Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 24 octobre 2024, n° 24/02087
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/
Rôle N° RG 24/02087 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMTDP
S.A. ALLIANZ IARD
C/
[N] [V] [L] [H]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Caroline BOZEC
Me David VARAPODIO
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal de Commerce de NICE en date du 30 Janvier 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023R00167.
APPELANTE
S.A. ALLIANZ IARD
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Caroline BOZEC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉ
Monsieur [N] [V] [L] [H]
, demeurant [Adresse 5]
représenté par Me David VARAPODIO de la SELARL VARAPODIO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MÖLLER, conseillère - rapporteur, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Mme Véronique MÖLLER, Conseillère
M. Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURES, PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [N] [H] exploite un bar snack et restauration rapide ([4]) situé [Adresse 2] à [Localité 3], est assuré auprès de la société d'assurance Allianz Iard au titre de la police n°40792502.
Il a été victime des pluies torrentielles qui se sont abattues sur les trois vallées de la Tinée, de la Vésubie et de la Roya (Alpes maritimes) les 2 et 3 octobre 2020, provoquant la crue des trois rivières ainsi que des coulées de boues et des mouvements de terrain ayant affecté le village de [Localité 3], reconnu comme en état de catastrophe naturelle par arrêtés du 07 octobre 2020 et du 08 mars 2021.
Un arrêté municipal portant évacuation d'un édifice présentant une menace grave et imminente était pris le 27 octobre 2020 par le Maire de [Localité 3] pour l'immeuble situé [Adresse 5] où Monsieur [H] exploite son établissement.
Au printemps 2021, la commune de [Localité 3] a mis à sa disposition uns structure de type chalet en bois installée [Adresse 5] afin de lui permettre de reprendre son activité, ce qui aurait été effectif à compter du 19 juin 2021.
N'ayant pas obtenu amiablement d'indemnisation au titre de la garantie perte d'exploitation, Monsieur [N] [H] a, par exploit de commissaire de justice délivré le 17 novembre 2023, assigné en référé la SA Allianz Iard devant le tribunal de commerce de Nice aux fins d'obtenir une provision de 40.000 euros et voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance de référé en date du 30 janvier 2024, le Président du tribunal de commerce de Nice a :
Condamné la SA Allianz Iard à verser à Monsieur [N] [H] la somme provisionnelle de 50.000 euros au titre de la garantie de perte d'exploitation de sa police d'assurance,
Dit la demande d'expertise recevable et désigné en qualité d'expert Mme [P] [Z],
Avec la mission suivante :
- se rendre sur les lieux, à [Adresse 5], en présence des parties ou de celles-ci régulièrement convoquées,
- recueillir les explications des parties et se faire communiquer par elles tous les documents ou pièces qu'il estimera nécessaire à l'accomplissement de sa mission, et notamment toutes les pièces contractuelles et celles relatives au présent litige,
- constater la réalité du sinistre déclaré et le décrire ;
-évaluer la perte d'exploitation, par référence à la définition qui en est donnée par le contrat d'assurance ou par tout autre moyen, subie par Monsieur [N] [H] du jour du sinistre le 02 octobre 2020, jusqu'à la date de reprise d'activité dans le chalet provisoire exploité par le [4] :
-évaluer les frais induits par la réinstallation du [4] dans ses locaux provisoires, constitués par un chalet installé [Adresse 5] à [Localité 3],
- plus généralement faire toutes constatations et formuler toutes observation utile en vue de permettre ultérieurement la solution du litige,
Réservé les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration d'appel en date du 19 février 2024, la SA Allianz Iard a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée à verser la somme provisionnelle de 50.000 euros au titre de la garantie de perte d'exploitation de sa police d'assurance.
L'affaire était enregistrée au répertoire général sous le n°RG24/02087.
Par déclaration d'appel en date du 04 avril 2024, la SA Allianz Iard a intimé Monsieur [H] en interjetant appel de la même ordonnance.
Cette affaire était enregistrée sous le n°RG24/04326.
Par ordonnance en date du 06 juin 2024, les deux procédures étaient jointes sous le n° RG 24/2087.
Le président de la chambre 1-4 a, en application de l'article 905 du code de procédure civile, fixé une date d'appel de l'affaire à bref délai à l'audience du 26 juin 2024, par avis en date du 05 mars 2024.
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
La SA Allianz Iard (conclusions notifiées par RPVA le 05 avril 2024) demande à la cour d'appel de :
Réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamnée au versement d'une provision de 50.000 euros,
Et statuant à nouveau,
Fixer le montant de la provision à la somme de 2.781,88 euros,
Débouter Monsieur [H] du surplus de ses demandes,
Condamner Monsieur [H] à payer une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Allianz reproche au juge des référés d'avoir confondu les notions de perte du chiffre d'affaires et de perte de marge brute et de ne pas avoir tenu compte des périodes de fermeture imposée aux bars et restaurants imposées au titre du risque sanitaire lié au covid. Selon Allianz, seules les périodes comprises entre le 03 octobre 2020, date du sinistre, au 30 octobre 2020, date de fermeture des bars et restaurants pour cause de covid, et du 06 avril 2021, date d'autorisation de réouverture des bars et restaurants jusqu'au 19 juin 2021, date de reprise d'exploitation de Monsieur [H] peuvent ouvrir droit à indemnisation. Allianz tient compte, enfin, des indemnités perçues au titre du chômage partiel et de l'absence de loyer à payer et estime que le montant de la provision non-sérieusement contestable pouvant être allouée ne peut être supérieur à la somme de 2.781,88 euros.
Monsieur [N] [H] (conclusions notifiées par RPVA le 18 avril 2024) sollicite de :
DEBOUTER la compagnie Allianz Iard de ses demandes en cause d'appel tendant à annuler l'indemnité provisionnelle de 50.000 euros qui lui a été allouée à valoir sur le préjudice de perte d'exploitation contractuellement garanti.
CONFIRMER l'ordonnance rendue le 30 janvier 2024 en toutes ses dispositions,
A titre incident et y ajoutant en cause d'appel,
CONDAMNER la compagnie Allianz Iard à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Monsieur [H] fait valoir que les aides perçues de la part de la communauté d'agglomération Riviera française, de la CCI et du Département des Alpes maritimes ne doivent pas venir en déduction de l'indemnité due au titre de la perte d'exploitation en ce qu'elles n'ont pas pour objet de couvrir la perte de marge brute ni l'engagement de frais supplémentaires d'exploitation mis en 'uvre pour limiter la perte de marge brute. Il considère que la garantie est également acquise pour la période postérieure au mois de juin 2021, le contrat prévoyant que la garantie s'applique en cas de réinstallation dans de nouveaux lieux. Selon lui, la période à indemniser intervient du 03 octobre 2020, date du sinistre, au 1er juillet 2021. En réponse au moyen selon lequel [4] n'a pas pu ouvrir pendant les périodes de fermeture à cause de la crise sanitaire, il répond que c'est la destruction de l'immeuble où il exploitait son commerce qui l'a empêché de rouvrir ses portes, que même pendant le mois d'octobre 2020 durant laquelle l'ouverture des bars et restaurants étaient autorisées, il n'aurait pas pu ouvrir pour des raisons matérielles et non à cause de la crise sanitaire.
L'affaire a été retenue à l'audience du 26 juin 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 24 octobre 2024.
MOTIFS :
L'article 873 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de ses compétences, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En l'espèce, Monsieur [H] a souscrit un contrat multirisque professionnel auprès d'Allianz garantissant notamment les pertes d'exploitation et les catastrophes naturelles.
Selon les Dispositions générales du contrat, la garantie « Pertes d'exploitation » s'applique aux pertes pécuniaires subies du fait de l'interruption ou de la réduction de l'activité consécutive à un dommage matériel ayant donné lieu à indemnisation au titre de la garantie « catastrophes naturelles ».
L'indemnité allouée correspond à la perte d'exploitation résultant à dire d'expert, pendant la période d'indemnisation :
- de la perte de marge brute,
- et/ou de l'engagement de frais supplémentaires d'exploitation mis en 'uvre pour limiter la perte de marge brute.
La période d'indemnisation est la période commençant au jour du sinistre et pendant laquelle les résultats de l'établissement sont affectés par celui-ci. Cette période n'est pas modifiée par l'expiration, la résiliation ou la suspension du contrat survenant postérieurement au sinistre.
La garantie s'applique en cas de réinstallation dans de nouveaux lieux, en France métropolitaine ou en principauté de Monaco (art. 4.1).
C'est suite aux inondations, coulées de boues et mouvements de terrain survenus les 02 et 03 octobre 2020 à [Localité 3], commune reconnue comme en état de catastrophe naturelle par arrêtés des 07 octobre 2020 et 08 mars 2021, et à l'arrêt municipal portant évacuation de l'immeuble appartenant à la mairie où il exploitait [4], que l'activité de Monsieur [H] a dû être interrompue jusqu'à sa reprise le 19 juin 2021, dans le chalet en bois mis à sa disposition. Il remplit donc les conditions de la garantie « Pertes d'exploitation ».
La période d'indemnisation a commencé à courir au jour du sinistre, soit en l'espèce le 02 octobre 2020, et comprend la période pendant laquelle Monsieur [H] a exploité son activité dans un chalet provisoire. La créance indemnitaire est donc indubitablement établie.
Sur le montant de la perte d'exploitation, Allianz se fonde sur une estimation établie par le cabinet d'expertise Sedgwick qui évalue la perte de marge brute à 14.249,20 euros en tenant compte de ventes à emportées estimées à 25% du chiffre d'affaires théorique pendant la période de fermeture liée au covid. Or, dès lors que Monsieur [H] ne disposait plus de local pour exploiter son activité, il ne pouvait même pas faire de vente à emporter. Il n'est donc pas possible de se fonder sur cette estimation.
Monsieur [H] a estimé sa perte de marge brute à la somme de 50.995,25 euros, calculée de manière circonstanciée sur la base de documents comptables non contestés (liasse fiscale, attestation du chiffre d'affaires). Il y a donc lieu de fixer la provision à valoir sur l'indemnisation au titre de la garantie de perte d'exploitation à hauteur de la somme de 50.000 euros et de confirmer l'ordonnance de référé attaquée.
L'ordonnance attaquée sera donc confirmée de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Allianz, qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens de l'appel et à payer à Monsieur [H] une indemnité de 1.500 euros en application aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME l'ordonnance de référé en date du 30 janvier 2024 en ce qu'elle a condamné la SA Allianz Iard à verser à Monsieur [N] [H] la somme provisionnelle de 50.000 euros au titre de la garantie de perte d'exploitation de sa police d'assurance,
CONDAMNE la société Allianz Iard à supporter les entiers dépens de l'appel,
CONDAMNE la société Allianz Iard à payer à Monsieur [N] [H] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/
Rôle N° RG 24/02087 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMTDP
S.A. ALLIANZ IARD
C/
[N] [V] [L] [H]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Caroline BOZEC
Me David VARAPODIO
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal de Commerce de NICE en date du 30 Janvier 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023R00167.
APPELANTE
S.A. ALLIANZ IARD
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Caroline BOZEC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉ
Monsieur [N] [V] [L] [H]
, demeurant [Adresse 5]
représenté par Me David VARAPODIO de la SELARL VARAPODIO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MÖLLER, conseillère - rapporteur, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Mme Véronique MÖLLER, Conseillère
M. Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURES, PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [N] [H] exploite un bar snack et restauration rapide ([4]) situé [Adresse 2] à [Localité 3], est assuré auprès de la société d'assurance Allianz Iard au titre de la police n°40792502.
Il a été victime des pluies torrentielles qui se sont abattues sur les trois vallées de la Tinée, de la Vésubie et de la Roya (Alpes maritimes) les 2 et 3 octobre 2020, provoquant la crue des trois rivières ainsi que des coulées de boues et des mouvements de terrain ayant affecté le village de [Localité 3], reconnu comme en état de catastrophe naturelle par arrêtés du 07 octobre 2020 et du 08 mars 2021.
Un arrêté municipal portant évacuation d'un édifice présentant une menace grave et imminente était pris le 27 octobre 2020 par le Maire de [Localité 3] pour l'immeuble situé [Adresse 5] où Monsieur [H] exploite son établissement.
Au printemps 2021, la commune de [Localité 3] a mis à sa disposition uns structure de type chalet en bois installée [Adresse 5] afin de lui permettre de reprendre son activité, ce qui aurait été effectif à compter du 19 juin 2021.
N'ayant pas obtenu amiablement d'indemnisation au titre de la garantie perte d'exploitation, Monsieur [N] [H] a, par exploit de commissaire de justice délivré le 17 novembre 2023, assigné en référé la SA Allianz Iard devant le tribunal de commerce de Nice aux fins d'obtenir une provision de 40.000 euros et voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance de référé en date du 30 janvier 2024, le Président du tribunal de commerce de Nice a :
Condamné la SA Allianz Iard à verser à Monsieur [N] [H] la somme provisionnelle de 50.000 euros au titre de la garantie de perte d'exploitation de sa police d'assurance,
Dit la demande d'expertise recevable et désigné en qualité d'expert Mme [P] [Z],
Avec la mission suivante :
- se rendre sur les lieux, à [Adresse 5], en présence des parties ou de celles-ci régulièrement convoquées,
- recueillir les explications des parties et se faire communiquer par elles tous les documents ou pièces qu'il estimera nécessaire à l'accomplissement de sa mission, et notamment toutes les pièces contractuelles et celles relatives au présent litige,
- constater la réalité du sinistre déclaré et le décrire ;
-évaluer la perte d'exploitation, par référence à la définition qui en est donnée par le contrat d'assurance ou par tout autre moyen, subie par Monsieur [N] [H] du jour du sinistre le 02 octobre 2020, jusqu'à la date de reprise d'activité dans le chalet provisoire exploité par le [4] :
-évaluer les frais induits par la réinstallation du [4] dans ses locaux provisoires, constitués par un chalet installé [Adresse 5] à [Localité 3],
- plus généralement faire toutes constatations et formuler toutes observation utile en vue de permettre ultérieurement la solution du litige,
Réservé les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration d'appel en date du 19 février 2024, la SA Allianz Iard a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée à verser la somme provisionnelle de 50.000 euros au titre de la garantie de perte d'exploitation de sa police d'assurance.
L'affaire était enregistrée au répertoire général sous le n°RG24/02087.
Par déclaration d'appel en date du 04 avril 2024, la SA Allianz Iard a intimé Monsieur [H] en interjetant appel de la même ordonnance.
Cette affaire était enregistrée sous le n°RG24/04326.
Par ordonnance en date du 06 juin 2024, les deux procédures étaient jointes sous le n° RG 24/2087.
Le président de la chambre 1-4 a, en application de l'article 905 du code de procédure civile, fixé une date d'appel de l'affaire à bref délai à l'audience du 26 juin 2024, par avis en date du 05 mars 2024.
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
La SA Allianz Iard (conclusions notifiées par RPVA le 05 avril 2024) demande à la cour d'appel de :
Réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamnée au versement d'une provision de 50.000 euros,
Et statuant à nouveau,
Fixer le montant de la provision à la somme de 2.781,88 euros,
Débouter Monsieur [H] du surplus de ses demandes,
Condamner Monsieur [H] à payer une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Allianz reproche au juge des référés d'avoir confondu les notions de perte du chiffre d'affaires et de perte de marge brute et de ne pas avoir tenu compte des périodes de fermeture imposée aux bars et restaurants imposées au titre du risque sanitaire lié au covid. Selon Allianz, seules les périodes comprises entre le 03 octobre 2020, date du sinistre, au 30 octobre 2020, date de fermeture des bars et restaurants pour cause de covid, et du 06 avril 2021, date d'autorisation de réouverture des bars et restaurants jusqu'au 19 juin 2021, date de reprise d'exploitation de Monsieur [H] peuvent ouvrir droit à indemnisation. Allianz tient compte, enfin, des indemnités perçues au titre du chômage partiel et de l'absence de loyer à payer et estime que le montant de la provision non-sérieusement contestable pouvant être allouée ne peut être supérieur à la somme de 2.781,88 euros.
Monsieur [N] [H] (conclusions notifiées par RPVA le 18 avril 2024) sollicite de :
DEBOUTER la compagnie Allianz Iard de ses demandes en cause d'appel tendant à annuler l'indemnité provisionnelle de 50.000 euros qui lui a été allouée à valoir sur le préjudice de perte d'exploitation contractuellement garanti.
CONFIRMER l'ordonnance rendue le 30 janvier 2024 en toutes ses dispositions,
A titre incident et y ajoutant en cause d'appel,
CONDAMNER la compagnie Allianz Iard à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Monsieur [H] fait valoir que les aides perçues de la part de la communauté d'agglomération Riviera française, de la CCI et du Département des Alpes maritimes ne doivent pas venir en déduction de l'indemnité due au titre de la perte d'exploitation en ce qu'elles n'ont pas pour objet de couvrir la perte de marge brute ni l'engagement de frais supplémentaires d'exploitation mis en 'uvre pour limiter la perte de marge brute. Il considère que la garantie est également acquise pour la période postérieure au mois de juin 2021, le contrat prévoyant que la garantie s'applique en cas de réinstallation dans de nouveaux lieux. Selon lui, la période à indemniser intervient du 03 octobre 2020, date du sinistre, au 1er juillet 2021. En réponse au moyen selon lequel [4] n'a pas pu ouvrir pendant les périodes de fermeture à cause de la crise sanitaire, il répond que c'est la destruction de l'immeuble où il exploitait son commerce qui l'a empêché de rouvrir ses portes, que même pendant le mois d'octobre 2020 durant laquelle l'ouverture des bars et restaurants étaient autorisées, il n'aurait pas pu ouvrir pour des raisons matérielles et non à cause de la crise sanitaire.
L'affaire a été retenue à l'audience du 26 juin 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 24 octobre 2024.
MOTIFS :
L'article 873 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de ses compétences, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En l'espèce, Monsieur [H] a souscrit un contrat multirisque professionnel auprès d'Allianz garantissant notamment les pertes d'exploitation et les catastrophes naturelles.
Selon les Dispositions générales du contrat, la garantie « Pertes d'exploitation » s'applique aux pertes pécuniaires subies du fait de l'interruption ou de la réduction de l'activité consécutive à un dommage matériel ayant donné lieu à indemnisation au titre de la garantie « catastrophes naturelles ».
L'indemnité allouée correspond à la perte d'exploitation résultant à dire d'expert, pendant la période d'indemnisation :
- de la perte de marge brute,
- et/ou de l'engagement de frais supplémentaires d'exploitation mis en 'uvre pour limiter la perte de marge brute.
La période d'indemnisation est la période commençant au jour du sinistre et pendant laquelle les résultats de l'établissement sont affectés par celui-ci. Cette période n'est pas modifiée par l'expiration, la résiliation ou la suspension du contrat survenant postérieurement au sinistre.
La garantie s'applique en cas de réinstallation dans de nouveaux lieux, en France métropolitaine ou en principauté de Monaco (art. 4.1).
C'est suite aux inondations, coulées de boues et mouvements de terrain survenus les 02 et 03 octobre 2020 à [Localité 3], commune reconnue comme en état de catastrophe naturelle par arrêtés des 07 octobre 2020 et 08 mars 2021, et à l'arrêt municipal portant évacuation de l'immeuble appartenant à la mairie où il exploitait [4], que l'activité de Monsieur [H] a dû être interrompue jusqu'à sa reprise le 19 juin 2021, dans le chalet en bois mis à sa disposition. Il remplit donc les conditions de la garantie « Pertes d'exploitation ».
La période d'indemnisation a commencé à courir au jour du sinistre, soit en l'espèce le 02 octobre 2020, et comprend la période pendant laquelle Monsieur [H] a exploité son activité dans un chalet provisoire. La créance indemnitaire est donc indubitablement établie.
Sur le montant de la perte d'exploitation, Allianz se fonde sur une estimation établie par le cabinet d'expertise Sedgwick qui évalue la perte de marge brute à 14.249,20 euros en tenant compte de ventes à emportées estimées à 25% du chiffre d'affaires théorique pendant la période de fermeture liée au covid. Or, dès lors que Monsieur [H] ne disposait plus de local pour exploiter son activité, il ne pouvait même pas faire de vente à emporter. Il n'est donc pas possible de se fonder sur cette estimation.
Monsieur [H] a estimé sa perte de marge brute à la somme de 50.995,25 euros, calculée de manière circonstanciée sur la base de documents comptables non contestés (liasse fiscale, attestation du chiffre d'affaires). Il y a donc lieu de fixer la provision à valoir sur l'indemnisation au titre de la garantie de perte d'exploitation à hauteur de la somme de 50.000 euros et de confirmer l'ordonnance de référé attaquée.
L'ordonnance attaquée sera donc confirmée de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Allianz, qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens de l'appel et à payer à Monsieur [H] une indemnité de 1.500 euros en application aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME l'ordonnance de référé en date du 30 janvier 2024 en ce qu'elle a condamné la SA Allianz Iard à verser à Monsieur [N] [H] la somme provisionnelle de 50.000 euros au titre de la garantie de perte d'exploitation de sa police d'assurance,
CONDAMNE la société Allianz Iard à supporter les entiers dépens de l'appel,
CONDAMNE la société Allianz Iard à payer à Monsieur [N] [H] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE