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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. A, 3 octobre 2024, n° 23/00085

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Époux

Défendeur :

Sinetyc (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Azouard

Conseiller :

Mme Huet

Avocats :

Me Reche, Me Favre de Thierrens

Nîmes, 2e ch. civ. sect. A, du 15 déc. 2…

15 décembre 2022

Exposé du litige

Monsieur [T] [Z] et Mme [J] [T] (les époux [T]) propriétaires d'une maison située [Adresse 1] à [Localité 2] ont confié à l'entreprise ICM exerçant sous l'enseigne Synetic le remplacement des 13 volets équipant leur maison avec cadre dauphinois, de couleurs grise, en syntex , prestation comprenant

- La pose de ces volets

- Le laquage des ouvrages

La réception est intervenue le 15.03.2012.

Se plaignant de ce que que l'ensemble des volets posés présentaient des traces importantes de décoloration et ne fermaient pas, les épouxGisch ont sollicité une expertise judiciaire qui a été ordonnée en référé du 12.06.2019, Monsieur [L] ayant été désigné en qualité d'expert .

L'expert a déposé son rapport définitif le 23 janvier 2020.

Par exploit du 3 mars 2021, les époux [T] ont saisi le Tribunal judiciaire de Nimes en vue d'obtenir de la sarl Synetic des dommages et intérêts .

Par Ordonnance du 15 décembre 2022, le Juge de la mise en état a déclaré prescrite l'action des épouxGisch et les a condamnés au paiement de la somme de 750 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration effectuée le 6 janvier 2023 , les époux [T] ont interjeté appel.

Suivant conclusions notifiées le 13 février 2023, les épouxGisch demandent à la cour

- d'infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau ;

- de juger que leur action à l'encontre de la société Sinetyc n'est pas prescrite ;

- de condamner la société Sinetyc aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Les appelants soutiennent que du fait des nombreux désordres affectant la fabrication, la conception entrainant l'impossibilité de se clore, ils bénéficient d'un délai de dix ans pour agir.

Ils estiment en outre que la prescription a été interrompue par la manifestation non équivoque et sans ambiguïté de la société Synetic de reconnaître sa responsabilité dans les dommages dont il est demandé la réparation . Ils en déduisent que l'action diligentée n'est pas prescrite.

Suivant conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 février 2023, la sarl Sinetyc demande à la cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du Juge de la mise en état en date du 15

décembre 2022.

- Condamner solidairement les épouxGisch à porter et payer à la société Sinetyc une somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés dans le cadre de la présente instance d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

L'intimée fait valoir que les désordres dénoncés sur les volets litigieux existaient depuis l'origine , à savoir lors de la pose des volets dans le courant de l'année 2012. Elle soutient que les épouxGisch disposaient d'un délai de 5 ans pour agir à l'encontre de la société Synetic pour manquement à son obligation contractuelle, soit la conformité du bien livré par rapport à ce qui a été commandé. Elle prétend que des éléments d'équipements posés postérieurement à la construction de l'ouvrage relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun, ce qui exclut l'application des articles 1792 et suivants du code civil et que les époux [T] ne peuvent venir modifier en cause d'appel le fondement de leur action, pour tenter d'échapper à la prescription.

Elle conclut que leurs réclamations portant sur les défauts d'aspect de volets, sont prescrites.

La clôture de la procédure a été fixée au 25 avril 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 23 mai 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au 26 septembre 2024

Motifs de la décision

Sur la prescription

Afin d'échapper à la prescription quinquennale de droit commun, les époux [T] invoquent l'application de la garantie décennale d'une part, ainsi que l'application d'une clause contractuelle de garantie de 10 ans .

Sur la garantie légale décennale

Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

En vertu de l'article 1792-2 du code civil, la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 du même code, s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un bâtiment, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert. Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

L'article 1792-3 du même code précise que les autres éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de sa réception.

En l'espèce, les volets litigieux installés par la sarl Synetic sont des éléments d'équipements installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant , de sorte qu'ils ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage.

Ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun.

- sur la garantie contractuelle

Les époux [T] invoquent le bénéfice de la garantie contractuelle de 10 ans annoncée dans les plaquettes publicitaires de la Sarl Synetic.

Toutefois, les mentions figurant dans les plaquettes publicitaires ne peuvent engager contractuellement la sarl Synetic, si elles ne sont pas rappelées dans le bon de commande ou les conditions particulières ou générales du contrat liant les époux [T] à la Sarl Synetic, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

Ainsi, seule trouve à s'appliquer la responsabilité de droit commun prévue aux articles 1231 et suivants du code civil, soumise au régime de prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

Il en résulte que le délai durant lequel, les époux [T] pouvaient rechercher la responsabilité de la Sarl Synetic a débuté le 15 mars 2012, jour de la pose des volets et date à laquelle ils connaissaient les faits pour exercer leur droit pour se terminer le 14 mars 2017.

Les époux [T] prétendent que ce délai a été interrompu par la reconnaissance de responsabilité de la Sarl Synetic.

Toutefois, ils n'établissent pas l'existence des faits constitutifs d'une reconnaissance par la Sarl Synetic de leurs droits, de nature à interrompre le délai de prescription, dès lors que les pourparlers transactionnels ne sont pas constitutifs d'une reconnaissance de responsabilité interruptive de prescription.

L'action en référé aux fins d'expertise , engagée en 2019 par les époux [T] , qui constitue un acte interruptif, est intervenue après l'expiration du délai de prescription.

C'est donc à juste titre que le juge de la mise en état a déclaré irrecevable comme prescrite, l'action des époux [T] intentée à l'encontre de la Sarl Synetic, suivant assignation en date du 3 mars 2021.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.

Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Les époux [T] qui succombent en leur recours, seront condamnés à verser à l'intimée la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Condamne Monsieur [T] [Z] et Mme [J] [T] à payer à l'entreprise ICM exerçant sous l'enseigne Synetic la somme de 1.500euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Monsieur [T] [Z] et Mme [J] [T] aux dépens d'appel

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.