Décisions
CA Chambéry, 1re ch., 29 octobre 2024, n° 22/00215
CHAMBÉRY
Autre
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HP/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 29 Octobre 2024
N° RG 22/00215 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G5DM
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 27 Janvier 2022
Appelant
Me [P] [V], demeurant [Adresse 2]
Représentée par la SELARL ENOTIKO AVOCATS, avocats au barreau de CHAMBERY
Intimées
Mme [H] [N] [Y] [M] épouse [I]
née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 12], demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Emmanuel BEAUCOURT, avocat au barreau de CHAMBERY
Mme [L] [C] épouse [E]
née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 11], demeurant [Adresse 10]
Représentée par Me Clarisse DORMEVAL, avocat au barreau de CHAMBERY
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Date de l'ordonnance de clôture : 02 Avril 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 juin 2024
Date de mise à disposition : 29 octobre 2024
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
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Faits et procédure
Suivant acte authentique du 12 avril 2016, reçu par Me [P] [V], notaire, Mme [H] [M] épouse [I] a vendu à Mme [L] [C] épouse [E] une maison à usage d'habitation sise [Adresse 8] à [Localité 15], moyennant paiement de la somme de 103 000 euros.
Après l'acquisition, Mme [L] [C] a constaté que les eaux usées et pluviales, non séparées, se déversaient ensemble dans le réseau communal de précipitations pluviales et le service public d'assainissement (Spanc) a rendu un rapport de visite le 15 juin 2016 concluant à l'inexistence de l'installation d'assainissement du bien immobilier vendu. Par courriel du 5 septembre 2016, Mme [L] [C] en a informé Me [V], puis par courrier du 8 mars 2017, elle a indiqué à sa venderesse que des travaux de mise en place d'une filière d'assainissement allaient être réalisés dans la rue et que les frais occasionnés devaient être à la charge de cette dernière.
L'assureur protection juridique de Mme [L] [C] a organisé une expertise d'assurance amiable. Le rapport a été rendu le 17 août 2018.
Par ordonnance du 12 février 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, sur saisine de Mme [L] [C], a ordonné une expertise judiciaire au contradictoire de l'ensemble des parties susvisées.L'expert a déposé son rapport définitif le 21 novembre 2019.
Par acte d'huissier du 14 mai 2020, Mme [L] [C] a assigné Mme [H] [M] et Me [P] [V] devant le tribunal judiciaire de Chambéry, notamment aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer 12 948,65 euros au titre des travaux indispensables à la mise en conformité du bien.
Par jugement du 27 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a notamment :
- Dit que l'immeuble sis [Adresse 8] à [Localité 15], cadastré section B n°[Cadastre 5] [Localité 9], vendu par Mme [H] [M] à Mme [L] [C] suivant acte authentique en date du 12 avril 2016, reçu par Me [V], notaire au sein de l'office de Me [Z], à [Localité 7], n'est pas raccordé à un réseau d'assainissement ;
- Dit en conséquence que Mme [H] [M] a manqué à son obligation de délivrance conforme, et que sa responsabilité contractuelle est engagée envers Mme [L] [C] ;
- Dit que Me [V] a commis une faute envers Mme [L] [C], qui engage sa responsabilité délictuelle ;
- Dit que le préjudice de perte de chance de Mme [H] [M] est fixé comme suit :
- 9 417,2 euros au titre de la perte de chance d'acquérir le bien moins cher,
- 800 euros, au titre de la perte de valeur vénale du bien,
- 1 500 euros, au titre de la gêne occasionnée durant les travaux de mise en conformité ;
- Condamné in solidum Mme [H] [M] et Me [V] à payer à Mme [L] [C] les sommes ci-dessus exposées ;
- Dit que Me [V] sera condamnée a relever et garantir Mme [H] [M] de toute condamnation prononcée à ce titre ;
- Dit qu'aux sommes précitées exprimées hors taxe, s'ajoutera la TVA au taux en vigueur a la date de l'exécution ;
- Dit que les sommes précitées seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 21 novembre 2019, jusqu'à la date du jugement ;
- Dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement ;
- Condamné in solidum Mme [H] [M] et Me [V] à payer à Mme [L] [C] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum Mme [M] et Me [V] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise, distraits au profit de Me Fombeure ;
- Dit que Me [V] sera condamnée à relever et garantir Mme [M] de toute condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
Au visa principalement des motifs suivants :
Quand bien même la venderesse ne garantirait pas la conformité du raccordement, il n'en reste pas moins qu'elle a affirmé que le bien était raccordé au réseau d'assainissement et que sa responsabilité était susceptible d'être engagée si tel n'était pas le cas ;
Mme [M] ne peut donc se décharger sur Mme [L] [C] de la question du diagnostic, qu'il lui appartenait de faire effectuer par un professionnel ou par la mairie si elle n'était pas certaine de son affirmation, la venderesse a donc manqué à son obligation de délivrance conforme ;
Me [V] aurait dû attendre le retour de la SPANC avant d'instrumenter la réitération de la vente et avertir les parties du résultat, dès lors, en instrumentant la vente avant d'avoir la réponse de la SPANC, elle a commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle ;
Les obligations légales d'annexion à l'acte de vente du document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif datant de moins de trois ans étant à la charge du notaire, Me [V] ne pouvait s'en affranchir en insérant dans l'acte une clause faisant peser sur la seule venderesse la responsabilité du raccordement à un réseau d'assainissement collectif, dès lors, elle sera condamnée à relever et garantir Mme [H] [M].
Par déclaration au greffe du 8 février 2022, Me [V] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a :
- Dit que l'immeuble sis [Adresse 8] à [Localité 15], cadastré section [Cadastre 6] [Localité 9], vendu par Mme [M] à Mme [E] suivant acte authentique en date du 12 avril 2016, reçu par Me [V], notaire au sein de l'office de Me [Z], à [Localité 7], n'est pas raccordé à un réseau d'assainissement ;
- Dit en conséquence que Mme [M] a manqué à son obligation de délivrance conforme, et que sa responsabilité contractuelle est engagée envers Mme [E] ;
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 6 mai 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Me [V] sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :
- Dire et juger que les préjudices dont Mme [L] [C] réclame la réparation n'ont pas de lien de causalité avec son intervention ;
- Dire et juger que Mme [L] [C] ne justifie pas d'un préjudice réparable ;
- Dire et juger que Mme [M] a commis un dol exclusif de sa garantie ;
En conséquence,
- Débouter Mme [L] [C] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre, ou, à tout le moins, réduire dans les plus larges proportions les sommes qui pourraient être mises à sa charge sur le fondement de la perte de chance, tous autres préjudices n'étant admissible à son encontre ;
- Débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre ;
- Condamner in solidum Mme [L] [C] et Mme [M] ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner les mêmes, également in solidum, aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la société Visier-Philippe Ollagnon-Delroise et associés, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Me [V] fait valoir notamment que :
Mme [E] ne fait la démonstration de l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices dont elle excipe et l'intervention du notaire,
Sa responsabilité ne peut être recherchée que du chef d'une perte de chance, or, aucun de ces préjudices ne correspond à une perte de chance ;
Mme [L] [C] ne démontre pas non plus le caractère certain de la perte de chance qu'elle invoque ;
Mme [L] [C] a accepté le risque d'un système d'assainissement non conforme ;
Mme [M] ne saurait réclamer sa garantie, dès lors qu'elle s'est rendue coupable d'une rétention dolosive d'information.
Par dernières écritures du 18 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [M] demande à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 27 janvier 2022 sous la référence RG 20/00596 ;
Y ajoutant, et statuant à nouveau,
- Condamner Me [V] à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que Me [V] a manqué à ses obligations de conseil et engage sa responsabilité en sa qualité de rédacteur des actes de compromis de vente et de vente, la sécurité juridique qu'elle a attendue n'étant pas atteinte ;
- Dire et juger qu'elle n'a commis aucun dol, susceptible d'exonérer Me [V] de sa responsabilité ;
- Condamner Me [V] à la relever et garantir, acquéreur profane en immobilier, de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
- Débouter Me [V] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à son encontre ;
- Dire et juger que les travaux de mise en conformité du bien doivent rester à la charge de Mme [L] [C] par simple application du contrat de vente ;
- Dire et juger qu'elle a respecté son obligation de délivrance conforme et ne saurait, par voie de conséquence, voir sa responsabilité engagée ;
- Dire et juger que Mme [L] [C] n'établit aucune faute, ne justifie d'aucun préjudice et ne démontre aucun lien de causalité entre les deux, si bien que sa responsabilité ne saurait être engagée ;
- Débouter Mme [L] [C] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
- Condamner in solidum Me [V] et Mme [L] [C] à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme [M] fait valoir notamment que :
Me [V] a commis une faute en recevant l'acte visant des déclarations erronées alors qu'elle disposait d'éléments de nature à faire douter de la véracité desdites déclarations ;
Me [V] n'apporte pas la moindre preuve de man'uvres de sa part visant à la tromper, ou à tromper Mme [L] [C].
Par dernières écritures du 29 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [E] demande à la cour de :
- Déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Me [V] ;
En conséquence,
- Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 27 janvier 2022 uniquement ce qu'il a dit que son préjudice de perte de chance est fixé comme suit :
- 9 417,2 euros au titre de la perte de chance d'acquérir le bien moins cher,
- 800 euros, au titre de la perte de valeur vénale du bien,
- 1500 euros, au titre de la gêne occasionnée durant les travaux de mise en conformité ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 27 janvier 2022 pour le surplus ;
Et statuant à nouveau,
- Condamner in solidum Mme [M] et Me [V] à lui payer les sommes de :
- 12 100 euros au titre des travaux indispensables à la mise en conformité du bien,
- 1 500 euros au titre de la perte de valeur vénale associée,
- 2 000 euros en réparation du préjudice lié à la gêne occasionnée par les travaux ;
A titre subsidiaire,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 27 janvier 2022 en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause,
- Débouter Me [V] et Mme [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
- Condamner in solidum Me [V] et Mme [M] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de Me Dormeval, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Mme [L] [C] fait valoir notamment que :
Me [V] l'a exposé à des vicissitudes et obligations majeures qui auraient dû la conduire, à tout le moins, à différer la date de vente pour mieux l'éclairer sur les engagements qu'elle était susceptible de souscrire manquant ainsi à son devoir de conseil, elle a commis une faute engageant sa responsabilité civile professionnelle ;
Elle n'a jamais indiqué ne pas souhaiter le retour du SPANC pour réitérer la vente ;
Elle a démontré que si elle avait été informée de ces difficultés de raccordement au réseau collectif elle n'aurait pas acquis le bien ou en tous les cas à un prix moindre, démontrant ainsi la perte de chance ;
Mme [M] a manqué à son obligation de délivrance conforme en affirmant que l'immeuble est branché au réseau d'assainissement engageant ainsi sa responsabilité contractuelle à son égard.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 2 avril 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 11 juin 2024.
MOTIFS ET DÉCISION
Sur le manquement contractuel de Mme [H] [M]
Lors de la vente de sa maison d'habitation le12 avril 2016, Mme [H] [M], qui d'ailleurs ne le conteste pas, a indiqué à son acheteuse, Mme [L] [C], que ce bien était raccordé à un réseau d'assainissement, même si elle a précisé qu'elle n'était pas en mesure de certifier sa conformité dans le compromis de vente par la mention selon laquelle 'le vendeur ne garantit aucunement la conformité de l'installation aux normes actuellement en vigueur.. Le vendeur déclare sous sa responsabilité ne rencontrer actuellement aucune difficulté particulière avec cette installation'
Mais il est démontré notamment par le rapport du service public d'assainissement en date du 15 juin 2016 lequel précise qu'il existe ' un réseau d'eaux pluviales communal auquel les eaux usées et les eaux pluviales semblent être branchées directement. ... le réseau d'assainissement n'est pas présent au niveau de la [Adresse 13].... la [Adresse 13] est zonée en assainissement non collectif' et par le rapport d'expertise judiciaire duquel il résulte très précisément que 'les évacuations d'eaux pluviales et les eaux usées se rejettent dans un puisard situé dans le garage de l'habitation et qu'elles sont ensuite rejetées directement dans le réseau public, sans système d'assainissement en amont, dans une canalisation qui passe dans la rue principale' qu'il n'existait pas de réseau d'assainissement des eaux usées.
Certes, Mme [L] [C] avait la possibilité de faire établir un diagnostic entre le compromis de vente et l'acte et elle a renoncé à la condition suspensive de l'obtention d'un certificat de conformité, mais c'est à la venderesse qu'il appartenait de faire réaliser ce diagnostic ou encore de se renseigner auprès de la mairie, pour s'assurer de ses propres affirmations et celle-ci, si effectivement elle n'a pas eu l'intention délibéré de tromper son acheteuse ce qui aurait été constitutif d'un dol, ne peut raisonnablement soutenir que Mme [L] [C] avait l'obligation de se renseigner. Par ailleurs, il est certes exact qu'elle n'a pas garanti la conformité du réseau de la maison vendue. Pour autant, il est établi qu'il n'existait en fait pas de réseau d'évacuation des eaux usées et que cette inexistence dépassait la simple non conformité.
En conséquence, c'est à bon droit et par de justes motifs que le premier juge a retenu la responsabilité de Mme [H] [M] pour manquement à son obligation de délivrance en application de l'article 1603 du code civil, Mme [L] [C] n'ayant pas fondé son action sur la garantie des vices cachés.
Sur la responsabilité délictuelle du notaire
En vertu de l'article 1382 ancien du code civil en vigueur au moment de l'acte litigieux, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'. Pour engager la responsabilité du notaire, il faut prouver la faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.
Le notaire est tenu à l'égard des parties d'une obligation de conseil. En effet, s'il n'est pas tenu d'une obligation de conseil et de mise en garde concernant l'opportunité économique d'une opération en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher, son devoir est 'd'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur 'les risques' de l'opération réalisée'. La délivrance de ce conseil doit être effective, matériellement et intellectuellement, et il se doit non seulement de veiller, par un conseil adapté et des recherches préalables appropriées, à rédiger un acte efficace, correspondant à l'intention, voire aux mobiles, s'il les connaît, ou à l'intérêt immédiat des parties, mais aussi d'en discerner le risque d'évolution préjudiciable. Alerter des risques liés à une opération juridique implique également du notaire qu'il projette dans le temps son devoir d'information. Il doit alors anticiper sur les difficultés à naître de la situation juridique, régulière, susceptible de résulter de l'acte qu'il instrumente.
En l'espèce, le notaire chargé de la vente d'un bien immobilier à usage d'habitation ne pouvait ignorer l'importance de l'information sur le réseau d'assainissement de l'immeuble, d'autant qu'il s'agissait d'une maison ancienne et vétuste, située dans une rue dépourvue d'un réseau d'assainissement des eaux usées collectif, que la mairie avait répondu par courrier du 26 janvier 2026 que le bien était situé dans une zone non équipée d'un réseau d'assainissement et que les dispositions de l'article L 1331-11-1 du code de la santé publique impose en cas de vente d'un
immeuble non raccordé au réseau public de posséder un diagnostic de moins de trois ans.
Certes, le notaire s'est adressé au Spanc dès après le compromis de vente pour des informations sur le réseau d'assainissement mais il n'a pas attendu la réponse pour recevoir l'acte de vente en date du 12 avril 2016, or dans la réponse datée du 19 avril 2016, le Spanc spécifiait clairement que l'installation n'était pas raccordée à un réseau d'assainissement et le notaire ne disposait alors d'aucune pièce de la venderesse démontrant l'existence d'une situation contraire.
En conséquence, en retenant notamment que le notaire aurait dû attendre le retour de l'avis du Spanc pour instrumenter et qu'il ne démontre pas que Mme [L] [C] aurait tenu à signer l'acte avant cette réponse et qu'il l'a informée des risques de l'absence de réponse au moment de la signature, le premier juge a fait une juste appréciation des éléments du dossier et c'est bon droit qu'il a jugé que le notaire avait commis une faute sur le fondement de l'article 1382 du code civil engageant sa responsabilité. D'ailleurs, Me [P] [V] ne conteste plus devant la cour la commission d'une faute.
Sur l'existence d'un préjudice et le lien de causalité
Comme l'a justement retenu le premier juge, Mme [L] [C], du fait de l'absence d'un système d'assainissement des eaux usés, s'est trouvée dans l'obligation d'en faire réaliser un. Devant la cour, Mme [L] [C] justifie désormais avoir fait réaliser les travaux nécessaires en produisant une facture de M. [S] en date du 17 décembre 2021 d'un montant de 2 000 euros concernant la réalisation d'une fosse et une facture en date du 15 novembre 2021 de la société [14] d'un montant de 10 100 euros relative à la mise en conformité de l'assainissement de son immeuble.
Le fait que Mme [L] [C] n'ait pu acquérir le bien à un moindre prix pour compenser la nécessité de faire des travaux au niveau de l'assainissement de son immeuble s'analyse en une perte de chance en lien direct avec les fautes commises tant par Mme [H] [M] que par Me [P] [V]. En effet, si Mme [L] [C] avait été informée de la situation exacte, elle aurait eu la possibilité notamment soit de solliciter la réduction du prix d'achat à concurrence du montant des travaux et de leurs conséquences, soit d'exiger que les travaux soient réalisés par sa vendeuse avant son achat. Le préjudice subi par Mme [L] [C] est donc constitué du montant des travaux actualisé à la somme de 12 100 euros, mais aussi du préjudice de jouissance. Ce préjudice, compte tenu de la faible durée de temps des travaux, et du fait que ceux-ci se sont déroulés en extérieur sera limité à la somme de 500 euros, sachant que Mme [L] [C], contrairement à ce qu'elle soutient, ne démontre pas que les travaux se sont déroulés sur une période de trois semaines. S'agissant du préjudice lié à la perte de la valeur vénale concernant la réduction de l'espace dans la cour dans laquelle la fosse a été installée, le caractère certain de ce préjudice n'est pas rapporté. En effet, aucun élément sur une éventuelle valeur de revente n'est versé aux débats et il n'est pas prouvé que la valeur de la maison, étant désormais dotée d'un système adéquat d'assainissement, n'a pas au contraire augmentée. En conséquence, le préjudice subi par Mme [L] [C] doit être évaluée à la somme globale de 12 600 euros.
Comme rappelé par le notaire, la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée, sauf si cette perte de chance est certaine. Or en l'espèce, cette perte de chance est totale : une habitation ne peut être raccordée au réseau d'eaux pluviales d'une commune pour l'évacuation de ses eaux usées et en dehors d'un réseau d'eaux usées communales, un système d'assainissement individuel doit équipé l'habitation. Mme [L] [C] n'aurait pas dû assumer financièrement les travaux et soit ils auraient été financés par une moins-value sur le prix d'achat soit par un financement direct de la vendeuse. Par ailleurs, le notaire ne peut soutenir que Mme [L] [C] aurait accepté les risques sans démontrer qu'il l'avait avertie de ces risques et de leur implication.
Les fautes de Mme [H] [M] et de Me [P] [V] ayant concouru à la réalisation du même dommage, toutes deux seront in solidum à payer à Mme [L] [C] la somme de 12 600 euros en réparation des préjudices subis.
Sur la contribution à la dette
Me [P] [V] a effectivement manqué à son devoir de prudence et de conseil en faisant réitérer l'acte de vente avant d'avoir reçu le rapport du Spanc et sans manifestement avoir donné un avertissement suffisant à l'acheteuse sur ce point mais elle avait pris la précaution de solliciter la mairie par courrier du 22 janvier 2016 qui avait répondu 'par réponse rapide' en date du 26 janvier 2016 indiquant qu'il n'y avait pas de réseau communal de collecte d'eaux usées et que le bien était équipé d'un système individuel. Elle aurait dû certes respecter les dispositions de l'article L1331-11-1 du code de la santé publique rappelées par le premier juge qui lui imposaient d'annexer un contrôle des installations datant de moins de trois ans mais elle avait toutefois pris la précaution de faire parapher la réponse de la mairie tant à Mme [L] [C] qu'à Mme [H] [M]. Or, il est établi que cette dernière qui avait dans le compromis de vente affirmé que son immeuble était raccordé au réseau d'assainissement, a persévéré ultérieurement dans cette position, alors qu'elle aurait dû, au vu de la réponse de la mairie, s'interroger sur le système d'assainissement d'autant qu'elle n'avait jamais fait procéder à une quelconque vidange d'un assainissement privatif de cette maison, bien de sa famille depuis 1948.
Ainsi, compte tenu des fautes respectives de chacune de ces deux parties, elles seront tenues par moitié au paiement de la condamnation prononcée. Ainsi, Me [P] [V] sera tenue de relever et garantir Mme [H] [M] de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.
Sur les mesures accessoires
Seul le chef du jugement indiquant que Me [P] [V] est tenue de garantir Mme [H] [M] de toute condamnation prononcée à son encontre au titre des dépens et de l'indemnité procédurale sera infirmé.
Succombant, Me [P] [V] et Mme [H] [M] seront tenues in solidum aux dépens d'appel distraits au profit de Me Dormeval, avocate, sur son affirmation de droits, et elles seront déboutées de leurs demandes d'indemnité procédurale.
L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale de Mme [L] [C] à hauteur de 2 500 euros au paiement desquels Mme [H] [M] et ae seront condamnées in solidum.
Me [P] [V] sera tenue de relever et garantir Mme [H] [M] à hauteur de la moitié des dépens et des indemnités procédurales de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le préjudice de perte de chance de Mme [H] [M] est fixé comme suit :
- 9 417,2 euros au titre de la perte de chance d'acquérir le bien moins cher,
- 800 euros, au titre de la perte de valeur vénale du bien,
- 1 500 euros, au titre de la gêne occasionnée durant les travaux de mise en conformité
- dit que Me [V] sera condamnée a relever et garantir Mme [H] [M] de toute condamnation prononcée à ce titre ;
- dit que Me [V] sera condamnée à relever et garantir Mme [M] de toute condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles et des dépens,
Confirme le jugement sur tous autres chefs entrepris,
Fixe le préjudice de perte de chance de Mme [H] [M] à la somme de 12 600 euros dont 12 100 euros représentant le coût des travaux et 500 euros au titre de la gêne occasionnée,
Déboute Mme [L] [C] pour le surplus de ses demandes d'indemnisation,
Condamne in solidum Me [P] [V] et Mme [H] [M] aux dépens d'appel, distraits au profit de Me Dormeval, avocate, sur son affirmation de droits,
Condamne in solidum Me [P] [V] et Mme [H] [M] à payer à Mme [L] [C] une indemnité procédurale en appel de 2 500 euros,
Condamne Me [P] [V] à relever et garantir Mme [H] [M] de la moitié des condamnations prononcées contre elle, y compris les dépens de première instance et d'appel et les indemnités procédurales de première instance et d'appel.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 29 octobre 2024
à
la SELARL ENOTIKO AVOCATS
Me Emmanuel BEAUCOURT
Me Clarisse DORMEVAL
Copie exécutoire délivrée le 29 octobre 2024
à
Me Clarisse DORMEVAL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 29 Octobre 2024
N° RG 22/00215 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G5DM
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 27 Janvier 2022
Appelant
Me [P] [V], demeurant [Adresse 2]
Représentée par la SELARL ENOTIKO AVOCATS, avocats au barreau de CHAMBERY
Intimées
Mme [H] [N] [Y] [M] épouse [I]
née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 12], demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Emmanuel BEAUCOURT, avocat au barreau de CHAMBERY
Mme [L] [C] épouse [E]
née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 11], demeurant [Adresse 10]
Représentée par Me Clarisse DORMEVAL, avocat au barreau de CHAMBERY
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Date de l'ordonnance de clôture : 02 Avril 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 juin 2024
Date de mise à disposition : 29 octobre 2024
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
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Faits et procédure
Suivant acte authentique du 12 avril 2016, reçu par Me [P] [V], notaire, Mme [H] [M] épouse [I] a vendu à Mme [L] [C] épouse [E] une maison à usage d'habitation sise [Adresse 8] à [Localité 15], moyennant paiement de la somme de 103 000 euros.
Après l'acquisition, Mme [L] [C] a constaté que les eaux usées et pluviales, non séparées, se déversaient ensemble dans le réseau communal de précipitations pluviales et le service public d'assainissement (Spanc) a rendu un rapport de visite le 15 juin 2016 concluant à l'inexistence de l'installation d'assainissement du bien immobilier vendu. Par courriel du 5 septembre 2016, Mme [L] [C] en a informé Me [V], puis par courrier du 8 mars 2017, elle a indiqué à sa venderesse que des travaux de mise en place d'une filière d'assainissement allaient être réalisés dans la rue et que les frais occasionnés devaient être à la charge de cette dernière.
L'assureur protection juridique de Mme [L] [C] a organisé une expertise d'assurance amiable. Le rapport a été rendu le 17 août 2018.
Par ordonnance du 12 février 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, sur saisine de Mme [L] [C], a ordonné une expertise judiciaire au contradictoire de l'ensemble des parties susvisées.L'expert a déposé son rapport définitif le 21 novembre 2019.
Par acte d'huissier du 14 mai 2020, Mme [L] [C] a assigné Mme [H] [M] et Me [P] [V] devant le tribunal judiciaire de Chambéry, notamment aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer 12 948,65 euros au titre des travaux indispensables à la mise en conformité du bien.
Par jugement du 27 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a notamment :
- Dit que l'immeuble sis [Adresse 8] à [Localité 15], cadastré section B n°[Cadastre 5] [Localité 9], vendu par Mme [H] [M] à Mme [L] [C] suivant acte authentique en date du 12 avril 2016, reçu par Me [V], notaire au sein de l'office de Me [Z], à [Localité 7], n'est pas raccordé à un réseau d'assainissement ;
- Dit en conséquence que Mme [H] [M] a manqué à son obligation de délivrance conforme, et que sa responsabilité contractuelle est engagée envers Mme [L] [C] ;
- Dit que Me [V] a commis une faute envers Mme [L] [C], qui engage sa responsabilité délictuelle ;
- Dit que le préjudice de perte de chance de Mme [H] [M] est fixé comme suit :
- 9 417,2 euros au titre de la perte de chance d'acquérir le bien moins cher,
- 800 euros, au titre de la perte de valeur vénale du bien,
- 1 500 euros, au titre de la gêne occasionnée durant les travaux de mise en conformité ;
- Condamné in solidum Mme [H] [M] et Me [V] à payer à Mme [L] [C] les sommes ci-dessus exposées ;
- Dit que Me [V] sera condamnée a relever et garantir Mme [H] [M] de toute condamnation prononcée à ce titre ;
- Dit qu'aux sommes précitées exprimées hors taxe, s'ajoutera la TVA au taux en vigueur a la date de l'exécution ;
- Dit que les sommes précitées seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 21 novembre 2019, jusqu'à la date du jugement ;
- Dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement ;
- Condamné in solidum Mme [H] [M] et Me [V] à payer à Mme [L] [C] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum Mme [M] et Me [V] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise, distraits au profit de Me Fombeure ;
- Dit que Me [V] sera condamnée à relever et garantir Mme [M] de toute condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
Au visa principalement des motifs suivants :
Quand bien même la venderesse ne garantirait pas la conformité du raccordement, il n'en reste pas moins qu'elle a affirmé que le bien était raccordé au réseau d'assainissement et que sa responsabilité était susceptible d'être engagée si tel n'était pas le cas ;
Mme [M] ne peut donc se décharger sur Mme [L] [C] de la question du diagnostic, qu'il lui appartenait de faire effectuer par un professionnel ou par la mairie si elle n'était pas certaine de son affirmation, la venderesse a donc manqué à son obligation de délivrance conforme ;
Me [V] aurait dû attendre le retour de la SPANC avant d'instrumenter la réitération de la vente et avertir les parties du résultat, dès lors, en instrumentant la vente avant d'avoir la réponse de la SPANC, elle a commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle ;
Les obligations légales d'annexion à l'acte de vente du document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif datant de moins de trois ans étant à la charge du notaire, Me [V] ne pouvait s'en affranchir en insérant dans l'acte une clause faisant peser sur la seule venderesse la responsabilité du raccordement à un réseau d'assainissement collectif, dès lors, elle sera condamnée à relever et garantir Mme [H] [M].
Par déclaration au greffe du 8 février 2022, Me [V] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a :
- Dit que l'immeuble sis [Adresse 8] à [Localité 15], cadastré section [Cadastre 6] [Localité 9], vendu par Mme [M] à Mme [E] suivant acte authentique en date du 12 avril 2016, reçu par Me [V], notaire au sein de l'office de Me [Z], à [Localité 7], n'est pas raccordé à un réseau d'assainissement ;
- Dit en conséquence que Mme [M] a manqué à son obligation de délivrance conforme, et que sa responsabilité contractuelle est engagée envers Mme [E] ;
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 6 mai 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Me [V] sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :
- Dire et juger que les préjudices dont Mme [L] [C] réclame la réparation n'ont pas de lien de causalité avec son intervention ;
- Dire et juger que Mme [L] [C] ne justifie pas d'un préjudice réparable ;
- Dire et juger que Mme [M] a commis un dol exclusif de sa garantie ;
En conséquence,
- Débouter Mme [L] [C] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre, ou, à tout le moins, réduire dans les plus larges proportions les sommes qui pourraient être mises à sa charge sur le fondement de la perte de chance, tous autres préjudices n'étant admissible à son encontre ;
- Débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre ;
- Condamner in solidum Mme [L] [C] et Mme [M] ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner les mêmes, également in solidum, aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la société Visier-Philippe Ollagnon-Delroise et associés, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Me [V] fait valoir notamment que :
Mme [E] ne fait la démonstration de l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices dont elle excipe et l'intervention du notaire,
Sa responsabilité ne peut être recherchée que du chef d'une perte de chance, or, aucun de ces préjudices ne correspond à une perte de chance ;
Mme [L] [C] ne démontre pas non plus le caractère certain de la perte de chance qu'elle invoque ;
Mme [L] [C] a accepté le risque d'un système d'assainissement non conforme ;
Mme [M] ne saurait réclamer sa garantie, dès lors qu'elle s'est rendue coupable d'une rétention dolosive d'information.
Par dernières écritures du 18 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [M] demande à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 27 janvier 2022 sous la référence RG 20/00596 ;
Y ajoutant, et statuant à nouveau,
- Condamner Me [V] à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que Me [V] a manqué à ses obligations de conseil et engage sa responsabilité en sa qualité de rédacteur des actes de compromis de vente et de vente, la sécurité juridique qu'elle a attendue n'étant pas atteinte ;
- Dire et juger qu'elle n'a commis aucun dol, susceptible d'exonérer Me [V] de sa responsabilité ;
- Condamner Me [V] à la relever et garantir, acquéreur profane en immobilier, de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
- Débouter Me [V] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à son encontre ;
- Dire et juger que les travaux de mise en conformité du bien doivent rester à la charge de Mme [L] [C] par simple application du contrat de vente ;
- Dire et juger qu'elle a respecté son obligation de délivrance conforme et ne saurait, par voie de conséquence, voir sa responsabilité engagée ;
- Dire et juger que Mme [L] [C] n'établit aucune faute, ne justifie d'aucun préjudice et ne démontre aucun lien de causalité entre les deux, si bien que sa responsabilité ne saurait être engagée ;
- Débouter Mme [L] [C] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
- Condamner in solidum Me [V] et Mme [L] [C] à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme [M] fait valoir notamment que :
Me [V] a commis une faute en recevant l'acte visant des déclarations erronées alors qu'elle disposait d'éléments de nature à faire douter de la véracité desdites déclarations ;
Me [V] n'apporte pas la moindre preuve de man'uvres de sa part visant à la tromper, ou à tromper Mme [L] [C].
Par dernières écritures du 29 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [E] demande à la cour de :
- Déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Me [V] ;
En conséquence,
- Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 27 janvier 2022 uniquement ce qu'il a dit que son préjudice de perte de chance est fixé comme suit :
- 9 417,2 euros au titre de la perte de chance d'acquérir le bien moins cher,
- 800 euros, au titre de la perte de valeur vénale du bien,
- 1500 euros, au titre de la gêne occasionnée durant les travaux de mise en conformité ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 27 janvier 2022 pour le surplus ;
Et statuant à nouveau,
- Condamner in solidum Mme [M] et Me [V] à lui payer les sommes de :
- 12 100 euros au titre des travaux indispensables à la mise en conformité du bien,
- 1 500 euros au titre de la perte de valeur vénale associée,
- 2 000 euros en réparation du préjudice lié à la gêne occasionnée par les travaux ;
A titre subsidiaire,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 27 janvier 2022 en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause,
- Débouter Me [V] et Mme [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
- Condamner in solidum Me [V] et Mme [M] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de Me Dormeval, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Mme [L] [C] fait valoir notamment que :
Me [V] l'a exposé à des vicissitudes et obligations majeures qui auraient dû la conduire, à tout le moins, à différer la date de vente pour mieux l'éclairer sur les engagements qu'elle était susceptible de souscrire manquant ainsi à son devoir de conseil, elle a commis une faute engageant sa responsabilité civile professionnelle ;
Elle n'a jamais indiqué ne pas souhaiter le retour du SPANC pour réitérer la vente ;
Elle a démontré que si elle avait été informée de ces difficultés de raccordement au réseau collectif elle n'aurait pas acquis le bien ou en tous les cas à un prix moindre, démontrant ainsi la perte de chance ;
Mme [M] a manqué à son obligation de délivrance conforme en affirmant que l'immeuble est branché au réseau d'assainissement engageant ainsi sa responsabilité contractuelle à son égard.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 2 avril 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 11 juin 2024.
MOTIFS ET DÉCISION
Sur le manquement contractuel de Mme [H] [M]
Lors de la vente de sa maison d'habitation le12 avril 2016, Mme [H] [M], qui d'ailleurs ne le conteste pas, a indiqué à son acheteuse, Mme [L] [C], que ce bien était raccordé à un réseau d'assainissement, même si elle a précisé qu'elle n'était pas en mesure de certifier sa conformité dans le compromis de vente par la mention selon laquelle 'le vendeur ne garantit aucunement la conformité de l'installation aux normes actuellement en vigueur.. Le vendeur déclare sous sa responsabilité ne rencontrer actuellement aucune difficulté particulière avec cette installation'
Mais il est démontré notamment par le rapport du service public d'assainissement en date du 15 juin 2016 lequel précise qu'il existe ' un réseau d'eaux pluviales communal auquel les eaux usées et les eaux pluviales semblent être branchées directement. ... le réseau d'assainissement n'est pas présent au niveau de la [Adresse 13].... la [Adresse 13] est zonée en assainissement non collectif' et par le rapport d'expertise judiciaire duquel il résulte très précisément que 'les évacuations d'eaux pluviales et les eaux usées se rejettent dans un puisard situé dans le garage de l'habitation et qu'elles sont ensuite rejetées directement dans le réseau public, sans système d'assainissement en amont, dans une canalisation qui passe dans la rue principale' qu'il n'existait pas de réseau d'assainissement des eaux usées.
Certes, Mme [L] [C] avait la possibilité de faire établir un diagnostic entre le compromis de vente et l'acte et elle a renoncé à la condition suspensive de l'obtention d'un certificat de conformité, mais c'est à la venderesse qu'il appartenait de faire réaliser ce diagnostic ou encore de se renseigner auprès de la mairie, pour s'assurer de ses propres affirmations et celle-ci, si effectivement elle n'a pas eu l'intention délibéré de tromper son acheteuse ce qui aurait été constitutif d'un dol, ne peut raisonnablement soutenir que Mme [L] [C] avait l'obligation de se renseigner. Par ailleurs, il est certes exact qu'elle n'a pas garanti la conformité du réseau de la maison vendue. Pour autant, il est établi qu'il n'existait en fait pas de réseau d'évacuation des eaux usées et que cette inexistence dépassait la simple non conformité.
En conséquence, c'est à bon droit et par de justes motifs que le premier juge a retenu la responsabilité de Mme [H] [M] pour manquement à son obligation de délivrance en application de l'article 1603 du code civil, Mme [L] [C] n'ayant pas fondé son action sur la garantie des vices cachés.
Sur la responsabilité délictuelle du notaire
En vertu de l'article 1382 ancien du code civil en vigueur au moment de l'acte litigieux, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'. Pour engager la responsabilité du notaire, il faut prouver la faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.
Le notaire est tenu à l'égard des parties d'une obligation de conseil. En effet, s'il n'est pas tenu d'une obligation de conseil et de mise en garde concernant l'opportunité économique d'une opération en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher, son devoir est 'd'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur 'les risques' de l'opération réalisée'. La délivrance de ce conseil doit être effective, matériellement et intellectuellement, et il se doit non seulement de veiller, par un conseil adapté et des recherches préalables appropriées, à rédiger un acte efficace, correspondant à l'intention, voire aux mobiles, s'il les connaît, ou à l'intérêt immédiat des parties, mais aussi d'en discerner le risque d'évolution préjudiciable. Alerter des risques liés à une opération juridique implique également du notaire qu'il projette dans le temps son devoir d'information. Il doit alors anticiper sur les difficultés à naître de la situation juridique, régulière, susceptible de résulter de l'acte qu'il instrumente.
En l'espèce, le notaire chargé de la vente d'un bien immobilier à usage d'habitation ne pouvait ignorer l'importance de l'information sur le réseau d'assainissement de l'immeuble, d'autant qu'il s'agissait d'une maison ancienne et vétuste, située dans une rue dépourvue d'un réseau d'assainissement des eaux usées collectif, que la mairie avait répondu par courrier du 26 janvier 2026 que le bien était situé dans une zone non équipée d'un réseau d'assainissement et que les dispositions de l'article L 1331-11-1 du code de la santé publique impose en cas de vente d'un
immeuble non raccordé au réseau public de posséder un diagnostic de moins de trois ans.
Certes, le notaire s'est adressé au Spanc dès après le compromis de vente pour des informations sur le réseau d'assainissement mais il n'a pas attendu la réponse pour recevoir l'acte de vente en date du 12 avril 2016, or dans la réponse datée du 19 avril 2016, le Spanc spécifiait clairement que l'installation n'était pas raccordée à un réseau d'assainissement et le notaire ne disposait alors d'aucune pièce de la venderesse démontrant l'existence d'une situation contraire.
En conséquence, en retenant notamment que le notaire aurait dû attendre le retour de l'avis du Spanc pour instrumenter et qu'il ne démontre pas que Mme [L] [C] aurait tenu à signer l'acte avant cette réponse et qu'il l'a informée des risques de l'absence de réponse au moment de la signature, le premier juge a fait une juste appréciation des éléments du dossier et c'est bon droit qu'il a jugé que le notaire avait commis une faute sur le fondement de l'article 1382 du code civil engageant sa responsabilité. D'ailleurs, Me [P] [V] ne conteste plus devant la cour la commission d'une faute.
Sur l'existence d'un préjudice et le lien de causalité
Comme l'a justement retenu le premier juge, Mme [L] [C], du fait de l'absence d'un système d'assainissement des eaux usés, s'est trouvée dans l'obligation d'en faire réaliser un. Devant la cour, Mme [L] [C] justifie désormais avoir fait réaliser les travaux nécessaires en produisant une facture de M. [S] en date du 17 décembre 2021 d'un montant de 2 000 euros concernant la réalisation d'une fosse et une facture en date du 15 novembre 2021 de la société [14] d'un montant de 10 100 euros relative à la mise en conformité de l'assainissement de son immeuble.
Le fait que Mme [L] [C] n'ait pu acquérir le bien à un moindre prix pour compenser la nécessité de faire des travaux au niveau de l'assainissement de son immeuble s'analyse en une perte de chance en lien direct avec les fautes commises tant par Mme [H] [M] que par Me [P] [V]. En effet, si Mme [L] [C] avait été informée de la situation exacte, elle aurait eu la possibilité notamment soit de solliciter la réduction du prix d'achat à concurrence du montant des travaux et de leurs conséquences, soit d'exiger que les travaux soient réalisés par sa vendeuse avant son achat. Le préjudice subi par Mme [L] [C] est donc constitué du montant des travaux actualisé à la somme de 12 100 euros, mais aussi du préjudice de jouissance. Ce préjudice, compte tenu de la faible durée de temps des travaux, et du fait que ceux-ci se sont déroulés en extérieur sera limité à la somme de 500 euros, sachant que Mme [L] [C], contrairement à ce qu'elle soutient, ne démontre pas que les travaux se sont déroulés sur une période de trois semaines. S'agissant du préjudice lié à la perte de la valeur vénale concernant la réduction de l'espace dans la cour dans laquelle la fosse a été installée, le caractère certain de ce préjudice n'est pas rapporté. En effet, aucun élément sur une éventuelle valeur de revente n'est versé aux débats et il n'est pas prouvé que la valeur de la maison, étant désormais dotée d'un système adéquat d'assainissement, n'a pas au contraire augmentée. En conséquence, le préjudice subi par Mme [L] [C] doit être évaluée à la somme globale de 12 600 euros.
Comme rappelé par le notaire, la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée, sauf si cette perte de chance est certaine. Or en l'espèce, cette perte de chance est totale : une habitation ne peut être raccordée au réseau d'eaux pluviales d'une commune pour l'évacuation de ses eaux usées et en dehors d'un réseau d'eaux usées communales, un système d'assainissement individuel doit équipé l'habitation. Mme [L] [C] n'aurait pas dû assumer financièrement les travaux et soit ils auraient été financés par une moins-value sur le prix d'achat soit par un financement direct de la vendeuse. Par ailleurs, le notaire ne peut soutenir que Mme [L] [C] aurait accepté les risques sans démontrer qu'il l'avait avertie de ces risques et de leur implication.
Les fautes de Mme [H] [M] et de Me [P] [V] ayant concouru à la réalisation du même dommage, toutes deux seront in solidum à payer à Mme [L] [C] la somme de 12 600 euros en réparation des préjudices subis.
Sur la contribution à la dette
Me [P] [V] a effectivement manqué à son devoir de prudence et de conseil en faisant réitérer l'acte de vente avant d'avoir reçu le rapport du Spanc et sans manifestement avoir donné un avertissement suffisant à l'acheteuse sur ce point mais elle avait pris la précaution de solliciter la mairie par courrier du 22 janvier 2016 qui avait répondu 'par réponse rapide' en date du 26 janvier 2016 indiquant qu'il n'y avait pas de réseau communal de collecte d'eaux usées et que le bien était équipé d'un système individuel. Elle aurait dû certes respecter les dispositions de l'article L1331-11-1 du code de la santé publique rappelées par le premier juge qui lui imposaient d'annexer un contrôle des installations datant de moins de trois ans mais elle avait toutefois pris la précaution de faire parapher la réponse de la mairie tant à Mme [L] [C] qu'à Mme [H] [M]. Or, il est établi que cette dernière qui avait dans le compromis de vente affirmé que son immeuble était raccordé au réseau d'assainissement, a persévéré ultérieurement dans cette position, alors qu'elle aurait dû, au vu de la réponse de la mairie, s'interroger sur le système d'assainissement d'autant qu'elle n'avait jamais fait procéder à une quelconque vidange d'un assainissement privatif de cette maison, bien de sa famille depuis 1948.
Ainsi, compte tenu des fautes respectives de chacune de ces deux parties, elles seront tenues par moitié au paiement de la condamnation prononcée. Ainsi, Me [P] [V] sera tenue de relever et garantir Mme [H] [M] de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.
Sur les mesures accessoires
Seul le chef du jugement indiquant que Me [P] [V] est tenue de garantir Mme [H] [M] de toute condamnation prononcée à son encontre au titre des dépens et de l'indemnité procédurale sera infirmé.
Succombant, Me [P] [V] et Mme [H] [M] seront tenues in solidum aux dépens d'appel distraits au profit de Me Dormeval, avocate, sur son affirmation de droits, et elles seront déboutées de leurs demandes d'indemnité procédurale.
L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale de Mme [L] [C] à hauteur de 2 500 euros au paiement desquels Mme [H] [M] et ae seront condamnées in solidum.
Me [P] [V] sera tenue de relever et garantir Mme [H] [M] à hauteur de la moitié des dépens et des indemnités procédurales de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le préjudice de perte de chance de Mme [H] [M] est fixé comme suit :
- 9 417,2 euros au titre de la perte de chance d'acquérir le bien moins cher,
- 800 euros, au titre de la perte de valeur vénale du bien,
- 1 500 euros, au titre de la gêne occasionnée durant les travaux de mise en conformité
- dit que Me [V] sera condamnée a relever et garantir Mme [H] [M] de toute condamnation prononcée à ce titre ;
- dit que Me [V] sera condamnée à relever et garantir Mme [M] de toute condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles et des dépens,
Confirme le jugement sur tous autres chefs entrepris,
Fixe le préjudice de perte de chance de Mme [H] [M] à la somme de 12 600 euros dont 12 100 euros représentant le coût des travaux et 500 euros au titre de la gêne occasionnée,
Déboute Mme [L] [C] pour le surplus de ses demandes d'indemnisation,
Condamne in solidum Me [P] [V] et Mme [H] [M] aux dépens d'appel, distraits au profit de Me Dormeval, avocate, sur son affirmation de droits,
Condamne in solidum Me [P] [V] et Mme [H] [M] à payer à Mme [L] [C] une indemnité procédurale en appel de 2 500 euros,
Condamne Me [P] [V] à relever et garantir Mme [H] [M] de la moitié des condamnations prononcées contre elle, y compris les dépens de première instance et d'appel et les indemnités procédurales de première instance et d'appel.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 29 octobre 2024
à
la SELARL ENOTIKO AVOCATS
Me Emmanuel BEAUCOURT
Me Clarisse DORMEVAL
Copie exécutoire délivrée le 29 octobre 2024
à
Me Clarisse DORMEVAL