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Décisions

CA Riom, 1re ch., 15 octobre 2024, n° 23/01732

RIOM

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Watt Crète Solar (SARL)

Défendeur :

Axa France Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Valleix

Conseillers :

M. Acquarone, Mme Bedos

Avocats :

Me Southon, Me Peltier

TJ Clermont-Ferrand, du 19 oct. 2023, n°…

19 octobre 2023

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Courant 2011, la SARL Watt Crête Solar a entrepris l'édification, sur le territoire de la commune de [Localité 3] (Puy-de-Dôme), lieux-dits « [Adresse 6] » et « [Adresse 5] », de deux hangars, destinés, l'un à abriter du fourrage pour animaux, l'autre au stockage de matériel agricole.

La société Batim a réalisé les travaux de construction de la structure des bâtiments.

La SARL Watt Crête Solar a par ailleurs confié à la société Enerjit, assurée au titre de la responsabilité décennale et de la responsabilité civile professionnelle auprès de la SA Axa France Iard, des travaux d'installation, sur chaque hangar, d'une couverture constituée par un bardage en bacs acier avec des rails supportant 210 panneaux photovoltaïques, ce dans la perspective de la production d'énergie solaire pour revente à EDF.

Les travaux exécutés par la société Enerjit, pour un montant total 398 746,40 euros TTC, selon factures pro forma n°PFE1-028 et n°PFE1-029 du 14 octobre 2011, ont été réceptionnés et entièrement réglés.

Les deux bâtiments sont loués par la SARL Watt Crête Solar à l'Earl Petoton.

La société Watt Crête Solar a conclu un contrat de « maintenance et de garantie de performance » pour une durée de 20 ans avec la société Enerjit . Celle-ci a cessé son activité en septembre 2016 et a été radiée le 16 juin 2017.

Aux termes de deux rapports en date du 22 août 2019, la société Survolt, qui a succédé à la société Enerjit pour le suivi de la production des panneaux photovoltaïques, a relevé des défauts de production sur les deux sites ainsi qu'une perte de production entre le rendement garanti et le rendement réel, de 30% pour le site « [Adresse 5] » et de 20 % pour le site « Route du Puy-de-Dôme », et fait état de défauts générant un risque de dommages susceptibles de déclencher un incendie. L'existence de ce risque a été confirmée par un technicien de la société Survolt le 17 septembre 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 décembre 2019, la société Watt Crête Solar, par l'intermédiaire de son assureur multirisques Axa, a déclaré ce sinistre à la SA Axa France Iard en sa qualité d'assureur décennal de la société installatrice Enerjit.

Après l'organisation d'une expertise amiable diligentée par la société Axa France Iard, celle-ci a indiqué par courriel du 26 mars 2020, d'une part que la garantie décennale ne pouvait être mobilisée dans la mesure où l'installation défectueuse constituait selon elle un équipement à vocation professionnelle, d'autre part que la garantie civile professionnelle ne pouvait davantage couvrir le sinistre, s'agissant de dommages aux travaux, précisant encore que seules des investigations complémentaires, qu'il ne lui appartenait pas de mener, permettraient de relever d'éventuels points chauds ou d'éventuelles fuites ou défauts de production.

La sociétéWatt Crête Solar a mandaté la société Copergreen pour procéder à un audit qui a confirmé la présence d'une trentaine de points chauds sur les modules, un échauffement de la quasi-totalité des boîtes de jonction des modules et l'existence d'un déficit de production. Ces éléments ont été communiqués par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 décembre 2020 à la compagnie Axa France Iard qui n'a pas réagi.

La société Watt Crête Solar a obtenu, par ordonnance de référé en date du 19 janvier 2021 rendue par la présidente du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire. M. [W], désigné en remplacement de l'expert initialement nommé, a déposé son rapport définitif le 12 avril 2023.

Sur requête présentée le 7 juin 2023, la présidente du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a autorisé la société Watt Crête Solar à assigner à jour fixe la société Axa France Iard à l'audience du 29 juin 2023.

Par jugement du 19 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a statué en ces termes :

- Rejette la demande formée par la SARL Watt Crête Solar au titre du préjudice matériel ;

- Rejette la demande formée par la SARL Watt Crête Solar au titre de la perte de production ;

- Condamne la SARL Watt Crête Solar aux dépens ;

- Rejette la demande formée par la SARL Watt Crête Solar au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette la demande formée par la SA Axa France Iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Watt Crête Solar a interjeté appel du jugement par déclaration électronique en date du 13 novembre 2023.

Vu les conclusions de la SARL Watt Crête Solar en date du 22 avril 2024 ;

Vu les conclusions de la SA Axa France Iard en date du 15 mai 2024 ;

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera rappelé en premier lieu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu'elle n'a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.

- Sur les constatations et conclusions de l'expert judiciaire :

L'expert judiciaire a constaté sur les deux sites la déformation de nombreux boîtiers de raccordement électrique des panneaux solaires en plastique sous l'effet de la chaleur, précisant qu'ils commençaient à fondre, et un début d'échauffement sur un module. Il précise que ces désordres, dus à un défaut de fabrication des panneaux de marque Auversun, sont évolutifs.

Considérant l'existence d'un risque très important d'incendie, provoqué par la montée en température des boîtiers de raccordement, l'expert a préconisé, lors de la réunion d'expertise du 26 juillet 2022, l'arrêt immédiat de la production solaire.

S'agissant de la technique de montage des panneaux solaires, l'expert indique que les modules sont installés sur des rails fixés sur une structure de bacs acier qui assurent l'étanchéité du bâtiment. Rappelant les conditions que doit remplir une installation pour être considérée comme « intégrée au bâti », au regard de l'arrêté du 4 mars 2011 définissant le tarif d'achat de l'électricité, il explique qu'en l'occurrence le système de montage utilisé « est du surimposé » (sic). Il souligne que les panneaux solaires n'assurent pas l'étanchéité des bâtiments, exposant qu'après leur démontage, l'étanchéité du bâtiment est toujours assurée.

S'agissant des travaux permettant de remédier à la situation, l'expert se prononce en faveur du remplacement des panneaux photovoltaïques sur les deux sites, sans remplacement des bacs acier, fixés par des tirefonds, précisant qu'il sera nécessaire de prévoir une « prestation d'étanchéité de la toiture », à savoir une « couventine avec apposition d'une étanchéité en sous-face pour pallier aux troubles existants lors du montage des nouveaux panneaux sur rails », dès lors que les rails doivent être supprimés.

- Sur la garantie décennale :

L'article 1792 du code civil dispose :

« Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »

Aux termes de l'article 1792-2 du même code :

« La présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. »

Selon l'article 1792-7 du code civil, « Ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage. »

Les parties sont en l'espèce opposées notamment sur la qualification des travaux exécutés par la société Enerjit, constitutifs d'un ouvrage selon la SARL Watt Crête Solar, et correspondant à l'installation d'un élément d'équipement dissociable de la structure selon la SA Axa France Iard, qui se prévaut sur ce point des conclusions de l'expert judiciaire. Elle fait valoir que celui-ci a clairement indiqué que le montage des panneaux photovoltaïques était en « surimposition », et non en « intégration au bâti ». La société Axa France Iard soutient en outre que même si l'installation devait être regardée comme un équipement indissociable, la garantie décennale devrait être écartée en application de l'article 1792-7 du code civil, alors que la fonction exclusive de l'installation est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage par la SARL Watt Crête Solar.

Il convient de préciser qu'au cours des opérations d'expertise, la discussion s'est cristallisée, au-delà de la constatation des désordres, dont la réalité n'était pas contestée, sur la technique utilisée pour l'installation des panneaux photovoltaïques à savoir un système « en surimposition » ou « en intégration au bâti ». Pour considérer que l'installation en cause n'était pas un système « intégré au bâti », l'expert s'est référé aux normes administratives fixées par l'arrêté du 4 mars 2011 permettant de bénéficier des tarifs majorés d'EDF.

Or, la SARL Watt Crête Solar justifie par la production de nombreuses pièces que les deux centrales photovoltaïques, compte tenu de la « date de la demande complète de contrat », soit le 31 décembre 2009, sont soumises à cet égard à l'arrêté du 10 juillet 2006, qui prévoit, pour qualifier l'installation mise en 'uvre, des critères techniques différents de ceux énoncés par l'arrêté du 4 mars 2011. Elle démontre encore que le contrat d'achat d'énergie a été conclu avec EDF sur la base des caractéristiques d'une installation intégrée au bâti. Il apparaît ainsi que les conclusions de l'expert judiciaire sur ce point sont fragilisées.

En toute hypothèse, la qualification par le juge des travaux exécutés, au regard des exigences résultant des articles 1792 et suivants du code civil, n'est pas déterminée par les critères résultant des normes administratives relatives aux conditions d'accès à certains tarifs, normes au demeurant évolutives comme cela résulte des développements précédents, mais repose sur une appréciation de la nature de l'opération réalisée en fonction de toutes les spécificités techniques du dossier.

L'appelante communique en l'occurrence plusieurs éléments permettant d'appréhender précisément le type de travaux exécutés par la société Enerjit, étant précisé que celle-ci a été chargée seule de l'ensemble des travaux de couverture, comprenant l'installation photovoltaïque.

Il résulte ainsi des factures pro forma émises le 14 octobre 2011 par la société Enerjit et du récapitulatif du bon de commande, que le contrat conclu avec cette dernière, qui prévoyait dans les conditions générales l'application de la garantie décennale, comprenait la fourniture et la pose, après étude préalable de la solidité de la charpente par un bureau d'études, d'un système complet de panneaux photovoltaïques de marque Auversun et d'onduleurs de marque SMA STP et d'un système d'étanchéité toiture « intégrée au bâti » (bacs anti-condensation, rails de supportage).

L'appelante verse aux débats une « attestation d'intégration au bâti », émanant de M. [L] [Y], gérant de la société JIT Solaire, aux termes de laquelle celui-ci explique que « cette installation présente les caractéristiques techniques nécessaires pour la qualification 'd'intégration au bâti' », conformément aux normes en vigueur régissant les installations de ce type ». Un document, annexé à cette attestation, détaille le système JIT Solaire, à savoir un ensemble spécifiquement conçu pour recevoir des panneaux photovoltaïques, composé de bacs et rails assemblés en atelier, qui ne peuvent être utilisés pour une autre application, de sorte que, en cas de démontage des panneaux, le système de fixation des bacs doit être retiré, ceux-ci n'ayant plus aucune tenue sur la toiture et l'étanchéité n'étant plus assurée. Il est précisé encore, schémas à l'appui, que « L'intégrité de la toiture disparaît avec le démontage des panneaux. L'équipement d'électricité photovoltaïque assure donc une fonction technique et participe à la tenue mécanique de la toiture ». Cette attestation a été communiquée à l'expert, qui, à juste titre, a observé qu'il n'était pas possible de déterminer si ce document concernait les installations de la SARL Watt Crête Solar.

Celle-ci produit cependant devant la cour une attestation en date du 17 décembre 2022 de M. [G] [U], qui était gérant de la SARL Enerjit au moment de l'installation des centrales photovoltaïques litigieuses. Celui-ci confirme que la société Enerjit a vendu à la SARL Watt Crête Solar les installations complètes et leur montage, qu'elle a utilisé sur les centrales le système décrit dans l'attestation de M. [Y], système alors reconnu comme « intégré au bâti », et qui explique en outre que, « en cas de retrait des panneaux, des rails et des vis, l'étanchéité de la toiture n'est plus assurée ».

Il est effectivement établi par les éléments recueillis dans le cadre des opérations d'expertise que toutes les vis de fixation des rails, qui supportent les cellules solaires, traversent le bac acier et la charpente métallique, de sorte que la dépose des panneaux nécessite de procéder à l'enlèvement des tirefonds qui traversent l'ensemble de la structure y compris la charpente métallique.

La société Watt Crête Solar produit sur ce point un procès-verbal établi par la société de commissaires de justice CM Justitia, le 6 décembre 2023, dont il ressort qu'après dépose des panneaux photovoltaïques et de leurs rails, les tôles des bacs acier ne sont plus fixées et se soulèvent et que des trous sont visibles dans les tôles à la place des fixations qui maintenaient les panneaux photovoltaïques. Le remplacement des panneaux photovoltaïques sans remplacement des bacs acier nécessite d'ailleurs, selon l'expert lui-même, de prévoir la pose d'une « couventine avec apposition d'une étanchéité en sous-face pour pallier aux troubles existants lors du montage des nouveaux panneaux sur rails ».

Il ressort de ces éléments que, pour chaque hangar, les bacs acier, les rails et les panneaux photovoltaïques procèdent d'une conception globale spécifique et sont les éléments constitutifs d'un ensemble constituant lui-même la couverture du bâtiment.

En considération de ces explications, qui reposent tant sur les pièces communiquées que sur les constatations de l'expert judiciaire, dont les conclusions quant à la technique de pose ne lient pas la cour s'agissant de la qualification juridique des travaux, il apparaît que la société Watt Crête Solar, chargée de la totalité des travaux de couverture des bâtiments, intégrant des matériaux assemblés spécifiquement dans la perspective d'une part de permettre la production d'électricité, d'autre part d'assurer une fonction de clos, de couvert et d'étanchéité du bâtiment, a procédé à une opération qui, appréciée dans sa globalité, s'analyse comme l'exécution d'un ouvrage, au sens de l'article 1792 du code civil, les panneaux photovoltaïques participant de la réalisation de cet ouvrage de couverture.

Il résulte par ailleurs des investigations menées par l'expert judiciaire que les désordres détectés sur les panneaux photovoltaïques, éléments constitutifs des ouvrages de couverture, engendrent un risque avéré d'incendie des couvertures, et du bâtiment qu'elles sont destinées à protéger, de sorte que les ouvrages réalisés sont nécessairement impropres à leur destination.

Il convient en conséquence de retenir que la société Axa France Iard doit sa garantie au titre de la responsabilité décennale de l'entreprise Enerjit, en application de l'article 1792 du code civil, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'argumentation développée par l'intimée quant à l'application des dispositions de l'article 1792-7 du code civil.

- Sur la réparation des préjudices :

- Sur le préjudice matériel :

S'agissant des travaux permettant de remédier à la situation, l'expert se prononce en faveur du remplacement des panneaux photovoltaïques sur les deux sites, sans remplacement des bacs acier, précisant qu'il sera nécessaire de prévoir une « prestation d'étanchéité de la toiture », à savoir une « couventine avec apposition d'une étanchéité en sous-face pour pallier aux troubles existants lors du montage des nouveaux panneaux sur rails » (sic), dès lors que les rails doivent être supprimés.

L'expert a retenu pour le chiffrage des travaux le devis de l'entreprise Solartec, produit par l'assureur Axa France Iard, d'un montant de 37 359 euros HT par site, soit 74 718 euros HT au total pour les deux sites.

Toutefois, ainsi que le fait observer la SARL Watt Crête Solar, la réalisation des travaux sur la base des prestations proposées par ce devis ne permet pas de réparer entièrement le préjudice subi en replaçant l'appelante dans une situation identique à celle qui aurait été la sienne en l'absence de désordres, alors que :

- D'une part le devis Solartec prévoit une installation avec une puissance de 35 640 Wc par site, quand celle des cellules actuellement installées est de 42 000 Wc par site (210 modules de 200 Wc) :

Cette perte de puissance de 6 360 Wc par site et de 12 720 Wc au total pour les deux sites, soit environ 15 % par rapport à la puissance installée depuis 2011, est susceptible d'engendrer un manque à gagner lors de la revente d'électricité, la capacité de production étant réduite, étant observé que l'argumentation développée par la société Axa quant au fait qu'avec une puissance de 42 Wc, la production serait trop importante et provoquerait un échauffement des onduleurs, qui ne seraient pas en mesure d'absorber le surplus de production, repose uniquement sur ses affirmations et n'est étayée par aucune source technique.

Par ailleurs, il est justifié par le courrier en date du 16 novembre 2023 du service EDF Obligations d'Achat (OA) que la poursuite des contrats d'achat d'électricité ne sera possible que si la puissance modifiée de la nouvelle installation n'est pas supérieure ou inférieure de plus de 10 % par rapport à la puissance de l'installation initiale.

- D'autre part le devis Solartec ne prend pas en considération la question de l'étanchéité de la couverture. En effet, dans la mesure où les anciens panneaux ne sont plus fabriqués, il sera nécessaire, selon l'expert lui-même, en l'absence de remplacement des bacs acier, de prévoir une couventine avec apposition d'une étanchéité en sous-face, dès lors que le montage sur les rails des nouveaux panneaux, plus grands, laissera subsister des trous. Or, cette prestation n'est pas prévue dans le devis Solartec, contrairement à ce que soutient la société Axa.

Il apparaît à la lumière de ces explications que, nonobstant les conclusions de l'expert judiciaire, la seule solution réparatoire parmi celles qui sont proposées permettant de replacer la SARL Watt Crête Solar dans une situation identique à celle qui était la sienne antérieurement aux désordres, repose sur la remise en état de l'installation dans une configuration similaire à celle qui avait été mise en 'uvre, à savoir un système de panneaux avec étanchéité toiture et bacs acier. Les devis établis par la société Survlot, pour la fourniture et la pose des panneaux, et de la société Thiveyrat, pour le remplacement des bacs acier, seront dès lors retenus.

En conséquence, la société Axa France Iard sera condamnée, sur la base des devis émanant de la société Survolt et de la société Thiveyrat, à payer à la SARL Watt Crête Solar au titre de la réparation de son préjudice matériel la somme totale de 160 678,90 euros, correspondant aux prestations relatives au remplacement complet des modules photovoltaïques, étant observé que la somme réclamée est inférieure de 3000 euros au montant total des devis communiqués mais qu'il n'appartient pas à la cour d'accorder plus que ce qui est réclamé. Cette somme sera indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction avec pour indice de référence celui publié en dernier lieu à la date de dépôt du rapport de l'expert judiciaire.

- Sur le préjudice immatériel :

La SARL Watt Crête Solar sollicite l'indemnisation du préjudice financier résultant de l'arrêt de l'installation préconisé par l'expert judiciaire en raison du risque d'incendie, et constitué par une perte de production.

L'expert a évalué la perte de production, du 26 juillet 2022 aux six premiers mois de l'année, à la somme totale de 46 620,95 euros. La SARL Watt Crête Solar justifie cependant par les pièces communiquées que l'expert a réalisé des calculs à partir d'éléments erronés, s'agissant des tarifs applicables.

Il convient dès lors de prendre en considération les calculs proposés par la SARL Watt Crête Solar, récapitulés en page 19 de ses écritures et dont l'exactitude n'est pas discutée par la société Axa, effectués à partir des tarifs applicables pour les périodes considérées.

La société Axa sera en conséquence condamnée à payer à la SARL Watt Crête Solar la somme totale de 52 888,72 euros au titre de la perte de production pour la période du 26 juillet 2022 au 30 juin 2023.

En outre, elle sera condamnée sur les mêmes bases à payer à la société Watt Crête Solar au titre de la perte de production la somme mensuelle de 2512,48 euros pour le site « Pré de Louche » et la somme mensuelle de 2563,92 euros pour le site « Route du Puy-de-Dôme » pour la période courant du 1er juillet 2023 à la date d'achèvement des travaux permettant la remise en service de l'installation et au plus tard à une date fixée à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt, étant précisé que les travaux d'installation initiaux ont duré trois mois.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera infirmé sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Axa France Iard sera condamnée aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire. Il convient de préciser que les dépens de l'instance de référé ne peuvent être mis à la charge de l'intimée, ainsi que cela est demandé par l'appelante, alors que l'ordonnance de référé du 19 janvier 2021, dont il n'a pas été relevé appel, a statué sur ce point.

La SA Axa France Iard sera condamnée aux dépens d'appel.

Eu égard à la complexité et à la durée de la procédure, ayant nécessité de la part de la SARL Watt Crête Solar des investigations techniques, outre une participation active aux opérations d'expertise (transmission de nombreux dires, location d'une nacelle télescopique à plusieurs reprises), la SA Axa France Iard sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 12'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement excepté en ce qu'il a rejeté la demande formée par la SA Axa France Iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

- Condamne la SA Axa France Iard à payer et porter à la SARL Watt Crête Solar la somme de 160 678,90 euros en réparation de son préjudice matériel, cette somme étant indexée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre la date de dépôt du rapport d'expertise, soit le 12 avril 2023, (dernier indice connu à cette date) et le jour où la présente décision sera devenue définitive ;

- Condamne la SA Axa France Iard à payer et porter à la SARL Watt Crête Solar la somme de 52 888,72 euros en réparation du préjudice résultant de la perte totale de production du 26 juillet 2022 au 30 juin 2023 ;

- Condamne la SA Axa France Iard à payer et porter à la SARL Watt Crête Solar, en réparation du préjudice résultant de la perte totale de production à partir du 1er juillet 2023, les sommes suivantes :

- la somme mensuelle de 2512,48 euros pour le site « Pré de Louche »,

- la somme mensuelle de 2563,92 euros pour le site « [Adresse 6]»,

- Dit que ces sommes seront dues mensuellement pour la période limitée courant du 1er juillet 2023 à la date d'achèvement des travaux permettant la remise en service des installations et au plus tard à une date fixée à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt ;

- Déboute la SA Axa France Iard de toutes ses demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

- Condamne la SA Axa France Iard aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel ;

- Condamne la SA Axa France Iard à payer à la SARL Watt Crête Solar la somme de 12'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins tant de la procédure de première instance que de la procédure devant la cour d'appel.