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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 5, 29 octobre 2024, n° 24/06632

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 24/06632

29 octobre 2024

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 5

ORDONNANCE DU 29 OCTOBRE 2024

(n° /2024)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/06632 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJHDG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mars 2024 du TJ de PARIS - RG n° 22/02684

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

S.A.S. ESPOIR (IDEAL HOTEL)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Luisa DE ALMEIDA substituant Me Laurent VIOLLET de la SELARL LVA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0129

à

DEFENDEUR

S.C. JGKS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Et assistée de Me Tiphaine DE PEYRONNET de la SELARL PEYRONNET AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : R045

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 26 Septembre 2024 :

Par jugement contradictoire du 07 mars 2024, rendu entre d'une part la Sas Espoir et d'autre part la Sci Jgks, le tribunal judiciaire de Paris a :

- Débouté la société Espoir de l'ensemble de ses demandes

- Prononcé la résiliation du contrat de bail commercial conclu le 14 juillet 2016 entre la société espoir et Mme [C] [V] à effet du 03 février 2023

- ordonné, à défaut de départ volontaire, l'expulsion de la société espoir de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 3] et de tut occupant de son chef au besoin avec l'assistance d'un commissaire de police et d'un serrurier

- Dit que les meubles seront entreposés dans un local désigné par le représentant de la société espoir ou à défaut laissés sur place ou placés dans un lieu approprié que le représentant de la société espoir bénéficiera d'un délai de deux mois non renouvelable pour retirer les meubles à l'issue duquel, ces derniers, s'il n'ont pas été retirés, seront vendus ou déclarés abandonnés, s'ils ne sont pas susceptibles d'être vendus

- Condamné la société Espoir à payer à la société Jgks une indemnité d'occupation égale au double du loyer courant à compter du 03 février 2023 jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés

- Condamné la société Espoir à payer à la société Jgks la somme de 312,04 euros représentant l'arriéré locatif au 03 février 2023

- Dit que le dépôt de garantie de 2 550 euros versé par la société Espoir restera acquis à la société Jgks

- Condamné la société Espoir à verser à la société Jgks la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné la société Espoir aux dépens dont distraction au profit de Maître de Peyronnet, avocate.

Par déclaration du 04 avril 2024, la Société Espoir a interjeté appel de cette décision :

Par acte de commissaire de justice du 09 avril 2024, la Sas Espoir a fait assigner en référé devant le premier président de la Cour d'appel de Paris, la société Jgks, afin de :

- Ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement rendu le 07 mars 2024 par le tribunal judiciaire de Paris

- Fixer le jour où l'affaire sera appelée par priorité et désigner la chambre à laquelle elle sera distribuée

- Juger que les dépens du présent référé suivront le sort de ceux du fond.

Par conclusions en réponse déposées et développées oralement à l'audience de plaidoiries du 26 septembre 2024, la société Espoir a maintenu ses demandes sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile et demandé de débouter la société Jgks de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Par conclusions en réponse n°2 déposées et soutenues oralement à l'audience de plaidoiries du 26 septembre 2024, la société Jgks demande au premier président de :

- Juger irrecevable et en toute hypothèse mal fondée la demande d'arrêt de l'exécution provisoire relative au jugement du 07 mars 2024 du tribunal judiciaire de Paris présentée par la société Espoir

- Débouter la société espoir de toutes ces demandes, fins et conclusions

- Condamner la société Espoir à payer à la société Jgks la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE,

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose que le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision dont appel lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces deux conditions sont cumulatives.

Le texte prévoit en son deuxième alinéa que la demande de la partie qui a comparu en première instance, sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire, n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Un moyen sérieux d'annulation ou de réformation est un moyen, qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d'appel avec des chances suffisamment raisonnables de succès.

Les conséquences manifestement excessives s'apprécient, en ce qui concerne les condamnations pécuniaires, par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d'infirmation de la décision assortie de l'exécution provisoire.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d'infirmation.

- Sur la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

La société Jgks soulève l'irrecevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la société Espoir au motif que cette dernière n'a pas présenté d'observation sur l'exécution provisoire en première instance et que les conséquences manifestement excessives dont elle se prévaut ne se sont pas révélées postérieurement à la décision de première instance. Elle fait valoir que la demanderesse ne fait état d'aucun élément nouveau qui n'aurait pas été connu par elle antérieurement à la décision de justice dont appel. Elle indique en outre que les conclusions d'appelant n'ont pas été déposées dans les délais légaux de sorte que cet appel est irrecevable.

En réponse, la société Espoir ne conteste pas n'avoir pas discuté l'exécution provisoire en première instance. Elle indique disposer cependant de moyens sérieux de réformation du jugement entrepris et que l'exécution provisoire engendrerait des conséquences manifestement excessives pour elle.

En l'espèce, il y a lieu de noter qu'aucune mention du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 07 mars 2024 ne fait état d'observation de la société Espoir sur l'exécution provisoire doit pourrait être assortie la décision, aussi bien dans les motifs que dans le dispositif de ce jugement.

En outre, la société Espoir n'a pas déposé de conclusions en réponse en première instance.

Dans ces conditions, les conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire attachées au jugement entrepris doivent avoir été révélées postérieurement à la décision de première instance.

C'est ainsi que la société Espoir indique qu'elle pouvait légitimement penser que son bail commercial ne serait pas résilié judiciairement. Pour autant, il y avait une demande reconventionnelle de la société Jgks de résiliation judiciaire du bail commercial qui avait été formulée antérieurement au prononcé de la décision de justice entreprise. La demanderesse invoque également l'impact qu'aurait pour elle la résiliation du bail sur son activité d'hôtelier. Cela ne constitue pas non plus un élément nouveau.

Par contre, elle expose qu'elle a dû licencier l'ensemble de ses salariés, qu'elle a été effectivement expulsée le 8 juillet 2024, qu'elle n'a pas pu effectuer des locations de chambre à l'occasion des jeux Olympiques de [Localité 5] 2024 et que le bailleur serait dans l'impossibilité de lui restituer les locaux en cas d'infirmation du jugement entrepris.

Il s'agit là d'éléments nouveaux survenus postérieurement au prononcé du jugement du 07 mars 2024.

De plus, la caducité éventuelle de la déclaration d'appel de la société Espoir fait actuellement l'objet d'un incident devant le juge de la mise en état qui tranchera cette question prochainement, le 08 janvier 2025. Il n'appartient donc pas au premier président de trancher cette question.

Dans ces conditions, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la société Espoir est recevable.

- Sur le bien-fondé de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

A) sur les conséquences manifestement excessives :

La société Espoir considère que la résiliation judiciaire du bail commercial et son expulsion aurait des conséquences manifestement excessives pour elle dans la mesure où elle a dû licencier ses salariés, , qu'elle n'a pas d'autre locaux pour exploiter l'hôtel "Idéal Hôtel", qu'elle va être contrainte de déposer le bilan et de procéder à la liquidation de son entreprise et la société Jgks ne serait pas en capacité de restituer les locaux si la décision de première instance était finalement réformée en appel.

En réponse, la société Jgks estime que la société Espoir n'a pas contesté le commandement d'avoir à quitter les lieux du 04 avril 2024 et a abandonné les meubles sur place. La saisie-attribution effectuée sur ses comptes bancaires s'est révélée fructueuse et a mis en évidence un solde de plus de 542 000 euros. L'expulsion de la société Espoir ayant été effectuée en juillet dernier, sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire est devenue sans objet, selon la jurisprudence. L'arrêt de l'exécution provisoire se justifie d'autant moins que la société Jgks ne s'oppose pas à ce que l'affaire au fond soit audiencée rapidement, à jour fixe.

Il ressort des pièces produites aux débats que par acte sous seing privé du 17 juillet 2017, Mme [V] a donné à bail commercial à la société Espoir divers locaux dépendant d'un immeuble dont elle était propriétaire situé [Adresse 2] à [Localité 3].

Cet immeuble a été revendu le 02 novembre 2020 à la SCI Jgks.

Un litige est né sur le fait de savoir qui devait procéder au paiement du remplacement des fenêtres de cet immeuble et la société Espoir a assigné la société Jgks devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement des travaux de changement des fenêtres de l'immeuble et par demande reconventionnelle, la société Jgks a sollicité la résiliation judiciaire du bail commercial faute d'entretien de l'immeuble donné à bail.

C'est dans ces conditions, que le tribunal judiciaire de Paris a rendu sa décision le 07 mars 2024 qui a été frappée d'appel par la société Espoir.

Dès lors que la société Jgks a fait procédé le 08 juillet 2024 à l'expulsion de la société Espoir de l'immeuble donné à bail, sans que cette dernière ne conteste les causes du commandement d'avoir à quitter les lieux et a décidé d'abandonner sur place l'ensemble du mobilier garnissant les lieux, a procédé au licenciement de ses salariés et que la saisie-attribution effectuée sur les comptes bancaires de la société Espoir s'est révélée fructueuse et a permis de désintéresser intégralement la société Jgks, il apparaît que le jugement du 07 mars 2024 a été exécuté dans son intégralité.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire devient dans ces conditions sans objet et il n'est pas démontré que l'exécution provisoire dont est assorti le jugement entrepris engendre des conséquences manifestement excessives pour la société Espoir, alors même qu'aucun élément ne permet d'affirmer que la société Jgks serait dans l'impossibilité de restituer le bien loué en cas de réformation du jugement dont appel. Cette condition n'est donc pas remplie.

B) Sur le moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement entrepris :

Dans la mesure où les deux conditions prévues par l'article 514-3 du code de procédure civile sont cumulatives et qu'il a été retenu que la société Espoir n'apportait pas la preuve que l'exécution provisoire du jugement entrepris aurait des conséquences manifestement excessives pour elle, il n'y a pas lieu d'apprécier si la deuxième condition est remplie.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 07 mars 2024.

- Sur la demande de fixation à jour fixe de l'affaire au fond

En vertu de l'article 917 du code de procédure civile, "si les droits d'une partie sont en péril, le premier président peut, sur requête, fixer le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité. Il désigne la chambre à laquelle l'affaire est distribuée. Les dispositions de l'alinéa qui précède peuvent également être mises en 'uvre par le premier président de la cour d'appel ou par le conseiller de la mise en état à l'occasion de l'exercice des pouvoirs qui leur sont conférés en matière de référé et d'exécution provisoire."

La société Espoir sollicite une fixation prioritaire de l'affaire au fond car le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris met en péril les droits de cette société dans la mesure ou elle serait contrainte de restituer les locaux nécessaires à son activité professionnelle. De plus, il existe des risques importants que la société Jgks doivent lui restituer les locaux ou lui verser des dommages et intérêts.

Il ressort des dispositions de l'article 917 du code de procédure civile que la demande de fixation du jour auquel l'affaire sera appelée au fond doit être présentée par requête devant le premier président. Or, cette demande a été effectué par assignation en référé. En outre, dès lors que le juge de la mise en état est saisi de l'affaire au fond, le premier président n'est plus compétent pour apprécier cette demande. Enfin, dès lors que la décision dont appel a été exécutée entièrement, il n'y a plus de péril pour la société Espoir d'une exécution provisoire de cette décision.

Dans ces conditions, la demande en ce sens sera rejetée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Jgks ses frais irrépétibles non compris dans les dépens. Il lui sera donc alloué une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est par contre pas inéquitable de laisser à la charge de la société Espoir la charge de ses frais irrépétibles et aucune somme ne lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront laissés à la charge de la société Espoir.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons recevable la demande en arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 07 mars 2024 du tribunal judiciaire de Paris ;

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement entrepris précité présentée par la société Espoir ;

Rejetons la demande de fixation à jour fixe formulée par la société Espoir ;

Condamnons la société Espoir à payer à la société Jgks une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laissons à la société Espoir la charge des dépens de l'instance.

ORDONNANCE rendue par M. Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Président