des parties que la SARL ETCHEVERRY a effectué des travaux de rénovation de la couverture de la maison de M. [V] commandés par un devis du 12 avril 2004, réalisés au cours du mois de juillet 2014 et ayant donné lieu à une facture du 31 juillet 2014 réglée intégralement par chèque bancaire le 7 août 2014 sans que soit exprimé à cette date la moindre réserve ou contestation des travaux.
Un devis complémentaire édité le 23 juillet 2014 portant sur le remplacement des gouttières de la maison a également été accepté par M. [V] pour une somme de 2.664,20 € qui a également été réglée à une date non communiquée, travaux acceptés sans aucune réserve.
À l'occasion de ces travaux, la SARL ETCHEVERRYa ensuite proposé également le remplacement des pannes sous le débord du toit côté ouest par des consoles triangulaires et en bois (sorte d'équerres), travaux également acceptés par M. [V] donnant lieu à l'édition d'une facture le 20 octobre 2014 pour un montant total de 2.201,54 €.
Sur ces derniers travaux seulement, une somme de 1.500 € a été conservée par le maître d'ouvrage en raison de dommages constatés fin 2014/début 2015 concernant :
1) les consoles (équerres) fixées sur un seul point dans le mur, se décollant de leur support vertical et s'écartant du mur ;
2) la hotte d'extraction des fumées de la cuisine ; endommagée, écrasée dans les combles sous toiture à l'occasion des travaux précédents.
3) des infiltrations d'eau constatées dans le garage au niveau de l'écran pare-pluie installé par la SARL ETCHEVERRY, les eaux ne se déversant pas dans le cheneau non refait de la toiture.
M. [V] a refusé toute réception devant le refus de la SARL ETCHEVERRY de procéder aux reprises des premiers désordres constatés.
Néanmoins la cour constate que la réfection de la toiture commandée en avril 2014 et achevée le 31 juillet 2014 ainsi que la réfection des gouttières ont été intégralement réglées sans aucune réserve, et manifestement acceptées puisque de nouveaux travaux non prévus initialement étaient encore commandés le 23 juillet 2014 constituant un nouveau marché, puis encore de nouveaux travaux en août 2014, objet d'un devis complémentaire pour les consoles sous les débords de toits prestation complètement indépendante de la réfection de la couverture ou des gouttières.
La cour en conclut à l'inverse du premier juge, que les deux contrats de réfection de la couverture et des gouttières ont bien fait l'objet d'une réception tacite sans aucune réserve par le maître d'ouvrage, celles-ci n'ayant été formulées qu'après les travaux concernant les consoles installées sur le mur sud ouest de la maison et après le constat par M. [V] du désordre sur la hotte de sa cuisine écrasée et hors service, qui a justifié sa rétention d'une somme de 1.500 € pour garantir le paiement de cette réparation que refusait la SARL ETCHEVERRY, ainsi qu'il ressort des déclarations relevées par l'expert amiable EUREXO mandaté par la MACIF assureur de M. [V].
Il en résulte que doit être constatée la réception sans réserve des travaux de réfection de la couverture et des gouttières de la maison de M. [V] au 07 août 2014, et par contre, l'absence de réception des travaux relatifs aux consoles installées sur le mur sud-ouest de la maison.
S'agissant du désordre sur la hotte de la cuisine, celle-ci n'était pas l'objet des travaux mais il est un désordre collatéral, à l'occasion précisément de l'installation des consoles, fixées dans le mur en y accédant par les combles de la maison.
Sur la responsabilité de la SARL ETCHEVERRY dans les désordres constatés :
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire de M. [C] [N] en date du 08 novembre 2018 et des pièces versées les désordres suivants :
1) Relatif à la pose des consoles :
Ces travaux commandés le 23 juillet 2014 réalisés au cours du mois d'août n'ont pas fait l'objet d'une réception.
L'expert constate qu'elles sont parfaitement stables mais que des jours entre certaines consoles et le mur pignon existent, qui n'ont pas été colmatés par application d'un fond de joint recouvert de mastic, ce qui permet à l'eau d'y pénétrer lorsque la façade est fouettée par le vent et la pluie favorisant la dégradation progressive du bois.
L'expert constate que 2 des anciennes pannes remplacées n'ont pas été bien coupées laissant une saillie qui ressort de l'enduit, sur laquelle est venue se poser la nouvelle console qui n'adhère donc pas complètement au mur ; par ailleurs, la visserie employée n'est pas en inox et la section des tiges filetées rouille. Les écrous de fixation sont boulonnés contre le parpaing sans contre cale en bois pour répartir la pression de serrage entre la maçonnerie.
Les consoles ne sont pas fixées avec 2 tiges filetées comme prévu contractuellement mais avec une seule. Certaines tiges ont été posées en biais par rapport à la maçonnerie, le bois est déjà abîmé (fissuration). L'expert considère que la réalisation de la pose des consoles est imparfaite, qu'en cas de forte tempête l'effet de soulèvement par le vent pourrait faire éclater le parpaing sous l'effort de traction des tiges filetées. L'écartement des consoles est évolutif, leur exécution n'est pas conforme à la coupe sur le plan de principe du 23 juillet 2014 prévu par la SARL ETCHEVERRY.
Ce défaut de conformité génère un désordre engageant la responsabilité contractuelle de cette entreprise à l'égard de M. [V].
L'expert chiffre les travaux de reprise selon le devis de la société ZMS à la somme de 415,24 € TTC, outre la réfection des tirants et la reprise de peinture par estimation, 825 €, soit au total 1.240,24 € ;
2) Ecrasement d'une gaine de VMC :
L'expert constate dans les combles de la maison à travers lesquels passe la gaine de la hotte aspirante de la cuisine que celle-ci a été écrasée lors du passage de la personne contrainte de ramper entre les éléments en bois de la charpente et des fermettes pour serrer les boulons des tiges filetées des consoles en bois évoquées précédemment.
Ce désordre est nécessairement imputable à la SARL ETCHEVERRY, ses travaux pour fixer les consoles par l'intérieur du mur ayant nécessité une intervention à cet endroit difficilement accessible, alors que la VMC de la cuisine fonctionnait avant les travaux.
Il s'agit d'un désordre causé à un équipement du maître d'ouvrage non concerné par les travaux confiés à la SARL ETCHEVERRY, qui engage donc sa responsabilité civile contractuelle de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable au présent litige.
L'expert judiciaire chiffre la reprise de ce désordre à la somme de 292,60 € TTC selon le devis établi par la société ARIZCORRETA.
3) Infiltrations sous toiture du garage :
Il s'agit d'importants écoulements produits lors de pluies soutenues et venteuses, la maison étant située à 600 mètres de l'océan. Ces infiltrations détrempent le voligeage de la sous-face du rampant de toiture, les poutrelles et les étagères du garage.
Elles trouvent leur origine selon l'expert judiciaire dans une double malfaçon de la couverture :
- les tuiles glissent sur leur support du fait d'un défaut de fixation (pannetonnage)
- le plan de toiture et l'altimétrie des liteaux sur lesquels s'accrochent les tuiles posées par la SARL ETCHEVERRY n'ont pas permis de poser un pare-pluie parfaitement plat suivant le plan de toiture ni de manière à ce qu'ils permettent à l'eau de se déverser sans rétention dans le chéneau encaissé ; il s'agit d'une malfaçon généralisée à la couverture du garage.
Ce désordre n'était pas apparent lors de la réception tacite à la fin des travaux de couverture (07 août 2014), c'est un désordre de nature décennale en ce qu'il rend impropre à sa destination toute la couverture du garage qui n'est pas étanche, et qui relève donc de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil ;
L'expert indique que la couverture du garage est à reprendre, et en l'absence de devis qui lui a été fourni estime le coût de réparation à 1.298 €.
Deux autres désordres affectant la couverture de la maison ont été observés lors de l'expertise et ont fait l'objet d'une extension de la mission de l'expert.
Ces désordres étaient donc cachés pour le maître d'ouvrage lors de la réception tacite le 07 août 2014.
4) Ecoulement d'eau entre la couverture et la gouttière à travers l'avant-toit de la partie principale de l'habitation ainsi que de la cage d'escalier :
L'expert a constaté que la réalisation de la noue n'était pas conforme aux règles de l'art en ce que la cornière servant de support à l'extrémité des tuiles est discontinue favorisant l'entrée d'eau sur le pare-pluie qui n'est pas étanche ainsi que sur les voliges de l'avant-toit que le pare-pluie ne recouvre pas entièrement.
5) Claquement et soulèvement de tuiles :
Si l'expert n'a pas pu constaté, en l'absence de vent, ce phénomène dénoncé par le maître d'ouvrage, une vidéo filmée par lui le 04 juillet 2018 a permis aux parties de mettre en évidence le soulèvement et la forte vibration de plusieurs tuiles. L'expert indique que le long de la rive ouest et au faîtage de la couverture de l'habitation principale, les vis ou crochets de fixation des tuiles sont insuffisamment serrées et celles-ci se soulèvent causant leur vibration.
Par ailleurs, l'expert note que les tuiles sont insuffisamment arrimées sur la toiture, elles doivent être collées ou fixées par crochet à raison d'une sur cinq, ce qui n'est pas le cas.
Ces deux derniers désordres sont des non-conformités aux règles de l'art et engagent la garantie décennale de la SARL ETCHEVERRY en ce que la couverture (zinguerie et tuiles) n'assure pas l'étanchéité et la solidité de la toiture de l'immeuble.
L'expert chiffre la reprise de ces deux désordres sur la toiture à la somme de 8.784,60 € TTCet y ajoute la location d'une nacelle pour 108,43 € soit au total la somme de 8.893,03 €.
Sur les préjudices de M. [V] :
- Préjudice matériel :
Que ce soit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ou de la garantie décennale, la SARL ETCHEVERRY doit être condamnée à réparer le préjudice matériel de M. [V] tel que chiffré par l'expert ci-dessus pour la somme totale de:
1.240,24 + 292,60 + 1.298 + 8.784,60 + 108,43= 11.723,87 € comme retenu par le premier juge.
Par contre, par infirmation, ce coût des travaux doit être indexé sur l'indice BT01 des coûts de la construction à compter du dépôt du rapport du 08 novembre 2018 jusqu'au présent arrêt.
- Préjudice de jouissance :
Les désordres constatés n'ont pas empêché l'habitabilité de l'immeuble, les infiltrations concernant essentiellement le garage et les avant-toits à l'extérieur de la maison. C'est par une juste appréciation des éléments du dossier que le premier juge a fixé le préjudice de jouissance à 2.000 €, M. [V] ayant dû protéger ou enlever le matériel stocké dans son garage et placer une bâche de protection et des bassines.
- Préjudice moral :
Si le refus de la SARL ETCHEVERRY de réparer l'écrasement de la gaine de la VMC résultant d'un accident à l'occasion de ses travaux en façade de la maison est une attitude critiquable, le refus du maître d'ouvrage de procéder à la réception des travaux qui avaient été reçus de fait sans réserve et payés, s'agissant de la première partie concernant la couverture de la maison et du garage, a contribué également au blocage des relations entre les parties.
C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral de M. [V] considérant ce préjudice non justifié, ce que la cour confirme en rajoutant cette disposition au dispositif omise par le premier juge.
Sur la demande subsidiaire de M. [V] de condamnation de la SMABTP
La cour a retenu la réception tacite et sans réserve des travaux s'agissant de la couverture de la maison et du garage et de leurs gouttières.
L'article L124-3 du code des assurances dispose que « le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ».
La SMABTP ne conteste pas devoir sa garantie à la SARL ETCHEVERRY pour les désordres relevant de la garantie décennale. Elle verse aux débats les conditions particulières et les conditions générales du contrat souscrit le 08 mars 2007 couvrant les travaux réalisés par son assuré en 2014.
Or la cour ayant retenu la réception tacite sans réserve pour les travaux de couverture de la maison et du garage, et les désordres 3, 4 et 5 étant des vices cachés compromettant la solidité de celle-ci, il en résulte que M. [V] est fondé à se prévaloir de l'action directe à l'égard de la SMABTP pour ces désordres, et donc à solliciter la condamnation in solidum de l'assureur et de l'assuré à l'indemniser au titre de ces désordres par la somme de 10.191,03€.
Si l'assureur se prévaut des limites contractuelles de sa garantie, il doit être rappelé qu'aucun plafond ni franchise n'est opposable au tiers lésé en matière d'assurance obligatoire, couvrant les dommages matériels garantis au titre de la responsabilité décennale.
En revanche, la SMABTP pourra appliquer sa franchise dans ses rapports avec son assuré au titre de la garantie décennale.
S'agissant du désordre n°2 causé à la VMC de M. [V] :
Il s'agit d'un dommage extérieur à l'ouvrage garanti, en vertu du contrat d'assurance souscrit article 4.2.2 des conditions particulières et article 7.1 des conditions générales : nous garantissons le paiement des dommages corporels matériels et immatériels causés aux tiers y compris vos cocontractants par vous-même ou vos sous-traitant lorsque dans l'exercice de l'activité déclarée votre responsabilité est engagée sur quelque fondement juridique que ce soit aussi longtemps qu'elle peut être recherchée.
Cette garantie est facultative, par conséquent la franchise est opposable aux tiers et selon le contrat, la franchise prévu pour ce type de dommages est de 3 franchises statutaires, soit d'un montant de 3 X 131= 393 €.
Le coût des réparations de 292,60 € étant inférieur au montant de la franchise, la demande de condamnation de la SMABTP au titre de ce désordre doit être rejetée.
Pour le 1er désordre relatif aux consoles fixées sous les débords de toit, il s'agit d'un désordre constaté sur un ouvrage non réceptionné qui ne fait pas l'objet d'une couverture selon le contrat d'assurance, prévue à l'article 4.3.2 des conditions particulières (désordres sur ouvrage avant réception), mais non souscrite. Ce désordre relève de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur.
La demande de condamnation de la SMABTP au titre de ce désordre doit par conséquent être rejetée.
De même, aucune assurance, au titre de la garantie décennale, n'a été souscrite pour les dommages immatériels tels que le préjudice de jouissance, et il y a donc lieu de rejeter la demande de condamnation de l'assureur de ce chef.
Sur la demande de garantie présentée par la SARL ETCHEVERRY contre son assureur la SMABTP :
Cette demande ne peut aboutir s'agissant de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entreprise pour les consoles sous les débords de toit (désordre n°1), aucune assurance n'ayant été souscrite à ce titre à la SMABTP, ni pour le désordre n°2 au titre de la VMC, compte tenu du montant de la franchise supérieure au coût de réparation.
Par contre comme il a été vu ci-dessus, en vertu du contrat d'assurance souscrit par la SARL ETCHEVERRY, la SMABTP doit garantir son assurée au titre des désordres 3, 4 et 5, pour la totalité des dommages matériels consécutifs, mais avec application d'une franchise de 10 % des dommages selon l'article 4.2.1 des conditions générales d'assurance.
Les désordres affectant la couverture constitue un seul sinistre manifesté en 3 désordres, et par conséquent une seule franchise est applicable pour la totalité du coût de réparation, soit 10% X 10.191,03 = 1.019,10 €, restant compris entre le minimum et le maximum de la franchise applicable.
Par ailleurs, la mention visée par un astérisque de bas de page 2 des conditions particulières selon laquelle : « pour les sinistres survenus en première année, la franchise est doublée » s'entend des sinistres intervenus dans la première année du contrat d'assurance, lequel a été souscrit en 2007, ce doublement de la franchise ne concerne donc pas le sinistre de la toiture de M. [V].
Cette franchise est applicable dans les relations entre l'assureur et l'assurée, et concerne ces 3 désordres de la couverture de l'ouvrage, cette somme restera donc à la charge de M. [V].
Sur les mesures accessoires :
Le tribunal a exactement statué sur le sort des dépens et la cour confirme ce dispositif, ainsi que l'indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile allouée à M. [V] à la charge de la SARL ETCHEVERRY.
Par contre la cour infirme la condamnation de la SARL ETCHEVERRY à indemniser la SMABTP de ses frais irrépétibles et condamne au contraire cette dernière de ce chef à payer à son assurée la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'y pas lieu d'indemniser M. [V] de ses frais irrépétibles exposés en appel, ces demandes incidentes n'ayant pas été accueillies.
L'essentiel du coût de réparation concernant des désordres de nature décennale que la SMABTP doit garantir, celle-ci garantira aussi la SARL ETCHEVERRY de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et celle au titre des dépens, ceux exposés au titre de la procédure en appel étant mis à la charge de ce dernier.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la SARL ETCHEVERRY de son appel en garantie à l'encontre de la SMABTP, en ce qu'il a fait courir les intérêts légaux sur la condamnation au titre du coût de reprise des désordres à la charge de la SARL ETCHEVERRY et en ce qu'il a condamné la SARL ETCHEVERRY à payer à M. [V] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONFIRME pour le surplus, en y ajoutant la disposition omise du rejet de la demande d'indemnisation de M. [V] au titre de son préjudice moral ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que le coût des travaux de reprises mis à la charge de la SARL ETCHEVERRY sera indexé sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter du 08 novembre 2018 jusqu'à la date du présent arrêt.
CONSTATE la réception tacite et sans réserve à la date du 07 août 2014 des travaux effectués par la SARL ETCHEVERRY chez M. [K] [V] sur la couverture de sa maison et de son garage et sur la reprise des gouttières ;
CONDAMNE la SMABTP, in solidum avec la SARL ETCHEVERRY à hauteur de la somme de 10.191,03 € indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter du 08 novembre 2018 jusqu'à la date du présent arrêt, à réparer le préjudice matériel de M. [K] [V] au titre des désordres de la toiture de nature décennale n°3, 4 et 5 selon le rapport de l'expert judiciaire ;
REJETTE les demandes de M. [K] [V] contre la SMABTP au titre des désordres numéro 1 et 2, au titre du préjudice de jouissance et au titre du préjudice moral
CONDAMNE la SMABTP à garantir la SARL ETCHEVERRY au titre des désordres de nature décennale numéros 3, 4 et 5 selon le rapport de l'expert judiciaire à hauteur de 9.171,93 €, franchise contractuelle déduite.
REJETTE les demandes de garantie présentées par M. [K] [V] contre la SMABTP au titre des désordres numéros 1 et 2 ;
CONDAMNE la SMABTP à payer à M. [K] [V] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE la demande de M. [K] [V] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais exposés en appel.
CONDAMNE la SARL ETCHEVERRY aux entiers dépens d'appel.
CONDAMNE la SMABTP à garantir la SARL ETCHEVERRY au titre des condamnations prononcées contre elle au profit de M. [V] pour l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.