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Décisions

CA Pau, 1re ch., 15 octobre 2024, n° 23/00509

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Area Piscines et Spa (SARL)

Défendeur :

Prestation Piscines Landes (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Faure

Conseillers :

Mme de Framond, Mme Blanchard

Avocats :

Me Ruck, Me Roy-Lahore

TJ Dax, du 5 janv. 2023, n° 22/00717

5 janvier 2023

EXPOSE DU LITIGE

Suivant devis du 30 mai 2019, Monsieur [A] [V] [D] et Madame [Z] [W] ont confié des travaux d'installation d'une piscine avec terrassement à la SASU Prestation Piscines Landes, pour un montant de 4 520 euros TTC.

Suivant devis du 6 juin 2019, ils ont commandé auprès de la SARL Area Piscines et Spa une piscine coque polyester, une pompe à chaleur, une couverture automatique, un robot et du sel pour électrolyseur pour un montant total de 16 950 euros TTC.

Après plusieurs interventions sur place de la SARL Area Piscines et Spa et de la SASU Prestation Piscines Landes, les consorts [V] [D]-[W] ont, par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 juillet 2021, fait part à la SARL Area Piscines et Spa des dysfonctionnements des appareils installés et des difficultés rencontrées pour stabiliser l'eau de leur piscine, quant aux valeurs de chlore et quant au PH.

Les consorts [V] [D]-[W] ont fait diligenter une expertise amiable et l'expert a déposé son rapport le 7 décembre 2021.

Par actes du 27 juin 2022, les consorts [V] [D]-[W] ont fait assigner la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes devant le tribunal judiciaire de Dax sur le fondement des articles 1123, 1124, 1231-1 et 1792 du code civil, aux fins d'obtenir le paiement du coût des réparations de leur piscine, outre notamment l'octroi de dommages et intérêts.

Suivant jugement réputé contradictoire du 5 janvier 2023 (RG n°22/00717), le tribunal a :

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à payer aux consorts [V] [D]-[W] la somme de 2 877,65 euros TTC,

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à payer aux consorts [V] [D]-[W] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à payer aux consorts [V] [D]-[W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise amiable,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes aux entiers dépens,

- rappelé l'exécution provisoire de la décision.

Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu que le régime de responsabilité de l'article 1792 du code civil trouve à s'appliquer dès lors que la piscine enterrée constitue un ouvrage, et qu'il est établi que les travaux ont été réceptionnés à la fin de l'été 2019 et ont été intégralement réglés.

Il résulte du rapport d'expertise amiable non contesté que la piscine n'est pas utilisable en raison des désordres relevés, de sorte que l'ouvrage est impropre à sa destination et que la responsabilité de la SARL Area Piscines et Spa et de la SASU Prestation Piscines Landes est engagée sur ce fondement.

Les consorts [V] [D]-[W] ne justifient pas que le boîtier d'alimentation a brûlé.

Ils sont privés de la jouissance de leur piscine depuis trois étés en raison des manquements de la SARL Area Piscines et Spa et de la SASU Prestation Piscines Landes, ce qui justifie réparation.

La SARL Area Piscines et Spa a relevé appel par déclaration du 13 février 2023 (RG n°23/00509), critiquant le jugement en ce qu'il a :

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à payer aux consorts [V] [D]-[W] la somme de 2 877,65 euros TTC,

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à payer aux consorts [V] [D]-[W] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à payer aux consorts [V] [D]-[W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise amiable,

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes aux entiers dépens.

Par ordonnance du 23 février 2023, la présidente de la chambre civile de la cour d'appel de Pau a enjoint les parties de rencontrer un médiateur.

Par ordonnance du 21 septembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions des consorts [V] [D]-[W] à l'encontre de la SASU Prestation Piscines Landes, faute de signification dans les délais impartis.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 décembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la SARL Area Piscines et Spa, appelante, entend voir la cour :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à payer aux consorts [V] [D]-[W] la somme de 2 877,65 euros TTC,

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à payer aux consorts [V] [D]-[W] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à payer aux consorts [V] [D]-[W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise amiable,

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes aux entiers dépens.

- rappelé l'exécution provisoire de la décision

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

Et, en conséquence,

- juger que les demandes des consorts [V] [D]-[W] sont mal fondées juridiquement,

- juger que sa responsabilité ne peut être engagée,

- débouter les consorts [V] [D]-[W] de toutes leurs demandes à son encontre,

- restituer les sommes saisies à la demande des consorts [V] [D]-[W] sur ses comptes avec intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance, soit depuis le 5 janvier 2023,

- condamner les consorts [V] [D]-[W] aux entiers dépens de procédure et aux frais d'exécution de la décision de première instance,

A titre subsidiaire,

- juger que la responsabilité de la SASU Prestation Piscines Landes est engagée,

- condamner la SASU Prestation Piscines Landes au paiement de la somme de 2 877,65 euros TTC ou 3 517,40 euros TTC au titre des devis de remplacement du matériel,

- condamner la SASU Prestation Piscines Landes à la relever indemne de toute condamnation éventuelle,

- restituer les sommes saisies à la demande des consorts [V] [D]-[W] sur ses comptes avec intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance, soit depuis le 5 janvier 2023,

- condamner les consorts [V] [D]-[W] aux entiers dépens de procédure et aux frais d'exécution de la décision de première instance,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les consorts [V] [D]-[W] et la SASU Prestation Piscines Landes à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- restituer les sommes saisies à la demande des consorts [V] [D]-[W] sur ses comptes avec intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance, soit depuis le 5 janvier 2023,

- condamner les consorts [V] [D]-[W] aux entiers dépens de procédure et aux frais d'exécution de la décision de première instance.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, au visa des articles 1101 et 1792 du code civil :

- qu'elle n'est pas responsable des dysfonctionnements de la piscine dès lors qu'elle n'est intervenue que pour vendre le matériel dont l'installation complète avec terrassement incombait à la SASU Prestation Piscines Landes,

- que l'expertise n'est pas contradictoire dès lors que l'expert n'a pas vérifié l'identité de la personne qui s'est présentée pour la représenter, qui n'avait aucune qualité à cette fin,

- que l'expert a conclu à la nécessité de l'intervention d'un électricien pour vérifier l'ensemble des branchements ; que les prestations de raccordement des canalisations, de branchement électrique et de vérification générale étaient à la charge de la SASU Prestation Piscines Landes en vertu du devis du 30 mai 2019,

- que les consorts [V] [D]-[W] ne démontrent pas avoir suivi les préconisations de l'expert en faisant intervenir un électricien,

- que la SASU Prestation Piscines Landes a commis plusieurs erreurs dans l'installation de la piscine, et qu'elle n'a pas à répondre de ses défaillances alors qu'elle n'était pas en charge de cette installation,

- qu'elle est de bonne foi, a répondu aux nombreuses sollicitations des consorts [V] [D]-[W], et que ceux-ci ne justifient pas d'un préjudice moral alors qu'ils ne démontrent pas l'existence d'un risque sanitaire élevé, qu'ils utilisent régulièrement leur piscine, et qu'en 2019, ils ne l'ont pas utilisée uniquement parce que la construction de leur maison n'était pas achevée,

- que les dommages causés au matériel de la piscine peuvent avoir pour origine l'absence d'utilisation du matériel, ou l'intervention d'un tiers extérieur.

Par conclusions notifiées le 2 mai 2024, auxquelles il est expressément fait référence, M. [A] [V] [D] et Mme [Z] [W], intimés et appelants incident, demandent à la cour de :

- débouter la SARL Area Piscines et Spa de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à leur payer les réparations,

- condamné solidairement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à leur payer la somme de

3 517,40 euros au titre des réparations,

Statuant à nouveau,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné partiellement la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dommages et intérêts,

- condamner en conséquence la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

- condamner la SARL Area Piscines et Spa à leur payer les réparations,

- condamner la SARL Area Piscines et Spa à leur payer la somme de

3 517,40 euros au titre des réparations,

- condamner la SARL Area Piscines et Spa à leur payer la somme de

1 200 euros TTC au titre des frais engagés pour l'expertise amiable contradictoire,

- condamner la SARL Area Piscines et Spa à leur payer une somme de

5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la SARL Area Piscines et Spa à leur payer la somme de

4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, frais et accessoires.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir, au visa des articles 1101 et suivants, 1231-1 et 1792 et suivant du code civil :

- que leur piscine n'a jamais été en état de fonctionner correctement depuis son installation par la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes, en raison de l'impossibilité de réguler le PH et des fluctuations du taux de chlore, les obligeant à éteindre manuellement l'électrolyseur de sel et à laisser le volet ouvert pendant plusieurs jours,

- que l'expert a constaté les non conformités et a chiffré les travaux de reprise nécessaires à l'achèvement et la mise en conformité des ouvrages à la somme de 2 877,65 euros TTC pour le changement de l'électrolyseur et de la pompe PH, cette somme ayant été actualisée suivant devis du 16 mars 2023 à 3 517,40 euros, comprenant le remplacement du boîtier d'alimentation qui a brûlé,

- que la SARL Area Piscines et Spa a failli à son obligation de résultat de livrer une piscine exempte de tout vice, parfaitement achevée et en état de fonctionnement,

- qu'en leur qualité de constructeurs, la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes doivent garantir les constructions qu'elles ont réalisées,

- qu'ils ont mandaté la SARL Area Piscines et Spa pour l'installation d'une piscine, la SASU Prestation Piscines Landes n'étant qu'un prestataire présenté par la SARL Area Piscines et Spa pour une partie des travaux, d'autant que les devis et factures des deux sociétés ont été adressés par la SARL Area Piscines et Spa seulement, qui était leur seul interlocuteur, que les factures ont été réglées en ses locaux et que l'expert a précisé que la SARL Area Piscines et Spa avait agi en qualité de maître d'oeuvre,

- que la SARL Area Piscines et Spa aurait pu intervenir volontairement suite au rapport d'expertise qui indiquait que l'intervention d'un électricien était nécessaire,

- que l'expert a mis en cause le fonctionnement du matériel, qui a été fourni par la SARL Area Piscines et Spa,

- que l'utilisation actuelle de la piscine, au chlore, ne correspond pas à ce qu'ils avaient commandé (piscine au sel), et que le matériel fourni par la SARL Area Piscines et Spa se détériore en étant agressé par un taux de chlore trop important,

- qu'ils ne peuvent jouir normalement de leur piscine, n'ont pu la mettre en sécurité pendant plusieurs années, et ont dû investir dans un appareil pour contrôler les données de la piscine.

La SASU Prestation Piscines Landes n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions de la SARL Area Piscines et Spa lui ont été signifiées respectivement le 20 mars 2023 et 30 mai 2023, selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile avec dépôt de l'acte à l'étude d'huissier.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 juillet 2024.

L'affaire a été plaidée le 10 septembre 2024.

La cour a sollicité les observations des parties par note en délibéré sous huitaine, sur la recevabilité des demandes formulées par la SARL Area Piscines et Spa à l'égard de la SASU Prestation Piscines Landes.

Par note en délibéré du 26 septembre 2024, le conseil de M. [V] et de Mme [W] a indiqué que ces demandes lui semblaient recevables.

La SARL Area Piscines et Spa n'a pas adressé d'observation à la cour dans les délais impartis sur la recevabilité de ses demandes.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de la SARL Area Piscines et Spa et de la SASU Prestation Piscines Landes dans la survenance des désordres :

Les constructeurs auxquels les désordres sont imputables peuvent engager leurs responsabilités spécifiques, décennale, biennale ou de parfait achèvement, en vertu des articles 1792 et suivants du code civil, de même que leur responsabilité contractuelle de droit commun fondée sur l'article 1231-1 du code civil, pour les désordres réservés à la réception, voire pour les dommages dits intermédiaires, à condition que ces derniers aient été cachés au moment de la réception.

Il résulte de l'article 1792-1 du code civil qu'est notamment réputé constructeur de l'ouvrage :

- tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;

- toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire;

- toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.

Selon les dispositions de l'article 1792 du code civil :

* Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

* Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère, définie comme la force majeure, le fait d'un tiers ou la faute de la victime.

L'obligation de garantie décennale imposée aux constructeurs en application de l'article 1792 du code civil constitue une protection légale attachée à la propriété de l'immeuble et pouvant être invoquée non seulement par le maître d'ouvrage mais également par ceux qui succèdent à celui-ci dans cette propriété, en tant qu'ayants cause, même à titre particulier.

Pour que le régime de la responsabilité décennale puisse être mis en oeuvre :

- les travaux doivent concerner un ouvrage immobilier ;

- l'ouvrage doit avoir fait l'objet d'une réception, rappel étant fait que la réception est le point de départ de la garantie décennale et des garanties dues par le vendeur d'un immeuble à construire en application des dispositions de l'article 1646-4 du code civil; la réception est celle prononcée entre le vendeur d'un immeuble à construire et les constructeurs dans le cadre des contrats d'entreprise qui les lient et non pas la livraison des appartements aux acquéreurs qui intervient entre le vendeur et les acquéreurs en exécution du contrat de vente d'un immeuble à construire;

- le désordre était caché à la réception :

* pour qu'un désordre relève de la garantie décennale, il ne doit pas avoir fait l'objet de réserves lors de la réception, ni avoir été apparent. Toutefois, un désordre apparent dont l'ampleur et les conséquences se révèlent après la réception peut relever de la garantie décennale,

* il doit présenter le degré de gravité requis par les textes dans le délai de dix ans qui suit la réception.

* le caractère apparent d'un désordre s'apprécie au regard du maître d'ouvrage normalement diligent qui a procédé à la réception et non par référence à un architecte. En effet, l'appréciation de l'apparence doit se faire au seul regard du maître d'ouvrage même s'il est assisté d'un maître d'oeuvre.

* le maître d'ouvrage a la charge de la preuve du caractère caché du désordre. Il doit établir que les désordres visibles à la réception ont revêtu par la suite une gravité inattendue.

* la réception avec l'absence de réserves a pour effet de purger les vices qui étaient apparents et interdit toute action au titre du désordre concerné, sur quelque fondement que ce soit.

* les désordres doivent compromettre la solidité de l'ouvrage ou le rendre impropre à sa destination.

Quelle que soit la nature des responsabilités encourues et leur fondement, si les diverses fautes commises par divers constructeurs ont concouru indissociablement à la réalisation d'un dommage unique, le maître de l'ouvrage est fondé à solliciter que les condamnations soient prononcées in solidum.

Enfin, les constructeurs sont fondés à exercer réciproquement des recours en garantie, afin de voir statuer sur leur contribution respective à la condamnation prononcée in solidum; le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n'est pas fondé sur la garantie décennale mais est de nature contractuelle, si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature délictuelle, s'ils ne le sont pas.

C'est à l'aune de ces règles qu'il convient d'examiner les demandes des consorts [D]-[W] et les demandes en garantie des entreprises entre elles.

En l'espèce, il est constant entre les parties que la SARL Area Piscines et Spa est le fournisseur de la coque et des éléments nécessaires au fonctionnement de la piscine, tandis que la SASU Prestation Piscines Landes est le prestataire ayant procédé au terrassement et à l'installation de la piscine et de ses accessoires.

Il n'est pas discuté par les parties que la piscine est un ouvrage, que celui-ci a été achevé en fin d'été 2019 et intégralement payé le 5 novembre 2019, de sorte qu'est intervenue une réception tacite entre les parties à cette date.

Les premiers désordres concernant l'équilibre chimique de l'eau de la piscine sont apparus en avril 2020, et ont donné lieu à des échanges verbaux et téléphoniques entre les consorts [D]-[W] et la SARL Area Piscines et Spa puis à une réclamation écrite des consorts [D]-[W] le 15 juillet 2021.

Les consorts [D]-[W] produisent aux débats un rapport d'expertise amiable dont la SARL Area Piscines et Spa discute le caractère contradictoire.

Il est constaté que l'expert a convoqué les responsables de la SARL Area Piscines et Spa et de la SASU Prestation Piscines Landes aux mesures d'expertise, que se sont présentés pour ces deux entreprises M. [J] [I] (indiquant avoir racheté la SARL Area Piscines et Spa) et M. [X], président de la SASU Prestation Piscines Landes.

M. [I] est également la personne avec laquelle ont échangé les consorts [D]-[W] sur les difficultés en 2020 ; les échanges de SMS produits montrent que celui-ci est venu sur place à plusieurs reprises pour tenter de remédier au problème, et signait ses messages en tant que 'directeur' de la SARL Area Piscines et Spa.

La SARL Area Piscines et Spa ne peut donc valablement soutenir aujourd'hui qu'elle n'aurait pas été représentée à l'expertise par M. [I] qui ne serait pas son gérant officiel, en effet le courrier de convocation à l'expertise a été adressé au siège social de l'entreprise, et M. [I] disposait, à tout le moins à l'égard de l'expert et des consorts [D]-[W], d'un mandat apparent pour la représenter aux opérations. Celui-ci a d'ailleurs présenté à l'expert une attestation d'assurance pour l'entreprise.

Au demeurant, il existe des liens étroits entre le gérant M. [E] et M. [I], ces deux hommes étant associés à parts égales au sein d'une SAS l'Or Bleu Prestations Piscines et Spas inscrite au RCS de Dax.

Ce rapport d'expertise, dont la valeur probatoire et le caractère contradictoire sont retenus par la cour, met en évidence les éléments suivants :

- une impossibilité pour les maîtres de l'ouvrage de réguler le Ph de l'eau, ayant tendance à descendre et rester très bas ; un taux de chlore soit inexistant soit particulièrement élevé, obligeant les consorts [D]-[W] à éteindre manuellement l'électrolyseur de sel et à laisser le volet ouvert pendant plusieurs jours, la piscine n'étant alors pas sécurisée, et l'eau présentant un risque sanitaire élevé, interdisant la baignade,

- l'absence d'installation d'un câble pour relier le volet de la piscine à l'électrolyseur et informer ce dernier de baisser sa production, alors que la notice d'installation du volet prévoyait bien la pose de ce câble,

- l'inefficacité de l'appareil 'Redox' installé par M. [I] pour remédier au problème,

- le sous-dimensionnement du câble d'alimentation du volet (câble de section 2,5mm² au lieu de 4mm² pour une distance de moins de 15m et 6mm² pour une distance supérieur à 15m, comme préconisé par le fabricant Astrapool),

- le fil de terre de l'arrivée générale non branché dans le coffret d'alimentation du volet,

- l'un des fils alimentant le contrôle Redox non correctement vissé et connecté dans le relais au niveau du coffret électrique de la filtration.

L'expert estime qu'il faut qu'un électricien intervienne pour vérifier l'installation et remédier aux désordres.

La cour considère, au vu de ce rapport d'expertise corroboré par les différents échanges intervenus entre les parties et par les interventions infructueuses de la SARL Area Piscines et Spa sur place, que les désordres constatés rendent l'ouvrage impropre à sa destination.

Ils relèvent de la responsabilité décennale des intervenants à l'acte de construire, comme l'a retenu à bon droit le premier juge.

Sur ce point, la SARL Area Piscines et Spa tente de s'exonérer de sa responsabilité en indiquant que les désordres relèvent de la seule intervention de la SASU Prestation Piscines Landes, celle-ci ayant mal installé le matériel qu'elle lui a fourni.

Toutefois, à l'égard des maîtres de l'ouvrage, il convient de relever que la SARL Area Piscines et Spa s'est comportée comme un véritable maître d'oeuvre relevant de l'article 1792-1 du code civil.

L'expert souligne que la SARL Area Piscines et Spa a, dans le cadre de la vente de la piscine, proposé la SASU Prestation Piscines Landes pour la pose de celle-ci, s'agissant d'un partenaire habituel, sans qu'il soit proposé aux consorts [D]-[W] de recourir à une autre entreprise. Les devis et documents, y compris ceux concernant la SASU Prestation Piscines Landes, ont été envoyés par la SARL Area Piscines et Spa aux consorts [D]-[W].

La SARL Area Piscines et Spa est d'ailleurs restée l'interlocutrice des consorts [D]-[W] pour tenter de remédier aux désordres, et tant M. [E] que M. [I] sont intervenus sur place comme en témoignent les échanges de SMS.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu la responsabilité in solidum de la SARL Area Piscines et Spa et de la SASU Prestation Piscines Landes dans la survenance des dommages.

Sur le préjudice subi par les consorts [D]-[W] :

En première instance les consorts [D]-[W] ont fait chiffrer la réparation des désordres par les sociétés Lynéo Piscines (pour la fourniture d'un électrolyseur et d'une pompe Ph pour 1 677,65 €) et DSS Piscine pour la main d'oeuvre de dépose et de pose du matériel (1 200 €), soit un total de 2 877,65 € TTC.

Ils ont actualisé leur demande en cause d'appel et produisent un devis global de la société Piscines Services Pour Particuliers à hauteur de 3 517,40 €, justifiant que le coffret électrique, dont il a été vu qu'il comportait de mauvais branchements, devait être remplacé.

Cette demande de condamnation est fondée contre la SARL Area Piscines et Spa.

En revanche, dans la mesure où les conclusions des consorts [D]-[W] ont été déclarées irrecevables à l'égard de la SASU Prestation Piscines Landes, la condamnation ne peut être actualisée à son encontre.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à payer aux consorts [D]-[W] la somme de 2 877,65 €, et infirmé sur le montant total de la condamnation prononcée à l'égard de la SARL Area Piscines et Spa au titre de la reprise des désordres, ce montant étant porté à la somme de 3 517,40 € uniquement pour la SARL Area Piscines et Spa. La demande de cette dernière sur la restitution des sommes saisies dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement sera rejetée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué aux consorts [D]-[W] la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance, le premier juge ayant fait une exacte appréciation de ce préjudice qu'il n'y a pas lieu de réévaluer en raison du temps passé depuis le jugement, puisque celui-ci avait alloué aux consorts [D]-[W] sous le bénéfice de l'exécution provisoire de droit une somme de nature à leur permettre d'effectuer les travaux et donc de mettre fin à l'évolution de ce préjudice.

Sur les recours entre co-obligés :

La SARL Area Piscines et Spa exerce contre la SASU Prestation Piscines Landes, qui n'a pas constitué avocat, un recours en garantie afin de se voir relevée par ce prestataire des condamnations mises à sa charge.

Dans la mesure où cette demande est nouvelle en cause d'appel, puisque la SARL Area Piscines et Spa n'a exercé aucun recours en garantie contre la SASU Prestation Piscines Landes en première instance, elle est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur le surplus des demandes :

La SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes, succombantes, seront condamnées in solidum aux dépens de première instance par confirmation du jugement déféré. La SARL Area Piscines et Spa sera également condamnée aux dépens d'appel étant précisé qu'elle ne formule aucune demande à ce titre contre la SASU Prestation Piscines Landes.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.

La demande des consorts [D]-[W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée à l'encontre de la SARL Area Piscines et Spa n'est présentée, de manière incompréhensible, non pas 'en tout état de cause' mais qu' 'à titre subsidiaire', étant observé qu'il a été fait droit à leur demande principale de condamnation de la SARL Area Piscines et Spa à leur payer 3 517,40 €, de sorte qu'il ne peut être statué sur cette demande subsidiaire par la cour.

La demande de la SARL Area Piscines et Spa au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée, puisque celle-ci succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Area Piscines et Spa à payer à M. [A] [V] [D] et Mme [Z] [W] la somme de

2 877,65 € TTC au titre de la reprise des désordres

Statuant à nouveau du chef infirmé,

CONDAMNE la SARL Area Piscines et Spa à payer à M. [A] [V] [D] et Mme [Z] [W] la somme de 3 517,40 € TTC au titre de la reprise des désordres,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes co-responsables des désordres à l'égard de M. [A] [V] [D] et Mme [Z] [W] et condamné la SASU Prestation Piscines Landes à payer à M. [A] [V] [D] et Mme [Z] [W] la somme de 2 877,65 € TTC au titre de la reprise de ces désordres,

PRÉCISE donc que la solidarité à l'égard de M. [A] [V] [D] et Mme [Z] [W] jouera entre la SARL Area Piscines et Spa et la SASU Prestation Piscines Landes à concurrence de 2 877,65 € TTC,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles (en ce compris les frais d'expertise amiable) et aux dépens,

y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable, en application de l'article 564 du code de procédure civile, la demande de la SARL Area Piscines et Spa tendant à se voir relevée et garantie par la SASU Prestation Piscines Landes des condamnations mises à sa charge,

DÉBOUTE la SARL Area Piscines et Spa de sa demande de restitution des sommes saisies par M. [A] [V] [D] et Mme [Z] [W] en exécution du jugement,

DÉBOUTE la SARL Area Piscines et Spa de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel,

CONDAMNE la SARL Area Piscines et Spa aux dépens d'appel.