CA Lyon, 8e ch., 16 octobre 2024, n° 22/01267
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sider (SARL), Entreprise Galle (SAS)
Défendeur :
Entreprise Galle (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Drahi, M. D'Ussel
Avocats :
Me Dez, Me Werquin, Me Reffay
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant devis accepté le 8 janvier 2018, M. [Z] [V], exerçant la profession de sculpteur-plasticien, a confié à la SAS Entreprise Galle des travaux de démolition d'un plancher existant et de réalisation de deux dalles béton «'finition lissée quartz'», l'une dans son habitation située [Adresse 9] à [Localité 11], l'autre dans un «'atelier-galerie'» situé à la même adresse, moyennant le paiement de 23'993,75 € TTC.
Par contrat du 31 janvier 2018, la société Entreprise Galle a sous-traité les travaux de réalisation des dallages en béton à la Sarl Sider au prix de 5'621,23 € TTC.
Après réalisation des travaux et période de séchage, la société Galle a émis le 11 avril 2018 une facture de 1'152,25 € TTC représentant le solde du marché.
Se plaignant de défauts d'aspect de la dalle type taches et trous, M. [Z] [V] a refusé de s'en acquitter et il a régularisé une déclaration de sinistre auprès de la MAIF, assureur protection juridique. Le cabinet Saretec, mandaté par l'assureur, a établi un rapport d'expertise amiable le 21 septembre 2018 concluant que la dalle réalisée était «'rédhibitoire quant au rendu esthétique'», sans amélioration après un essai de nettoyage type mono-brosse recommandé par la société Entreprise Galle.
Par courrier du 30 janvier 2019, la MMA, assureur DO de la société Entreprise Galle, a refusé sa garantie en raison du caractère esthétique des désordres et de l'absence de réception.
M. [Z] [V] et Mme [B] [A] ont sollicité, par exploit des 7 et 13 mars 2019, et obtenu, par ordonnance de référé rendue le 7 mai 2019 par le président du Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, une expertise judiciaire au contradictoire des sociétés Entreprise Galle et Sider, confiée à M. [T] [O].
Sans attendre le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, M. [Z] [V] et Mme [B] [A] ont, par exploit du 5 mai 2020, attrait les sociétés Entreprise Galle et Sider devant le Tribunal Judiciaire de Bourg-en-Bresse statuant au fond, sollicitant alors un sursis à statuer dans l'attente du rapport d'expertise.
L'expert judiciaire a finalement déposé son rapport le 13 juin 2020 et le juge de la mise en état a, par ordonnance du 6 avril 2021, rejeté la demande de contre-expertise formée par la société Sider, condamnant cette dernière à payer la somme de 1'000 € à M. [Z] [V] et Mme [B] [A] en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :
Condamné in solidum la société Entreprise Galle et la société Sider à payer à M. [Z] [V] et Mme [B] [A] la somme de 21'554,06 €TTC au titre du coût des travaux de remise en état, outre actualisation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 13 juin 2020 jusqu'à la date du jugement';
Condamné in solidum la société Entreprise Galle et la société Sider à payer à M. [Z] [V] et Mme [B] [A] la somme de 18'324,40 € en réparation de leurs autres préjudices ;
Condamné la société Sider à relever et garantir la société Entreprise Galle à hauteur de 60 % des condamnations prononcées a son encontre en principal, intérêts, frais et dépens ;
Débouté la société Sider et la société Entreprise Galle de leur demande de nouvelle expertise ;
Condamné in solidum la société Entreprise Galle et la société Sider à payer à M. [Z] [V] et Mme [B] [A] la somme de 2'500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamné in solidum la société Entreprise Galle et la société Sider aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire et qui seront distraits au profit de la SAS TUDELA, avocats au barreau de Lyon, en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Rappelé que la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.
Le tribunal a retenu en substance :
Qu'en l'absence de réception, même tacite, la recherche de la responsabilité de la société Entreprise Galle sur le fondement de la garantie de parfait achèvement doit être rejetée ;
Que les fautes commises par les sociétés Entreprise Galle et Sider (insuffisance dans la conduite et la surveillance du chantier et non-respect des règles de l'art) sont à l'origine des désordres, dont la réalité est suffisamment établie par les constatations de l'expert judiciaire qui corroborent les premières conclusions de l'expertise amiable, outre que l'expertise judiciaire ne souffre d'aucune entorse aux principes directeurs du procès'; que ces fautes engagent leur responsabilité contractuelle pour la première et délictuelle pour la seconde à l'égard de M. [V] et Mme [A] et ces fautes ont concouru de manière indissociable à la réalisation de l'entier dommage ;
Que la remise en état des désordres est chiffrée d'une façon non-contestable à une somme totale de 21 554,06 € TTC ;
Que M. [V] et Mme [A] justifient suffisamment des autres préjudices qu'ils ont subi en lien direct avec les désordres imputables aux sociétés Entreprise Galle et Sider dont le coût de la réparation s'élève à 18 324,40 € ;
Que la répartition des responsabilités entre la société Entreprise Galle et la société Sider doit être évaluée à 40% pour la première et 60% pour la seconde.
Par déclaration en date du 14 février 2022, la SARL Sider a relevé appel de cette décision en tous ses chefs.
Par arrêt rendu le 20 mars 2024, la cour d'appel a constaté l'interruption de l'instance en raison du décès de M. [Z] [V] survenu le 14 février 2024, ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture du 13 février 2023 et renvoyé l'affaire à l'audience du 2 juillet 2024 aux fins de reprise d'instance par voie d'intervention volontaire des héritiers ou de citation de ceux-ci.
***
Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 12 septembre 2022 (conclusions récapitulatives et responsives n°1), la société Sider demande à la cour':
Juger recevable sur la forme et bien fondé au fond l'appel formé par la société Sider à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse le 16 décembre 2021,
Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse le 16 décembre 2021 en ce qu'il a': (reprise du dispositif du jugement attaqué),
En conséquence,
Vu l'article 1240 du Code civil,
Juger que la société Sider n'a commis aucune faute ou manquement aux règles de l'art,
Juger qu'il n'existe aucun désordre imputable à une faute ou un manquement commis par la société Sider,
Juger que les consorts [V]/[A] ne justifient d'aucun préjudice qui soit la conséquence d'une faute commise par la société Sider,
Juger la demande nouvelle formée en appel par les consorts [V]/[A] irrecevable,
Juger que la société Sider n'a pas engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard des consorts [V]/[A],
Débouter les consorts [V]/[A] et la société Entreprise Galle de l'intégralité de leurs prétentions, fins et moyens,
Subsidiairement,
Ordonner une nouvelle mesure d'expertise aux frais avancés de la société Sider avec la mission suivante :
Décrire les travaux commandés, les travaux exécutés et les travaux facturés par les différents intervenants,
Dire si les travaux ont été exécutés conformément aux documents contractuels, aux règles de l'art et aux DTU applicables,
Relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l'assignation et affectant l'immeuble litigieux, ainsi que les non-conformités et/ou inachèvements allégués au regard des documents contractuels liant les parties,
En détailler l'origine, les causes et l'étendue et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions, en spécifiant tous éléments techniques permettant d'apprécier s'il s'agit d'éléments constitutifs ou d'éléments d'équipement faisant corps ou non, de manière indissociable avec des ouvrages de viabilité, de fondations, d'ossature, de clos ou de couvert,
Préciser pour chacun des désordres s'il y a eu vice du matériau, non-respect des règles de l'art, malfaçons dans l'exécution, vice de conception, défaut ou insuffisance dans la direction, le contrôle ou la surveillance, défaut d'entretien, ou toute autre cause,
Dire si l'ouvrage a fait l'objet d'une réception expresse ; le cas échéant, en préciser la date, indiquer les réserves y figurant en relation avec les désordres allégués, préciser parmi les désordres, malfaçons, non façons, non conformités contractuelles allégués, lesquels entaient apparents à cette date,
En l'absence de réception expresse, fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer la date à laquelle l'ouvrage était en état d'être conforme à son usage,
Dire si les désordres étaient apparents ou non lors de la réception ou de la prise de possession et au cas où ils auraient été cachés, rechercher leur date d'apparition,
Dire si les désordres apparents au jour de la réception ou de la prise de possession ont fait l'objet de réserves, s'il y a eu des travaux de reprise, et préciser si et quand les éventuelles réserves ont été levées,
Indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination,
Dans l'hypothèse où les désordres sont avec certitude évolutifs, dire s'ils compromettront la solidité de l'ouvrage ou le rendront impropre à sa destination, ou s'ils affecteront la solidité des éléments d'équipement formant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondations, d'ossature, de clos ou de couvert,
Donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation, des lors que ces demandes sont présentées de manière motivée,
Déterminer la part imputable aux différents intervenants par référence aux causes décelées,
Donner son avis sur les solutions appropriées et chiffrer précisément leur coût,
Donner, le cas échéant, son avis sur les comptes entre les parties et proposer un apurement des comptes entre elles en distinguant en tant que de besoin les moins-values résultant de travaux entrant dans le devis et non exécutés, le montant des travaux effectués mais non inclus dans le devis en précisant sur ce point s'ils étaient nécessaires ou non, et plus généralement en distinguant le coût des reprises nécessaires en fonction de chaque entreprise intervenue sur le chantier,
Fournir tous éléments techniques et de fait permettant de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer tous les préjudices subis et indiquer, de façon plus générale, toutes suites dommageables,
Procéder a toutes diligences nécessaires, et faire toutes observations utiles au règlement du litige.
En tout état de cause,
Condamner in solidum M. [Z] [V] et Mme [B] [A] à payer à la société Sider la somme de 5'000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner in solidum M. [Z] [V] et Mme [B] [A] à payer à la société Sider aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct des dépens d'appel au profit de maître Éric Dez, avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.
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Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 1er août 2022 (conclusions d'intimé), la SAS Entreprise Galle demande à la cour':
Reformer le jugement rendu le 16 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en ce qu'il (reprise du dispositif de la décision attaquée),
Débouter M. [V] et Mme [A] de l'ensemble de leurs prétentions formulées à l'encontre de la Sas Entreprise Galle comme irrecevables et non-fondées,
A tout le moins, designer tel expert qu'il plaira à la juridiction avec même mission que celle confiée initialement à M. [O], dans la mesure où son rapport ne peut servir de fondement à une quelconque condamnation,
Débouter M. [V] et Mme [A] de leurs prétentions indemnitaires à titre de préjudices matériel et immatériel comme non-fondées et, en tout état de cause, constater qu'en l'absence de demande de réformation du jugement expressément sollicitée par les consorts [V]-[A], ceux-ci ne sauraient se voir allouer des sommes supérieures à celles allouées par les premiers juges,
Condamner in solidum les consorts [V]-[A] à payer à la Sas Entre-prise Galle la somme de 1'152,25 € TTC, outre intérêts depuis le 11 avril 2018, date de la facture,
Condamner la société Sider à relever et garantir la Sas Entreprise Galle de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens,
À défaut,
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Sider à relever et garantir la Sas Entreprise Galle de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens, prononcées à son encontre à hauteur de 60 %,
Condamner in solidum M. [V] et Mme [A] à payer à la Sas Entre-prise Galle la somme de 6 000 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner in solidum M. [V] et Mme [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise, dont distraction au profit de la SCP Reffay & Associés, avocat sur son affirmation de droits.
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Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 30 avril 2024 (conclusions d'intimés n°4 afin de reprise d'instance), MM. [E] [V], [T] [V], [N] [V], [W] [V] et [R] [V], venants tous aux droits et action de M. [Z] [V], d'une part, et Mme [B] [A] d'autre part, demandent à la cour':
Vu les articles 373 et 374 du Code de procédure civile,
Vu l'article 1792-6 du Code civil,
Subsidiairement, vu les articles 1231 et suivants du Code civil,
Vu l'article 1240 du Code civil (Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016),
Vu le rapport d'expertise judiciaire déposé par M. [O],
Vu les pièces versées,
Constater l'intervention volontaire de :
M. [E] [J] [G] [V],
M. [T] [J] [I] [V],
M. [N] [J] [P] [V],
M. [W] [J] [U] [V],
M. [R] [J] [C] [V] venant tous aux droits et action de M. [V] [Z] ès qualité de cohéritiers,
Ordonner la reprise d'instance et renvoyer à telle audience qu'il plaira à la Cour fixer,
Confirmer le jugement entrepris,
Rejeter la demande de contre-expertise judiciaire,
Y ajoutant
Condamner in solidum les sociétés Entreprise Galle et Sider à payer à M. [E] [J] [G] [V], M. [T] [J] [I] [V], M. [N] [J] [P] [V], M. [W] [J] [U] [V], M. [R] [J] [C] [V] et Mme [A] l'indemnisation des préjudices subis à hauteur de 21'324,40 €,
Débouter les défenderesses de toutes demandes plus amples ou contraires,
Condamner in solidum la société Entreprise Galle et la société Sider à verser la somme de 3 000 € à M. [E] [J] [G] [V], M. [T] [J] [I] [V], M. [N] [J] [P] [V], M. [W] [J] [U] [V], M. [R] [J] [C] [V] et Mme [A] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire, au profit de la SAS TW et associés, conformément à l'article 699 du CPC.
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Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.
MOTIFS,
A titre liminaire, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de la partie appelante tendant à voir la cour «'juger'» lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.
La cour rappelle qu'en application de l'article 954 du Code de procédure civile, elle ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et qu'elle ne peut, de ce fait, se prononcer sur des prétentions qui n'y seraient pas intégrées, telle la demande au titre d'une gêne visuelle figurant uniquement dans la discussion des écritures des consorts [V]-[A].
Il y a lieu de constater, en application de l'article 329 du Code de procédure civile, l'intervention volontaire à l'instance de MM. [E], [T], [N], [W] et [R] [V], en qualité de co-héritiers de M. [Z] [V], qualité dont il est justifié par la production d'un acte de notoriété.
Sur la réalité et l'origine des désordres et sur la demande de nouvelle expertise judiciaire':
Selon l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L'article 146 énonce qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.
En vertu des articles 237, 239 et 276 du Code de procédure civile, l'expert commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité, respecter les délais qui lui sont impartis et il doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.
Sur la réalité des désordres':
En l'espèce, les maîtres de l'ouvrage se plaignent de désordres de nature esthétique dont le premier juge a justement retenu que la preuve était rapportée puisque l'expert judiciaire a constaté des «'efflorescences'», un «'défaut de planéité'», des «'fissures'», des «'traces résiduelles'», des «'irrégularités, trous'», ainsi que des «'aspérités brillantes au droit de l'application de l'additif de finition'», séries de désordres.
L'expert [O] a précisé que ces désordres ont «'essentiellement pour conséquence ... un aspect esthétique déplorable'» alors même qu'il souligne que «'ce type de revêtement est d'abord privilégié par les maîtres de l'ouvrage hors bâtiment industriels pour son rendu esthétique'».
L'expert du cabinet Saretec, mandaté par l'assureur protection juridique de Mme [A], avait quant à lui conclu que la dalle réalisée était «'rédhibitoire quant au rendu esthétique'», sans amélioration après un essai de nettoyage type mono-brosse.
La cour relève que les photographies figurant dans chacun des rapports d'expertise illustrent ces appréciations qui, si elles sont par nature subjectives en l'absence de référence à des tolérances qui seraient fixées par un DTU, n'en sont pas moins parfaitement objectivées par le caractère concordant des avis experts qui ont chacun souligné l'importance des défauts d'aspect du revêtement de sol mis en 'uvre.
En raison du caractère rédhibitoire du rendu esthétique de la dalle réalisée, il était inutile pour l'expert judiciaire de comparer le dallage réalisé par la société Sider à celui du cabinet d'architecte de M. [H] que M. [V] avait visité, préalablement à l'acceptation du devis de la société Entreprise Galle. En outre, l'attestation de M. [H], qui rapporte cette visite, précise que les différences de teintes et efflorescences du sol en béton lissé de son atelier sont normales.
Ainsi, M. [H] n'indique nullement que le sol de son cabinet d'architecte présenterait des défauts d'aspect autres que les légères marbrures uniformes que M. [V] expose avoir vu lors de sa visite et qui correspondaient à ses attentes.
La nature purement esthétique des désordres en cause n'ôte évidemment pas à ceux-ci leur importance puisque, s'agissant d'un revêtement de sol à vocation décorative, son aspect hétérogène n'est pas conforme aux attentes des maîtres de l'ouvrage qui avaient spécifié commander un béton «'finition lissée quartz'» avec choix d'un coloris noir pour l'une des dalles à réaliser. D'ailleurs, la visite préalable par M. [V] d'un précédent chantier réalisé par cette société établit l'importance que le maître de l'ouvrage attachait au rendu esthétique du revêtement de sol à réaliser et la connaissance qu'en avait la société Entreprise Galle.
A supposer que la société Sider n'ait, quant à elle, pas été informée de l'usage d'«'atelier galerie'» du bâtiment dans lequel elle a réalisé la dalle, cette société ne peut pas pour autant méconnaître le caractère décoratif de la prestation qu'elle réalise.
Il s'ensuit que la réalité des désordres de nature esthétique dénoncés est établie, sans que cette question ne nécessite d'ordonner la nouvelle expertise judiciaire sollicitée à titre subsidiaire par les sociétés Entreprise Galle et Sider.
La cour relève que si un défaut de planéité a par ailleurs été relevé par les deux experts, ainsi qu'un défaut de résistance mécanique évolutif selon l'expert [O], ces autres désordres ne sont pas décisifs puisque que les qualités fonctionnelles de l'ouvrage, importantes pour un site industriel, le sont beaucoup moins pour des particuliers, même artistes, qui choisissent le béton lissé pour son rendu esthétique. Il est en conséquence indifférent que, sous le vocable «'fissures'», l'expert judiciaire ne désigne en réalité que de micro-fissurations ou que les mesures de planéité qu'il a réalisées ne respectent pas le protocole d'utilisation d'une règle de deux mètres puisque seul le caractère inesthétique du revêtement fonde les demandes indemnitaires des maîtres de l'ouvrage.
Sur l'origine des désordres':
Comme justement rappelé par les premiers juges, l'expert [O] attribue les désordres esthétiques constatés aux conditions de mise en 'uvre des matériaux, non-conformes aux règles de l'art puisque le DTU applicable prohibe la mise en 'uvre sur support gelé et prévoit que «'sauf dispositions particulières, la température ambiante ne doit pas être inférieure à 3°C'». Pour affirmer que la température ambiante était inférieure à ce seuil, l'expert judiciaire se fonde sur le relevé de température produit par les maîtres de l'ouvrage se rapportant à la commune de [Localité 11] le 1er mars 2018 et mentionnant des températures minimales de -3°C et maximale de 6°C.
Si le sous-traitant est fondé à souligner que la température négative mentionnée sur ce relevé concerne vraisemblablement la période nocturne et que le coulage qu'il a réalisé a eu lieu en journée, ces objections sont toutefois insuffisantes à établir que les prestations ont été réalisées par une température supérieure à 3°C, d'autant moins, d'une part, que l'expert a précisé qu'un support minéral est très long à remonter en température, et d'autre part, que la photographie produite par les maîtres de l'ouvrage montre de la glace en sortie de camion. Dès lors, il est suffisamment établi que les opérations de coulage réalisées par Sider ont débuté par températures inférieures à 3°C, en méconnaissance de la norme applicable.
Pour se défendre néanmoins d'une mise en 'uvre sur support gelé, la société Sider prétend encore avoir coulé la première dalle, non pas le 1er mars 2018, mais le 14 février 2018.
En réalité, les dates des 14 février et 1er mars 2018 mentionnées sur le devis annexé au contrat de sous-traitance qui a été signé avec la société Entreprise Galle ne constituent que les prévisions initiales des parties et les maîtres de l'ouvrage affirment que le coulage de la dalle, initialement prévu le 28 février 2018, a été annulé en raison des températures négatives. Ils affirment encore que les deux dalles ont été coulées le 1er mars 2018, sans que la société Sider n'établisse le contraire, alors qu'une telle preuve peut aisément être rapportée.
Enfin, si la société Sider prétend que les lieux étaient chauffés, les photographies montrent que le dispositif de chauffage mis en 'uvre était en réalité limité et l'expert a pris soin de préciser que l'usage d'un chauffage à air pulsé donne l'impression fausse d'une température négative tout en dessiccant le revêtement minéral appliqué. En tout état de cause, l'expert souligne que les travaux ont été réalisés par la société Sider sans relevé de températures permettant d'apprécier l'exacte température des substrats sur lequel le béton quartz devait être appliqué.
Ainsi, il est établi que la mise en 'uvre du produit semi-fini par la société Sider, de l'état de poudre à sa finalisation solide via une phase intermédiaire liquide associée à un malaxage, a été défectueuse et que cette faute est à l'origine des désordres, sans que cette question de l'origine du désordre ne nécessite d'ordonner l'expertise judiciaire sollicitée à titre subsidiaire par les sociétés Entreprise Galle et Sider.
Enfin, il sera relevé que les constatations expertales ont régulièrement été réalisées le 25 juin 2019 et que l'absence injustifiée de la société Sider, dûment convoquée, ne justifiait pas de renouveler ces opérations. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société appelante, son dire en date du 4 juin 2020 est régulièrement mentionné et annexé au rapport de l'expert [O] qui y a d'ailleurs répondu pages 21 et 22 de ce rapport.
Dès lors que cette société a transmis ce dire dans le délai qui avait été fixé au 8 juin 2020 par l'expert, elle n'a subi aucun préjudice résultant de la non-prise en compte par l'expert [O] de la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire prévue par l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020. En effet, cette prorogation, si elle aurait pu permettre à la société Sider de transmettre un dire au-delà du 8 juin, ne justifie pas qu'elle demande à l'expert de reconsidérer la réponse qu'il y a apportée.
Au final, l'expertise judiciaire de M. [O] est suffisante à rapporter la preuve des désordres allégués et de leur cause et les premiers juges ont justement écarté les griefs la concernant en l'absence d'entorse au principe du contradictoire et de méconnaissance par l'expert de son obligation de provoquer les observations des parties et d'y répondre. En conséquence, le jugement attaqué, qui a rejeté la demande subsidiaire tendant à voir ordonner une nouvelle expertise, sera confirmé.
Sur les responsabilités':
Sur la garantie de parfait-achèvement':
Selon le deuxième alinéa de l'article 1792-6 du Code civil, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Il en résulte que la garantie de parfait-achèvement ne s'applique que s'il y a eu réception.
En l'espèce, les consorts [V]-[A] se prévalent d'une réception tacite qui serait intervenue le 3 avril 2018 en faisant référence aux énonciations de l'expert judiciaire selon lesquelles, en l'absence de réception expresse de l'ouvrage, «'la date du 3 avril 2018, date d'ouverture d'un dossier sinistre de [A] auprès de son assureur, pourrait être retenue comme prise de possession des lieux, lesquels présentaient alors tous les désordres reprochés.'».
Or, c'est par des motifs exacts et pertinents tant en droit qu'en fait et que la cour adopte expressément que les premiers juges ont écarté toute réception tacite puisque, en signalant dès le 2 mars 2018 l'existence de désordres affectant les lieux, en ne cessant par la suite de faire part de leur mécontentement à la société Entreprise Galle et en refusant de payer le solde de la facture de cette société, les maîtres de l'ouvrage ont au contraire refusé de recevoir l'ouvrage en l'état. La cour ajoute que l'ouverture d'un dossier sinistre auprès d'un assureur témoigne d'ailleurs de ce même refus de sorte que, contrairement à la suggestion de l'expert, la régularisation d'une déclaration de sinistre n'emporte aucune réception tacite. A supposer même qu'une prise de possession des lieux serait effectivement intervenue le 3 avril 2018, les réclamations des maîtres de l'ouvrage concernent l'existence de désordres et l'absence de paiement du solde du prix des travaux rendraient cette prise de possession équivoque quant à leur volonté de recevoir l'ouvrage.
Il s'ensuit qu'en l'absence de réception expresse ou tacite, c'est à bon droit que le jugement attaqué a rejeté les demandes des consorts [V]-[A] en ce qu'elles étaient fondées sur la garantie de parfait-achèvement.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Entreprise Galle':
Lorsque les travaux n'ont pas fait l'objet d'une réception, la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur peut être recherchée et, conformément aux prévisions de l'article 1231-1 du Code civil, le constructeur sera condamné à des dommages et intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation ou du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En l'espèce, si le sous-traitant, en charge de couler les dalles, a été défaillant, la société Entreprise Galle était tenue d'une obligation de surveillance du chantier, d'autant plus qu'elle n'avait pas prévenu M. [V] de l'intervention d'un sous-traitant.
Le manquement à cette obligation ayant contribué aux désordres, le jugement attaqué, qui a retenu que la société Entreprise Galle avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard des maîtres de l'ouvrage, sera confirmé.
Sur la responsabilité délictuelle de la société Sider':
En l'absence de lien contractuel avec le maître de l'ouvrage, la responsabilité des sous-traitants ne peut être recherchée par ce dernier que sur le fondement quasi-délictuel de l'article 1240 du Code civil, qui exige la démonstration d'une faute en lien de causalité direct et certain avec le dommage.
En l'espèce, il résulte de ce qui précède que la mise en 'uvre du produit semi-fini par la société Sider a été défectueuse et que cette faute est à l'origine des désordres.
Le jugement attaqué, qui a retenu que la société Sider avait engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard des maîtres de l'ouvrage, sera confirmé.
Sur les préjudices':
Le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était point produit.
En application de ce principe de réparation intégrale, il est jugé, en matière de responsabilité des constructeurs, que le juge détermine souverainement les travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination sans qu'il y ait lieu de tenir compte d'un enrichissement ou d'une quelconque vétusté, sauf disproportion entre la solution réparative et la gravité des désordres.
Sur le coût des travaux de remise en état':
En l'espèce, Mme [A] et les ayant droits de M. [V] expliquent que le devis de la société AGH Sol Solutions d'un montant de 15'276,36 € pour la réfection de la dalle du sous-sol inclut une finition de sorte qu'il n'y aurait pas lieu à polissage. Ils expliquent à l'inverse qu'ils ne réclament que la moitié du devis de polissage de la société AGH Sol Solution, soit la somme de 6'277,70 €, puisque cette prestation permettrait de résorber l'essentiel des défauts de surface de la dalle du premier niveau. Sous ces explications, l'évaluation expertale du coût des travaux de reprise à la somme globale de 21'554,06 € TTC est cohérente et raisonnable.
Le jugement attaqué, qui a condamné in solidum les sociétés Entreprise Galle et Sider, à payer cette somme, outre actualisation en fonction de l'indice BT01 depuis le 13 juin 2020, sera confirmé, sous réserve du compte entre les parties comme il sera vu ci-après.
Sur les autres préjudices matériels':
Compte tenu de leur objet, les travaux de réfection et de polissage des sols nécessitent, d'une part, le démontage des radiateurs, garde-corps et escalier, et d'autre part, le nettoyage des lieux après travaux, sans que la société Entreprise Galle, qui n'a pas réalisé les travaux de reprise en temps utiles malgré les réclamations multiples de M. [V] mais qui lui avait assuré que les défauts d'aspect allaient s'estomper, ne puisse désormais reprocher aux maîtres de l'ouvrage d'avoir fait installer les radiateurs, garde-corps et escalier. En outre, ces travaux de reprise supposent de prévoir le transport et le stockage des 'uvres d'art. Les évaluations expertales concernant ces trois séries de prestations annexes reposent sur des devis.
En l'état de ces éléments et en l'absence de devis moins-disants produits par les sociétés Entreprise Galle et Sider, ces dernières échouent à discuter le principe et le quantum de ces préjudices matériels annexes.
Par ailleurs, l'expert évalue à une semaine le temps de préparation des surfaces, à quatre semaines le temps de surfaçage/séchage et à une semaine le temps de réimplantation des matériels, ce qui lui permet de calculer le coût du relogement à l'hôtel, avec repas à l'extérieur, pendant 42 jours. Les contestations des sociétés Entreprise Galle et Sider concernant le principe et le quantum de ces préjudices matériels ne sont pas fondées.
Enfin, la perte financière liée à l'arrêt de l'activité de la galerie a également été évaluée sur la base du compte de résultat fiscal de l'année 2017 de l'activité de sculpteur de M. [V], prorata temporis de 42 jours. Il s'ensuit que ce poste de préjudice est justifié dans son principe et son quantum.
Au final, le jugement attaqué, qui a condamné in solidum les sociétés Entreprise Galle et Sider, à payer la somme globale de 18'324,40 € en réparation des préjudices matériels subséquents aux travaux de remise en état, sera confirmé.
Sur la demande en paiement de la société Entreprise Galle et le compte entre les parties':
L'article 564 du Code de procédure civile, qui prohibe les demandes nouvelles en appel, réserve plusieurs hypothèses dont celles des prétentions consistant à opposer compensation.
En l'espèce, il n'est pas discuté que le solde du marché confié à la société Entreprise Galle d'un montant de 1'152,25 € TTC n'a pas été payé et la demande en paiement formée par cette société de ce chef est recevable, même présentée pour la première fois en cause d'appel, puisqu'elle vise à opposer compensation.
Ainsi, la condamnation au titre du coût des travaux de reprise ci-avant prononcée sera ramenée à la somme globale de 20'401,81 € TTC.
Sur la demande en garantie formée par la société Entreprise Galle':
Il est de principe que dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu'à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil s'agissant des locateurs d'ouvrage non liés contractuellement entre eux, ou de l'article 1147 du Code civil s'ils sont contractuellement liés.
En l'espèce, c'est par des motifs exacts et pertinents tant en droit qu'en fait et que la cour adopte expressément que les premiers juges ont retenu qu'en sa qualité d'entreprise principale, seule contractante des maîtres de l'ouvrage, la société Entreprise Galle devait a minima une surveillance efficace du chantier sous-traité, dénoncer en temps utile les malfaçons et désordres constatés et prendre toutes dispositions pour livrer avant réception une prestation conforme à celle demandée, sans vices apparents ce qui justifie que, même si elle n'est pas responsable au premier plan des défauts d'exécution constatés, cette société doit en répondre à hauteur de 40%.
Le jugement attaqué, qui a fixé la contribution à la dette à 60% à la charge de la société Sider et à 40% à la charge de la société Entreprise Galle, sera confirmé.
Sur les demandes accessoires':
La cour confirme la décision attaquée qui a condamné in solidum les sociétés Entreprise Galle et Sider, parties perdantes, aux dépens de première instance, en ce qui compris les frais de l'expertise judiciaire et à payer aux consorts [V]-[A] la somme de 2'500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, montant justifié en équité.
Les sociétés Entreprise Galle et Sider, parties perdantes à hauteur d'appel, sont en outre condamnées in solidum aux dépens de la présente instance.
Les sociétés Entreprise Galle et Sider sont déboutées de leurs demandes d'indemnisation de leurs frais irrépétibles.
La cour les condamne in solidum à payer aux consorts [V]-[A] la somme complémentaire de 2'000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, justifiée en équité.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Constate l'intervention volontaire à l'instance de M. [E] [J] [G] [V], M. [T] [J] [I] [V], M. [N] [J] [P] [V], M. [W] [J] [U] [V] et M. [R] [J] [C] [V], venant tous aux droits et action de M. [V] [Z] ès-qualités de cohéritiers,
Confirme le jugement rendu le 16 décembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de Bourg-en-Bresse en toutes ses dispositions, sauf à ramener la condamnation au titre du coût des travaux de remise en état à la somme de 20'401,81 € TTC.
Y ajoutant,
Condamne in solidum la SAS Entreprise Galle et la SARL Sider aux dépens de l'instance d'appel,
Condamne in solidum la SAS Entreprise Galle et la SARL Sider à payer à M. [E] [J] [G] [V], M. [T] [J] [I] [V], M. [N] [J] [P] [V], M. [W] [J] [U] [V] et M. [R] [J] [C] [V], venant tous aux droits et action de M. [V] [Z] ès-qualités de cohéritiers, et à Mme [B] [A] la somme de 2'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.