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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 3 octobre 2024, n° 23/01806

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Bouygues Bâtiment Grand Ouest (SAS), SCCV Domaine Viridis (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hauduin

Vice-président :

M. Berthe

Conseiller :

Mme Jacqueline

Avocats :

Me Abdellatif, Me Wacquet, Me Guyot, Me Nautou, Me Duteil, Me Guevenoux Glorian

TJ Amiens, du 25 janv. 2023, n° 23/01806

25 janvier 2023

DECISION :

Par acte sous signature privée en date du 25 mai 2018, la société civile de construction vente SCCV Domaine Viridis a confié à la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest la réalisation des travaux de construction d'un bâtiment D comprenant quarante-sept logements et vingt-six places de parking sur une parcelle de terrain sise lieudit « [Adresse 10] '' à [Localité 12] (Somme) cadastrée section ZB numéro [Cadastre 6].

Par acte notarié en date du 8 août 2019, Mme [N] [O] a acquis en l'état futur d'achèvement auprès de la SCCV Domaine Viridis les lots n°2, n°3 et n°432 correspondant respectivement à deux emplacements de parking à ciel ouvert et à un appartement de deux pièces numéroté D5 situé en rez-de-chaussée au sein du bâtiment D de l'ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété dénommé « [Adresse 9] '' sis [Adresse 1] à [Localité 12] (Somme) cadastré section ZB numéro [Cadastre 6] d'une contenance totale de 2 hectares 4 ares et 29 centiares au prix de 148 000 euros TTC, lesdits lots ayant fait l'objet d'un contrat préliminaire de réservation en date du 17 juin 2019.

Suivant procès-verbal dressé par acte sous seing privé en date du 8 août 2019, la SCCV Domaine Viridis a remis les clefs de son appartement à Mme [O], laquelle a formulé un certain nombre de réserves.

Les travaux de construction ont quant à eux donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de réception contradictoire avec réserves signé par la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest en date du 20 septembre 2019.

Se plaignant de malfaçons, et après plusieurs échanges de courriers avec la société civile de construction vente entre le 19 août 2019 et le 23 avril 2020, Mme [O] a fait dresser un procès-verbal de constat par huissier de justice en date du 15 juin 2020, puis a, par exploit d'huissier en date du 7 juillet 2020, fait assigner la SCCV Domaine Viridis devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Amiens aux fins d'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire.

Par exploit d'huissier en date du 9 septembre 2020, la SCCV Domaine Viridis a fait assigner la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest en intervention forcée.

Par ordonnance contradictoire en date du 4 novembre 2020, le juge des référés a procédé à la jonction des deux instances, et a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [G], remplacé par M. [F] par ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises en date du 24 novembre 2020, lequel a organisé une réunion contradictoire le 29 janvier 2021, a établi un pré-rapport le 9 février 2021, et a déposé son rapport définitif le 5 octobre 2021.

Par acte d'huissier en date du 3 novembre 2021, Mme [O] a fait assigner la SCCV Domaine Viridis devant le tribunal judiciaire d'Amiens en indemnisation de ses préjudices.

La SCCV Domaine Viridis, par exploit d'huissier en date du 20 décembre 2021, a fait assigner la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest en intervention forcée.

Par un jugement du 25 janvier 2023, le tribunal judiciaire d'Amiens a :

- condamné la SCCV Domaine Viridis à payer à Mme [O] la somme de 262 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel correspondant au nettoyage des joints de carrelage pour un montant de 162 euros et à la pose d'un interrupteur pour un montant de 100 euros,

- débouté Mme [O] de ses demandes de dommages-intérêts formées au titre des travaux de reprise des menuiseries situées dans la salle de séjour et dans la chambre,

- débouté Mme [O] de sa demande de réduction du prix de vente formée au titre du prétendu défaut d'isolation phonique,

- débouté Mme [O] de sa demande de dommages-intérêts formée au titre du préjudice moral,

- débouté la SCCV Domaine Viridis de son appel en garantie formé à l'encontre de la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest,

- débouté la SCCV Domaine Viridis de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée à l'encontre de Mme [O] au titre de la procédure abusive,

- débouté Mme [O], la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest de leurs demandes d'indemnités respectives présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- partagé les dépens par moitié entre Mme [O] et la SCCV Domaine Viridis, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Mme [O] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 avril 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 février 2024, Mme [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a

* condamné la SCCV Domaine Viridis à payer à Mme [O] la somme de 100 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice correspondant à la pose d'un interrupteur;

* débouté la SCCV Domaine Viridis de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée à l'encontre de Mme [O] au titre de la procédure abusive ;

* débouté la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest de leurs demandes d'indemnités respectives présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

* condamner la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest solidairement à payer à Mme [O] les sommes de :

' 1 540 euros TTC pour le nettoyage des joints de carrelage ;

' 3 507,83 TTC euros pour la reprise de la menuiserie en PVC du séjour, à tout le moins une somme au moins égale à 820 euros TTC;

* condamner la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest solidairement à payer à Mme [O] la somme de 9 000 euros pour la reprise de la menuiserie de la fenêtre PVC de la chambre comprenant démontage de la menuiserie, fourniture et pose de la cornière métallique puis fourniture et pose de la menuiserie sur la cornière, reprise des moulures, plâtres et enduits, peinture, évacuation des gravats et du châssis détérioré ; à défaut condamner la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest solidairement à effectuer les travaux précité dans le mois du prononcé de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jours de retard à l'expiration de ce délai ;

- condamner la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest solidairement à payer à Mme [O] la somme de 6 300 euros eu égard au défaut acoustique ;

- condamner la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest solidairement à payer à Madame [N] [O] la somme de 6 000 euros au titre du préjudice moral ;

- dire que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter de la date de l'assignation, soit le 3 novembre 2021, avec capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière ;

- condamner la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris l'intégralité des frais d'expertise ;

- condamner la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest solidairement à payer à Mme [O] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'avocat, de constat d'huissier et de rapport de contrôle acoustique ;

En tout état de cause :

- débouter la SCCV Domaine Viridis de sa demande au titre de la procédure abusive ;

- débouter la SCCV Domaine Viridis et la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant l'intégralité des frais de l'expertise.

Sur le coût du nettoyage des joints du carrelage, elle indique produire un devis d'un montant de 1 540 euros TTC alors que le devis produit par la société Bouygues Bâtiment Grand Ouest d'un montant de 162 euros apparaît dérisoire et a été établi dans l'intérêt de la société sans qu'elle puisse bénéficier d'un tarif si avantageux.

Elle conteste la réalisation de travaux de reprise sur les menuiseries de la salle de séjour et affirme qu'après actualisation, le coût des travaux s'élève à 3 507,83 euros TTC.

Sur la menuiserie PVC de la chambre, elle indique qu'une fuite persiste et qu'un devis établit que le coût des travaux s'élève à 9 000 euros TTC.

S'agissant de la non-conformité aux normes acoustiques, elle indique que le rapport établi par un ingénieur acousticien qu'elle produit est tout à fait probant et que ses contradicteurs n'ont produit aucun rapport permettant de le remettre en cause. Elle indique produire un nouveau devis justifiant une indemnisation à hauteur de 6 300 euros TTC.

Elle indique ensuite avoir enchaîné les déconvenues depuis l'achat de l'appartement, multiplié les démarches pour faire valoir ses droits et soutient avoir subi un préjudice matériel et moral à hauteur de 6 000 euros.

Elle fait valoir qu'il est inéquitable qu'elle supporte les dépens et les frais irrépétibles alors qu'elle a obtenu la reprise de certains postes grâce aux actions judiciaires entreprises et que tous les désordres n'ont pas été corrigés.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 juillet 2023, la SCCV Domaine Viridis sollicite de la cour de :

- infirmer partiellement le jugement rendu le 25 janvier 2023,

A titre principal, débouter Mme [O] de l'ensemble de ses prétentions,

A titre subsidiaire,

* dire que la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest devra prendre en charge le coût du nettoyage de l'appartement à hauteur de 162 euros et la pose d'un interrupteur d'un montant de 100 euros.

* dire que la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest devra garantir la la SCCV Domaine Viridis de toute autre éventuelle condamnation,

- Dans tous les cas :

* condamner Mme [O] au versement d'une indemnité à hauteur de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

* condamner Mme [O] au versement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 5 000 euros ainsi qu'aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.

Elle expose avoir proposé une solution de nettoyage du carrelage pour un coût de 162 euros résultant d'un devis parfaitement fiable établi par une société et avalisé par l'expert. Elle conteste le devis produit par Mme [O].

S'agissant des menuiseries du séjour et de la chambre, elle indique être d'ores et déjà intervenue.

Elle soutient ensuite que la non-conformité acoustique n'est pas établie.

Elle affirme que l'interrupteur pour l'éclairage d'une applique n'était pas prévu au contrat et que sa responsabilité n'est pas engagée.

Elle soutient que les demandes de Mme [O] ne sont pas légitimes et qu'elle a diligenté une procédure abusive.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 avril 2024, la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest demande à la cour de :

- Déclarer Mme [O] et la SCCV Domaine Viridis recevables mais mal fondées en leurs appels principal et incident,

- Recevoir la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest en son appel incident et le déclarer bien fondé,

- Confirmer le jugement rendu le 25 janvier 2023 en l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest de ses demandes de condamnation de tout succombant à lui régler ses frais irrépétibles.

- Statuer à nouveau sur ce point,

- Condamner solidairement Mme [O] et la SCCV Domaine Viridis à régler à la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance,

Y ajoutant,

- Condamner tout succombant à régler à la Bouygues Bâtiment Grand Ouest 4 000 euros d'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel et ses dépens d'appel.

Elle expose que seules quelques tâches de colle doivent être retirées sur le carrelage, qu'elles ont dû s'atténuer avec le temps et que Mme [O] s'est opposée à la reprise du désordre par la SCCV Domaine Viridis. Elle indique que le devis de nettoyage intégral du sol proposé par Mme [O] n'est pas justifié par l'état du carrelage.

Elle soutient que les demandes au titre des menuiseries ne sont pas justifiées car la SCCV est intervenue pour réaliser les réglages, que l'étude thermique ne caractérise aucune entrée d'air et que Mme [O] ne démontre pas que sa locataire a pu se plaindre de la situation.

Elle affirme que le défaut de conformité acoustique n'est pas établi, que le rapport amiable produit n'est pas opposable aux intimés et que l'expert judiciaire a constaté qu'aucun désordre n'existait sur ce point.

Elle s'en rapporte sur la question de l'interrupteur, note que s'il devait être retenu que l'intervention du cuisiniste devait être coordonnée avec celle des constructeurs d'origine, sa responsabilité ne pourrait être engagée sur ce point.

Elle conteste tout préjudice moral de Mme [O] alors que la plupart des désordres ont été repris.

Elle soutient qu'elle ne saurait garantir la condamnation de la SCCV alors qu'aucune réserve n'a été émise sur les différents désordres évoqués par Mme [O]. Elle soutient que les demandes concernant les menuiseries portent sur des défauts esthétiques résultant d'une modification de l'ouvrage tel qu'il avait été initialement réalisé et livré par la société Bouygues si bien que sa responsabilité ne saurait être engagée.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 17 avril 2024 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 23 mai 2024.

MOTIFS

Sur l'action en garantie des vices et défauts de conformité apparents formée à l'encontre de la SCCV Domaine Viridis

Selon les dispositions des articles L. 261-5 du code de la construction et de l'habitation et 1642-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé ni avant la réception des travaux ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.

Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer.

1. Sur les joints de carrelage

Il ressort du procès-verbal de constat du 15 juin 2020 et du rapport d'expertise que le carrelage est blanchi dans certains pièces (entrée, toilettes, salle de séjour), que quelques traces de colle et de plâtre apparaissent sur les joints du carrelage et que ce désordre est esthétique.

L'expert judiciaire a tenu compte, pour évaluer le coût de la reprise de ce désordre, d'une solution d'intervention proposée par Bouygues par l'intermédiaire d'une entreprise de nettoyage pour un montant de 162 euros qui s'appuie sur un devis du 22 mars 2021 émis par la SARL Nettis. Ce devis est produit en pièce 8 par la société Bouygues et concerne bien le nettoyage de 26 m2 de carrelage. Il ne distingue certes pas le temps de déplacement et la fourniture du matériel. Il est par ailleurs peu onéreux.

Cependant, il a été débattu contradictoirement et soumis à l'expert et les multiples considérations développées par Mme [O] sur les conditions d'établissement de ce devis et les relations commerciales entre la société Bouygues et la société Netto ne peuvent justifier de tenir compte du devis beaucoup plus élevé, produit par l'appelante, d'un montant de 1 540 euros TTC. Ce devis n'est d'ailleurs pas plus précis dans la mesure où il mentionne 'nettoyage de la laitance sur carrelage' sans plus de précisions notamment sur la superficie concernée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé le montant du préjudice matériel au titre de la reprise des joints de carrelage à la somme de 162 euros.

2. Sur la menuiserie en PVC dans la salle de séjour

Il résulte du procès-verbal de constat et du rapport d'expertise que la tringle permettant d'ouvrir le volet roulant a été déplacée et que les trous ont été rebouchés grossièrement en laissant des accrocs sur la parclose. L'expert a retenu qu'il serait nécessaire de reprendre le tout avec une moulure en PVC. Il est également mentionné qu'un règlage de la menuiserie est nécessaire avec un passage d'air léger en partie basse dû au resserage de la quincaillerie par une menusierie oscillo battante.

Avant le dépôt de son rapport d'expertise, l'avocat de la société Bouygues a adressé à l'expert des dires du 9 et du 30 mars 2021 comportant des tableaux intitulés 'liste des désordres soldés et validés par Mme [O]" avant l'expertise du 29 janvier 2021 faisant état, dans le séjour, d'un défaut d'intervention sur la parclose griffée mais d'un repositionnement de la manivelle, de la pose d'une cornière PVC sur angle et d'un réglage de la menuiserie, le tout réalisé le 17 février 2021.

Dans son dire postérieur du 23 juin 2021, l'avocat de Mme [O] précise que 'sa cliente indique que ce qui concernait cette fenêtre a été fait, sauf le réglage laissant passer l'air'. Il indique un peu plus loin que 'l'ouvrant de la fenêtre dans le séjour est fort abîmé, que préconisez-vous pour y remédier ' Il faut à notre sens remplacer la fenêtre'.

Dans ces conditions, il ne peut être affirmé que les dires des 9 et 30 mars 2021 suffisent à établir que les désordres avaient été repris.

Compte tenu du dire du conseil de Mme [O] et faute pour ses contradicteurs de rapporter la preuve de la réparation des désordres par l'établissement notamment d'un constat d'huissier, l'expert a à juste titre maintenu qu'il était nécessaire de réparer les désordres affectant la menuiserie PVC incluant la pose d'une menuiserie PVC et le réglage de la fenêtre.

Mme [O] a d'abord réclamé 820 euros (220 euros au titre d'un plat en PVC, 100 euros pour le réglage de la menuiserie et 500 euros pour le changement de la parclose et la finition au pourtour d'angle) puis 3 507,83 euros TTC pour le remplacement de la fenêtre.

Les simples travaux de pose d'un plat en PVC, de reprise d'angle et de réglage de la menuiserie se révèlent cependant suffisants au regard des conclusions du rapport d'expertise.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit à la demande de Mme [O] dans la limite cependant de 820 euros, les désordres constatés ne justifiant pas le remplacement de la fenêtre.

3. Sur les menuiseries en PVC dans la chambre

Dans son rapport, l'expert retient la nécessité de procéder à un réglage sur la quincaillerie de fermeture. Sur les fixations traversantes non conformes au DTU 36.5, il préconise l'application d'une vis auto-foreuse avec réglage conforme au DTU précité. Il précise que 'comme indiqué dans le rapport de constatations de dommage/ouvrage, l'expert a estimé qu'il s'agissait d'une dépression de l'immeuble et d'un réglage du débit d'air. Ces travaux ont été réalisés le 17 février 2021".

Il en ressort que les travaux préconisés par l'expert pour remédier aux désordres affectant les menuiseries ont été réalisés avant le dépôt de son rapport et qu'il a constaté leur réalisation conforme au DTU 36.5 ainsi qu'en atteste son rapport auquel sont jointes deux photographies de la pose de la vis-auto-foreuse.

Mme [O] critique cette solution de reprise et produit un rapport de mesure de perméabilité à l'air qui fait état d'une faible fuite au niveau de la liaison de certaines parcloses dans la chambre. Elle affirme qu'il faudrait reprendre tout l'ouvrage comme elle l'avait suggéré à l'expert dans son dire du 23 juin 2021. Ce dernier n'a cependant pas retenu la nécessité de cette reprise totale et a bien mentionné qu'un remède avait été apporté à l'absence de conformité des fixations traversantes. Le rapport de perméabilité postérieur n'établit qu'une faible fuite et ne justifie pas une reprise totale des menuiseries.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande au titre de la menuiserie de la chambre.

4. Sur l'interrupteur de l'applique

Il résulte du rapport d'expertise qu'en l'absence d'interrupteur pour allumer l'applique prévue dans la cuisine, Mme [O] a demandé au cuisiniste de fixer un interrupteur dans la crédence.

L'expert expose qu'il n'y a pas de désordre.

Cependant, il appartenait à la SCCV de prévoir la pose d'un interrupteur pour faire fonctionner l'applique.

Le premier juge a retenu à juste titre qu'une non conformité est caractérisée et le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le montant du préjudice matériel de Mme [O] à la somme de 100 euros.

***

Le jugement sera donc confirmé sauf en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande d'indemnisation des désordres affectant la fenêtre du séjour et la SCCV Domaine Viridis sera condamnée à verser 820 euros à Mme [O] pour la réparation des désordres affectant la fenêtre.

Sur l'action en garantie des défauts d'isolation phonique

Selon les dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 111-11 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable à la date de conclusion de l'acte notarié de vente en l'état futur d'achèvement, devenu depuis l'article L. 124-4 du même code, les contrats de louage d'ouvrage ayant pour objet la construction de bâtiments d'habitation sont réputés contenir les prescriptions légales ou réglementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d'isolation phonique. Les travaux de nature à satisfaire à ces exigences relèvent de la garantie de parfait achèvement visée à l'article 1792-6 du code civil reproduit à l'article L. 111-20-2. Le vendeur ou le promoteur immobilières garant, à l'égard du premier occupant de chaque logement, de la conformité à ces exigences pendant un an à compter de la prise de possession.

En application des dispositions de l'article 1646-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code. Ces garanties bénéficient aux propriétaires successifs de l'immeuble. Il n'y aura pas lieu à résolution de la vente ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer les dommages définis aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du présent code et à assumer la garantie prévue à l'article 1792-3.

En vertu des dispositions des deuxième à sixième alinéas de l'article 1792-6 du même code, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de I'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception. Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné. En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur détaillant. L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement. La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage.

Enfin, conformément aux deux premiers alinéas de l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits parles parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Si le tribunal ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la libre discussion des parties, il ne peut cependant se fonder exclusivement sur un rapport d'expertise non judiciaire réalisé à la demande unilatérale de l'une des parties, ledit rapport d'expertise devant alors être corroboré par d'autres éléments de preuve.

En l'espèce, Mme [O] verse aux débats un rapport d'expertise amiable établi par Mme [W] exerçant sous l'enseigne 'BET Acoustique [W]' en date du 19 juin 2020 indiquant que l'isolement acoustique entre le garage au sous-sol et le séjour de l'appartement D5 au rez-de-chaussée n'est pas conforme à l'exigence de l'arrêté du 30 juin 1999 relatif aux caractéristiques acoustiques des bâtiments d'habitation.

Ce rapport amiable n'est corroboré par aucun élément extrinsèque.

Il a été soumis à l'expert judiciaire qui indique que l'étude a été réalisée conformément aux règles et références de calcul mais sur une période entre 12h15 et 13h45, sans pour autant avoir un constat linéaire sur les différents bruits et impacts environnants. L'expert relève que 'les éléments retenus sur la non-conformité ne semblent pas étayés avec une objectivité entre les bruits environnants, l'exposition du local et son occupation'. Il note que 'les analyses graphiques en dBA du bruit des portes vers les chambres également sont non appréhendées avec une objectivité'. Il ajoute que 'nous ne connaissons pas la qualité des bruits ambiants mesurés le jour de cette opération en heure d'occupation entre 12h15et 13h45".

Il affirme qu'il a pu constater que le logement est isolé, qu'il n'a pas été perturbé par des bruits avoisinants, et que, même si la pièce séjour profite d'une double fenêtre donnant directement sur la voie extérieure, il n'existe aucune perturbation de bruit provenant de l'extérieur.

La SCCV Domaine Viridis produit pour sa part une attestation de prise en compte de la réglementation acoustique des bâtiments d'habitation neufs applicable en France métropolitaine rédigée par M. [M] [L] de la SAS Bureau Veritas Construction du 25 septembre 2020 concluant que les mesures acoustiques ne laissent pas apparaître d'irrégularité dans la prise en compte de la réglementation acoustique et établit le respect de l'arrêté du 30 juin 1999.

Le premier juge en a ainsi conclu à bon droit que Mme [O] doit être déboutée de sa demande de réduction du prix faute de preuve d'un défaut d'isolation acoustique. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral

Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui parla faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, les malfaçons et non-conformités initialement dénoncées par Mme [O] sont minimes et ont pour certaines faits l'objet de reprises dans le cadre des opérations d'expertise.

Mme [O] ne démontre ni l'existence, ni l'étendue du préjudice moral qu'elle allègue comme l'a relevé le premier juge à juste titre.

En conséquence, il convient de confirmer le débouté de Mme [O] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral.

Sur la demande de condamnation solidaire de la société Bouygues à indemniser Mme [O] avec la SCCV Domaine Viridis

Mme [O] sollicite la condamnation solidaire de la SCCV Domaine Viridis avec la société Bouygues au paiement des indemnités dues.

Elle expose que la société Bouygues qui manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société Domaine Viridis au titre de la construction de l'immeuble est à l'origine de son préjudice si bien qu'elle doit être condamnée à l'indemniser solidairement avec la société Domaine Viridis sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Elle avait déjà formé cette demande en première instance sans que le premier juge y réponde.

La société Bouygues a développé des moyens concernant le montant de l'indemnisation à allouer à Mme [O] sans contester le principe même de l'action de cette dernière à son encontre.

La société Bouygues et la SCCV Domaine Viridis ayant contribué à la survenue du préjudice de Mme [O], il convient de condamner la société Bouygues in solidum (et non solidairement compte tenu des fondements distincts de leur mise en cause) avec la SCCV Domaine Viridis à indemniser Mme [O] à hauteur de 162 euros pour les joints de carrelage et de 820 euros pour la menuiserie PVC du séjour, la demande de condamnation solidaire ne portant par sur l'indemnisation de la pose d'un interrupteur.

Sur l'appel en garantie formé par la SCCV Domaine Viridis

En vertu des dispositions des deux premiers alinéas de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

En l'espèce, les vices apparents relatifs au nettoyage du carrelage ont fait l'objet d'une réserve par Mme [O] le procès-verbal de remise des clefs en date du 8 août 2019. Mme [O] a ensuite signalé par lettre recommandée adressée à la SCCV le 19 août 2019 réceptionnée le lendemain, qu'une applique de la cuisine n'était pas reliée à une prise si bien que le luminaire restait allumé sans qu'on puisse l'éteindre.

Cependant le procès-verbal de réception contradictoire en date du 20 septembre 2019 ne mentionne aucune réserve concernant l'appartement D5 de Mme [O].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SCCV Domaine Viridis de son appel en garantie formé à l'encontre de la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

Compte tenu de l'issue du litige et dès lors qu'il est partiellement fait droit aux prétentions de Mme [O], il convient de confirmer le débouté de la SCCV de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les intérêts

Selon l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

Mme [O] demande que les intérêts sur les sommes dues courent à compter de la date de l'assignation au fond, soit le 3 novembre 2021.

Elle n'avait pas formé cette demande en premier instance et le premier juge n'a pas statué sur le point de départ des intérêts.

Il convient dans ces conditions de faire application des dispositions précitées et de rejeter la demande de Mme [O] tendant à fixer le cours des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2021.

Dès lors, les indemnités fixées par le premier juge et confirmées par la cour produiront intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris et les indemnités allouées en appel produiront intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt d'appel.

Par ailleurs, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Sur les autres demandes

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement entrepris sera infirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sauf en ce qu'il a débouté la SCCV Domaine Viridis et la société Bouygues Bâtiment Grand Ouest de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la SCCV Domaine Viridis et la société Bouygues Bâtiment Grand Ouest seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

Elles seront en outre condamnées in solidum au paiement à Mme [O] d'une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et déboutées de leurs propres demandes au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a

- débouté Mme [N] [O] de sa demande d'indemnisation concernant la menuiserie en PVC dans la salle de séjour,

- partagé les dépens par moitié entre Mme [N] [O] et la SCCV Domaine Viridis et débouté Mme [N] [O] de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest in solidum avec la SCCV Domaine Viridis à indemniser Mme [N] [O] à hauteur de 162 euros pour les joints de carrelage et de 820 euros pour la menuiserie PVC du séjour ;

Déboute Mme [N] [O] de sa demande au titre du point de départ des intérêts ;

Précise que les indemnités fixées par le premier juge et confirmées par la cour produiront intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris et les indemnités allouées en appel produiront intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt d'appel ;

Dit que les sommes échues au moins pour une année entière produiront intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la SCCV Domaine Viridis et la société Bouygues Bâtiment Grand Ouest in solidum aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise ;

Condamne la SCCV Domaine Viridis et la société Bouygues Bâtiment Grand Ouest in solidum au paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel au profit de Mme [N] [O] ;

Déboute la SCCV Domaine Viridis et la société Bouygues Bâtiment Grand Ouest de leurs propres demandes au titre des frais irrépétibles d'appel.