CA Colmar, 2e ch. A, 18 octobre 2024, n° 23/02111
COLMAR
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
Mutuelle des Architectes Français (Sté), Caisse d'Assurance Mutuelle du Bâtiment et des Travaux Publics - Cambtp (Sté), Bolmont Frères (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Diepenbroek
Conseillers :
Mme Robert-Nicoud, Mme Hery
Avocats :
Me Chevallier-Gaschy, Me Millot-Logier, Me Rummler, Me Broglin, Me Roth
FAITS ET PROCÉDURE
En 2001, M. [W] [N] a fait construire une maison d'habitation sur le territoire de la commune du [Localité 9] (Vosges), située en zone sismique, sous la maîtrise d''uvre de M. [G] [U], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (MAF), qui était investi d'une mission complète. Les travaux de gros 'uvre, de charpente et de couverture ont été confiés à la SARL Bolmont frères, assurée auprès de la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (CAMBTP), et la société Vosges structures bois (VSB) a fourni quatre fermes nécessaires à la charpente, ainsi que les plans d'exécution.
Se plaignant de l'apparition de fissures sur les murs extérieurs, M. [N] a obtenu en référé l'organisation d'une expertise judiciaire, confiée à M. [V] [F] qui a déposé son rapport le 29 janvier 2008, et a conclu au non-respect des normes parasismiques.
Par assignations délivrées les 1er, 2, 3, et 10 décembre 2008, M. [N] a fait citer respectivement M. [U] et la société VSB, la CAMBTP, la MAF et la société Bolmont frères devant le tribunal de grande instance d'Epinal aux fins de voir constater qu'une réception tacite était intervenue au 1er janvier 2002, déclarer M. [U], la société Bolmont frères et la société VSB solidairement responsables de cette non-conformité sur le fondement de l'article 1792 du code civil, déclarer le jugement à intervenir opposable à la MAF et à la CAMBTP et avant de dire droit, sur le préjudice, ordonner une nouvelle expertise aux fins de déterminer les travaux de remise en état.
Par jugement du 17 juin 2010, le tribunal de grande instance d'Epinal a débouté M. [N] de ses différentes prétentions et l'a condamné à payer à la société VSB, à la société Bolmont frères et à la MAF la somme de 2 000 euros, chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par un arrêt partiellement infirmatif du 29 octobre 2012, rendu par défaut, la société Bolmont frères n'ayant pas comparu, la cour d'appel de Nancy a notamment, retenu une réception tacite de l'ouvrage au 17 août 2004, avec réserves s'agissant des règles de construction parasismiques, déclaré M. [U] et la société Bolmont frères responsables in solidum de la non-conformité de l'ouvrage aux normes de construction parasismiques sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dit que la MAF ne doit garantir les conséquences de la responsabilité de M. [U] que dans les limites du contrat d'assurance les liant, débouté M. [U] et la MAF de leur action en garantie contre la CAMBTP, déclaré irrecevable la demande en garantie de M. [N] dirigée contre la CAMBTP, et a ordonné une expertise concernant la reprise des désordres confiée à M. [B] [M].
Sur requête de M. [M], le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 21 février 2013, reformulé la mission de l'expert de la manière suivante :
- préciser si la mise en conformité de l'immeuble à la norme NFP 06-013-référence DTU Règles PS 92 peut être réalisée par le biais de travaux ou si elle nécessite de procéder à la destruction du pavillon,
- si des travaux peuvent être envisagés, préciser leur consistance, en chiffrer leur coût et en déterminer la durée,
- si la destruction s'avère nécessaire, chiffrer le coût de la démolition de l'immeuble et d'une reconstruction conforme à la norme mentionnée ci-dessus et préciser la durée des travaux,
- fournir tous éléments techniques et de fait permettant à la cour de procéder à l'évaluation des préjudices subis notamment le trouble de jouissance pendant les travaux.
Par une nouvelle ordonnance du 11 septembre 2014, intervenue à la demande de l'expert judiciaire, le conseiller de mise en état a autorisé M. [M] à poursuivre ses opérations en vue de rechercher si des travaux de réparation, dont il fixera le coût et la durée, pouvaient être envisagés qui permettraient de garantir la stabilité de la construction conformément aux méthodes calculées prévues aux chapitres 5 et 6 de la norme NF P 06-013 (référence DTU Règles PS 92) et aux règles Eurocode.
L'expert a fait appel à un sapiteur, M. [E], ingénieur structure.
Sur opposition de la société Bolmont frères, la cour d'appel de Nancy, par arrêt du 7 janvier 2014, a fixé, dans les rapports entre M. [U] et la société Bolmont frères, à 50 % la part de responsabilité incombant à chacun.
Aux termes de son rapport final daté du 30 mars 2016, M. [M] a indiqué qu'il était impossible de réaliser une mise en conformité de la maison de M. [N] à toutes les règles qui auraient dû être respectées au moment de la construction sans procéder à une démolition - reconstruction ; qu'il était par contre possible d'envisager une solution de réparation, c'est à dire une intervention comportant divers renforcements ; que cette solution était cependant irréalisable, au jour de son rapport, du fait de la suspension de l'avis technique du CSTB relatif au renforcements parasismiques par collage de fibres de carbone, cette suspension étant liée au passage aux Eurocodes ; qu'il était toutefois vraisemblable, voire probable, qu'un nouvel avis technique rende la réalisation des travaux de réparation proposée à nouveau possible. Il a chiffré le coût de la démolition - reconstruction à 870 252 euros TTC pour une durée de travaux de huit mois, et le coût de réparation par fibres carbone à 372 000 euros TTC, avec une durée de travaux de deux mois.
Par arrêt du 9 octobre 2017, la cour d'appel de Nancy, statuant sur le préjudice de M. [N] a :
- condamné in solidum M. [U], garanti par la MAF, et la société Bolmont frères à payer à M. [N] les sommes suivantes :
* 372 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ;
* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;
- rappelé que dans les rapports entre coobligés, le poids de cette condamnation se répartira par moitié ;
- débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;
- condamné M. [U], garanti par la MAF, et la société Bolmont frères aux entiers dépens de la procédure et à payer à M. [N], chacun, la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
- débouté la société VSB de sa demande d'indemnité de procédure.
Reprochant à la cour d'appel de Nancy de n'avoir pas ordonné la solution de démolition et de reconstruction de l'immeuble, M. [N] s'est pourvu en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt du 14 février 2019, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi.
Par exploits délivrés les 24, 26 et 30 décembre 2019 à la CAMBTP, à M. [U] et à la MAF, régulièrement dénoncés au procureur général, M. [N] a saisi la cour d'appel de Nancy sur le fondement des articles 593, 594 et 595 du code de procédure civile et de l'adage fraus omnia corrumpit, d'une demande de révision de l'arrêt rendu le 9 octobre 2017, demandant à la cour de rétracter son arrêt et, statuant à' nouveau, de condamner M. [U], sous la garantie de la MAF, et la société Bolmont frères a' lui payer les sommes de 870 252 euros correspondant au coût des travaux de démolition et de reconstruction, de 36 599 euros correspondant au coût du déménagement de relogement durant les travaux, et de 50 000 euros correspondant au préjudice distinct lié à l'obligation de vivre dans une maison techniquement dangereuse et à l'impossibilité de disposer de son bien librement, ainsi qu'aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 25 mai 2021, la cour d'appel de Nancy a déclaré le recours en révision irrecevable, a condamné M. [N] aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à M. [U] et à la MAF.
Sur pourvoi de M. [N], la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, par arrêt du 23 mars 2023, a annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 25 mai 2021, et a renvoyé l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt devant la cour d'appel de Colmar.
M. [N] a saisi la cour d'appel de Colmar, désignée comme cour de renvoi, par déclaration de saisine du 23 mai 2023.
Par ordonnance du 26 juin 2023, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à bref délai en application des articles 905 et 1037-1 du code de procédure civile. L'avis de fixation a été envoyé par le greffe le même jour.
La société Bolmont frères ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, la SCP Le Carrer Najean a été désignée en qualité d'administrateur ad hoc par ordonnance du 30 juin 2023 du Président du tribunal de commerce d'Epinal.
Par exploit du 5 juillet 2023, signifié à personne morale, M. [N] a assigné en intervention forcée la SCP Le Carrer Najean, prise en la personne de son représentant légal, en sa qualité d'administrateur ad hoc de la société Bolmont frères.
Cette société, qui n'avait pas comparu devant la cour d'appel de Nancy, n'ayant pas constitué avocat, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 octobre 2023, M. [N] demande à la cour, sur le fondement des articles 593, 594 et 595 du code de procédure civile, de l'adage fraus omnia corrumpit et de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son recours en révision dirigé contre l'arrêt du 9 octobre 2017 qui a été dénoncé au Ministère public conformément à l'article 600 du code de procédure civile,
- déclarer fausse l'annexe de la pièce 8 adverse et de l'écarter des débats,
- juger qu'il s'est révélé après l'arrêt par obtention du refus de la société Freyssinet d'intervenir au titre de son chantier, un élément décisif qui aurait amené la cour à statuer différemment si elle en avait été prévenue,
- retenir qu'il s'est révélé après l'arrêt que celui-ci a été surpris par fraude de la partie au profit de laquelle (595 2 code de procédure civile) il a été rendu sur la base de la présentation d'une solution technique déclarée comme faisable en référence à l'avis technique du 8 février 2017 n°3/14-757* V2 et d'un chiffrage prétendu alors que tel n'est pas le cas,
- constater qu'il appert que l'expert judiciaire avait une position au sein de la MAF permettant de considérer qu'il se trouvait en conflit d'intérêt pour la réalisation de la mission qui lui avait été confiée en regard de ses droits,
- ordonner en tant que de besoin la mise en cause de la société Freyssinet pour qu'elle s'explique sur les motifs de son refus d'intervention à sa requête et les raisons qui l'ont conduite à refuser de donner suite à la sommation interpellative du 30 octobre 2017 au titre des divers points évoqués en conclusion,
- dire en ce cas qu'il sera statué ensuite des réponses données par cette société par conclusion en organisant des nouveaux échanges suivant calendrier de procédure.
en tout état de cause rétracter l'arrêt et statuant à nouveau :
- ordonner à son profit le bénéfice d'un droit de réparation intégral de son préjudice,
- débouter les parties en cause de toutes autres demandes fins et conclusions, et notamment la CAMBTP en sa demande d'article 700,
- ordonner la mise en conformité « effective » de la construction aux normes parasismiques NFP06-013 - référence DTU règle PS 92 et Eurocode de sa maison en jugeant que cela suppose la démolition de celle-ci et sa reconstruction,
- ordonner une nouvelle expertise pour chiffrer les frais de destruction et reconstruction de sa maison dans le respect des normes parasismiques et de toutes les normes actuelles avec modification de sa forme et réévaluation de tous ses préjudices (pertes d'embellissement, pertes locatives du studio, troubles de jouissance non indemnisés, troubles liés au déménagement durant les travaux),
subsidiairement à défaut d'une expertise :
- condamner in solidum M. [U] et la MAF son assureur dans la limite du contrat la liant à ce dernier à lui payer, sauf à parfaire et avec actualisation :
* la somme de 870 252 euros X 25% = 217 563 euros, soit un total actualisé de 1 087 815 euros correspondent aux coûts des travaux de démolition et de reconstruction, réactualisés en janvier 2024, outre application sur ce montant de l'indice du coût de la construction applicable après 2023 jusqu'à parfait paiement « sous réserve d'acceptation d'un nouveau permis de construire » et dire de ce chef que toutes les normes en vigueurs lors du dépôt devront être respectées,
* les frais relatifs aux extérieurs (terrasses de 150 mètres carré) impactée par la destruction et reconstruction : chiffrés par une nouvelle expertise, subsidiairement évalués à la somme de 50 000 euros,
* les frais de permis complémentaire suivant facture dont le montant sera à la charge in solidum de M. [U] et la MAF sur présentation du justificatif,
* la somme actualisée de 45 748,75 euros correspondant au coût de déménagement et de relogement durant ces travaux, sauf à parfaire,
* 80 000 euros correspondant au préjudice distinct lié à l'obligation de vivre dans une maison techniquement dangereuse et à l'impossibilité de disposer de son bien librement,
- condamner en tant que de besoin la MAF et M. [U] in solidum à le garantir de toutes condamnations prononcées à son égard au profit de la CAMBTP et de tous autres.
- dire et juger que les sommes qu'il a déjà perçues s'imputeront sur sa créance définitive,
- condamner in solidum la MAF et M. [U], la société Bolmont frères à lui payer 60 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les frais d'expertise.
Il fait valoir que son recours en révision satisfait aux conditions édictées par les articles 595, 596, 697 et 600 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité, il soutient qu'en application de l'article 596, le délai du recours en révision est de deux mois à compter du jour de la découverte de la cause de révision, lequel correspond, en l'espèce, à la date à laquelle il a découvert l'impossibilité d'exécuter la solution technique réparatoire retenue par l'arrêt du 9 octobre 2017, impossibilité qui n'a été révélée que par le refus du seul titulaire du procédé désigné à l'arrêt comme devant être mis en 'uvre, la société Freyssinet, et par la spécification, de la part du constructeur pressenti, de ce qu'il était dépendant de la conception et du dimensionnement du procédé de renforcement par le titulaire de l'avis technique, en l'occurrence la société Freyssinet.
Il ajoute qu'il ne pouvait pas agir avant le rejet de son pourvoi en cassation, qui s'il avait prospéré aurait conduit à une démolition de l'immeuble, ni avant de pouvoir prouver le caractère irréalisable des travaux prescrits, or c'est seulement après la décision de la Cour de cassation qu'il pouvait faire procéder à la réfection de son immeuble et s'adresser à la société Freyssinet à cette fin. Il ajoute qu'il ne pouvait pas non plus agir avant de savoir que celle-ci n'avait en réalité jamais fait de 'chiffrage', alors que la MAF s'était pourtant prévalue devant la cour d'appel de Nancy d'un 'chiffrage' de cette société.
Il relève, en outre, que l'arrêt du 25 mai 2021 a été cassé car la Cour de cassation a considéré que l'article 528-1 du code de procédure civile n'était pas applicable au recours en révision.
Au fond, il soutient que si l'arrêt du 9 octobre 2017 a considéré que le procédé de renforcement proposé était faisable, c'est sur des bases fausses, puisque la faisabilité de ce procédé reposait sur une pièce techniquement fausse soumise à la cour, constituée par un avis technique qui paraissait être la norme, alors qu'il n'était plus valide, ce qu'il n'a découvert qu'ultérieurement lorsqu'il a voulu faire réaliser les travaux, ainsi que sur un prétendu 'chiffrage' - calcul technique - de la société Freyssinet, en réalité inexistant.
Il fait valoir que son action en révision est fondée sur l'existence de la fraude des parties au profit desquelles la décision a été rendue, résultant de la production d'un faux avis technique et de l'évocation d'un 'chiffrage' Freyssinet inexistant.
A cet égard, il relève que la MAF et son assuré avaient produit deux versions de l'avis technique relatif au procédé de la société Freyssinet, en pièces 2 et 3 (aujourd'hui en pièces 8 et 9), lesquelles, contrairement à ce que soutiennent les intimés, ne sont pas identiques, seule la pièce n°9 étant l'avis technique valable lequel proscrit les ajouts de chaînages, alors que la pièce n°8 était le projet initial de la société Freyssinet qui n'a pas été validé par la commission chargée de formuler des avis techniques, et qu'il a, par la suite, été corrigé avec la suppression de l'autorisation de création de chaînages pour l'utilisation du procédé. Il considère que la MAF a ainsi produit un faux avis technique non publié pour induire la juridiction en erreur quant à la faisabilité de la solution consistant en la création de chaînages, alors que celle-ci est proscrite.
Il soutient que la MAF et son assuré sont parvenus à éluder les effets obligatoires conjugués de l'arrêt du 22 octobre 2012 et des ordonnances du conseiller de la mise en état des 21 février 2013 et 11 septembre 2014, lesquels ont imposé successivement à l'expert de définir les travaux de remise en état à entreprendre sur la construction afin d'assurer sa conformité à la norme NFP 06-013 - référence DTU Règles PS 92, et de préciser si la mise en conformité de l'immeuble au regard de ces règles et des règles Eurocode pouvait être réalisée par le biais de travaux ou si elle nécessitait de procéder à la destruction du pavillon, d'une part grâce à la bienveillance de l'expert judiciaire qui était le secrétaire du conseil d'administration de la MAF en 2010, puis membre de ce conseil en 2012, et se trouvait donc en situation de conflit d'intérêt, et qui ne s'est pas conformé à sa dernière mission puisqu'il ne s'est référé à aucune des méthodes de calcul de la norme PS92 et des règles Eurocode 8 pour déterminer si les travaux de renforcement de l'immeuble pouvaient garantir sa stabilité, d'autre part en laissant délibérément coexister frauduleusement aux débats deux avis techniques produits en pièces 2 et 3 d'apparence identique, sans expliquer à la cour que le seul avis publié était la pièce 3 laquelle proscrivait la création de chaînage et ne validait donc nullement la solution retenue par l'expert, ainsi qu'en faisant référence à un 'chiffrage' Freyssinet indéterminé, en réalité inexistant, afin d'accréditer la thèse de la faisabilité de la solution par le titulaire de l'avis technique.
Il réfute tout litige l'opposant à la société Freyssinet, qui n'est pas réellement tiers à la procédure, puisque le montant alloué par la cour correspond à la mise en oeuvre d'un procédé technique Foreva supposant nécessairement, au préalable, que sa conception et son dimensionnement soient effectués par la société Freyssinet ; que la MAF ne produit toujours pas le calcul de dimensionnement du procédé Foreva ; que c'est parce que les intimés savaient que ce calcul était indispensable qu'ils ont visé un prétendu « chiffrage » Freyssinet lequel n'était pas financier, mais conceptuel ; que la société Freyssinet refuse toujours de fournir un tel « chiffrage », malgré une sommation interpellative, ce qui empêche la réalisation des travaux réparatoires, de sorte que la cour, dans le cadre de l'instruction du recours en révision, devra au besoin, en application de l'article 768-1 du code de procédure, ordonner la comparution de celle-ci aux débats pour qu'elle s'explique.
Il reproche ainsi à la MAF et son assuré une fraude par fausse affirmation, par l'usage de fausse pièce et par la violation de l'autorité de la chose jugée, et estime que leur intention de tromper la cour à l'occasion de la procédure précédente est patente, soulignant que la position de la MAF, dans ce dossier, est contraire à ses propres recommandations à l'égard de ses assurés, auxquels elle déconseille la construction d'une maison telle que celle bâtie pour lui par M. [U].
Par ailleurs, il soutient que la position de M. [M] au sein de la MAF comme membre élu, dans une période où il a eu connaissance de son dossier, a été de nature à créer un conflit d'intérêt entachant l'arrêt d'un motif licite de révision.
M. [N] fait valoir enfin que les effets de l'arrêt de 2017 doivent être supprimés pour des motifs d'ordre public, car ils conduisent à maintenir en l'état une construction édifiée en méconnaissance de la norme française NFP 06-13 PS 92, ainsi que de la norme européenne Eurocode par l'homologation du rapport d'expertise, et qu'il est en droit de reprendre, dans le cadre de la rétraction de l'arrêt, ses demandes destinées à lui permettre d'obtenir le respect des normes parasismiques et la réparation intégrale de son dommage pour parvenir à une mise en conformité de l'ouvrage, dans le respect des normes applicables.
Il rappelle que l'architecte et la société Bolmont frères ont été définitivement déclarés responsables in solidum de la non-conformité de l'ouvrage aux normes de construction parasismiques sur le fondement de l'article 1147 du code civil, étant chacun responsable à hauteur de 50% dans la réalisation du dommage. Il soutient que le défaut de conformité est sanctionné par les articles 1184 et suivants du code civil, par le rétablissement de la stricte conformité, ce qui oblige le responsable à démolir puis reconstruire l'immeuble, lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, du « seul moyen » d'assurer sa conformité, comme l'a affirmé l'expert judiciaire en page 5 de son rapport, peu important le coût de la solution opératoire, et qu'il ne peut y avoir aucune disproportion de la sanction, s'agissant de la réparation de son entier préjudice. Il sollicite donc la condamnation, par équivalent, de M. [U] et de la MAF à lui payer les sommes correspondant aux travaux de démolition et reconstruction, outre l'indemnisation de son préjudice de jouissance durant les travaux, le tout avec réactualisation compte tenu du temps passé. Il indique qu'aucune condamnation ne peut plus intervenir contre la société Bolmont frères en raison de sa liquidation.
Il prétend en outre avoir subi un préjudice spécifique et distinct lié à la fois à l'obligation de vivre dans une maison techniquement dangereuse, et aussi de l'impossibilité de disposer de son bien librement notamment pour s'assurer un complément de revenus, en louant le studio indépendant, comme il l'avait envisagé, en raison de la connaissance des dangers encourus par les locataires, et encore de l'impossibilité d'effectuer les travaux de surélévation prévus lors du dépôt permis de construire dans le but de créer un autre logement locatif. Il allègue encore qu'il va perdre tous les embellissements qu'il avait financés.
* Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 septembre 2023, M. [U] et la MAF demandent à la cour au visa de l'article 596 du code de procédure civile, de :
- les déclarer recevables et fondés en leur demande tendant à voir constater que M. [N] est forclos ou prescrit en son action en révision,
en conséquence,
- déclarer M. [N] forclos ou prescrit en son action en révision,
subsidiairement et en tout état de cause,
- juger qu'ils n'ont commis aucune fraude de nature a' justifier l'arrêt du 9 octobre 2017, et n'ont produit aucun faux document,
- débouter M. [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre,
- condamner M. [N] a' leur payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner M. [N] a' leur payer une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Ils font valoir qu'aux termes de l'article 596 du code de procédure civile, le délai du recours en révision est de deux mois, et que ce délai court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque.
En l'occurrence, le recours en révision est fondé sur une prétendue fraude que la MAF aurait commise et sur la production d'un faux avis technique.
La MAF conteste tout d'abord avoir commis une quelconque fraude en laissant croire à la cour qu'elle disposait d'un devis de la société Freyssinet, alors que cela n'a jamais été soutenu, la cour ayant parfaitement compris que la solution de réparation de la société Freyssinet avait simplement fait l'objet d'une estimation proposée par le BET EBBM, bureau d'études structures mandaté par la MAF durant les opérations d'expertise, et non d'un devis précis, ainsi que la cour l'a relevé en page 7 de son arrêt.
Ils ajoutent que l'expert a d'ailleurs indiqué, en page 11 de son rapport, qu' « aucune des parties n'a présenté de devis d'entreprises, et, notamment, aucun devis émanant de l'entreprise Freyssinet spécialisée dans ce type de travaux de reprise de structure. La seule évaluation émane effectivement du bureau de l'étude EBBM, mandaté par les défendeurs.». Par ailleurs, ils précisent que la société Freyssinet n'a pas le monopole du confortement des bâtiments, et que d'autres sociétés sont capables de faire les mêmes travaux.
Ils soutiennent en suite que, contrairement à ce qu'avance M. [N], la MAF n'a pas produit de faux avis technique Freyssinet pour faire croire que la solution de cette entreprise était viable, mais qu'au moment des opérations d'expertise et du dépôt du rapport, l'avis technique Freyssinet avait été suspendu par le CSTB, à l'instar de tous les avis techniques pouvant être impactés par l'entrée en vigueur des nouvelles normes Eurocode 8, que la société Freyssinet a obtenu du CSTB un avis 3/14-757*V2 du 1er février 2017, publié le 8 février 2017, et que les documents produits consistent en fait en deux versions identiques du même document. Ils précisent que cet avis technique de 2017 a depuis été remplacé par l'avis technique n°3.3/22-1076 V1 publié le 9 décembre 2022, dont les dispositions sont identiques, et que la solution proposée à l'époque est toujours valable pour réparer la maison de M. [N].
Ils soutiennent qu'il ne ressort d'aucune pièce que la société Freyssinet aurait refusé de réaliser les travaux, comme le prétend M. [N], ce dernier n'ayant pas sollicité de devis de sa part, ni passé commande.
Ils estiment la mise en cause de la probité de l'expert judiciaire injustifiée, M. [M] n'ayant pas eu à connaître du dossier de M. [N] lorsqu'il était administrateur au sein de la MAF, fonction qu'il n'exerçait plus au moment de sa désignation. De plus, la lecture même du rapport de M. [M] témoigne de son objectivité, puisqu'il rappelle, en préambule, qu'une mise en conformité de l'immeuble suppose une démolition/reconstruction, et la solution de réparation proposée a été contrôlée par son sapiteur, M. [E].
Ils considèrent, par voie de conséquence, que la demande de révision est irrecevable car tardive, puisque les avis techniques litigieux avaient été communiqués dans la procédure initiale, et que M. [N] connaissait la position de la société Freyssinet, dès le mois d'avril 2017, puisqu'il ressort des pièces qu'il produit qu'il a eu un entretien téléphonique, à cette date, avec le directeur technique de cette société.
Subsidiairement, ils font valoir que le recours en révision de M. [N] est mal fondé, en l'absence de preuve de l'existence d'une fraude, soulignant que l'article 595 du code de procédure civile énumère limitativement les causes possibles d'un recours en révision.
Ils soutiennent à cet égard, qu'outre le fait que la cause d'ouverture doit s'être révélée après l'expiration du recours suspensif, ce qui n'est pas le cas, la fraude suppose l'existence de man'uvres manifestant la volonté de son auteur de tromper le juge, or, contrairement à ce qu'allègue M. [N], la lecture comparée des pièces 2 et 3 qu'ils produisent, ne prouve pas que la cour aurait été trompée, puisqu'elles sont identiques et que ces documents ne sont pas des faux. Ils précisent en effet, que la pièce n°2 est constituée par une lettre que la commission chargée de formuler des avis techniques a adressée le 24 octobre 2016 à la société Freyssinet, cette commission soulignant que lors de sa réunion du 4 octobre 2016, elle avait émis un avis à caractère favorable sous condition de la prise en compte de certaines remarques. Ils indiquent qu'en annexe de ce courrier était joint l'avis technique projeté dont la société Freyssinet avait été destinataire et portant le cachet de cette société, et que la pièce n°3 était l'avis technique visé pour enregistrement, le 1er février 2017, par M. [S] [J], président de la commission.
Ils ajoutent par ailleurs que cet avis qui a été publié le 8 février 2017 commence par un bref exposé des raisons de la modification de l'avis technique 3/14-757*V1 par ce nouvel avis portant la référence 3/14-757*V2. Ils soulignent que sur les documents produits, les deux articles 19.4 sont exactement identiques, et que le texte prévoit bien le renforcement des chaînages et aussi la création de chaînages dans le cas de maçonnerie non chaînées, puisqu'il est dit que les chaînages manquants peuvent être restitués a posteriori par la mise en place du TFC.
Ils considèrent que l'action en révision de M. [N] qui ne repose sur aucun fondement juridique sérieux, doit être considérée comme abusive, en l'absence d'une fraude manifeste.
* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er août 2023, la CAMBTP demande à la cour de :
- constater l'absence de toute réclamation indemnitaire de M. [N] à son égard et en tirer toutes conséquences que de droit,
- rejeter comme étant irrecevables et subsidiairement infondées les demandes en paiement qui seraient le cas échéant dirigées contre elle, ès qualité d'assureur de la société Bolmont frères,
- prendre acte qu'elle s'en rapporte à prudence de justice sur le recours en révision présenté par M. [N].
en tout état de cause reconventionnellement,
- condamner in solidum tous succombants définitifs à lui verser une indemnité de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Elle soutient qu'il a été irrévocablement jugé qu'elle ne doit aucune garantie ni à M. [N], ni à M. [U] et à son assureur la MAF, de sorte qu'elle n'est dorénavant plus concernée par le sinistre litigieux.
* Le ministère public auquel le dossier a été communiqué le 4 avril 2024, a indiqué s'en rapporter à sagesse. Son avis a été communiqué aux parties constituées le 8 avril 2024.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.
MOTIFS
Sur la recevabilité du recours en révision
L'article 595 du code de procédure civile dispose : « Le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes :
1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;
3. S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
4. S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
Dans tous ces cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée. ».
Selon l'article 596 du code civil, « le délai du recours en révision est de deux mois. Il court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque. ».
Dans la situation présente, M. [N] fonde son recours sur une fraude de M. [U] et de son assureur, la MAF, ayant consisté à induire en erreur la cour d'appel de Nancy par la production de faux documents, et par la référence faite à un 'chiffrage' de la société Freyssinet, en réalité inexistant, cette fraude ayant été favorisée par l'expert judiciaire qui se trouvait en situation de conflit d'intérêt. Il prétend n'avoir eu connaissance de cette fraude que lorsqu'il a voulu mettre en oeuvre la solution réparatoire validée par la cour d'appel de Nancy dans son arrêt du 9 octobre 2017, après rejet du pourvoi en cassation qu'il avait formé contre cet arrêt.
Il convient donc d'examiner les différents éléments invoqués par M. [N] pour caractériser la fraude qu'il impute à M. [U] et à son assureur, afin de rechercher à quelle date il en a eu connaissance.
S'agissant tout d'abord de la prétendue partialité de l'expert qui, d'une part, se serait trouvé en situation de conflit d'intérêt au regard des fonctions qu'il a exercé au sein du conseil d'administration de la MAF en 2010-2012, et d'autre part, d'un défaut de réponse aux termes de sa dernière mission qui spécifiait de déterminer si les travaux de renforcement permettait de garantir la stabilité de la construction, conformément aux méthodes calculées en application de la norme NF P 06-013 (référence DTU Règles PS 92) et aux règles Eurocode, la cour observe que ces griefs ne relèvent d'aucune des causes d'ouverture du recours en révision précitées, mais constituaient, le cas échéant, des motifs d'annulation du rapport d'expertise qui auraient pu être soulevés devant la cour d'appel de Nancy dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 9 octobre 2017, M. [N] ayant pu avoir connaissance, dès la désignation de l'expert, d'un éventuel conflit d'intérêts, les fonctions exercées par M. [M] au sein de la MAF n'étant ni occultes ni dissimulées, M. [N] se prévalant lui-même d'une publication trouvée sur un site internet, et dès le dépôt du rapport d'expertise, d'un éventuel non-respect de sa mission par l'expert.
S'agissant de la prétendue production de fausses pièces, la cour constate que les pièces litigieuses produites par la MAF et M. [U] devant la cour d'appel de Nancy en annexes 2 et 3, qui sont produites par ces parties en annexe 8 et 9 devant cette cour, consistent en :
- pièce 2 : un courrier adressé le 24 octobre 2016 à la société Freyssinet par le rapporteur du groupe spécialisé structures de la commission chargée de formuler des avis techniques, relatif à un avis technique 3/14-757 concernant le procédé FOREVA TFC et TFC H, informant cette société de la décision prise par ce groupe spécialisé, le 4 octobre 2016, d'émettre un avis favorable provisoire, sous certaines réserves, au nombre de 15 précisément listées, à l'avis technique joint en annexe portant la référence 3/14-757*V2 comportant le cachet de la société Freyssinet et la signature de son représentant accompagnée de la date du 27 septembre 2016, ce courrier précisant que le texte de l'avis définitif pourra être validé par le groupe spécialisé dès lors que la société aura répondu aux remarques formulées,
- pièce 3 : l'avis technique référence 3/14-757*V2 comportant un cachet 'vu pour enregistrement' et la date du 1er février 2017, suivie de la signature de M. [S] [J], dont il n'est pas discuté qu'il était à l'époque le président de la commission chargée de formuler des avis techniques.
L'examen comparatif attentif de ces deux avis techniques permet de constater que le second est identique au premier, sauf en ce qu'il intègre les 15 remarques émises par le groupe spécialisé structure, listées dans le courrier du 24 octobre 2016 accompagnant le premier avis, et notamment que l'intitulé initial de l'article 19.4 « Ajout de chaînages sur des murs en maçonnerie non chaînés », a été remplacé dans la seconde version de l'avis par « Renforcement de chaînages sur des murs en maçonnerie non chaînés », conformément à la remarque n° 14 figurant dans le courrier du 24 octobre 2016 du rapporteur du groupe spécialisé structures de la commission chargée de formuler des avis techniques.
Aucune de ces deux pièces ne peut, dans ces conditions, être qualifiée de faux, s'agissant de deux versions successives d'un même avis technique, comportant des indications, notamment de date, différentes sur leur première page, la pièce n°2 étant en outre accompagnée d'un courrier de transmission de la décision de la commission chargée de formuler des avis techniques.
Ces documents n'ont pas non plus été présentés à la cour de manière trompeuse puisque, sur le bordereau joint aux conclusions de M. [U] et de la MAF transmises le 30 mars 2017, ces pièces étaient respectivement intitulées pour la pièce n° 2 : 'Décision de la Commission chargée de formuler des avis techniques en date du 24 octobre 2016, et pour la pièce n° 3 : 'Nouvel avis technique n°3/14-757 V2'.
M. [N] ne peut dès lors soutenir avoir découvert, postérieurement à l'arrêt du 9 octobre 2017, la prétendue fausseté de ces pièces, alors qu'il pouvait parfaitement procéder, dès la procédure initiale, à leur examen comparatif, et en discuter la valeur probante.
S'agissant de la référence faite à un 'chiffrage' de la société Freyssinet inexistant, M. [N] désignant manifestement, sous ce vocable, un calcul de dimensionnement et non une estimation du coût des travaux, force est de constater que si en page 8 de leurs conclusions déposées le 30 mars 2017 devant la cour d'appel de Nancy, M. [U] et la MAF indiquaient 'en conséquence, rien ne s'oppose plus à la mise en oeuvre de la solution de renforcement par TFC chiffrée par FREYSSINET et validée par le sapiteur de l'expert', leurs autres développements dans lesdites conclusions ne visaient aucun 'chiffrage' ou étude technique de ladite société, mais se rapportaient à 'la solution de renforcement étudiée par M. [D]' qui est un salarié du bureau d'études technique EBBM, mandaté par la MAF.
Il n'est par ailleurs pas démontré qu'un 'chiffrage' établi par la société Freyssinet aurait été soumis à la cour d'appel de Nancy qui n'y a pas fait la moindre référence, et qui, après avoir rappelé les conclusions de l'expert judiciaire, s'est fondée sur une estimation validée par ce dernier, résultant d'une étude sommaire établie le 5 janvier 2016.
Or, il ressort du rapport d'expertise, qui a été déposé le 30 mars 2016, et de l'annexe 1 de la MAF, que cette estimation sommaire avait été établie par le bureau d'études technique EBBM, mandaté par cet assureur. L'expert indique par ailleurs, en page 11/22 de son rapport, en réponse à un dire du conseil de M. [N] que : 'aucune de parties n'a présenté de devis d'entreprise, et, notamment, aucun devis émanant de l'entreprise FREYSSINET spécialisée dans ce type de travaux de reprise de structures. La seule évaluation émane effectivement du bureau d'études technique EBBM mandaté par les défendeurs.' L'expert se réfère enfin à des notes de calcul réalisées par ce bureau d'études technique, qui sont versées aux débats, lesquelles ont été analysées par son sapiteur, M. [E], ingénieur structure.
M. [N] ne démontre pas, qu'en dépit d'une formulation maladroite dans les conclusions, ci-dessus rappelée, M. [U] et son assureur se seraient prévalus d'un 'chiffrage Freyssinet', auquel ni l'expert, ni son sapiteur, ni la cour ne font référence. En tout état de cause, et à supposer même qu'une ambiguïté ait pu subsister quand à l'existence d'un tel 'chiffrage', ce point pouvait parfaitement être discuté dans le cadre de la procédure dont était saisie la cour d'appel de Nancy, et M. [N] était en mesure d'en solliciter la production, et ce d'autant plus qu'il avait précisément interrogé à ce sujet un représentant de la société Freysinnet, dès le 3 avril 2017, ainsi que cela ressort de l'échange de courriels produit par M. [U] et la MAF en annexe n°10.
Par voie de conséquence, tous les faits sur lesquels M. [N] se fonde pour caractériser une cause de révision de l'arrêt du 9 octobre 2017 étant connus de lui, dès avant cette décision, il échoue donc à démontrer qu'il n'aurait pas été en mesure de faire valoir les causes qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
Enfin, le fait que l'entreprise mandatée par ses soins ait refusé de réaliser les travaux ne constitue pas, en lui-même, une cause de révision.
Le recours en révision formé par M. [N] doit donc être déclaré irrecevable.
Sur les autres demandes
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, de légèreté blâmable, ou d'erreur grossière équipollente au dol.
M. [U] et son assureur, la MAF, ne caractérisant pas une faute de M. [N] de nature à faire dégénérer en abus le recours en révision qu'il a formé, fut-il irrecevable, leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
M. [N], partie succombante, sera condamné aux dépens qui incluront ceux de la procédure diligentée devant la cour d'appel de Nancy dont l'arrêt a été cassé. Il sera alloué à M. [U] et à la MAF, une somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la CAMBTP une somme de 1 000 euros, M. [N] étant débouté de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par réputé contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile, sur renvoi après cassation,
DECLARE le recours en révision formé par M. [N] contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 9 octobre 2017 irrecevable ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. [U] et la MAF ;
REJETTE la demande de M. [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [W] [N] à payer à M. [U] et à la Mutruelle des architectes français une somme globale de 3 000 euros (trois mille euros) et à la CAMBTP une somme de 1 000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [W] [N] aux dépens de la présente instance, y compris ceux afférents à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy qui a été cassé.