Livv
Décisions

CA Bourges, 1re ch., 24 octobre 2024, n° 24/00386

BOURGES

Arrêt

Autre

CA Bourges n° 24/00386

24 octobre 2024

VS/OC

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP BLANCHECOTTE-BOIRIN

- Me Florence BOYER

Expédition TJ

LE : 24 OCTOBRE 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2024

N° - Pages

N° RG 24/00386 - N° Portalis DBVD-V-B7I-DUNI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de NEVERS en date du 02 Avril 2024

PARTIES EN CAUSE :

I - S.C.I. VICTOR HUGO agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 1]

[Localité 4]

N° SIRET : 800 789 083

Représentée et plaidant par Me Eric BLANCHECOTTE de la SCP BLANCHECOTTE-BOIRIN, avocat au barreau de NEVERS

timbre fiscal acquitté

APPELANTE suivant déclaration du 22/04/2024

II - SDC DE LA [Adresse 5] agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 551 880 396 00033

Représentée par Me Florence BOYER, avocat au barreau de NEVERS

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

24 OCTOBRE 2024

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CLEMENT Présidente de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI Victor Hugo, dirigée par Mme [N] [C], est propriétaire depuis le 8 avril 2014 des lots de copropriété nos 14, 52, 58 et 59, correspondant respectivement à un grenier, une cave et un local commercial situé au rez-de-chaussée de la [Adresse 5] sise [Adresse 3] à [Localité 4].

Les lots de copropriété de cet immeuble sont destinés à une habitation bourgeoise, à l'exception de ceux du rez-de-chaussée et de l'appartement B (lot no 33) du premier étage qui peuvent être employés à un usage commercial ou professionnel.

La SARL Rego, dirigée par M. [M] [O], a fait l'acquisition dans le même temps du fonds de commerce de restauration exploité dans les locaux au rez-de-chaussée.

Par décision d'assemblée générale des copropriétaires en date du 19 juin 2015, la SCI Victor Hugo a été autorisée à effectuer à ses frais les travaux suivants :

' pose de 4 bouches de climatisation de 20 cm de diamètre en façade, pose d'un parement en pierre au plus proche des pierres de façade sur le panneau où seront intégrés les menus en retrait de la façade,

' pose d'un ensemble de portes vitrées et non d'une grille comme prévu initialement à l'entrée du restaurant,

' rénovation en peinture des cadres des vitrines et de la partie du mur derrière le store en couleur ton pierre, au plus proche de celle de la devanture du rez-de-chaussée,

' pose d'un nouveau store rouge rubis ayant fait l'objet d'une autorisation par la ville de [Localité 4], pose de 4 luminaires en façade,

' installation d'un caisson d'extraction au plafond du garage à vélos d'une dimension d'environ 1.20m par 0.70 m avec gaine d'extraction allant se raccorder au pignon de 40 cm de diamètre,

' percement du pignon pour le passage de la gaine de 40 cm de diamètre et pose de la bouche.

La SARL Rego ayant renoncé à son projet de restauration, la SCI Victor Hugo a donné à bail les lots du rez-de-chaussée à d'autres restaurateurs à compter de janvier 2019, dont la SAS Le Prince Gourmet depuis octobre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 8 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] a assigné la SCI Victor Hugo devant le président du tribunal judiciaire de Nevers statuant en matière de référé, aux fins notamment de la voir condamnée à effectuer les travaux prévus au procès-verbal d'assemblée générale du 19 juin 2015, démonter l'enseigne posée sur la façade de l'immeuble et faire cesser toute occupation des parties communes et du domaine public et à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice de jouissance.

Par ordonnance en date du 2 avril 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nevers a :

' ordonné à la SCI Victor Hugo de terminer les travaux qui n'ont pas été faits ou qui ne sont pas conformes à l'autorisation de l'assemblée générale soit :

* la pose d'un film imitation dalles des murs au niveau du retour côté hall,

* la pose de films imitation dalles sur les façades vitrées selon les prescriptions figurant au procès-verbal d'assemblée générale et l'enlèvement des films actuels,

* la pose de luminaires,

' assorti cette obligation d'une astreinte provisoire de 60 euros par jour de retard pendant trois mois et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance,

' débouté le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] de sa demande aux fins de voir démonter l'enseigne posée sur la façade,

' l'a débouté de sa demande aux fins de voir cesser toute occupation des parties communes et du domaine public sous peine de paiement d'une somme de 1 000 euros par infraction constatée,

' l'a débouté de sa demande de provision,

' l'a condamné aux dépens de l'instance,

' l'a débouté pour le surplus de sa demande au titre des dépens,

' l'a condamné à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le juge des référés a notamment retenu que le syndicat des copropriétaires ne justifie pas d'une urgence particulière à faire réaliser les travaux qui n'auraient pas été terminés et qu'il existe une contestation sérieuse sur la réalité et la nature des travaux restant à faire. Il a ensuite considéré que la photographie de la façade du restaurant produite par le syndicat des copropriétaires ne correspond pas aux travaux préconisés, qu'il n'est pas contesté que les luminaires n'ont pas été posés et qu'au vu des photographies produites, la pose d'un film imitation dalles des murs au niveau du retour côté hall n'a pas été réalisée. Il a ainsi jugé qu'en n'accomplissant pas l'intégralité des travaux ou en ne respectant pas les demandes de l'assemblée générale, la SCI Victor Hugo a commis une illicéité à l'origine d'un trouble manifeste.

Le premier juge a également retenu que l'enseigne n'est pas contraire à l'exigence d'élégance et de bon goût prévue au règlement de copropriété, de sorte que l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est pas prouvée. Il a encore estimé qu'il n'est pas établi que le restaurateur utilise le local poubelles de nature à créer un trouble manifestement illicite aux copropriétaires et qu'il existe une contestation sérieuse sur l'obligation de la SCI Victor Hugo de justifier de l'occupation du domaine public de son locataire, les litiges nés de l'occupation de ce domaine excédant au demeurant la compétence du juge des référés. Il a enfin considéré qu'en présence d'une contestation sérieuse relative aux nuisances dénoncées par certains résidents, il ne peut être fait droit à la demande de provision du syndicat des copropriétaires.

Par déclaration en date du 22 avril 2024, la SCI Victor Hugo a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle lui a ordonné de terminer les travaux, a assorti cette obligation d'une astreinte provisoire, l'a condamnée au titre des frais irrépétibles et l'a déboutée de ses demandes au titre des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 mai 2024, la SCI Victor Hugo demande à la cour de :

' réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses « demandes »,

' juger les demandes du syndicat des copropriétaires irrecevables,

' débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes,

' condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer et porter la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

' condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer et porter la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner le même aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 juin 2024, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] demande à la cour de:

' dire et juger l'appel de la SCI Victor Hugo recevable mais non fondé,

' le dire et juger recevable et bien fondé en son appel incident,

' confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné à la SCI Victor Hugo de terminer les travaux qui n'ont pas été faits ou qui ne sont pas conformes à l'autorisation de l'assemblée générale soit : la pose d'un film imitation dalles des murs au niveau du retour coté hall, la pose de films imitation dalles sur les façades vitrées selon les prescriptions figurant au procès-verbal d'assemblée générales, l'enlèvement des films actuels et la pose de luminaires, sous astreinte provisoire de 60 euros par jour de retard pendant trois mois et ce dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance, et en ce qu'elle a condamné la SCI Victor Hugo à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' la réformer pour le surplus,

' condamner la SCI Victor Hugo sous astreinte provisoire de 60 euros par jour de retard pendant trois mois et ce dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir à démonter ou faire démonter l'enseigne posée sur la façade de l'immeuble,

' la condamner à cesser et à faire cesser toute occupation des parties communes et du domaine public sous peine du paiement d'une somme de 1 000 euros par infraction constatée,

' la condamner à payer une somme de 5 000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice de jouissance résultant du trouble manifestement illicite subi par la copropriété,

' débouter la SCI Victor Hugo de ses demandes,

' la condamner à payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront le coût des constats d'huissier.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.

SUR CE

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Sur la réalisation des travaux prévus au procès-verbal d'assemblée générale des copropriétaires du 19 juin 2015 :

La SCI Victor Hugo fait tout d'abord grief à l'ordonnance attaquée de lui avoir ordonné de terminer les travaux qui n'ont pas été faits ou qui ne sont pas conformes à l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires du 19 juin 2015.

L'assemblée générale des copropriétaires a autorisé la SCI Victor Hugo à effectuer à ses frais les travaux suivants :

' pose de quatre bouches de climatisation de 20 cm de diamètre en façade, pose d'un parement en pierre au plus proche des pierres de façade sur le panneau où seront intégrés les menus en retrait de la façade,

' pose d'un ensemble de portes vitrées et non d'une grille comme prévu initialement à l'entrée du restaurant,

' rénovation en peinture des cadres des vitrines et de la partie du mur derrière le store en couleur ton pierre, au plus proche de celle de la devanture du rez-de-chaussée,

' pose d'un nouveau store rouge rubis ayant fait l'objet d'une autorisation par la ville de [Localité 4], pose de quatre luminaires en façade,

' installation d'un caisson d'extraction au plafond du garage à vélos d'une dimension d'environ 1,20 m par 0,70 m avec gaine d'extraction allant se raccorder au pignon de 40 cm de diamètre,

' percement du pignon pour le passage de la gaine de 40 cm de diamètre et pose de la bouche.

Le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] prétend que seul le parement en pierre a été réalisé. Il estime qu'à partir du moment où la SCI Victor Hugo a demandé à faire des travaux de modification de façade, où elle y a été autorisée et où elle a entrepris ces travaux, elle devait se conformer à l'ensemble des prescriptions listées dans le procès-verbal d'assemblée générale.

La SCI Victor Hugo, qui soutient que tous les travaux ont été effectués à l'exception de la pose des luminaires et du store, réplique à juste titre que le procès-verbal d'assemblée générale du 19 juin 2015 ne crée aucune obligation à sa charge et lui octroie simplement l'autorisation d'effectuer certains travaux.

Le syndicat des copropriétaires, qui n'explicite pas davantage en quoi l'absence de réalisation de certains travaux par la SCI Victor Hugo lui causerait un trouble manifestement illicite, sera donc débouté de sa demande tendant à voir condamner cette dernière de terminer les travaux prévus au procès-verbal d'assemblée générale du 19 juin 2015.

L'ordonnance attaquée est infirmée de ce chef.

Sur le démontage de l'enseigne posée sur la façade de l'immeuble :

Le syndicat des copropriétaires demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a débouté de sa demande tendant à voir condamner la SCI Victor Hugo à démonter l'enseigne posée sur la façade de l'immeuble.

Elle soutient que la couleur noire du bandeau d'enseigne de la société Le Prince Gourmet et des films collés sur les vitrines ne remplit pas la condition de bon goût et d'élégance prévue au règlement de copropriété et que ces éléments ont été posés sans consultation du conseil syndical.

La SCI Victor Hugo réplique que les enseignes de ses locataires ont été apposées dans le respect du règlement de copropriété.

Le règlement de copropriété prévoit à son article intitulé « aspect de l'immeuble ' enseignes ' plaques commerciales ou professionnelles » que « toute installation d'enseignes, affiches publicitaires ou autres sur la façade du bâtiment est strictement interdite ; néanmoins, en ce qui concerne les locaux commerciaux du rez-de-chaussée, leur enseigne et leur décoration extérieure peu[vent] être librement exécutée[s] (avec élégance et bon goût) jusqu'à mi-hauteur du gros 'uvre du plancher supérieur, et dans la limite de leur mitoyenneté latérale ».

Le juge des référés a justement retenu que la notion d'élégance et de bon goût est subjective ; les photographies versées aux débats ne permettent pas de retenir que l'enseigne actuelle ne satisfait manifestement pas à cette condition.

Par ailleurs, le règlement de copropriété ne prévoit aucune consultation du conseil syndical avant l'installation d'une enseigne pour les locaux commerciaux du rez-de-chaussée, mais stipule au contraire qu'une telle enseigne peut être librement exécutée.

Le syndicat des copropriétaires échoue donc à apporter la preuve de ce que l'enseigne apposée par le locataire de la SCI Victor Hugo constitue un trouble manifestement illicite qu'il conviendrait de faire cesser.

L'ordonnance attaquée sera confirmée en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de démontage de ladite enseigne.

Sur l'occupation des parties communes et du domaine public :

Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'ordonnance attaquée de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir condamner la SCI Victor Hugo à faire cesser toute occupation des parties communes et du domaine public.

En ce qui concerne l'occupation du domaine public, il est relevé que si le syndicat des copropriétaires maintient sa demande de condamnation dans le dispositif de ses dernières conclusions, il indique dans le corps de ses écritures ne pas remettre en cause l'ordonnance en ce que le juge des référés a considéré qu'il existe une contestation sérieuse et que les litiges nés de l'occupation du domaine public excèdent sa compétence.

S'agissant de l'occupation des parties communes, le syndicat des copropriétaires reproche au locataire de la SCI Victor Hugo d'utiliser le local poubelles de manière non conforme. Il fait valoir que le prononcé d'une condamnation à faire cesser ce trouble aura un effet dissuasif et lui évitera d'engager une nouvelle procédure en cas de nouveaux problèmes.

La SCI Victor Hugo réplique cependant à juste titre que son locataire n'occupe illicitement aucune partie commune de l'immeuble.

S'il n'est pas contesté que les emballages en carton des locataires de la SCI Victor Hugo ont pu prendre beaucoup de place dans les poubelles communes de l'immeuble ou être déposés au-dessus ou à côté de ces poubelles, le syndicat des copropriétaires n'apporte cependant pas la preuve d'une occupation illicite des parties communes par le locataire de la SCI Victor Hugo au jour où le juge des référés a statué, moment auquel doit être appréciée l'existence d'un trouble manifestement illicite.

La cour ne saurait au demeurant prononcer une condamnation de manière préventive, faute d'intérêt à agir né et actuel de la partie qui en fait la demande, comme le souhaiterait le syndicat des copropriétaires.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande visant à faire cesser sous astreinte toute occupation des parties communes et du domaine public.

Sur l'indemnité provisionnelle au titre du préjudice de jouissance :

Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'ordonnance entreprise de l'avoir débouté de sa demande de provision.

Il expose que les copropriétaires subissent des nuisances olfactives et sonores du fait de l'activité de restauration des locataires de la SCI Victor Hugo, nuisances qui constituent, par leur importance, un « trouble anormal ».

La SCI Victor Hugo réplique que l'exploitation du fonds de commerce ne cause aucun préjudice aux habitants de l'immeuble.

Pour justifier de l'existences desdites nuisances, le syndicat des copropriétaires produit les pièces suivantes :

' un procès-verbal de constat d'huissier du 15 juin 2023, dans lequel Me [D], huissier de justice, constate la présence d'odeurs de cuisine dans le garage situé à gauche du local commercial et dans le sas d'entrée de l'immeuble situé à sa droite,

' l'attestation de M. [S] [U], habitant de l'immeuble, qui témoigne avoir constaté en 2023 du bruit sous les fenêtres des chambres de son appartement, provenant de moteurs de voitures et de scooters, des mégots sur le trottoir, ainsi que des odeurs de kebab et de tabac dans la résidence,

' l'attestation de Mme [T] [E], habitante de l'immeuble, qui indique avoir emménagé en juillet 2017 alors que la résidence était calme et subir depuis l'ouverture des différents restaurants des désagréments consistant en des travaux réalisés tôt le matin, le soir, la nuit et les week-ends, des bruits de chaises, de tables, de bavardages, de musique et de voitures jusqu'à 23h30 en moyenne, de fortes odeurs de cuisine dans ses sanitaires, provenant de la ventilation, ainsi que dans sa chambre à coucher, outre les véhicules du bailleur et des clients garés devant le garage de la résidence,

' l'attestation de M. [X] [P], habitant de l'immeuble, qui témoigne observer la présence de nombreux mégots de cigarettes jonchant le trottoir au droit de la résidence,

' l'attestation de M. [R] [F], habitant de l'immeuble, qui affirme avoir personnellement constaté des mauvaises odeurs, des détritus sur la chaussée dont des mégots de cigarettes, des bruits nocturnes, une mauvaise fréquentation des lieux et des regroupements de personnes sur le trottoir,

' l'attestation de Mme [A] [I], habitante de l'immeuble, qui témoigne que depuis l'ouverture du restaurant, et quel que soit le restaurateur, le bruit et les odeurs perdurent,

' l'attestation de M. [K] [Y], habitant de l'immeuble, qui affirme ne plus pouvoir ouvrir ses fenêtres donnant sur le pignon du bâtiment, où a été créée une bouche d'extraction pour la cuisine du restaurant, tant l'air est irrespirable en raison des odeurs de friture, de kebab et de poulet grillé.

La SCI Victor Hugo ne peut sérieusement soutenir que l'huissier a constaté l'absence de nuisances, dès lors qu'il a rapporté la présence d'odeurs de cuisine dont l'origine ne peut sérieusement être contestée eu égard au fait qu'elles ont été constatées dans les parties communes situées aux abords immédiats du local commercial.

Par ailleurs, l'existence de conflits entre les restaurateurs successifs et certains habitants de l'immeuble n'est pas de nature à remettre en cause la valeur probante des attestations concordantes des habitants relativement aux nuisances olfactives et sonores subies.

Il en va de même de l'attestation de Mme [L] [B], habitante d'un appartement au 2e étage donnant sur le local commercial. Le fait que cette dernière déclare ne pas avoir subi de gêne olfactive ou sonore, dans son appartement ou dans les escaliers des parties communes, du fait de l'activité de restauration des locataires de la SCI Victor Hugo ' étant observé qu'elle est la seule à attester en ce sens ' est insuffisant à remettre en cause les déclarations concordantes des autres occupants de l'immeuble.

Enfin, si le courrier électronique du syndic du 18 janvier 2024 constate l'arrêt des nuisances olfactives à la suite du nettoyage du système d'extraction de la cuisine du restaurant le 12 janvier 2024, il n'a pas pour effet de remettre en cause l'existence de telles nuisances sur la période antérieure, dont il tend au contraire à confirmer la réalité.

C'est donc à tort que le juge des référés a estimé qu'il existait une contestation sérieuse sur l'origine des nuisances olfactives et sonores subies par les habitants de l'immeuble Victor Hugo.

L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de provision et, statuant à nouveau, la SCI Victor Hugo sera condamnée à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive :

En vertu de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, la SCI Victor Hugo demande à la cour de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, au moyen qu'il a formulé en première instance nombre de demandes infondées.

Dans la mesure où il a été fait partiellement droit aux demandes du syndicat des copropriétaires, la SCI Victor Hugo échoue toutefois à démontrer l'existence d'un abus de son droit d'ester en justice.

Il convient en conséquence de la débouter de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'ordonnance entreprise est confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

Les parties succombant partiellement en leurs demandes respectives, elles conserveront la charge de leurs propres dépens exposés en cause d'appel.

L'issue de la procédure et l'équité commandent de les débouter de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a ordonné à la SCI Victor Hugo de terminer les travaux qui n'ont pas été faits ou qui ne sont pas conformes à l'autorisation de l'assemblée générale, a assorti cette obligation d'une astreinte provisoire de 60 euros par jour de retard pendant trois mois et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance, et a débouté le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] de sa demande de provision,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Déboute le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] de sa demande tendant à voir ordonner à la SCI Victor Hugo de terminer les travaux qui n'ont pas été faits ou qui ne sont pas conformes à l'autorisation de l'assemblée générale du 19 juin 2015,

- Condamne à titre de provision la SCI Victor Hugo à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- Déboute la SCI Victor Hugo de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,

- Dit que les parties conserveront la charge de leurs propres dépens exposés en cause d'appel,

- Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

S. MAGIS O. CLEMENT