CA Lyon, 6e ch., 10 octobre 2024, n° 24/04052
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Syndicat des Copropriétaires de l'Ensemble Immobilier (Sté)
Défendeur :
Eiffage Construction Rhône Loire (SAS), Fondasol (Sté), Msig Insurance Europe (Sté), Sud Architectes (Sté), Mma Iard Assurances Mutuelles (Sté), Mma Iard (Sté), Albingia (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Doat
Conseillers :
Mme Allais, Mme Robin
Avocats :
Me Laffly, Me Descollonge, Me Baufume, Me Daumin, Me Pochon, Me Carriere, Me Descout, Me Bessy, Me Bock
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
La SCI [Adresse 6] a fait construire et vendu en l'état de futur achèvement un ensemble immobilier '[17]' composé de trois immeubles A, B, C, situés à [Localité 16] comprenant 42 logements, élevés sur un sous-sol commun aux trois immeubles à usage de parking.
La société a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux à la société Sud Architecte et les travaux de construction à la société Eiffage Construction Rhône Loire, suivant marché en date du 11 septembre 2017.
En cours de travaux, elle a constaté d'importantes infiltrations d'eau dans les sous-sols des bâtiments A et B et, le 26 avril 2019, elle a procédé à une déclaration de sinistre auprès de sa compagnie d'assurances Albingia.
Une seconde déclaration de sinistre a été effectuée le 25 juin 2019 en raison de l'apparition de fissures en sous-sol.
Un procès-verbal de réception des travaux des parties communes avec réserves a été dressé le 22 juillet 2019, mentionnant qu'il n'intégrait pas le sous-sol.
Un procès-verbal de livraison des parties communes a été dressé à la même date, mentionnant qu'il n'intégrait pas le sous-sol dont seulement une mise à disposition était réalisée le 22 juillet 2019, car il existait une problématique de présence anormale d'eau dans le sous-sol.
A la demande de la SCI [Adresse 6], le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a désigné M. [R] [F] en qualité d'expert, par ordonnance en date du 22 juillet 2019.
L'expertise est toujours en cours.
Par actes d'huissier en date des 10, 11 et 12 août 2020, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble et certains copropriétaires ont fait assigner notamment les sociétés [Adresse 6], son assureur Albingia, Eiffage Construction Rhône Loire, Fondasol, Sud Architectes, Socotec construction, Société d'études et de construction d'ouvrages en béton armé et Siaf Ingenierie devant le tribunal judiciaire de Lyon, pour s'entendre condamner celles-ci, in solidum, à leur verser diverses sommes en réparation de leurs préjudices résultant des désordres et du retard de livraison de l'ouvrage.
Par jugement en date du 28 mars 2024, le tribunal de commerce d'Aix en Provence a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société civile immobilière [Adresse 6].
Le syndicat des copropriétaires a saisi le juge de la mise en état d'un incident, lui demandant de condamner la société Eiffage Construction Rhône Loire à lui verser une provision et une provision ad litem et d'enjoindre à cette société d'avoir à effectuer les travaux de raccordement du caniveau situé au pied de la rampe d'accès aux sous-sols au réseau d'évacuation des eaux pluviales de l'immeuble via l'installation d'une pompe de relevage, sous astreinte.
Par ordonnance en date du 29 avril 2024, le juge de la mise en état a :
- rejeté les demandes présentées par le syndicat des copropriétaires
- constaté que les appels en garantie sont devenus sans objet
- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond
- rejeté toutes les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 14 octobre 2024.
Le juge de la mise en état a considéré qu'en l'absence de toute réception de l'ouvrage, le syndicat des copropriétaires, acquéreur en l'état futur d'achèvement, n'avait pu recueillir dans son patrimoine l'action contractuelle de droit commun à l'encontre de la société Eiffage Construction et que le syndicat n'était pas fondé en conséquence à rechercher la responsabilité contractuelle de cette société, que, par ailleurs, il ne démontrait pas l'existence d'une faute commise par la société Eiffage Construction et d'un lien causal entre cette faute et le dommage, de sorte que l'obligation à paiement d'une provision se heurtait à une contestation sérieuse.
Il a rejeté les deux autres demandes du syndicat pour le même motif.
Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette ordonnance, le 14 mai 2024, à l'égard de la société Eiffage Construction Rhône Loire.
L'affaire a été fixée à bref délai pour l'audience du 3 septembre 2024, par ordonnance modificative du 30 mai 2024.
Par actes d'huissier en date des 1er et 2 juillet 2024, la société Eiffage Construction a fait assigner en appel provoqué les sociétés Albingia, Fondasol et sa compagnie d'assurances Msig Insurances, Sud Architectes et les compagnies d'assurances MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD.
Le syndicat des copropriétaires, dans ses conclusions n° 3 notifiées le 30 août 2024, demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance
statuant à nouveau,
- de condamner la société Eiffage Construction Rhône Loire à lui payer la somme de 1 513 738,06 euros à titre de provision à valoir sur les sommes à lui revenir au fond
- d'enjoindre à la société Eiffage Construction Rhône Loire d'effectuer les travaux de raccordement du caniveau situé au pied de la rampe d'accès aux sous-sols au réseau d'évacuation des eaux pluviales de l'immeuble via l'installation d'une pompe de relevage, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard après un délai de quinze jours courant à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir
- de condamner la société Eiffage Construction Rhône Loire à lui payer la somme de 197 079,78 euros à titre de provision ad litem
- de condamner la société Eiffage Construction Rhône Loire aux dépens d'incident et d'appel
- de condamner la société Eiffage Construction Rhône Loire à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'instance et d'appel
en tout état de cause,
- de débouter les intimées de toutes demandes contraires et de toutes demandes dirigées contre lui.
La société Eiffage Construction, dans ses dernières conclusions notifiées le 22 août 2024, demande à la cour :
à titre principal,
- de confirmer l'ordonnance
- de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens
à titre subsidiaire,
- de rejeter ou de diminuer sensiblement les demandes du syndicat des copropriétaires et des copropriétaires dans leur montant
- de condamner in solidum ou qui des six mieux le devra les sociétés Fondasol et sa compagnie d'assurances Msig Insurances, Sud Architectes, et ses compagnies d'assurances, MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD et Albingia, à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre
- de condamner in solidum ou qui des six mieux le devra les sociétés Fondasol et sa compagnie d'assurances Msig Insurances, Sud Architectes et ses compagnies d'assurances, MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD et Albingia, à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Les sociétés Fondasol et Msig Insurance, demandent à la cour :
- de confirmer l'ordonnance
en tout état de cause,
- de débouter le syndicat des copropriétaires, la société Eiffage Construction Rhône Loire ou toute autre partie de toutes leurs demandes formées à leur encontre
en toute hypothèse,
- de condamner in solidum les sociétés Eiffage Construction Rhône Loire, Sud Architectes, MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à les relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais et acessoires
- de condamner in solidum la société Eiffage Construction Rhône Loire et/ou tout succombant à leur payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Les sociétés Sud Architectes, MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD demandent à la cour :
à titre principal,
- de confirmer l'ordonnance
à titre subsidiaire,
- de rejeter les demandes en garantie formées par la société Eiffage Construction Rhône Loire à leur encontre
à titre très subsidiaire,
- de condamner in solidum les sociétés Fondasol, Msig Insurances, Eiffage Construction Rhône Loire et Albingia à les relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre en principal, intérêts, dommages, frais et acessoires
à titre subsidiaire,
- de faire droit à la demande de rejet ou de diminution sensible du montant des demandes formée par la société Eiffage Construction Rhône Loire
en tout état de cause,
- de condamner la société Eiffage Construction Rhône Loire à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Descout de la SELARL Constructiv'avocats, sur son affirmation de droit.
La société Albingia demande à la cour :
- de déclarer irrecevables les demandes dirigées contre elle par la société Eiffage ou toute autre partie comme constituant une demande nouvelle en cause d'appel
en toute hypothèse,
- de dire que les demandes dirigées contre elle se heurtent à une contestation sérieuse (tirée de l'objet de la police TRC tous risques chantiers inapplicable au présent litige)
- de condamner la société Eiffage à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction à Maître Bessy, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2024.
SUR CE :
Sur la recevabilité de l'appel principal
Au visa des dispositions des articles 125 et 795 du code de procédure civile, la cour a soulevé d'office à l'audience l'irrecevabilité de l'appel principal contre les dispositions de l'ordonnance qui ont :
- rejeté la demande de provision ad litem fondée sur l'article 789 2° du code de procédure civile
- rejeté la demande d'injonction à la société Eiffage Constructions d'avoir à effectuer des travaux, sous astreinte,
au motif qu'elles ne sont susceptibles d'appel qu'avec le jugement sur le fond, en application de l'article 795 du code de procédure civile.
Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur ces deux points par voie de note en délibéré, avant le 20 septembre 2024.
Le syndicat des copropriétaires soutient dans sa note en délibéré notifiée le 20 septembre 2024, d'une part que le quatrième alinéa de l'article 795 du code de procédure civile autorise l'appel immédiat contre le chef d'une ordonnance du juge de la mise en état qui a trait à la 'provision ad litem', d'autre part que ce texte ne saurait être interprété comme excluant l'appel immédiat contre le chef de l'ordonnance ayant trait à la provision ad litem, sauf à lui donner un sens qui violerait à la fois la constitution et la convention européenne des droits de l'homme.
Il fait valoir que différer l'appel contre l'ordonnance du juge de la mise en état ayant trait à la provision ad litem jusqu'au prononcé du jugement sur le fond violerait la constitution en créant une rupture d'égalité avec les parties qui peuvent demander la réformation d'une décision ayant trait à la provision ad litem rendue par le juge des référés et constituerait un manquement à l'obligation positive qui incombe à l'Etat de ménager de manière effective les conditions d'un procès équitable.
La société Eiffage Construction Rhône Loire soutient, dans ses notes en délibéré notifiées le 20 septembre et le 26 septembre 2024, que les ordonnances du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles de contestations, hors exceptions limitativement énumérées, et que les exceptions de l'article 795 du code de procédure civile ne s'étendent manifestement pas aux provisions ad litem de l'article 789 2° du code de procédure civile.
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L'article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.
En application de l'article 795 du code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond.
Aux termes de l'article 795 du code de procédure civile, les ordonnances rendues par le juge de la mise en état sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévues en matière d'expertise ou de sursis à statuer.
L'article 795 4° énonce qu'elles le sont également, dans les quinze jours de leur signification, dans le cas où le montant de la demande est supérieur au taux de compétence en dernier ressort, lorsqu'elles ont trait aux provisions accordées au créancier au cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
En application de ces dispositions, l'ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une demande d'injonction de faire sous astreinte et sur une demande fondée sur l'article 789 2° du code de procédure civile, la provision ad litem étant distinguée par le texte de celle qui peut être accordée par le juge de la mise en état au cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, sur le fondement de l'article 789 3° du même code, n'est pas susceptible d'appel.
Il n'apparaît pas que l'impossibilité de frapper d'appel immédiat une ordonnance du juge de la mise en état accueillant ou rejetant une demande de provision ad litem porte atteinte au principe de l'égalité entre les parties et au procès équitable, au seul motif que les ordonnances de référé statuant sur une telle demande sont, elles, susceptibles d'appel sur ce point, dès lors que l'article 835 du code de procédure civile, contrairement à l'article 789 du même code, prévoit que le juge des référés peut accorder une provision au créancier sans effectuer de distinction entre la provision et la provision ad litem.
L'appel dirigé contre les chefs de l'ordonnance ayant rejeté la demande de provision ad litem fondée sur l'article 789 2° du code de procédure civile et la demande d'injonction à la société Eiffage Constructions d'avoir à effectuer des travaux, sous astreinte, doit être déclaré irrecevable.
Sur la demande de provision
- sur le caractère non contestable de l'obligation
Le syndicat des copropriétaires fait valoir en substance que la société Eiffage n'a pas terminé son ouvrage, qu'en effet, au sens de l'article R261-1 du code de la construction et de l'habitation, l'immeuble présentant des défauts de conformité substantiels n'est pas achevé, de sorte que la société Eiffage n'a pas rempli son obligation de résultat.
Il soutient que l'obligation de la société Eiffage de l'indemniser n'est pas sérieusement contestable car elle a recueilli l'action contractuelle du promoteur en achèvement de l'ouvrage comme accessoire à la propriété de l'ouvrage, nonobstant l'absence de livraison des sous-sols (3ème civ.10 juillet 2013 n°12-21910).
Il estime à titre subsidiaire qu'il n'a pas à établir une faute de la société Eiffage, distincte de son manquement à son obligation de résultat, l'absence de faute n'étant pas une cause d'exonération de responsabilité et que la société Eiffage ne démontre pas l'existence d'une cause étrangère, seule à même de l'exonérer de sa responsabilité, la faute éventuelle des autres locateurs d'ouvrage n'étant pas constitutive d'une cause étrangère.
La société Eiffage fait valoir en substance que la situation est différente de celle de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai ayant donné lieu à l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 juillet 2013, puisqu'en l'espèce, les sous-sols n'ont pas été livrés aux copropriétaires et au syndicat des copropriétaires, de sorte que le syndicat des copropriétaires n'est toujours pas propriétaire des sous-sols et n'en est pas acquéreur et que l'action contractuelle concernant les sous-sols n'a pas pu être transmise au syndicat des copropriétaires.
Elle affirme qu'en tout état de cause, elle a bien rempli son obligation de résultat, au regard de son contrat passé avec la SCI 34, qu'elle n'était pas chargée de recueillir des eaux de drainage qui, de surcroît, avaient été annoncées comme inexistantes par une étude géotechnique réalisée par la société Fondasol, ni à prévoir de cuvelage et qu'elle a terminé son ouvrage conformément à son contrat.
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L'article L261-3 du code de la construction et de l'habitation énonce que :
Ainsi qu'il est dit à l'article 1601-3 du code civil :
" La vente en l'état futur d'achèvement est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux.
Le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux. "
Selon l'article L261-11 du même code, le contrat doit être conclu par acte authentique et le règlement de copropriété est remis à chaque acquéreur lors de la signature du contrat; il doit lui être communiqué préalablement.
En l'espèce, les immeubles ont été vendus en l'état futur d'achèvement par lots à différents acquéreurs qui ont signé un acte authentique de vente dont la réalité n'est pas discutée même si ces actes ne sont pas produits aux débats et, ces immeubles étant soumis au statut de la copropriété, il a été constitué un syndicat des copropriétaires chargé d'administrer les parties communes objet d'une propriété indivise entre les copropriétaires.
L'acte contenant l'état descriptif de division et le règlement de copropriété a été dressé par Maître [C]-[X] [T], notaire associée à [Localité 18], le 20 octobre 2017.
En application de l'article 1646-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code.
Ces garanties bénéficient aux propriétaires successifs de l'immeuble.
Sauf clause contraire, les acquéreurs successifs d'un immeuble ont qualité à agir, même pour les dommages nés antérieurement à la vente et ce nonobstant l'action en réparation intentée par le vendeur avant cette vente, contre les constructeurs sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui accompagne l'immeuble en tant qu'accessoire.
La réception des travaux qui s'entend de la réception avec ou sans réserves résulte de l'acte passé entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs.
En l'absence de réception, le constructeur engage sa responsabilité contractuelle de droit commun envers le maître de l'ouvrage quant aux désordres survenus en cours de construction.
Un procès-verbal de réception de la phase 1 relative aux bâtiments ABC, constituée de 41 logements, d'un sous-sol, d'aménagements extérieurs et de VRD a été dressé entre, d'une part la SCI [Adresse 6], d'autre part la société Eiffage Construction Rhône, entreprise chargée de la réalisation des travaux tous corps d'état, et la société Sud Architectes, maître d'oeuvre d'exécution.
Il est précisé dans ce document que la réception des parties communes avec réserves ainsi que la liste des 'reste à faire' a été réalisée le 22 juillet 2019 et que le présent procès-verbal de réception n'intègre pas le sous-sol dont seulement une mise à disposition est réalisée le 22 juillet 2019, en raison d'une problématique de présence anormale d'eau dans le sous-sol, une expertise judiciaire étant en cours dans le sous-sol.
Les travaux des sous-sols, partie commune, n'ayant pas été réceptionnés entre le maître de l'ouvrage, la SCI [Adresse 6], et la société Eiffage Construction Rhône, cette dernière, en sa qualité d'entreprise générale liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, engage envers la première sa responsabilité contractuelle de droit commun du fait des désordres affectant les sous-sols.
L'entreprise générale de construction est tenue à l'égard du maître de l'ouvrage d'une obligation de résultat, à savoir l'exécution de travaux exempts de vices, de sorte que l'obligation à réparation de la société Eiffage Construction Rhône, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, n'apparaît pas sérieusement contestable, au vu des constatations effectuées par l'expert judiciaire et des constats des huissiers et commissaires de justice en date des 11 mai 2021 et 3 mai 2024 montrant que des inondations affectent régulièrement les sous-sols des immeubles et rendent ceux-ci impropres à leur destination.
Les moyens élevés par la société Eiffage Construction Rhône Loire pour affirmer qu'elle a bien rempli son obligation de résultat sont inopérants.
Et la qualité du syndicat des copropriétaires, propriétaire des parties communes de l'immeuble, à agir sur ce même fondement contre la société Eiffage Construction n'est pas non plus sérieusement contestable, peu important que les parties communes aient fait l'objet d'une livraison seulement partielle entre le vendeur et l'acquéreur qui excluait les sous-sols, la notion de livraison, qui intéresse uniquement les rapports entre le vendeur et l'acquéreur, étant distincte de celle de propriété.
C'est à tort en conséquence que le juge de la mise en état a rejeté la demande en paiement d'une provision formée par le syndicat des copropriétaires.
Sur le montant de la provision
Le syndicat des copropriétaires fait valoir que :
- en premier lieu, la provision doit permettre de financer la reprise du pompage provisoire des sous-sols
en effet, la SCI [Adresse 6] avait confié à la société Delta Services Location la mise en place d'un dispositif de pompes provisoires mais toutes les pompes sont désormais arrêtées car cette société conditionne la remise en service de ses pompes à la régularisation préalable de ses factures impayées, si bien que depuis juillet 2024, les sous-sols sont inondés en permanence sur une hauteur de plusieurs centimètres
- en second lieu, il subit un préjudice de jouissance résultant de l'impropriété des sous-sols à leur utilisation.
Il fait observer qu'aucune critique circonstanciée n'est formulée contre sa méthode de calcul et qu'aucune évaluation alternative sérieuse n'est proposée par la société Eiffage.
La société Eiffage soutient que les demandes de provision se heurtent à des contestations sérieuses notamment en ce que le syndicat des copropriétaires sollicite 18 mois d'indemnisation pour les opérations de pompage et nettoyage et l'alimentation des sous-sols en électricité alors que depuis mars 2023, il n'est pas en mesure d'attester que des facturations auraient été émises à ce titre pour des prestations réalisées au sein de la copropriété.
Elle s'oppose à la demande de provision correspondant à l'arriéré des factures de Delta Services Location qui a du reste fait assigner la SCI 34 le 31 mai 2023 en paiement desdites factures.
Elle observe que le retard de jouissance allégué concerne les garages qui sont des parties privées, que le syndicat des copropriétaires n'a produit aucun élément de préjudice à l'expert judiciaire à ce titre et qu'il est démontré que la SCI 34 a négocié avec les acquéreurs des protocoles à fin d'indemnisation des retards de livraison et des malfaçons.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que plusieurs locateurs d'ouvrage sont susceptibles d'avoir commis une faute : Fondasol, Tem Parteners, Sud Architectes, et elle demande à être garantie par eux.
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Il ressort des pièces versées aux débats que, dans l'attente de la réalisation des travaux de réfection, il est nécessaire de pomper et de nettoyer quotidiennement les sous-sols.
Le syndicat des copropriétaires justifie que le montant des factures impayées de la société Delta Service Location pour la location des pompes s'élevait à la somme de 133 826,16 euros pour la période du 28 février 2022 au 29 février 2024, au moyen de l'extrait du grand livre client de la société Delta Service Location en date du 22 avril 2024 accompagné des factures correspondantes.
Dans un document non daté (pièce 96 du syndicat des copropriétaires), la société Delta Service indique que le coût mensuel de la location des pompes s'élève désormais à 130 euros hors taxe par jour, soit la somme de de 5 271,24 euros TTC en mars 2024 (mois de 31 jours) et 5 101,20 euros TTC en avril 2024 (mois de 30 jours).
Le montant total des factures impayées était donc de 144 218,86 euros TTC au 30 avril 2024.
Selon un devis de janvier 2020, la société Yakonet, entreprise de nettoyage général, évalue à la somme mensuelle de 13 800 euros hors taxe le nettoyage des sous-sols cinq jours par semaine (une personne et une autolaveuse).
Le syndicat affirme qu'en raison de la hausse des prix depuis 2020, le coût mensuel du nettoyage doit être évalué à 16 800 euros toutes taxes comprises.
Enfin, le syndicat estime le coût mensuel de la consommation électrique des pompes et de l'autolaveuse au regard des factures d'électricité éditées de mars 2023 à mai 2024, période au cours de laquelle toutes les pompes louées ne fonctionnaient pas, certaines étant tombées en panne, (soit 287,67 euros par mois en moyenne), s'élève à la somme de 500 euros auquel s'ajoute le montant desdites factures impayées, soit la somme de 4 027,35 euros et celui de la facture de l'intervention de l'électricien (251,35 euros), qui a réparé les disjonctions liées aux arrivées d'eau.
De son côté, la société Eiffage Construction Rhône, qui ne produit aucun devis, ne justifie pas qu'il est possible de louer ou d'acheter des pompes pour un coût moins élevé que celui appliqué par la société Delta Service Location et d'effectuer un nettoyage journalier dans des conditions moins onéreuses que celles qui sont proposées.
Par ailleurs, la SCI [Adresse 6] fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et n'a plus le droit d'effectuer un quelconque paiement, si bien que le syndicat des copropriétaires doit se substituer à lui pour régler les factures impayées.
Dans la mesure où, pour pallier temporairement les conséquences des inondations auxquelles il ne pourra être mis fin que lorsque les travaux destinés à remédier aux causes des infiltrations et pénétrations d'eau auront été exécutés, les opérations de pompage et de nettoyage vont devoir se poursuivre postérieurement au présent arrêt, il est justifié d'allouer au syndicat des copropriétaires la provision qu'il sollicite lui permettant de faire face, outre les dépenses passées, aux dépenses à venir ainsi établies.
Il convient de condamner la société Eiffage Construction Rhône à payer au syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 549 298,06 euros au titre des travaux de pompage et de nettoyage.
La réparation des désordres causés par les inondations et infiltrations d'eau dans les sous-sols s'étend au préjudice de jouissance subi par le syndicat des copropriétaires.
L'évaluation de ce préjudice incombe au juge du fond qui devra apprécier le bien-fondé du calcul dont le syndicat des copropriétaires demande l'application.
Le syndicat des copropriétaires est néanmoins en droit de recevoir une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance, non sérieusement contestable, les désordres litigieux affectant non seulement les emplacements et boxes privatifs de garage mais aussi les parties communes des sous-sols, s'agissant notamment, comme l'indique le syndicat des copropriétaires sur la base des constatations de l'expert judiciaire et des constats d'huissier visés ci-dessus, des inondations régulières des accès des piétons aux sous-sols, des encombrements liés aux pompes et opérations de nettoyage, de l'impossibilité d'utiliser le local poubelle et le local à vélos.
Il convient de condamner la société Eiffage Construction Rhône à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur ce chef de préjudice.
Sur les demandes de la société Eiffage Construction Rhône à l'égard des intimés à ses appels provoqués
Le bien fondé des recours exercés par la société Eiffage Construction Rhône à l'égard des sociétés Fondasol et sa compagnie d'assurances Msig Insurances, Sud Architectes et ses compagnies d'assurances, MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD et Albingia nécessite que soit caractérisée la responsabilité de chacune de ces sociétés dans les désordres ci-dessus énoncés et que soit examinée la question de la garantie des compagnies d'assurances.
L'obligation de ces sociétés dans le cadre de l'action récursoire est ainsi sérieusement contestable et devra être appréciée par le juge du fond.
Les demandes en garantie de la société Eiffage Construction Rhône Loire formées au stade de la mise en état doivent être rejetées.
Les demandes en garantie formées à titre subsidiaire par les intimés aux appels provoqués sont sans objet.
Le recours du syndicat des copropriétaires étant partiellement accueilli, il convient de condamner la société Eiffage Construction Rhône Loire aux dépens de première instance (procédure d'incident), d'appel et d'appel provoqué, et à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.
L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes de condamnations formées par les autres parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
DECLARE irrecevable l'appel formé par le syndicat des copropriétaires à l'égard des chefs de l'ordonnance ayant rejeté la demande de provision ad litem fondée sur l'article 789 2° du code de procédure civile et la demande d'injonction à la société Eiffage Constructions d'avoir à effectuer des travaux, sous astreinte
INFIRME l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la demande en paiement d'une provision formée par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société Eiffage Constructions Rhône Loire
STATUANT à nouveau sur ce point,
CONDAMNE la société Eiffage Constructions Rhône Loire à payer au syndicat des copropriétaires :
- la somme provisionnelle de 549 298,06 euros au titre des travaux de pompage et de nettoyage des sous-sols
- la somme provisionnelle de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice de jouissance subi à la suite des désordres affectant les parties communes des sous-sols
Y AJOUTANT,
REJETTE les demandes de garantie formées devant le juge de la mise en état par la société Eiffage Construction Rhône à l'égard des sociétés Fondasol et sa compagnie d'assurances Msig Insurances, Sud Architectes et ses compagnies d'assurances, MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD et Albingia
CONDAMNE la société Eiffage Construction Rhône Loire aux dépens de première instance, d'appel et d'appel provoqué
DIT que Maître Bessy et Maître Descout, avocats, pourront recouvrer les dépens de l'appel provoqué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
CONDAMNE la société Eiffage Construction Rhône à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel
REJETTE les demandes des autres parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
DIT que l'affaire se poursuit devant le tribunal judiciaire de Lyon.