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Décisions

CA Colmar, 2e ch. A, 3 octobre 2024, n° 23/02823

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Société civile SGF (SC)

Défendeur :

Eiffage Energie Systemes - Alsace Sanitaire Chauffage (SASU), Peinture Karotsch (SARL), Alufey Briotet (SASU), Entreprise de Peinture Knoerr & Mohr (SAS), Kapar Fikret (SARL), SCCV La Cour des Haras (SCCV), OFB (TIR Technologies) (SARL), Electricite Veit (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Diepenbroek

Vice-président :

M. Laethier

Conseiller :

Mme Robert-Nicoud

Avocats :

Me Ben Aissa-Elchinger, Me Wetzel, Me Chevallier-Gaschy, Me Brunner, Me Spieser-Dechristé, Me Lissue-Stravopodis, Me Frick, Me Litou-Wolff

TJ Strasbourg, du 29 juin 2023, n° 23/02…

29 juin 2023

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement en date du 4 octobre 2019, la société civile SGF a acquis auprès de la SCCV la Cour des haras (ci-après la société la Cour des haras) les lots n° 352, 412 et 431 correspondants à un appartement au cinquième étage et deux garages au sous-sol, dans un immeuble en copropriété en cours d'édification dénommé « [Adresse 13] » sis [Adresse 2], à [Localité 8].

La livraison est intervenue avec réserves, selon procès-verbal du 19 juin 2020.

La société la Cour des haras a, par acte d'huissier en date du 18 novembre 2020, saisi le président du tribunal judiciaire de Strasbourg, statuant en matière de référés, afin d'obtenir la condamnation de la société SGF à lui payer la somme de provisionnelle de 66 500 euros au titre du reliquat de 5 % du prix de vente.

La société SGF, se plaignant de nombreux désordres et non-conformité, la société SGF a demandé à titre reconventionnel qu'une expertise judiciaire soit ordonnée.

Par ordonnance du 19 mars 2021, la société SGF a été condamnée à payer une provision de 66 500 euros, et une mesure d'expertise judiciaire confiée à Mme [D] [E] a été ordonnée.

Par actes d'huissier en date des 13 et 14 juin 2022, la société SGF a fait assigner la société la Cour des haras, la SAS Entreprise de peinture Knoerr et Mohr, la SASU Alufey-Briotet, la SAS Toiles industrielles du Rhin technologies (OFB TIR Technologies), la SARL Peinture Karotsch, la SASU Eiffage Energie Systèmes - Alsace sanitaire chauffage, la SARL Electricité Veit et la SARL Kapar Fikret devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins de voir réserver ses droits à conclure plus avant et à chiffrer son préjudice après dépôt du rapport d'expertise.

Le juge de la mise en état a été saisi par plusieurs de ces sociétés de conclusions d'incident aux fins de nullité de l'assignation pour défaut d'indication du fondement juridique, subsidiairement d'irrecevabilité des demandes de la société SGF.

Par ordonnance réputée contradictoire du 29 juin 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- rejeté l'exception de procédure tirée de la nullité des assignations délivrées les 13 et 14 juin 2022 par la SC SGF ;

- déclaré irrecevable l'action de la SC SGF ;

- condamné la SC SGF à payer à la SARL Kapar Fikret, à la SAS Entreprise de Peinture Knoerr et Mohr, à la SAS Toiles industrielles du Rhin Technologies et à la SAS Eiffage Energie Systèmes - Alsace Sanitaire Chauffage la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure ;

- rappelé que la décision était assortie de l'exécutoire provisoire de droit.

Le juge de la mise en état a considéré, sur la nullité des assignations délivrées les 13 et 14 juin 2022 par la société SGF, qu'il résultait de l'examen desdites assignations que même si le fondement était 'succinct et surprenant', la société SGF indiquait bien qu'elle entendait rechercher la responsabilité des défenderesses sur le fondement de la garantie biennale de bon fonctionnement, de sorte que l'exception de nullité de l'assignation devait être rejetée.

Pour déclarer l'action de la société civile SGF irrecevable, au visa des articles 30, 53 et 4 du code de procédure civile, le juge de la mise en état a retenu que l'action engagée devant le juge du fond n'était recevable qu'autant qu'elle avait pour objet de faire trancher un litige au fond ; qu'une demande de réserve des droits n'était pas une prétention ; qu'il résultait de l'assignation et du dispositif des écritures de la demanderesse que la juridiction n'était saisie d'aucune demande au fond tendant à voir reconnaître la responsabilité des défenderesses ou à obtenir leur condamnation à l'indemniser au titre des désordres et non-conformités subis, mais seulement d'une demande de réserve de ses droits ; que l'interruption d'un délai de prescription n'était pas l'objet d'une action, mais seulement une conséquence accessoire et ne pouvait constituer une prétention ; qu'il en était de même des demandes formées au titre des frais irrépétibles de l'article 700 ou répétibles de l'article 696 du code de procédure civile, qui n'avaient pas le caractère de demandes incidentes et n'impliquaient pas un examen au fond ; que la société SGF avait disposé de suffisamment de temps pour déposer des conclusions au fond.

Le juge de la mise en état a par ailleurs considéré que, de ce fait, la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Kapar Fikret tirée de son défaut de qualité à défendre, ainsi que les demandes de communication de pièce et de sursis à statuer étaient devenues sans objet.

La société civile SGF a interjeté appel de cette ordonnance le 19 juillet 2023, en ce qu'elle a déclaré irrecevable son action, et l'a condamnée aux dépens et au paiement de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 28 août 2023, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à bref délai à l'audience de plaidoiries du 16 mai 2024, en application de l'article 905 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 mai 2024, la société civile SGF demande à la cour de :

- sur l'appel principal, déclarer son appel recevable et bien fondé ;

- y faisant droit, infirmer l'ordonnance entreprise conformément à la déclaration d'appel ;

statuant à nouveau, déclarer son action recevable et bien fondée ;

- en conséquence, juger que la responsabilité de la SCCV la Cour des haras, la SAS Entreprise de peinture Knoerr & Mohr, la SASU Alufey Briotet, la SARL OFB (Tir Technologies), la SASU Eiffage Energie Systèmes-Alsace Sanitaire Chauffage, la SARL Electricité Veit, la SARL Kapar Fikret, sur le fondement des dispositions de l'article 1792-3 et suivants du code civil est engagée ;

- juger que la responsabilité contractuelle de la SARL Peinture Karotsch est engagée ;

- ordonner le sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;

subsidiairement, réserver ses droits à conclure plus avant et à chiffrer son préjudice après le dépôt du rapport d'expertise ;

- débouter la SCCV la Cour des harras, la SAS Entreprise de peinture Knoerr & Mohr, la SASU Alufey Briotet, la SARL OFB (Tir Technologies), la SARL Peinture Karotsch, la SASU Eiffage Energie Systèmes-Alsace Sanitaire Chauffage, la SARL Electricité Veit, la SARL Kapar Fikret de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions ;

- condamner la SCCV La cour des Haras, la SAS Entreprise de peinture Knoerr & Mohr, la SASU Alufey Briotet, la SARL OFB (Tir Technologies), la SARL Peinture Karotsch, la SASU Eiffage Energie Systèmes - Alsace Sanitaire Chauffage, la SARL Electricité Veit, la SARL Kapar Fikret aux entiers dépens de la procédure ;

- sur les appels incidents,

- rejeter l'appel incident formé par la SASU Eiffage Energie Systèmes - Alsace Sanitaire Chauffage et l'appel incident formé par la SARL Peinture Karotsch, et en conséquence, les débouter de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions.

Au soutien de son appel, elle fait valoir, qu'aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, le défaut de prétention ne constitue pas une fin de non-recevoir, qu'elle n'est pas dépourvue du droit d'agir et que la prétendue irrégularité affectant le dispositif de son assignation n'était pas de nature à rendre l'action irrecevable.

Elle soutient, au visa des articles 4 et 64 du code de procédure civile, que le tribunal était bien saisi d'une prétention, laquelle doit tendre à la reconnaissance d'un droit litigieux, puisque sa demande tendait à voir déclarer que la responsabilité des intimées était engagée suite aux désordres et non-conformités affectant l'immeuble dont elle a fait l'acquisition, et par voie de conséquence, à voir reconnaître son droit à indemnisation, le juge de la mise en état n'ayant pas tiré toutes les conséquences de ses propres constatations relatives à la validité de l'assignation. De surcroît, le juge est tenu, par application de l'article 12 du code de procédure civile, de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits litigieux, et leur véritable portée juridique.

Elle prétend ensuite, au visa de l'article 126 du code de procédure civile, qu'en tout état de cause, la fin de non-recevoir est désormais régularisée, une telle régularisation pouvant valablement intervenir en cours de procédure d'appel, contrairement à ce qu'affirment les intimées, puisqu'elle a saisi le tribunal judiciaire de conclusions de reprise d'instance tendant à voir reconnaître la responsabilité des intimées sur le fondement de l'article 1792-3 du code civil et sur le fondement de la responsabilité contractuelle, pour ce qui concerne la seule société Peinture Karotsch, de sorte que l'irrecevabilité doit être écartée.

Sur les appels incidents formés par la société Eiffage Energie Systèmes - Alsace Sanitaire Chauffage, et la société Karotsch sollicitant l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception de procédure tirée de la nullité des assignations qui leur ont été délivrées les 13 et 14 juin 2022, elle fait valoir qu'elle a bien indiqué le fondement juridique sur lequel elle entendait agir dans l'assignation, à savoir la mise en 'uvre de « la garantie biennale » des intimées pour les divers désordres qu'elle énumère, de sorte que l'assignation est parfaitement fondée en droit.

Subsidiairement, elle soutient que les intimées ne font pas la démonstration d'un grief conformément à l'article 114, alinéa 2, du code de procédure civile.

Elle développe ensuite différents moyens relatifs au bien fondé de sa demande au titre des différents désordres, mais souligne qu'elle ne peut chiffrer sa demande puisque les opérations d'expertise sont toujours en cours, et demande le sursis à statuer.

Elle ajoute, en réponse au moyen tiré du fait qu'elle n'aurait pas présenté toutes ses prétentions dans ses premières conclusions, conformément à l'article 910-4 du code de procédure civile, que dans ses conclusions du 13 novembre 2023 elle n'a fait que répliquer aux appels incidents des sociétés Eiffage et peinture Karotsch ; qu'il n'y a

pas de demandes nouvelles et que si tel était le cas, elles seraient recevables, en application de l'article 564 du code de procédure civile, car elles tendent à faire écarter les prétentions adverses.

* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 février 2024, la société la Cour des haras demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant de l'incident relatif à la nullité des assignations délivrées les 13 et 14 juin 2022 par la société SGF ;

- sur les prétentions nouvelles contenues dans le dispositif des conclusions de la SGF notifiées le 13 novembre 2023, se déclarer incompétente pour connaître des prétentions de la société SGF tendant à voir juger que sa responsabilité est engagée sur le fondement des dispositions des articles '1782-3" et suivants du code civil et de voir réserver les droits de la société SGF à conclure plus avant et à chiffrer son préjudice après le dépôt du rapport d'expertise ;

- subsidiairement, déclarer que ces demandes nouvelles sont irrecevables ;

- en tout état de cause, condamner la société SGF à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Elle indique s'en remettre à la sagacité de la cour quant à l'incident relatif à la nullité des assignations délivrées les 13 et 14 juin par la société civile SGF.

Elle soutient que l'appel portant sur une ordonnance du juge de la mise en état, la cour n'est pas compétente pour statuer sur les demandes nouvelles formées par la société SGF, dans ses conclusions du 13 novembre 2023, qui tendent à voir juger que la responsabilité des intimées est engagée sur le fondement des articles 1792-3 et suivants du code civil, et réserver ses droits à conclure, s'agissant de demandes relevant de l'appréciation du juge du fond. Elle relève, en outre, que ces demandes ont été formulées hors du délai fixé à l'article 908 du code de procédure civile, et que n'ayant pas été présentées au juge de la mise en état, elles sont nouvelles en appel et donc irrecevables.

* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 novembre 2023, la société Eiffage Energie Systèmes - Alsace Sanitaire Chauffage conclut au rejet de l'appel principal et forme appel incident. Elle demande à la cour de :

- sur l'appel principal,

- dire et juger que la demande tendant à dire sa responsabilité engagée et réserver les droits de la société SGF à conclure plus avant après le dépôt du rapport d'expertise, ne constitue pas une prétention ;

- subsidiairement et si la cour décidait du contraire, dire qu'elle n'est pas saisie de ladite demande et présentée au-delà du délai de l'article 908 du code de procédure civile ;

- plus subsidiairement encore, dire cette demande irrecevable en ce qu'elle est nouvelle ;

- débouter la société SGF de son appel ;

- sur son appel incident, infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation de l'assignation du 13 juin 2022 à son encontre ;

- prononcer la nullité de l'assignation de la société SGF à son encontre en date du 13 juin 2022 avec toutes conséquences de droit ;

- subsidiairement, confirmer l'ordonnance entreprise par adoption ou substitution de motifs ;

- condamner la société SGF à lui payer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, une demande de réserves des droits ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile ; que l'arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 13 avril 2023 qui concerne une demande de 'dire et juger' n'est pas transposable ; que l'assignation de la société SGF ne vise aucun fondement juridique, ni n'articule de faits la concernant alors qu'elle n'est pas partie aux opérations d'expertise ; que l'absence de prétention constitue bien un motif d'irrecevabilité de l'action ; qu'aucune régularisation n'est possible, l'article 126 du code de procédure civile supposant que la régularisation intervienne devant le juge de même degré, de sorte qu'elle devait ainsi intervenir devant le juge de la mise en état saisi de la fin de non-recevoir, avant qu'il statue et non devant le juge d'appel ; que la jurisprudence citée concerne une formalité et non l'action elle-même ; qu'en tout état de cause, le juge était dessaisi, en application de l'article 480 du code de procédure civile, raison pour laquelle le tribunal judiciaire a refusé de mettre l'affaire au rôle.

Elle conclut à l'irrecevabilité des demandes nouvelles et présentées après expiration du délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, contenues dans les conclusions du 13 novembre 2023.

Au soutien de son appel incident, elle fait valoir que l'assignation n'est fondée ni en fait, ni en droit, les désordres qui lui seraient imputables n'étant pas même précisés, alors qu'elle n'était pas partie aux opérations d'expertise, auxquelles elle n'avait pas à intervenir volontairement. Au surplus ce n'est pas elle qui a effectué les travaux.

* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 octobre 2023, la société Alufey Briotet conclut au rejet de l'appel principal et à la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action de la société SGF ainsi qu'en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de la procédure de première instance. Elle demande à la cour en tout état de cause, de débouter la société SGF de l'intégralité de ses demandes, et de la condamner à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel.

Elle approuve les motifs de la décision entreprise et fait valoir que la régularisation aurait dû intervenir avant que le juge de la mise en état se prononce.

* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 mai 2024, la société Entreprise de peinture Knoerr & Mohr conclut au rejet de l'appel principal et à la confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et au débouté de la société SGF. Elle demande à la cour de juger que la cour saisie de l'appel d'une ordonnance n'a pas le pouvoir juridictionnel pour trancher une question de responsabilité, de déclarer irrecevable la demande nouvelle formée par

la société SGF tendant à ce qu'il soit jugé que sa responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1792-3 du code civil, et de condamner la société SGF à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Elle fait valoir qu'une demande de réserve de droits ne doit pas être confondue avec le droit qu'on souhaite voir accorder et ne constitue pas une prétention, les conclusions de reprise d'instance ne pouvant régulariser l'instance puisque le juge est dessaisi.

Les demandes de la société SGF tendant à ce qu'il soit jugé que sa responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1792-3 du code civil et la réserve de ses droits sont irrecevables car nouvelles en appel, et la cour qui statue avec les pouvoirs du juge de la mise en état est incompétente pour en connaître.

* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 novembre 2023, la société OFB (Tir Technologies), demande à la cour de :

- déclarer l'appel irrecevable et en tout cas mal fondé ;

- sur les prétentions nouvelles contenues dans le dispositif des conclusions de la société SGF notifiées le 13 novembre 2023, dire la cour non saisie des prétentions de la société SGF de voir juger que sa responsabilité est engagée sur le fondement des dispositions des articles « 1782-3 » (en réalité 1792-3) et suivants du code civil et de voir réserver ses droits à conclure plus avant et à chiffrer son préjudice après le dépôt du rapport d'expertise ;

- à tout le moins, dire irrecevables ces demandes nouvelles ;

- débouter la société SGF de l'intégralité de ses moyens et prétentions à son égard ;

- en conséquence, confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit irrecevable l'action de la société SC SGF son égard et l'a condamnée aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à la confirmer par substitution de motif en disant nulle l'assignation à son encontre au visa de l'article 56 du code de procédure civile ;

- y ajoutant, de condamner la société SC SGF à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient que la cour n'est pas saisie de la prétention la société SGF tendant à 'voir juger que sa responsabilité est engagée sur le fondement des dispositions des articles « 1782-3 » (en réalité 1792-3) et suivants du code civil' puisqu'elle n'en a pas saisi le premier juge et qu'elle n'a pas été dévolue à la cour par la déclaration d'appel, outre qu'elle a été formulée tardivement, au regard du délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile. Elle fait valoir que la demande de 'réserve des droits à conclure et à chiffrer son préjudice', si tant est qu'il s'agisse d'une prétention, est nouvelle en appel et étrangère au domaine de saisine de la cour. Elle relève qu'aucune explication ou preuve de sa responsabilité n'est rapportée, et souligne qu'elle n'a pas assisté aux opérations d'expertise.

* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 novembre 2023, la société Kapar Fikret conclut au rejet de l'appel principal et à la confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions . Elle demande à la cour de débouter la société SGF de ses demandes, fins et conclusions et de :

- sur les prétentions nouvelles contenues dans les conclusions du 13 novembre 2023 :

déclarer irrecevables ces demandes nouvelles, à tout le moins de se déclarer non saisie ;

- confirmer l'ordonnance entreprise ;

- condamner la société SGF à lui payer une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que la société appelante ne fonde aucunement ses demandes dirigées contre elle, ni n'explicite les motifs justifiant sa mise en cause ; qu'elle n'était pas partie aux opérations d'expertise ; que l'ordonnance entreprise est bien fondée et que les conclusions de reprise d'instance ne peuvent régulariser la procédure, le tribunal étant dessaisi ; que les demandes contenues dans les conclusions du 13 novembre 2023 sont nouvelles et que la cour n'en est pas saisie puisque la dévolution ne s'est pas opérée.

* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 décembre 2023, la société Peinture Karotsch conclut au rejet de l'appel principal et forme appel incident. Elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en tant qu'elle a rejeté l'exception de procédure et de :

- annuler l'assignation du 13 juin 2022 délivrée à son encontre ;

- subsidiairement, rejeter l'appel principal ;

- confirmer l'ordonnance entreprise ;

- en tout état de cause, débouter la société SGF de l'ensemble de ses fins et conclusions ;

- condamner la société SGF à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- sur les demandes nouvelles formées par conclusions de la société SGF du 13 novembre 2023 tendant à déclarer son action bien fondée, à juger que sa responsabilité contractuelle est engagée, et à réserver les droits de la société SGF à conclure plus avant et à chiffrer son préjudice après le dépôt du rapport d'expertise, se déclarer non saisie ;

- subsidiairement, déclarer les demandes nouvelles irrecevables ;

- plus subsidiairement, déclarer les demandes nouvelles mal fondées ;

- débouter la société SC SGF de l'ensemble de ses nouvelles demandes ;

- en tout état de cause, condamner la société SGF à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Elle approuve les motifs de l'ordonnance, et soutient que la procédure n'est pas régularisable car le tribunal est dessaisi.

Elle forme appel incident pour demander la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée, en application de l'article 56 du code de procédure civile, pour absence de moyens en fait et en droit, et conclut à l'irrecevabilité des demandes nouvelles sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile. Elle souligne enfin que le désordre était apparent et qu'il est couvert par la réception sans réserve.

* La SARL Electricité Veit n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 6 septembre 2023 et les conclusions d'appel le 2 octobre 2023, par acte remis à personne habilitée. Elle est réputée accepter l'ordonnance entreprise, en application du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Sur la requête tendant à voir écarter les conclusions déposées le 13 mai 2024

Par requête du 14 mai 2024, la société Eiffage énergie systèmes a demandé à la cour d'écarter les conclusions déposées le 13 mai 2024 par la société SGF et par la société entreprise de peinture Knoerr et Mohr, alors que l'affaire était fixée à l'audience de plaidoiries du 16 mai 2024.

A l'audience du 16 mai 2024, l'incident a été joint au fond.

La cour constate en premier lieu que les conclusions déposées par la société entreprise de peinture Knoerr et Mohr ne concernent pas la société requérante, et en second lieu que, dans ses conclusions du 13 mai 2024, la société SGF ajoute seulement, en réplique aux conclusions adverses, que par ses conclusions du 13 novembre 2023 elle n' a fait que répliquer aux appels incidents des sociétés Eiffage et peinture Karotsch ; qu'il n'y a pas de demandes nouvelles, et que si tel était le cas, ces demandes seraient néanmoins recevables, en application de l'article 564 du code de procédure civile, car elles tendent à faire écarter les prétentions adverses.

En considération de la nature de cette argumentation nouvelle qui est très limitée et particulièrement ciblée, il n'est pas démontré que la société Eiffage énergie systèmes n'aurait pas été en mesure d'y répondre avant l'audience de plaidoiries à laquelle l'affaire avait été fixée sans ordonnance de clôture. En l'absence de preuve d'une violation du principe du contradictoire, la requête sera rejetée.

Sur la recevabilité de l'appel

La société OFB (Tir technologies) conclut à l'irrecevabilité de l'appel, sans toutefois soulever aucun moyen précis. En l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, l'appel sera déclaré recevable.

Sur la nullité des assignations délivrées à la société Eiffage énergie systèmes et à la société Peinture Karotsch

Selon l'article 56 2° du code de procédure civile, l'assignation contient à peine de nullité un exposé des moyens en fait et en droit. S'agissant d'une nullité de forme, il appartient à la partie qui s'en prévaut de démontrer l'existence d'un grief.

La cour constate que les assignations délivrées, selon actes d'huissier du 13 juin 2022, aux sociétés Eiffage énergie systèmes - Alsace sanitaire chauffage et Peinture Karotsch se contentent d'énumérer différents désordres affectant les baies vitrées et brise-soleil, le carrelage, les plafonds, l'électricité, la salle de bains ainsi que le système de chauffage et de climatisation, mais sans expliciter le moindre moyen de droit ou de fait, ni indiquer précisément les griefs imputés à chacune de ces deux entreprises, les assignations faisant seulement référence aux opérations d'expertise menées par Mme [E], auxquelles ces sociétés n'étaient pas encore parties, et la société SGF se contentant d'affirmer que 'l'introduction de la présente procédure s'imposait eu égard notamment à la garantie biennale à laquelle sont tenus les différents corps de métiers intervenus dans l'appartement', sans pour autant spécifier quels seraient les reproches susceptibles d'être formulés à l'encontre de chacune de ces sociétés dont le nom n'est pas même cité dans la discussion.

Il sera toutefois relevé, comme le souligne la société SGF, que la société Peinture Karotsch, qui admet qu'elle serait susceptible d'être concernée par les désordres affectant les plafonds, fait valoir que l'assignation ne comporte aucun moyen de droit mais ne précise pas en quoi cette irrégularité lui cause grief.

Par voie de conséquence, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande d'annulation de l'assignation qui lui a été délivrée.

En revanche, s'agissant de la société Eiffage énergie systèmes - Alsace sanitaire chauffage, il convient de relever qu'aucun grief précis n'est articulé la concernant, et que si l'assignation, dont les termes sont repris par l'appelante dans ses écritures d'appel, évoque des problèmes de chauffage, elle indique aussi que 'ces points sont toujours en discussion'. Cette société fait donc valoir à bon droit qu'elle n'a pas été mise en capacité de se défendre, sans que puisse lui être opposé le fait qu'elle aurait pu intervenir volontairement aux opérations d'expertise, ce qu'il ne lui appartenait pas de faire dès lors qu'elle n'y avait pas été attraite et qu'elle conteste avoir réalisé les travaux litigieux.

L'assignation délivrée à la société Eiffage énergie systèmes - Alsace sanitaire chauffage est donc entachée d'un vice de forme lui causant grief, et doit être annulée, l'ordonnance entreprise étant infirmée sur ce point.

Sur la recevabilité de l'action de la société SGF

La cour ne peut que constater, à l'instar du juge de la mise en état, que le tribunal n'était saisi par la société SGF que d'une demande de réserve de ses droits à conclure plus avant et à chiffrer son préjudice après dépôt du rapport d'expertise, outre une demande de condamnation in solidum des défenderesses aux dépens et au paiement d'une certaine somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Comme l'a exactement retenu le premier juge une demande de réserves des droits ne constitue pas une prétention, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, pas plus qu'une demande de condamnation aux dépens et aux frais exclus des dépens.

C'est à bon droit que le premier juge a considéré que la juridiction n'avait pas été saisie d'un litige au fond, et a considéré qu'il s'agissait d'une fin de non-recevoir, après avoir rappelé les dispositions de l'article 30 du code de procédure civile, selon lesquelles, l'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée, et celles de l'article 53 du même code, qui prévoit que la demande initiale est celle par laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant au juge ses prétentions.

Le juge de la mise en état ayant relevé qu'aucune régularisation n'était intervenue par le dépôt de conclusions au fond aux fins de voir reconnaître la responsabilité des entreprises mises en cause, avant qu'il statue, c'est à bon droit qu'il a déclaré l'action engagée par la société SGF irrecevable. Une telle régularisation qui supposait la formulation de prétentions dans des conclusions adressées au tribunal devait nécessairement intervenir avant que le juge de la mise en état statue, conformément à l'article 126 du code de procédure civile.

Le tribunal étant dessaisi, la régularisation ne peut plus intervenir. Sont par conséquent inopérantes à cet égard, les conclusions de reprise d'instance adressées au tribunal judiciaire, comme les demandes formulées à hauteur de cour, qui sont en outre irrecevables comme formées devant une juridiction ne disposant pas du pouvoir juridictionnel pour en connaître, la cour saisie de l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état exerçant les pouvoirs de ce dernier.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef, et les demandes de la société SGF formées devant la cour tendant à voir juger que la responsabilité des intimées est engagée sur le fondement des articles 1792-3 et suivants du code civil, respectivement de la responsabilité contractuelle, seront déclarées irrecevables.

Sur les dépens et les frais exclus des dépens

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens. La société SGF supportera la charge des entiers dépens d'appel et il sera alloué une somme de 1 000 euros à chacune des sociétés intimées, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

REJETTE la requête de la société Eiffage énergie systèmes tendant à voir écarter les conclusions déposées le 13 mai 2024 par la société SGF et par la société entreprise de peinture Knoerr et Mohr ;

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg du 29 juin 2023, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation de l'assignation délivrée à la société Eiffage énergie systèmes - Alsace sanitaire chauffage ;

INFIRME l'ordonnance entreprise de ce seul chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant à l'ordonnance,

ANNULE l'assignation délivrée le 13 juin 2022 par la société civile SGF à la SASU Eiffage énergie systèmes - Alsace sanitaire chauffage ;

DÉCLARE irrecevables les demandes de la société civile SGF formées devant la cour tendant à voir juger que la responsabilité des intimées est engagée sur le fondement des articles 1792-3 et suivants du code civil, respectivement de la responsabilité contractuelle ;

CONDAMNE la société civile SGF aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer une somme de 1 000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des sociétés suivantes : la SCCV la Cour des haras, la SAS Entreprise de peinture Knoerr et Mohr, la SASU Alufey-Briotet, la SARL OFB (TIR Technologies), la SARL Peinture Karotsch, la SASU Eiffage Energie Systèmes - Alsace sanitaire chauffage, et la SARL Kapar Fikret.