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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 15 octobre 2024, n° 22/00180

CHAMBÉRY

Autre

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Angle du Carreau (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pirat

Conseillers :

Mme Reaidy, M. Sauvage

Avocats :

Me Bessault Madjeri Saint-Andre, Me Bollonjeon, Me Perreau Avocats, Me Milliand Thill Pereira

CA Chambéry n° 22/00180

14 octobre 2024

Faits et procédure :

M. [M] [S] et Mme [O] [W] ont entrepris des travaux de rénovation de leur maison située [Adresse 2] à [Localité 5]. Ils ont notamment confié à M. [P] [F] la réalisation de la chappe à l'étage, moyennant le prix de 1 650 euros TTC. Ils ont par ailleurs confié à la société L'angle du carreau des travaux de pose de plinthes, de pose de carrelage et faïence avec colle, joint et primeur, d'étanchéité douche et chappe, de pose de marches et de fourniture et pose de ragréage, moyennant le prix de 13 507 euros TTC.

A la suite de désordres affectant le carrelage posé à l'étage, une expertise amiable a été réalisée par l'assureur de la société l'Angle du carreau, la société Axa France Iard. Le rapport amiable a été déposé le 25 avril 2018.

Par ordonnance du 15 octobre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Albertville, sur saisine de M. [S] et Mme [W], a ordonné une mesure d'expertise judiciaire des désordres allégués et a commis M. [U] [V] pour y procéder.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 13 août 2020.

Par actes d'huissier des 21 et 27 janvier 2021, M. [S] a assigné M. [F] et la société l'Angle du carreau devant le tribunal judiciaire d'Albertville, notamment aux fins de les condamner à payer diverses sommes, à titre principal sur le fondement de leur garantie décennale et à titre subsidiaire sur le fondement de leur responsabilité contractuelle de droit commun.

Par jugement du 17 décembre 2021, le tribunal judiciaire d'Albertville a :

- Constaté la réception tacite des travaux de réalisation de la chape en septembre 2016 et de ceux de pose du carrelage en février 2017, sans réserve ;

- Déclaré M. [F] et la société l'Angle du carreau responsables in solidum du désordre affectant la chape sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;

- Condamné in solidum M. [F] et la société l'Angle du carreau à payer à M. [S] la somme de 11 698,06 euros toutes taxes comprises au titre de la réparation de ce désordre, avec intérêts légaux à compter de la présente décision ;

- Débouté M. [S] du surplus de ses demandes indemnitaires ;

- Condamné in solidum M. [F] et la société l'Angle du carreau à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Condamné in solidum M. [F] et la société l'Angle du carreau aux dépens, comprenant les frais d'expertise, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au visa principalement des motifs suivants :

Les travaux litigieux portent sur la réalisation d'une chape sur plancher chauffant hydraulique au premier étage, suivie de la pose d'un carrelage collé ;

Il s'agit de travaux de construction sur un ouvrage existant, qui sont assimilés à la construction d'un ouvrage au regard de leur importance et de l'incorporation de matériaux nouveaux à l'ouvrage qu'ils impliquent ;

Le maître de l'ouvrage a pris possession des travaux de mise en 'uvre de la chape en septembre 2016 et de ceux de pose du carrelage en février 2017 et a réglé le solde des travaux dès leur achèvement, de sorte que sa volonté non équivoque permet de constater que la réception tacite est intervenue à ces dates ;

La matérialité du désordre relatif à la chape recouverte de carrelage sur la totalité du premier étage de la maison est établie, ce désordre est apparu postérieurement à la réception, à compter du mois de juin 2017, et qu'il n'était ni apparent ni réservé à la date de la réception ;

Ce désordre, générant une impossibilité d'habiter le premier étage, rend l'ouvrage impropre à sa destination et relève en conséquence de la garantie décennale ;

Le contrôle et, le cas échéant le ponçage de la chape relève de la sphère d'intervention de M. [F], de sorte que le lien de causalité entre son intervention et le dommage est établi ;

La préparation du support accueillant le carrelage appartient à la sphère d'intervention de la société l'Angle du carreau, dès lors, le lien de causalité entre l'intervention de cette société et le dommage est établie.

Par déclaration au greffe du 17 décembre 2021, M. [S] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :

- condamné in solidum M. [F] et la société l'Angle du carreau à payer à M. [S] la somme de 11 698,06 euros toutes taxes comprises au titre de la réparation de ce désordre, avec intérêts légaux à compter de la présente décision ;

- Débouté M. [S] du surplus de ses demandes indemnitaires ;

- Condamné in solidum M. [F] et la société l'Angle du carreau à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 22 mars 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [S] demande à la cour de :

A titre principal,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le désordre invoqué est de nature à engager la responsabilité décennale des locateurs d'ouvrage intervenus dans le cadre des travaux de rénovation ;

- Constater en tout état de cause que M. [F] n'a absolument pas contesté lors des opérations d'expertise le principe de sa responsabilité dans la survenance du désordre de fissuration et délitement des joints du carrelage du sol du 1er étage de sa maison ;

- Déclarer M. [F] et la société L'angle du carreau responsables in solidum du désordre affectant la chape, sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;

- Réformer le jugement prononcé par le Tribunal judiciaire d'Albertville le 17 décembre 2021 en ce qu'il a :

- Condamné in solidum M. [F] et la société l'Angle du carreau à lui payer la somme de 11 698,06 euros TTC au titre de la réparation du désordre, avec intérêts légaux à compter du jugement,

- L'a débouté du surplus de ses demandes indemnitaires ;

Statuant à nouveau,

Sur le quantum des demandes,

- Condamner in solidum M. [F] et la société L'angle du carreau à lui verser la somme de 20 807,84 euros TTC au titre du coût des travaux réparatoires du désordre affectant le carrelage du sol du premier étage de la maison, outre intérêts aux taux légal à compter de l'assignation au fond du 21 janvier 2021 ;

- Si par impossible la Cour ne faisait pas droit à une telle demande, actualiser dans tous les cas les condamnations à réparer les désordres, en jugeant qu'elles seront indexées, pour tenir compte de la variation de l'indice du coût de la construction BT01 applicable à la date du dépôt du rapport de M. [V] du 5 août 2020, date à laquelle le coût des travaux réparatoires a été chiffré, et le jour de l'exécution de la décision à intervenir.

Pour le surplus des demandes,

- Condamner in solidum M. [F] et la société L'angle du carreau à lui verser la somme de 29 250 euros à titre de dommages intérêts au titre de la perte de revenus locatifs pour la période comprise depuis le mois de juillet 2018 jusqu'à l'exécution des travaux de réparation (somme à parfaire) ;

- Subsidiairement, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de dommages intérêts au titre de la perte de revenus locatifs, dire et juger qu'il subit en tout état de cause un préjudice de jouissance de sa maison puisqu'il n'a pu emménager du fait des désordres impactant les pièces de vie ;

- Condamner in solidum M. [F] et la société L'angle du carreau à lui verser au paiement de dommages intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi, soit une indemnité mensuelle de 600 euros/mois à compter du mois d'octobre 2018 jusqu'à l'exécution des travaux de réparation et à tout le moins jusqu'à l'arrêt à intervenir ;

En outre,

- Condamner in solidum M. [F] et la société L'angle du carreau à lui verser la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts au regard de la résistance abusive dont ils ont fait preuve face aux différentes tentatives de règlement amiable du litige ;

- Dire et juger que les condamnations financières porteront intérêts de retard à compter du dépôt du rapport d'expertise judiciaire du 5 août 2020, et ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière ;

Dans tous les cas,

- Condamner in solidum M. [F] et la société L'angle du carreau à lui verser la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance, y compris ceux de référé et de première instance, et incluant frais d'expertise judiciaire ainsi que les frais d'intervention de Mme [G], dont distraction au profit de la SCP Bessault Madjeri Saint-André, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, M. [S] fait valoir notamment que :

La société L'angle du carreau et M. [F] ont tous les deux failli aux obligations qui leur incombent en tant que professionnels du bâtiment ;

L'estimation faite par M. [V] pour ce qui concerne la réfection des pieds de murs placo et la peinture (1 416 euros HT) ne correspond pas à la réalité puisque les professionnels refusent d'intervenir suivant les préconisations de l'expert judiciaire.

Par dernières écritures du 25 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [F] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Retenu sa responsabilité,

- L'a condamné à payer à M. [S] la somme de 11 698,06 euros TTC au titre de la réparation du désordre affectant son carrelage, avec intérêts légaux à compter du jugement ;

Statuant de nouveau,

- Juger que la société L'angle du carreau est seule responsable des désordres allégués par M. [S] ;

- Condamner la société L'angle du carreau à payer à M. [S] l'ensemble de ses préjudices,

- Le mettre purement et simplement hors de cause ;

En tout état de cause,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] du surplus de ses demandes indemnitaires ;

- Condamner tout succombant à lui verser à une somme de 3 000 euros, outre les entiers dépens qui pourront être recouvrés pour ceux d'appel par la société Bollonjeon, avocat associé, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, M. [F] fait valoir notamment que :

Il appartient à l'entrepreneur de refuser la réalisation de son ouvrage dès lors qu'il constate une non-conformité quant aux règles de l'art affectant le support ;

La société L'angle du carreau, intervenue postérieurement aux travaux qu'il a exécutés pour réaliser le carrelage, a accepté le support en l'état, pour y réaliser ses propres travaux ;

L'indemnisation des préjudices de M. [S] doit le remettre dans la situation qui était la sienne avant la survenance des désordres, sans qu'il puisse en tirer profit au détriment des constructeurs.

Par dernières écritures du 9 juin 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société L'angle du carreau demande à la cour de :

- Infirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions ;

Et statuant de nouveau,

- Constater que les désordres allégués incombent exclusivement au défaut de ponçage de la chape réalisée par M. [F] ;

- Dire et juger que M. [F] est seul responsable des désordres allégués et des préjudices subis ;

- La mettre hors de cause ;

- Débouter en conséquence M. [S] de l'intégralité des demandes formulées à son encontre ;

- Condamner M. [S] ou toute personne qui succombera, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- Confirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

- Débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes.

Au soutien de ses prétentions, la société L'angle du carreau fait valoir notamment que :

Si elle est un professionnel du bâtiment, elle n'est pas spécialisée dans les chapes ;

Le carreleur ne peut effectuer ses travaux que sur la base des informations données par le chapiste mais qu'il ne lui appartient nullement de vérifier la véracité des informations données, elle a donc réalisé la pose du carrelage conformément aux règles de l'art pour une pose sur une chape ne nécessitant pas de ponçage ;

L'absence de ponçage par la société est directement lié à la faute commise par M. [F] ;

L'augmentation du coût des prestations ne peut à elle seule fonder une demande de révision d'une décision de première instance ;

Le désordre est évolutif mais il n'a jamais été indiqué qu'il était impossible d'occuper le bien dans l'attente des travaux de réfection, dès lors, M. [S] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice locatif.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 25 mars 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 28 mai 2024.

MOTIFS ET DECISION

I- Sur la garantie décennale due à M. [S]

L'article 1792 du code civil dispose : 'Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.'

L'article 1792-6 du même code prévoit que 'La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.'

La réception est donc l'acte par lequel le maître d'ouvrage déclare accepter les travaux réalisés par les locateurs d'ouvrage, et constitue le point de départ de la garantie décennale, qui institue responsables des désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination les constructeurs, tout entrepreneur ou maître d'oeuvre intervenu dans la construction.

C'est à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive et exempte d'insuffisance que le premier juge a retenu :

- que les travaux de rénovation litigieux, portant sur tous les sols du premier étage, constituent des travaux de construction, au sens de l'article 1792 du code civil,

- qu'en l'absence d'observations et de critiques formulées par le maître d'ouvrage, les travaux de M. [F], chapiste et de la société l'Angle du carreau, qui ont été intégralement payés, doivent être considérés comme ayant été réceptionnés sans réserves,

- que la mise en oeuvre de la responsabilité décennale suppose l'existence d'un lien d'imputabilité entre le dommage constaté et l'activité des personnes réputées constructeurs,

- que le désordre, qui s'est manifesté, selon l'expert judiciaire désigné, M. [V], par 'un défaut d'adhérence du carrelage à la chape, l'apparition de fissures miscroscopiques, le délitement des joints', a conduit à une décollement quasi généralisé du carrelage du 1er étage, et rend l'ouvrage impropre à sa destination, au regard des risques pour la sécurité des personnes résultant de ce soulèvement généralisé du revêtement de sol,

- que le dommage, relevant de la garantie décennale, est imputable au chapiste, M. [F] et au carreleur, la société l'Angle du carreau, sans qu'il soit besoin, au visa de l'article 1792, de démontrer une ou plusieurs fautes d'un des deux constructeurs, ceux-ci ne pouvant s'exonérer de leur responsabilité qu'en démontrant une cause étrangère, ce qu'ils n'invoquent pas dans la présente instance.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité in solidum de M. [F] et de la société l'Angle du carreau au titre des désordres de nature décennale survenus sur le revêtement de sol du 1er étage du bien de M. [S].

II- Sur les appels en garantie

Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, M. [F] et la société l'Angle du carreau, tous deux intervenus dans la réalisation du revêtement de sol de type carrelage du 1er étage, doivent, en qualité de constructeurs, garantie des désordres de nature décennale survenus après leurs interventions, dès lors qu'un lien d'imputabilité, qui n'est pas une faute, est établi.

Ceci n'exclut pas que le constructeur qui n'est pas à l'origine du désordre et n'a pas commis de faute puisse solliciter que le constructeur fautif le garantisse, à raison, justement de la faute commise.

Il ressort de l'expertise judiciaire de M. [V] que 'l'absence de ponçage manifestement à l'origine du sinistre, n'est pas contestée par M. [F]. En effet, cette opération de ponçage aurait permis de supprimer la pellicule de surface formée par la laitance de la chape et ainsi, d'augmenter l'adhérence du futur revêtement.'

L'expertise amiable de Mme [G] estime quant à elle les responsabilités partagées entre M. [F] et le carreleur, retenant que ce dernier a mis en oeuvre le carrelage sur un support non préparé.

Toutefois, dans la mesure où la chape mise en oeuvre, dite anhydrite fluide Knopp, ne nécessitait pas de ponçage, il doit être retenu que c'est le non-respect du DTU 65.8, retenu par l'expert amiable Etica pour AXA France, qui est à l'origine du désordre. Ainsi :'pour un plancher chauffant hydraulique, le DTU 65.8 préconise après coulage de la chape et avant pose du carrelage un protocole de mise en chauffe progressive pour accélérer l'évaporation totale de l'eau de cette chape', or, M. [F] n'est intervenu qu'à une seule reprise pour couler la chape et n'a pas respecté le protocole de mise en chauffe pour évacuer l'eau du support destiné à recevoir le carrelage.

Toutefois, en l'espèce, ni la société l'Angle du carreau, ni M. [P] [F] ne sollicitent d'être garantis, se contentant de solliciter que seul l'autre constructeur soit condamné, alors que l'action du maître d'ouvrage ne repose pas sur le fondement de la responsabilité contractuelle, mais sur la garantie décennale de l'article 1792 du code civil.

En conséquence, les demandes des deux intimés tendant à obtenir leur mise hors de cause et la condamnation de la seule autre partie intimée seront rejetées, l'article 1792 du code civil permettant la condamnation in solidum de tous les locateurs d'ouvrage intervenus dans la construction de l'ouvrage concerné.

III- Sur la réparation des dommages

L'expert judiciaire M. [V] a estimé le coût des travaux de reprise, incluant la démolition du carrelage existant, ainsi que des plinthes, pose et fourniture d'un nouveau carrelage et plinthes, à 10 634,60 euros HT, soit 11 698,06 euros TTC.

M. [S] fournit un devis actualisé, de la société Louis Sasso, de 9 288 euros, comprenant la dépose, pose d'un nouveau carrelage, mais n'incluant pas la fourniture du carrelage, laquelle peut être évaluée entre 10 et 80 euros par M², de sorte que la somme retenue par le premier juge, qui permet l'acquisition d'un carrelage de 25 m², est adaptée.

Parmi les experts intervenus dans le dossier, seule Mme [G] a estimé nécessaire la reprise des peintures des murs compte tenu de l'enlèvement des plinthes. Pour autant, il est envisageable, ainsi que l'a retenu M. [V], de mettre en place des plinthes plus hautes que celles initialement posées, afin de masquer les marques subsistantes.

Au regard du devis actualisé qui a été produit aux débats, l'indexation sur l'indice du coût de la construction ne paraît pas utile, les prix apparaissant sensiblement les mêmes par rapport au devis retenu par M. [V]. En revanche, il convient de faire droit à la demande de la capitalisation des intérêts qui seront dus à compter du jugement de première instance.

M. [S] démontre en cause d'appel qu'il est propriétaire de l'appartement F3 situé [Adresse 1] à [Localité 5] qu'il habitait lors du sinistre, de sorte qu'il peut prétendre à obtenir indemnisation d'une partie des loyers qu'il aurait pu percevoir de la location de son bien s'il avait pu, comme prévu, emménager dans les délais dans la maison [Adresse 2] à [Localité 5], ce qui n'a pas été possible en raison des désordres survenus.

La valeur locative a été évaluée à 680 euros par mois en 2020 par l'agence Immo liaison, et la période de perte de jouissance s'étend du mois de juillet 2018 (date du rapport d'expertise Etica et point de départ de la demande M. [S]) au mois de décembre 2021, date du jugement de première instance permettant de percevoir les fonds nécessaires à la réalisation des travaux. Compte tenu du fait que seul le premier étage de la maison était inutilisable, que l'emménagement au rez-de-chaussée habitable pouvait parfaitement avoir lieu, et du fait qu'il n'existe qu'une perte de chance de percevoir des revenus locatifs, le préjudice de M. [S] sera évalué à hauteur de 9 000 euros.

IV- Sur la résistance abusive

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute de qui il est arrivé, à le réparer.

Il appartient à M. [S] de démontrer une faute des parties intimées justifiant la réparation d'un préjudice qui soit distinct des frais engagés pour introduire l'action en justice et obtenir réparation. En effet, le préjudice lié à l'engagement d'un avocat et l'avance des frais de procédure est indemnisé par l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et par la mise à la charge de la partie défaillante des dépens.

L'indemnisation d'une résistance abusive suppose que soit démontré un abus de droit, une volonté de nuire, pouvant consister en des promesses d'indemnisation non tenues par exemple. En l'espèce, le caractère abusif de la résistance de M. [F] et de la société l'Angle du carreau n'est pas démontré, de sorte que le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

V- Sur les demandes accessoires

Les parties intimées, qui succombent au fond, supporteront les dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'une indemnité procédurale qu'il convient de fixer à 3 000 euros. En dernier lieu, les frais d'expertise judiciaire ont déjà été inclus dans les dépens de première instance, partie de la décision qui sera confirmée, et les frais d'expertise amiable de Mme [G], qui n'a pas été désignée judiciairement, rentrent dans l'indemnisation au titre des frais irrépétibles et ne peuvent être inclus dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le rejet des demandes indemnitaires de M. [S] sur le fondement du trouble de jouissance,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne in solidum M. [P] [F] et la société l'Angle du carreau à payer à M. [M] [S] la somme de 9 000 euros en réparation de son trouble de jouissance,

Dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts, quand ils seront dus pour une année entière, en application de l'article 1343-2 du code civil, à compter du 25 avril 2022,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [P] [F] et la société l'Angle du carreau aux dépens de l'instance d'appel, avec distraction au profit de la SCP Bessault Madjeri Saint-André,

Condamne in solidum M. [P] [F] et la société l'Angle du carreau à payer à M. [M] [S] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.