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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 17 octobre 2024, n° 23/03846

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Far Concept (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Courteille

Vice-président :

M. Vitse

Conseiller :

Mme Galliot

Avocats :

Me Le Roy, Me Durant de Saint André, Me Franchi, Me Cazelles

TGI Senlis, du 17 déc. 2019, n° 18/00473

17 décembre 2019

La société Far concept, spécialisée dans l'acquisition et la mise en valeur de biens immobiliers, a acquis, suivant acte notarié du 11 octobre 2012, un appartement en duplex situé au rez-de-chaussée du bâtiment B (lot n°153), sis [Adresse 3], à [Localité 8]. Il est soumis au régime de la copropriété.

La société Far Concept a procédé à des travaux de rénovation sur cet appartement et l'a vendu par acte notarié du 8 août 2013 à M. [S] [T] et M. [J] [V] moyennant le prix de 220 000 euros.

Se plaignant de l'existence d'infiltrations et de remontées d'eau, les acquéreurs ont, par courrier recommandé du 28 juin 2014, sollicité la société Far concept d'y remédier, laquelle est intervenue le 13 septembre 2014.

Par courrier recommandé du 28 octobre 2015, la société Far Concept a manifesté son refus d'intervention et a indiqué que les vices invoqués étaient apparents le jour de la vente.

Par acte d'huissier du 8 novembre 2016, M. [S] [T] et M. [J] [V] ont fait assigner la société Far Concept, en liquidation amiable, prise en la personne de son gérant, M. [W] [L], devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Senlis aux fins de voir ordonner une expertise.

Par ordonnance du 10 janvier 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Senlis a ordonné une expertise et désigné M. [B] [G] pour ce faire.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 17 octobre 2017.

Par acte du 20 février 2018, MM. [T] et [V] ont fait assigner M. [W] [L] devant le tribunal de grande instance de Senlis aux fins de le voir condamner à rembourser le coût des travaux de reprise et les indemniser de leur préjudice de jouissance, outre le paiement d'indemnité procédurale et des dépens.

Par jugement du 17 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Senlis a :

rejeté les fins de non-recevoir opposées par M. [W] [L] ;

condamné ce dernier à verser à MM. [T] et [V] les sommes de :

6 325 euros hors taxe s'agissant des travaux de reprise de la dalle du patio et du carrelage et de l'étanchéité ;

220 euros toutes taxes comprises au titre de la reprise de la peinture ;

condamné M. [W] [L] à verser à MM. [T] et [V] la somme de 2 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

condamné M. [W] [L] à verser à MM. [T] et [V] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [W] [L] aux entiers dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire ;

ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 14 février 2020, M. [W] [L] et la société, représentée par M. [W] [L], en qualité de liquidateur amiable, ont interjeté appel.

Par arrêt du 8 juin 2021, la cour d'appel d'Amiens a infirmé le jugement rendu le 17 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Senlis, sauf en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir et statuant à nouveau, elle a débouté MM. [T] et [V] de leurs demandes et les a condamnés in solidum aux entiers dépens incluant le coût de l'expertise judiciaire ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MM. [T] et [V] ont formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 15 février 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation :

a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Amiens, sauf en ce que confirmant le jugement il a rejeté les fins de non-recevoir ;

a remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyés devant la cour d'appel de Douai ;

condamné M. [L] et la société Far Concept représentée par M. [L] en sa qualité de liquidateur amiable, aux dépens ;

en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté la demande formée par M. [L] et la société Far Concept, représentée par M. [L], en sa qualité de liquidateur amiable et les a condamnés à payer à MM. [T] et [V] la somme globale de 3 000 euros.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Douai le 18 août 2023, M. [W] [L] a saisi la présente cour en qualité de juridiction de renvoi.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 10 janvier 2024, M. [L], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de liquidateur amiable de la société Far Concept demande à la cour de :

le recevoir en ses conclusions devant la cour de renvoi et l'y disant bien fondé ;

infirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris

Statuant à nouveau

juger que la reconnaissance par MM. [T] et [V] de l'existence d'infiltrations « avant le jour de la vente » constitue de leur part un aveu judiciaire indivisible ;

juger que les faits dommageables allégués par MM. [T] et [V] étaient apparents et connus d'eux dès le jour de la vente

juger que leur vendeur, la société Far Concept, n'était pas, dans ces conditions, tenu à réparation

juger que les opérations de liquidation de la société Far Concept (de février à juin 2015) sont antérieures à la mise en demeure adressée à la société par la protection juridique des intimés (octobre 2015)

juger qu'au jour de sa nomination aux fonctions de liquidateur de la société Far Concept et jusqu'au terme des opérations dont il était chargé, aucun litige n'était pendant ou n'est survenu qui eût nécessité que les comptes soient provisionnés à l'effet d'en régler les éventuelles conséquences pécuniaires

juger que les opérations de liquidation et l'accomplissement à bonne date des formalités de publication ont été menées sans hâte ni dissimulation d'aucune sorte

débouter MM. [T] et [V] de toutes leurs demandes contraires

A titre subsidiaire

juger que MM. [T] et [V] ont modifié les lieux litigieux avant expertise et fait disparaître toute trace d'un éventuel dommage mesurable ;

juger qu'ils ne démontrent pas l'existence ni le quantum du préjudice qu'ils allèguent

juger qu'ils ne démontrent pas le lien de causalité entre sa faute supposée et ce préjudice

les débouter en conséquence de toutes leurs demandes de ce chef

condamner MM. [T] et [V] à lui payer tant en son nom personnel qu'en qualité de liquidateur amiable de la société Far Concept une indemnité de procédure de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

condamner solidairement MM. [T] et [V] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Loïc Le Roy sur son affirmation qu'il en a fait l'avance dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées au greffe le 8 février 2024, MM. [T] et [V] demandent à la cour, au visa des articles 624, 625 et 910-4 du code de procédure civile, des articles 1792 et suivant du code civil, des articles L. 223-22 et L. 237-12 du code de commerce, de :

déclarer M. [L] irrecevable en sa déclaration de saisine comme en ses conclusions à évoquer quelque fin de non-recevoir que ce soit et en particulier celle tirée de la prétendue prescription de leur action ;

Dans tous les cas,

rejeter la fin de non-recevoir soulevée par M. [L] au titre de la prescription de leur action ;

débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;

Ce faisant,

confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Senlis en ce qu'il a condamné M. [L] à leur verser :

6 325 euros HT s'agissant des travaux de reprise de la dalle du patio et du carrelage et de l'étanchéité ;

220 euros TTC au titre de la reprise de la peinture ;

2 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

condamner M. [L] à leur verser la somme de 3 000 euros , sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

condamner, enfin, M. [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel et dire, pour ces derniers, que la SCP Processuel pourra se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties précitées.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 février 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « dire » et « juger » ou de « constater » qui ne sont pas des prétentions juridiques.

Sur la portée de la saisine de la cour d'appel de renvoi

Selon l'article 624 du code de procédure civile, sauf cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.

La présente cour d'appel de renvoi n'est ainsi saisie que des points atteints par la cassation.

L'arrêt de la Cour de cassation, chambre commercial, financière et économique du 15 février 2023 a, au visa de l'article L. 237-12 alinéa 1er du code de commerce, « cassé et annulé, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette les fins de non-recevoir, l'arrêt rendu le 8 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens, remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvois devant la cour d'appel de Douai ».

Ainsi, la décision de la cour d'appel d'Amiens du 8 juin 2021 en ce qu'elle confirmé le jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir tirées de la prescription de l'action n'a pas été remise en cause par l'arrêt de la Cour de cassation. Ce point doit être considéré comme définitivement tranché.

Par ailleurs, il y a lieu de souligner que dans le dispositif de ses dernières conclusions, M. [W] [L] ne soulève pas de fin de non-recevoir, contrairement à ce qu'allèguent MM. [T] et [V].

En conséquence, la cour n'est pas saisie de ces fins de non-recevoir.

Sur la responsabilité de M. [W] [L], en qualité de gérant de la SARL Far Concept

MM. [T] et [V] soutiennent, au visa de l'article L. 241-1 du code des assurances, que M. [W] [L] engage sa responsabilité personnelle en sa qualité de gérant au motif qu'il s'est affranchi de l'obligation de contracter une assurance de responsabilité décennale. Ils précisent que la société Far Concept est réputée constructeur, au sens de l'article 1792-1 du code civil, puisqu'elle a fourni l'outillage, la marchandise, qu'elle a dirigé les travaux et qu'elle a vendu le bien litigieux dans lequel elle avait fait procéder à des travaux de rénovation importants. Ils indiquent que le fait de ne pas souscrire à une assurance de responsabilité est une faute qui a été commise avant la liquidation amiable de la société Far Concept.

M. [W] [L] fait valoir que sa responsabilité ne peut être engagée au motif que les désordres/ vices invoqués par eux étaient apparents, de sorte qu'ils considèrent MM. [T] et [V] infondés en leur demande.

M. [W] [L] ne conteste pas le fait qu'aucune assurance de responsabilité décennale a été souscrite au nom de la SARL Far Concept dont il était le gérant.

L'article L.241-1 alinéa 1er du code des assurances dispose que : « Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. »

Le non-respect de cette obligation d'assurance constitue un délit prévu à l'article L.243-3 du même code.

La jurisprudence admet qu'en commettant une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, le gérant d'une SARL engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a causé un préjudice (Cass. com. 28 septembre 2010, n°09-66.255).

En l'espèce, la société Far Concept était une SARL. Elle avait pour activité principale selon l'extrait K-Bis « acquisition mise en valeur administration exploitation location vente en totalité ou en partie de tous immeubles terrains et droits sociaux de société » immobilières ». Elle achetait des immeubles, les rénovait de manière importante et les revendait.

En ne souscrivant pas une assurance décennale, alors que sa société exerçait une activité de construction d'ouvrages, M. [W] [L], gérant de la SARL Far Concept, a commis une faute détachable de ses fonctions. Il s'ensuit que sa responsabilité personnelle est engagée envers MM. [T] et [V].

Sur la responsabilité de M. [W] [L], en sa qualité de liquidateur amiable de la société Far Concept

MM. [T] et [V] font valoir que la responsabilité de M. [W] [L] en sa qualité de liquidateur amiable de la société Far Concept est engagée, en application de l'article L. 237-12 du code de commerce, au motif qu'il a organisé les opérations de liquidation de la société et la répartition de son actif entre les mains de ses associés, en méconnaissant le litige opposant la société et eux -mêmes et, en faisant en sorte qu'ils ne puissent pas les désintéresser. A ce titre, ils exposent que M. [W] [L] a fait croire que la société était encore en vie durant la procédure, l'assignation en référé datant du 8 novembre 2016, alors que la dissolution avait été décidée lors de l'assemblée du 1er février 2015. Ils indiquent que dès un courrier du 28 juin 2014, ils signalaient à M. [W] [L] la présence des infiltrations. Ils indiquent que ces faits de dissimulation ont été commis postérieurement à la désignation de M. [W] [L] aux fonctions de liquidateur amiable. Ils soulignent qu'en clôturant prématurément la liquidation de la société, M. [W] [L] a interdit à MM. [T] et [V] puissent obtenir la condamnation de la société Far Concept, représentée par son liquidateur, à les couvrir du coût des travaux de reprise des désordres apparus à la suite de l'acquisition qu'ils ont faite du bien immobilier.

M. [W] [L] soutient que MM. [T] et [V] ne démontrent pas la faute qu'ils lui imputent. Il affirme que ces derniers ont acheté le bien le 8 août 2013 qui était alors pourvu d'un patio et qu'ils l'ont transformé ultérieurement en une véranda ouverte ; que le 26 juin 2014, ils se sont plaints d'infiltrations d'eau en provenance du patio et qu'un de ses associés, M. [M], était intervenu rapidement pour y remédier ; qu'il n'a pas eu de nouvelles des acquéreurs avant le courrier de leur protection juridique du 6 octobre 2015, soit six mois après les opérations de liquidation. M. [W] [L] précise que la société n'avait été créée que pour une durée de deux ans ; l'objet social étant rempli, les associés ont décidé, par délibération du 1er février 2015 de liquider amiablement la société et ont nommé M. [W] [L] à la fonction de liquidateur. Les opérations de liquidation ont été approuvées lors de l'assemblée générale du 27 mars 2015 et la clôture a été prononcée. M. [W] [L] précise que le boni à distribuer était alors de 1615 euros et qu'il a procédé ensuite aux formalités légales de publication et à l'annonce de la dissolution dans le journal « le Parisien ». Il affirme qu'aucune demande en nature ou en paiement n'avait été formulée par MM. [T] et [V] durant la période nécessaire aux opérations de liquidation. Il ajoute qu'il n'a jamais dissimulé le changement d'état de la société Far Concept et indique, à ce titre, que l'expert a noté en page préliminaire de son rapport que la Sarl Far Concept état représentée par son liquidateur amiable, M. [W] [L].

Aux termes de l'article L. 237-12 du code de commerce, le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions.

L'action en responsabilité contre les liquidateurs se prescrit dans les conditions prévues à l'article L. 225-254.

La dissimulation du fait dommageable suppose un comportement intentionnel qui ne peut se déduire du seul défaut d'information de celui qui agit en responsabilité.

En l'espèce, la liquidation amiable de la société Far Concept a été prononcée lors de l'assemblée générale du 27 mars 2015 et M. [W] [L] a été nommé en qualité de liquidateur amiable à compter de cette date.

Il appartient à MM. [T] et [V] de démontrer qu'à partir du 27 mars 2015, M. [W] [L], ayant la qualité de liquidateur amiable, a commis des fautes au sens de l'article L. 237-12 du code de commerce. Ils lui reprochent d'une part d'avoir organisé les opérations de liquidation alors que la société avait un litige les opposant et, d'autre, part, d'avoir dissimulé l'état de la société pendant toute la procédure.

Par courriers des 28 juin et 13 septembre 2014, MM. [T] et [V] ont signalé à la SARL Far Concept les problèmes d'infiltrations constatées dans le patio. Dans le dernier courrier, ils soulignent que des ouvriers de la SARL Far Concept sont intervenus « deux fois en deux jours » et ont précisé « sachez toutefois que nous nous réservons le droit le cas échéant de prendre les mesures nécessaires pour obtenir réparation si le problème devait persister ».

Il est produit au débat deux devis du 11 mars et 10 août 2015 quant à la reprise du patio.

Par courrier recommandé du 6 octobre 2015, la protection juridique de MM. [T] et [V] a demandé à la SARL Far Concept de prendre en charge le devis du 11 mars 2015 quant aux travaux à réaliser pour la reprise du patio.

Ainsi, ce n'est qu'à partir du 6 octobre 2015 que la SARL Far Concept a été informée d'un litige avec MM. [T] et [V] puisqu'auparavant, elle était intervenue à deux reprises et n'avait pas eu de nouvelles de ces derniers. Il ne donc être reproché à M. [W] [L] d'avoir dissimulé un quelconque litige lors des opérations de liquidation.

Par ailleurs, par courrier du 28 octobre 2015, le conseil de la société Far Concept a répondu à MM. [T] et [V] en indiquant « la société Far Concept, en liquidation amiable ». L'état de la société était donc clairement indiqué à MM. [T] et [V] dès octobre 2015.

Il est également précisé que par acte d'huissier du 8 novembre 2016, MM. [T] et [V] ont fait assigner la SARL Far Concept prise en la personne de son liquidateur amiable M. [W] [L].

Ainsi, ces éléments suffisent à affirmer que M. [W] [L] n'a pas intentionnellement dissimulé l'état de la société Far Concept pendant la procédure.

La responsabilité de M. [W] [L] en qualité de liquidateur amiable de la société Far Concept n'est pas engagée. Seule sa responsabilité personnelle l'est.

Sur l'indemnisation des désordres

MM. [T] et [V] soutiennent que l'expert a conclu à la réalité des infiltrations depuis le seuil des deux baies vitrées donnant sur le patio et depuis le sol du patio. Ils indiquent que seuls les travaux réalisés par eux ont permis de faire cesser les infiltrations. Ils précisent que si le patio a été modifié avant la réalisation de l'expertise, l'expert s'est basé sur de nombreuses photographies prises avant et a retenu les devis de la société Renovart qui était intervenue pour mettre un terme aux infiltrations et pour remplacer le carrelage, travaux qui étaient nécessaires d'après l'expert. S'agissant du préjudice de jouissance, ils font valoir qu'ils ont été confrontés à des conditions d'habitabilité anormale comme l'avait retenu l'expert et sollicitent à ce titre la confirmation du jugement ayant retenu la somme de 2 000 euros.

M. [W] [L] soutient que les désordres invoqués étaient apparents lors de l'acquisition. Il affirme que lorsque les intimés ont, par courrier du 13 septembre 2014, indiqué que les désordres existaient lors de la vente, il s'agissait d'un aveu judiciaire quant à leur apparence. Il précise que lors des opérations d'expertise, l'expert avait constaté qu'il n'y avait pas de problème d'humidité et que l'ouvrage était neuf. Il indique que les intimés n'ont pas fait de déclaration de sinistre, ni fait constater par huissier les désordres qu'ils invoquent avant la réalisation des travaux par leur soin. Il conteste la validité des photographies sur lesquelles s'appuie l'expert dans son rapport.

Sur l'appréciation du préjudice, ils soulignent que les devis présentés par MM. [T] et [V] n'ont pas été suivis des travaux correspondants puisqu'ils ont couvert le patio par une véranda ; qu'il n'y pas de lien de causalité entre la nécessité de reprendre un peu la peinture et de refaire entièrement toute la peinture. Il affirme que le trouble de jouissance doit se calculer en fonction du pourcentage de la surface réellement soustraite à l'habitabilité normale d'un immeuble, rapportée au revenu locatif moyen dans le secteur concerné et que MM. [T] et [V] n'ont jamais fourni le moindre élément permettant l'appréciation réelle de leur préjudice de jouissance.

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

La mise en 'uvre de la garantie décennale suppose que soit démontré que la réception est intervenue, que les dommages sont apparus postérieurement à la date de la réception et qu'ils portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ou, qu'ils le rendent impropre à sa destination.

En l'espèce, les désordres invoqués par MM. [T] et [V] sont des infiltrations causées dans le patio depuis les seuils des deux baies vitrées et le sol du patio. Ils font valoir que ces infiltrations causaient des traces sur le bas des murs et affectaient le carrelage.

L'expert judiciaire a fait les constations suivantes : « les problèmes d'humidité allégués ne sont plus visibles » ; « les bas de murs sont secs » ; « j'observe toutefois qu'au-dessus de la plinthe, une trace plus sombre laisse supposer que le subjectile a été humide » ; « je constate également que le revêtement de sol dur « pianote » dans l'environnement des baies du patio ».

Sur l'appréciation de la datation des désordres allégués par MM. [T] et [V], l'expert indique : « Au vue des nombreuses photographies qui ont été communiquées, il est certain que des infiltrations se produisaient depuis les seuils des deux baies vitrées donnant sur le patio et depuis le sol du patio. Les traces qui subsistent sur le bas de mur et les désordres sur le carrelage en sont la preuve. Il s'agit bien de traces d'infiltrations dont l'origine, est sans équivoque possible, la pénétration d'eau depuis l'extérieur vers l'intérieur depuis le bas de la paroi et les seuils de baies. La preuve formelle est que depuis que les demandeurs ont fait réaliser les travaux, les infiltrations ont cessé totalement. Il s'agit à l'évidence de remontées capillaires sous la paroi extérieure et du défaut d'étanchéité des seuils de baies vitrées consécutifs à des défauts d'exécution.

Avant réparations de l'ouvrage à leurs frais par les demandeurs, les infiltrations d'eau qui trouvaient leur origine dans un élément constitutif de clos et couvert, portaient atteinte à l'habitabilité dans de bonnes conditions : hygiène, sécurité des personnes (sol rendu glissant, risque de chute au passage de porte entre cuisine et salle') ; clos non assuré correctement ».

Sur le caractère apparent ou non des désordres allégués, il y a lieu de constater que par courrier du 13 septembre 2014 lorsque MM. [T] et [V] signalent les problèmes d'infiltrations, ils ont souligné : « l'étendue des anomalies existante sous ce caillebottis, anomalies déjà présentes lors de la vente d'août 2013 ». Il était également indiqué dans le courrier du 6 octobre 2015 de la protection juridique adressé à la SARL Far Concept que « les désordres étaient nécessairement antérieure à la vente ».

Ces éléments permettent d'affirmer non pas que les désordres allégués étaient apparents le jour de l'acquisition du bien par MM. [T] et [V] mais qu'ils existaient déjà. Il ne s'agit pas d'un aveu judiciaire quant au caractère apparent des désordres. MM. [T] et [V] soulignaient uniquement que le désordre existait sans qu'ils s'en soient aperçus. Le caractère non apparent du désordre relatif aux infiltrations est incontestable.

Alors même que les photographies sur lesquelles s'appuie l'expert ne sont pas produites au débat, il y a lieu de constater que les infiltrations étaient certaines et réelles compte tenu des courriers précités de MM. [T] et [V] qui ont alertées la société Far Concept des problèmes d'infiltrations du patio. De plus, l'expert détaille de manière claire et précise les traces encore visibles des infiltrations sur le bas de mur et sur le sol. Les désordres invoqués par MM. [T] et [V] sont donc bien réels et certains.

Ils sont également de nature décennale en ce qu'ils trouvent leur origine dans un élément constitutif de clos et couvert (la baie et le sol) et porte nécessairement atteinte à la destination de l'ouvrage.

Sur les travaux de reprise du patio, l'expert a repris le devis de la société Renovart en date du 10 août 2015 d'un montant total de 6 325 euros . Il s'agit d'un devis relatif à la reprise de la dalle de béton et du remplacement du carrelage et non en l'installation d'une véranda. En effet, si MM. [T] et [V] ont réalisé une véranda, cela a été effectué ultérieurement à ce devis.

Les travaux de reprise de la dalle du patio ainsi que le remplacement du carrelage étaient nécessaires afin de faire cesser les infiltrations.

Par ailleurs, en l'absence de devis concernant la reprise des peintures du mur présentant une tâche sombre d'humidité, l'expert a estimé cette reprise à 200 euros TTC.

En conséquence, le montant des travaux de reprise sera fixé à la somme de 6 325 euros TTC et de peinture à 200 euros TTC.

S'agissant du préjudice de jouissance, si effectivement MM. [T] et [V] ne justifient pas du revenu locatif moyen de leur bien ce qui permettrait de calculer un montant chiffré de la privation de la jouissance du patio, force est de constater que la réalité de ce préjudice est certaine.

Il a commencé à être subi de manière certaine, non pas le jour de l'acquisition du bien, mais à compter du premier courrier de MM. [T] et [V] signalant le problème, à savoir le 28 juin 2014. Et, comme l'a justement indiqué le premier juge, il est caractérisé jusqu'à l'achèvement des travaux réalisés par les demandeurs, à savoir au mois de septembre 2015, comme il en ressort des écritures des parties et des informations recueillies dans le cadre de l'expertise judiciaire. Le montant retenu au titre du préjudice de jouissance sera apprécié à la somme de 2 000 euros.

En conséquence, il y a lieu de condamner M. [W] [L] à payer à MM. [T] et [V] les sommes suivantes :

6 325 euros TTC au titre des travaux de reprise du patio,

200 euros TTC au titre des travaux de peinture,

2000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

M. [W] [L] sera condamné aux entiers dépens, engagés en première instance et en appel, et la SCP Processuel pourra se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [W] [L] sera condamné à payer à MM. [T] et [V] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Senlis le 17 décembre 2019 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [W] [L] aux entiers dépens, engagés en première instance et en appel, et la SCP Processuel pourra se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. [W] [L] à payer à MM. [T] et [V] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, engagés en appel.