Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 24 octobre 2024, n° 23/14081
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/601
Rôle N° RG 23/14081 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BME4I
Commune DE [Localité 19]
C/
[H] [U] [D]
[E] [D]
[M] [B]
[N] [B]
[Y] [I]
[K] [B]
[Z] [A]
[C] [B]
[W] [B]
[V] [L]
[O] [L]
S.A.S. GROUPE [T] [P]
[R] [F]
SAS GROUPE [T] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean DE VALON de l'ASSOCIATION DE VALON / PONTIER DE VALON
Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal judiciaire de [Localité 19] en date du 28 septembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/03492.
APPELANTE
Ville de [Localité 19]
prise en la personne de son Maire en exercice,
dont le siège social est situé en son établissement Direction des affaires juridiques et des assemblées, Contentieux - [Adresse 15]
représentée par Me Jean de VALON de l'ASSOCIATION DE VALON / PONTIER DE VALON, avocat au barreau de [Localité 19]
INTIMES
Monsieur [H] [U] [D]
demeurant [Adresse 16]
défaillant
Monsieur [E] [D]
né le [Date naissance 11] 1984 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillant
Madame [M] [B]
née le [Date naissance 14] 1983 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillante
Monsieur [N] [B]
né le [Date naissance 7] 1996 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillant
Madame [Y] [I]
née le [Date naissance 13] 1970 à [Localité 17] (Roumanie), demeurant [Adresse 16]
défaillante
Monsieur [K] [B]
né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 18] (Roumanie), demeurant [Adresse 16]
défaillant
Monsieur [Z] [A]
né le [Date naissance 9] 1972 à [Localité 17] (Roumanie), demeurant [Adresse 16]
défaillant
Madame [C] [B]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 20] (Roumanie), demeurant [Adresse 16]
défaillante
Monsieur [W] [B]
né le [Date naissance 12] 1987 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillant
Monsieur [V] [L]
né le [Date naissance 5] 1987 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillant
Monsieur [O] [L]
né le [Date naissance 3] 1998 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillant
Madame [R] [F]
née le [Date naissance 4] 2002 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillante
PARTIE INTERVENANTE
SAS GROUPE [T] [P]
intervenante volontaire
Représentée en la personne de son représentant légal en exercice Monsieur [T] [P] domicilié en cette qualité audit siège
dont le siège social est situé [Adresse 21]
représentée par Me Sandra JUSTON substituée par Me SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Christine D'ARRIGO de la SELARL CHRISTINE D'ARRIGO, avocat au barreau de [Localité 19]
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 septembre 2024 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseillère rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte de commissaire de justice en date du 16 mai 2023, la ville de [Localité 19] a fait assigner monsieur [H] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [Z] [A], madame [C] [B] et monsieur [K] [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille statuant en référé afin notamment de constater qu'ils sont occupants sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 10] dans le [Localité 8] et de voir ordonner leur expulsion.
Intervenaient volontairement à l'instance : monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F].
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 28 septembre 2023 le juge des référés a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L] et madame [R] [F] ;
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir de la ville de [Localité 19] ;
- renvoyé les parties à se pourvoir au principal ;
- rejeté l'ensemble des demandes de la ville de [Localité 19], y compris celle au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toute autre demande ;
- condamné la ville de [Localité 19] aux dépens.
Après avoir estimé recevable en son action la ville de [Localité 19], ès qualités de locataire au titre d'un bail commercial conclu le 5 février 2021 du bien immobilier occupé de manière irrégulière, et reconnu pour celle-ci l'existence d'un trouble de jouissance au regard de l'occupation irrégulière du dit bien, le juge des référés a rejeté ses demandes, considérant que la cité phocéenne « fonde juridiquement sa demande d'expulsion sur l'atteinte portée au droit de propriété de l'article 544 du code civil alors même qu'elle n'est pas le propriétaire du bien occupé, lequel appartient à la société Groupe [T] [P] », société bailleresse.
Par déclaration au greffe en date du 16 novembre 2023, la ville de [Localité 19] a relevé appel partiel de la décision intervenue le 28 septembre 2023, en ce qu'elle a rejeté :
- la demande d'expulsion de monsieur [H] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F] et de tous occupants à leur lieu et place et au besoin avec le concours de la force publique et d'une commissaire de justice ;
- la demande d'inapplicabilité des délais prévus par les articles L412-1 et L412-6 du code des procédures civiles d'exécution ;
- la demande de condamnation in solidum au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 1500 euros ;
- la demande de condamnation in solidum au paiement d'une somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises le 28 novembre 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample connaissance des prétentions et des moyens, la commune de [Localité 19] sollicite de la cour qu'elle :
- infirme la décision entreprise en ce qu'elle a :
- rejeté l'ensemble de ses demandes ;
- l'a condamnée aux dépens ;
- rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
- constate que les requis sont occupants sans droit ni titre et sont entrés par voie de fait sur la propriété louée par la ville de [Localité 19] sise [Adresse 10] dans le [Localité 8] ;
- ordonne l'expulsion de :
- monsieur [H] [U] [D],
- monsieur [E] [D],
- madame [M] [B],
- monsieur [N] [B],
- madame [Y] [I],
- monsieur [K] [B],
- monsieur [Z] [A],
- madame [C] [B],
- monsieur [W] [B],
- monsieur [V] [L],
- monsieur [O] [L],
- madame [R] [F],
demeurant tous à ce jour [Adresse 10] ainsi que celle de tous occupants à leur lieu et place et de tous occupant des lieux au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
- dise inapplicable le délai prévu à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
- dise inapplicable le délai prévu à l'article L412-6 du code des procédures civiles d'exécution, et subsidiairement le supprimer eu égard à la voie de fait intervenue ;
- condamne les intimés in solidum au paiement de la somme mensuelle de 1500 euros à titre d'indemnité d'occupation ;
- dise qu'en cas d'exécution forcée par voie d'huissier, les sommes dues au titre de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1995 régissant le tarif des huissiers de justice seront supportées par le débiteur en sus des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne les intimés in solidum à la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris le coût du procès-verbal de constat au titre de la procédure de première instance ;
- condamne les intimés in solidum à la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'appelante fait valoir que le juge a reconnu qu'elle avait un intérêt et qualité à agir, qu'en employant dans son dispositif la formule ' vu le trouble manifestement illicite subi par la requérante du fait de l'occupation sans droit ni titre du défendeur, et vu l'urgence', le juge a reconnu que l'occupation illicite du bien immobilier constitue un trouble manifestement illicite la concernant.
Elle estime dès lors qu'il y a une contradiction dans le raisonnement entrepris en ce que le juge a rejeté ses prétentions pourtant fondées sur les dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile.
Elle relève qu'elle s'est bien présentée comme locataire et n'a pas fondée sa demande sur les dispositions de l'article 544 du code civil portant sur le droit de propriété, rappelées au titre du contrôle de proportionnalité que le juge doit opérer devant les intérêts en présence.
Elle soutient qu'elle a engagé l'action en l'état de reproches formés par la société bailleresse relatifs à l'occupation des lieux squattés, qu'elle avait un intérêt légitime à agir, fondé sur l'existence d'un trouble manifestement illicite, lequel est constitué pour un propriétaire comme pour un locataire par le fait qu'un tiers occupe le bien immobilier cédé à bail sans titre valable.
Intervenant volontairement à la procédure, la société Groupe [T] [P], par dernières conclusions transmises le 10 mai 2024 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des prétentions et des moyens, demande à la cour de :
- la juger recevable en son intervention volontaire ;
- informer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des demandes de la ville de [Localité 19], condamné la ville de [Localité 19] aux dépens, rejeté sa demande au titre de l'article 700 et rejeté tout autre demande ;
statuant à nouveau :
- juger les intimés sans droit ni titre et entrés par voie de fait dans l'immeuble sis [Adresse 10] dans le [Localité 6] appartenant à la société SAS Groupe [T] [P] et donné à bail à la ville de [Localité 19] ;
- ordonner l'expulsion de :
- monsieur [H] [U] [D],
- monsieur [E] [D],
- madame [M] [B],
- monsieur [N] [B],
- madame [Y] [I],
- monsieur [K] [B],
- monsieur [Z] [A],
- madame [C] [B],
- monsieur [W] [B],
- monsieur [V] [L],
- monsieur [O] [L],
- madame [R] [F],
demeurant tous à ce jour [Adresse 10] ainsi que celle de tous occupants à leur lieu et place et de tous occupant des lieux au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
- juger inapplicable le délai prévu à l'article L412-6 du code des procédures civiles d'exécution, et subsidiairement le supprimer eu égard à la voie de fait intervenue ;
- condamner les intimés in solidum à lui verser la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la SCP Badie.
La société Groupe [T] [P] fait valoir que :
- elle a cédé à bail commercial à la ville de [Localité 19] les locaux sis [Adresse 10] dans le [Localité 6] affecté à la création de décors pour l'opéra de la ville ;
- informé par ses soins que les lieux temporairement vides faisaient l'objet d'une occupation illicite, la ville s'engageait à diligenter une procédure en son nom ;
- elle est recevable en son intervention, en application des articles 327 et 554 du code de procédure civil, ayant intérêt en qualité de propriétaire bailleresse à faire procéder à l'évacuation des locaux aux fins de mise à disposition au preneur ;
- elle reprend à son compte les demandes de la ville de [Localité 19], qu'elle estimait recevables par le juge des référés du fait du trouble manifestement illicite consécutif à l'occupation illégale des lieux par des squatteurs ;
- elle n'est pas responsable à l'égard du locataire du trouble que des tiers apportent par voie de fait à sa jouissance, mais peut également agir contre les sous occupants sans droits ni titre ;
- l'occupation illégale perdure ;
- l'occupation illégale constitue un trouble manifeste porté au droit de propriété ;
- la mesure d'expulsion n'est pas dans les circonstances de l'espèce disproportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale des intimés.
Monsieur [H] [U] [D], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [E] [D], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Madame [M] [B], régulièrement citée à étude, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [N] [B], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Madame [Y] [I], régulièrement citée à personne, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [K] [B], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [Z] [A], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Madame [C] [B], régulièrement citée par la remise de l'acte à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [W] [B], régulièrement cité par la remise de l'acte à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [V] [L], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [O] [L], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Madame [R] [F], régulièrement citée à étude, n'a pas constitué avocat.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 03 septembre 2024.
MOTIVATION :
La cour statuera dans les limites de l'appel.
Sur l'intervention volontaire du groupe [T] [P] :
Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
Le groupe [T] [P] qui n'était pas partie, ni représenté en première instance, justifie de sa qualité de propriétaire bailleur du bien sis [Adresse 10] dans le [Localité 6] à [Localité 19] dont l'occupation irrégulière est dénoncée.
Son intervention est donc recevable.
Sur la demande d'expulsion formée par la ville de [Localité 19] sur le fondement du trouble manifestement illicite :
Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour en apprécier la réalité, la cour d'appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue. Enfin, le juge des référés apprécie souverainement le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu'il constate.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la ville de [Localité 19] est locataire suivant contrat commercial en date du 5 février 2021 conclu avec la société Groupe [T] [P] de locaux à usages de bureaux et d'entrepôt sis [Adresse 10] dans le [Localité 6] à [Localité 19].
Les intimés, représentés en première instance, à l'exception de monsieur [H] [U] [D], monsieur [Z] [A] et madame [C] [B], non comparants, n'ont pas contesté l'occupation irrégulière des lieux cédés à bail à la ville de [Localité 19].
Cette occupation irrégulière est également établie par procès-verbal de constat dressé le 3 février 2023 par maître [G] [S] et par un rapport d'intervention du 26 avril 2023 de la police municipale de [Localité 19] constatant la présence d'un campement accueillant quatre familles au sein de l'entrepôt sis à l'adresse susvisée.
L'occupation sans droit ni titre des locaux litigieux, toujours en cours au moment où le premier juge a statué, constitue donc bien un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre un terme.
Le trouble manifestement illicite étant constitué aussi bien à l'égard du propriétaire que du locataire, lequel bénéficie d'une protection possessoire contre celui qui trouble sa détention, la ville de [Localité 19] est fondée à demander au juge des référés de le faire cesser.
Il convient dès lors d'ordonner l'expulsion des intimés et d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté cette demande.
L'entrée par effraction étant reconnue sur procès-verbal de constat dressé par commissaire de justice par les occupants les lieux, il n'y a pas lieu de faire application du délai prévu au premier alinéa de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, ni des dispositions tirées de l'article L.412-6 alinéa 1 du même code permettant de surseoir à la mesure d'expulsion non exécutée pendant la période dite de trêve hivernale.
Il sera fait droit aux demandes de l'appelant de ces chefs.
Sur la demande au titre de l'indemnité d'occupation :
Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile : « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d'appel si elles n'y ont pas spécialement renoncé. ».
Il convient sur ce fondement de requalifier la demande présentée par la ville de [Localité 19] au titre de l'indemnité d'occupation en demande indemnitaire du fait de son préjudice de jouissance.
La ville de [Localité 19] s'acquitte selon contrat de bail au titre du loyer principal annuel de base d'une somme de 160 000 euros hors taxes et hors charges.
Il sera fait droit à sa demande tendant à condamner les intimés in solidum au paiement d'une somme de 1 500 euros, représentant un peu plus d'un dixième du montant du loyer mensuel auquel elle est tenue.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la ville de [Localité 19] aux dépens et n'a pas fait droit à sa demande d'indemnité sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [H] [U] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B],madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F], succombant en appel, concernant la demande d'expulsion formée à leur encontre, seront tenus in solidum aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, incluant les frais d'exécution forcée.
En outre, l'équité commande de les condamner in solidum à verser à la ville de [Localité 19] la somme de 5 000 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile, dépens d'appel engagés par la société groupe [T] [P] distraits au profit de la SCP Badie, sous leur affirmation de droit.
A ce titre ils seront également condamnés in solidum à verser à la SAS Groupe [T] [P] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions déférées ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable en son intervention volontaire la société Groupe [T] [P] ;
Ordonne l'expulsion de :
- monsieur [H] [U] [D],
- monsieur [E] [D],
- madame [M] [B],
- monsieur [N] [B],
- madame [Y] [I],
- monsieur [K] [B],
- monsieur [Z] [A],
- madame [C] [B],
- monsieur [W] [B],
- monsieur [V] [L],
- monsieur [O] [L],
- madame [R] [F],
demeurant [Adresse 10] ainsi que celle de tous occupants à leur lieu et place et de tous occupant des lieux au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
Dit qu'à défaut de départ spontané des occupants, il ne sera pas fait application du délai prévu à l'article L.412-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution,
Dit qu'à défaut de départ spontané des occupants il ne sera pas fait application des dispositions tirées de l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution relative au sursis de la mesure d'expulsion en période dite de trêve hivernale ;
Requalifie la demande au titre de l'indemnité d'occupation en demande au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum monsieur [H] [U] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F] à verser à la ville de [Localité 19] la somme de 1500 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum monsieur [H] [U] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F] à verser à la ville de [Localité 19] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et à hauteur d'appel non compris dans les dépens ;
Condamne in solidum monsieur [H] [U] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F] à verser à la société Groupe [T] [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum monsieur [H] [U] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'exécution forcée, distraits pour ceux d'appel.
La greffière Le président
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/601
Rôle N° RG 23/14081 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BME4I
Commune DE [Localité 19]
C/
[H] [U] [D]
[E] [D]
[M] [B]
[N] [B]
[Y] [I]
[K] [B]
[Z] [A]
[C] [B]
[W] [B]
[V] [L]
[O] [L]
S.A.S. GROUPE [T] [P]
[R] [F]
SAS GROUPE [T] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean DE VALON de l'ASSOCIATION DE VALON / PONTIER DE VALON
Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal judiciaire de [Localité 19] en date du 28 septembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/03492.
APPELANTE
Ville de [Localité 19]
prise en la personne de son Maire en exercice,
dont le siège social est situé en son établissement Direction des affaires juridiques et des assemblées, Contentieux - [Adresse 15]
représentée par Me Jean de VALON de l'ASSOCIATION DE VALON / PONTIER DE VALON, avocat au barreau de [Localité 19]
INTIMES
Monsieur [H] [U] [D]
demeurant [Adresse 16]
défaillant
Monsieur [E] [D]
né le [Date naissance 11] 1984 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillant
Madame [M] [B]
née le [Date naissance 14] 1983 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillante
Monsieur [N] [B]
né le [Date naissance 7] 1996 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillant
Madame [Y] [I]
née le [Date naissance 13] 1970 à [Localité 17] (Roumanie), demeurant [Adresse 16]
défaillante
Monsieur [K] [B]
né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 18] (Roumanie), demeurant [Adresse 16]
défaillant
Monsieur [Z] [A]
né le [Date naissance 9] 1972 à [Localité 17] (Roumanie), demeurant [Adresse 16]
défaillant
Madame [C] [B]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 20] (Roumanie), demeurant [Adresse 16]
défaillante
Monsieur [W] [B]
né le [Date naissance 12] 1987 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillant
Monsieur [V] [L]
né le [Date naissance 5] 1987 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillant
Monsieur [O] [L]
né le [Date naissance 3] 1998 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillant
Madame [R] [F]
née le [Date naissance 4] 2002 en Roumanie, demeurant [Adresse 16]
défaillante
PARTIE INTERVENANTE
SAS GROUPE [T] [P]
intervenante volontaire
Représentée en la personne de son représentant légal en exercice Monsieur [T] [P] domicilié en cette qualité audit siège
dont le siège social est situé [Adresse 21]
représentée par Me Sandra JUSTON substituée par Me SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Christine D'ARRIGO de la SELARL CHRISTINE D'ARRIGO, avocat au barreau de [Localité 19]
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 septembre 2024 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseillère rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte de commissaire de justice en date du 16 mai 2023, la ville de [Localité 19] a fait assigner monsieur [H] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [Z] [A], madame [C] [B] et monsieur [K] [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille statuant en référé afin notamment de constater qu'ils sont occupants sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 10] dans le [Localité 8] et de voir ordonner leur expulsion.
Intervenaient volontairement à l'instance : monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F].
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 28 septembre 2023 le juge des référés a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L] et madame [R] [F] ;
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir de la ville de [Localité 19] ;
- renvoyé les parties à se pourvoir au principal ;
- rejeté l'ensemble des demandes de la ville de [Localité 19], y compris celle au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toute autre demande ;
- condamné la ville de [Localité 19] aux dépens.
Après avoir estimé recevable en son action la ville de [Localité 19], ès qualités de locataire au titre d'un bail commercial conclu le 5 février 2021 du bien immobilier occupé de manière irrégulière, et reconnu pour celle-ci l'existence d'un trouble de jouissance au regard de l'occupation irrégulière du dit bien, le juge des référés a rejeté ses demandes, considérant que la cité phocéenne « fonde juridiquement sa demande d'expulsion sur l'atteinte portée au droit de propriété de l'article 544 du code civil alors même qu'elle n'est pas le propriétaire du bien occupé, lequel appartient à la société Groupe [T] [P] », société bailleresse.
Par déclaration au greffe en date du 16 novembre 2023, la ville de [Localité 19] a relevé appel partiel de la décision intervenue le 28 septembre 2023, en ce qu'elle a rejeté :
- la demande d'expulsion de monsieur [H] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F] et de tous occupants à leur lieu et place et au besoin avec le concours de la force publique et d'une commissaire de justice ;
- la demande d'inapplicabilité des délais prévus par les articles L412-1 et L412-6 du code des procédures civiles d'exécution ;
- la demande de condamnation in solidum au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 1500 euros ;
- la demande de condamnation in solidum au paiement d'une somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises le 28 novembre 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample connaissance des prétentions et des moyens, la commune de [Localité 19] sollicite de la cour qu'elle :
- infirme la décision entreprise en ce qu'elle a :
- rejeté l'ensemble de ses demandes ;
- l'a condamnée aux dépens ;
- rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
- constate que les requis sont occupants sans droit ni titre et sont entrés par voie de fait sur la propriété louée par la ville de [Localité 19] sise [Adresse 10] dans le [Localité 8] ;
- ordonne l'expulsion de :
- monsieur [H] [U] [D],
- monsieur [E] [D],
- madame [M] [B],
- monsieur [N] [B],
- madame [Y] [I],
- monsieur [K] [B],
- monsieur [Z] [A],
- madame [C] [B],
- monsieur [W] [B],
- monsieur [V] [L],
- monsieur [O] [L],
- madame [R] [F],
demeurant tous à ce jour [Adresse 10] ainsi que celle de tous occupants à leur lieu et place et de tous occupant des lieux au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
- dise inapplicable le délai prévu à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
- dise inapplicable le délai prévu à l'article L412-6 du code des procédures civiles d'exécution, et subsidiairement le supprimer eu égard à la voie de fait intervenue ;
- condamne les intimés in solidum au paiement de la somme mensuelle de 1500 euros à titre d'indemnité d'occupation ;
- dise qu'en cas d'exécution forcée par voie d'huissier, les sommes dues au titre de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1995 régissant le tarif des huissiers de justice seront supportées par le débiteur en sus des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne les intimés in solidum à la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris le coût du procès-verbal de constat au titre de la procédure de première instance ;
- condamne les intimés in solidum à la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'appelante fait valoir que le juge a reconnu qu'elle avait un intérêt et qualité à agir, qu'en employant dans son dispositif la formule ' vu le trouble manifestement illicite subi par la requérante du fait de l'occupation sans droit ni titre du défendeur, et vu l'urgence', le juge a reconnu que l'occupation illicite du bien immobilier constitue un trouble manifestement illicite la concernant.
Elle estime dès lors qu'il y a une contradiction dans le raisonnement entrepris en ce que le juge a rejeté ses prétentions pourtant fondées sur les dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile.
Elle relève qu'elle s'est bien présentée comme locataire et n'a pas fondée sa demande sur les dispositions de l'article 544 du code civil portant sur le droit de propriété, rappelées au titre du contrôle de proportionnalité que le juge doit opérer devant les intérêts en présence.
Elle soutient qu'elle a engagé l'action en l'état de reproches formés par la société bailleresse relatifs à l'occupation des lieux squattés, qu'elle avait un intérêt légitime à agir, fondé sur l'existence d'un trouble manifestement illicite, lequel est constitué pour un propriétaire comme pour un locataire par le fait qu'un tiers occupe le bien immobilier cédé à bail sans titre valable.
Intervenant volontairement à la procédure, la société Groupe [T] [P], par dernières conclusions transmises le 10 mai 2024 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des prétentions et des moyens, demande à la cour de :
- la juger recevable en son intervention volontaire ;
- informer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des demandes de la ville de [Localité 19], condamné la ville de [Localité 19] aux dépens, rejeté sa demande au titre de l'article 700 et rejeté tout autre demande ;
statuant à nouveau :
- juger les intimés sans droit ni titre et entrés par voie de fait dans l'immeuble sis [Adresse 10] dans le [Localité 6] appartenant à la société SAS Groupe [T] [P] et donné à bail à la ville de [Localité 19] ;
- ordonner l'expulsion de :
- monsieur [H] [U] [D],
- monsieur [E] [D],
- madame [M] [B],
- monsieur [N] [B],
- madame [Y] [I],
- monsieur [K] [B],
- monsieur [Z] [A],
- madame [C] [B],
- monsieur [W] [B],
- monsieur [V] [L],
- monsieur [O] [L],
- madame [R] [F],
demeurant tous à ce jour [Adresse 10] ainsi que celle de tous occupants à leur lieu et place et de tous occupant des lieux au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
- juger inapplicable le délai prévu à l'article L412-6 du code des procédures civiles d'exécution, et subsidiairement le supprimer eu égard à la voie de fait intervenue ;
- condamner les intimés in solidum à lui verser la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la SCP Badie.
La société Groupe [T] [P] fait valoir que :
- elle a cédé à bail commercial à la ville de [Localité 19] les locaux sis [Adresse 10] dans le [Localité 6] affecté à la création de décors pour l'opéra de la ville ;
- informé par ses soins que les lieux temporairement vides faisaient l'objet d'une occupation illicite, la ville s'engageait à diligenter une procédure en son nom ;
- elle est recevable en son intervention, en application des articles 327 et 554 du code de procédure civil, ayant intérêt en qualité de propriétaire bailleresse à faire procéder à l'évacuation des locaux aux fins de mise à disposition au preneur ;
- elle reprend à son compte les demandes de la ville de [Localité 19], qu'elle estimait recevables par le juge des référés du fait du trouble manifestement illicite consécutif à l'occupation illégale des lieux par des squatteurs ;
- elle n'est pas responsable à l'égard du locataire du trouble que des tiers apportent par voie de fait à sa jouissance, mais peut également agir contre les sous occupants sans droits ni titre ;
- l'occupation illégale perdure ;
- l'occupation illégale constitue un trouble manifeste porté au droit de propriété ;
- la mesure d'expulsion n'est pas dans les circonstances de l'espèce disproportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale des intimés.
Monsieur [H] [U] [D], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [E] [D], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Madame [M] [B], régulièrement citée à étude, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [N] [B], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Madame [Y] [I], régulièrement citée à personne, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [K] [B], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [Z] [A], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Madame [C] [B], régulièrement citée par la remise de l'acte à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [W] [B], régulièrement cité par la remise de l'acte à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [V] [L], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Monsieur [O] [L], régulièrement cité à étude, n'a pas constitué avocat.
Madame [R] [F], régulièrement citée à étude, n'a pas constitué avocat.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 03 septembre 2024.
MOTIVATION :
La cour statuera dans les limites de l'appel.
Sur l'intervention volontaire du groupe [T] [P] :
Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
Le groupe [T] [P] qui n'était pas partie, ni représenté en première instance, justifie de sa qualité de propriétaire bailleur du bien sis [Adresse 10] dans le [Localité 6] à [Localité 19] dont l'occupation irrégulière est dénoncée.
Son intervention est donc recevable.
Sur la demande d'expulsion formée par la ville de [Localité 19] sur le fondement du trouble manifestement illicite :
Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour en apprécier la réalité, la cour d'appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue. Enfin, le juge des référés apprécie souverainement le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu'il constate.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la ville de [Localité 19] est locataire suivant contrat commercial en date du 5 février 2021 conclu avec la société Groupe [T] [P] de locaux à usages de bureaux et d'entrepôt sis [Adresse 10] dans le [Localité 6] à [Localité 19].
Les intimés, représentés en première instance, à l'exception de monsieur [H] [U] [D], monsieur [Z] [A] et madame [C] [B], non comparants, n'ont pas contesté l'occupation irrégulière des lieux cédés à bail à la ville de [Localité 19].
Cette occupation irrégulière est également établie par procès-verbal de constat dressé le 3 février 2023 par maître [G] [S] et par un rapport d'intervention du 26 avril 2023 de la police municipale de [Localité 19] constatant la présence d'un campement accueillant quatre familles au sein de l'entrepôt sis à l'adresse susvisée.
L'occupation sans droit ni titre des locaux litigieux, toujours en cours au moment où le premier juge a statué, constitue donc bien un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre un terme.
Le trouble manifestement illicite étant constitué aussi bien à l'égard du propriétaire que du locataire, lequel bénéficie d'une protection possessoire contre celui qui trouble sa détention, la ville de [Localité 19] est fondée à demander au juge des référés de le faire cesser.
Il convient dès lors d'ordonner l'expulsion des intimés et d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté cette demande.
L'entrée par effraction étant reconnue sur procès-verbal de constat dressé par commissaire de justice par les occupants les lieux, il n'y a pas lieu de faire application du délai prévu au premier alinéa de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, ni des dispositions tirées de l'article L.412-6 alinéa 1 du même code permettant de surseoir à la mesure d'expulsion non exécutée pendant la période dite de trêve hivernale.
Il sera fait droit aux demandes de l'appelant de ces chefs.
Sur la demande au titre de l'indemnité d'occupation :
Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile : « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d'appel si elles n'y ont pas spécialement renoncé. ».
Il convient sur ce fondement de requalifier la demande présentée par la ville de [Localité 19] au titre de l'indemnité d'occupation en demande indemnitaire du fait de son préjudice de jouissance.
La ville de [Localité 19] s'acquitte selon contrat de bail au titre du loyer principal annuel de base d'une somme de 160 000 euros hors taxes et hors charges.
Il sera fait droit à sa demande tendant à condamner les intimés in solidum au paiement d'une somme de 1 500 euros, représentant un peu plus d'un dixième du montant du loyer mensuel auquel elle est tenue.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la ville de [Localité 19] aux dépens et n'a pas fait droit à sa demande d'indemnité sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [H] [U] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B],madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F], succombant en appel, concernant la demande d'expulsion formée à leur encontre, seront tenus in solidum aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, incluant les frais d'exécution forcée.
En outre, l'équité commande de les condamner in solidum à verser à la ville de [Localité 19] la somme de 5 000 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile, dépens d'appel engagés par la société groupe [T] [P] distraits au profit de la SCP Badie, sous leur affirmation de droit.
A ce titre ils seront également condamnés in solidum à verser à la SAS Groupe [T] [P] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions déférées ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable en son intervention volontaire la société Groupe [T] [P] ;
Ordonne l'expulsion de :
- monsieur [H] [U] [D],
- monsieur [E] [D],
- madame [M] [B],
- monsieur [N] [B],
- madame [Y] [I],
- monsieur [K] [B],
- monsieur [Z] [A],
- madame [C] [B],
- monsieur [W] [B],
- monsieur [V] [L],
- monsieur [O] [L],
- madame [R] [F],
demeurant [Adresse 10] ainsi que celle de tous occupants à leur lieu et place et de tous occupant des lieux au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
Dit qu'à défaut de départ spontané des occupants, il ne sera pas fait application du délai prévu à l'article L.412-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution,
Dit qu'à défaut de départ spontané des occupants il ne sera pas fait application des dispositions tirées de l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution relative au sursis de la mesure d'expulsion en période dite de trêve hivernale ;
Requalifie la demande au titre de l'indemnité d'occupation en demande au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum monsieur [H] [U] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F] à verser à la ville de [Localité 19] la somme de 1500 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum monsieur [H] [U] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F] à verser à la ville de [Localité 19] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et à hauteur d'appel non compris dans les dépens ;
Condamne in solidum monsieur [H] [U] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F] à verser à la société Groupe [T] [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum monsieur [H] [U] [D], monsieur [E] [D], madame [M] [B], monsieur [N] [B], madame [Y] [I], monsieur [K] [B], monsieur [Z] [A], madame [C] [B], monsieur [W] [B], monsieur [V] [L], monsieur [O] [L], madame [R] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'exécution forcée, distraits pour ceux d'appel.
La greffière Le président