Décisions
CA Nouméa, ch. civ., 28 octobre 2024, n° 23/00072
NOUMÉA
Arrêt
Autre
N° de minute : 2024/230
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 28 octobre 2024
Chambre civile
N° RG 23/00072 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TWZ
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 février 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 20/3699)
Saisine de la cour : 9 mars 2023
APPELANT
Mme [A] [D]
née le 29 septembre 1975 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Loïc PIEUX de la SELARL LOÏC PIEUX, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
M. [F] [W]
né le 21 septembre 1958 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Véronique LE THERY de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA
Mme [M] [Y]
née le 8 décembre 1962 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Véronique LE THERY de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA
28/10/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me PIEUX ;
Expéditions - Me LE THERY ;
- Copie CA ; Copie TPI
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 juin 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Mikaela NIUMELE
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, le délibéré fixé au 19 août 2024 ayant été prorogé au 26 septembre 2024 puis au 28 octobre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Mikaela NIUMELE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Suivant acte notarié dressé le 26 avril 2019 par Me [X], notaire à [Localité 4], Mme [A] [D] a acquis auprès de M. [F] [W] et de Mme [M] [Y] épouse [W], un ensemble immobilier sis à [Adresse 5] à [Localité 4], pour le prix de 38.000.000 FCFP, soumis au régime de la copropriété.
Invoquant la clause du compromis signé le 27 décembre 2018, par laquelle les vendeurs s'engageaient à procéder à la "réalisation de travaux d'étanchéité sur les débords de la toiture suivant devis joint", et l'insuffisance des travaux effectués pour remédier aux problèmes d'infiltrations subies, une expertise amiable conduite par le cabinet EXXCAL et un procès-verbal de constat des 17 et 18 juillet 2019, Mme [D] a saisi, par exploit du 28 octobre 2019 le juge des référés, qui, par ordonnance du 6 février 2020, a ordonné une mesure d'expertise, et désigné M. [O] pour y procéder.
L'expert a clôturé son rapport le 17 août 2020.
Par requête enregistrée au greffe le 18 décembre 2020, préalablement signifiée par exploit d'huissier de Justice le 15 décembre 2020, Mme [D] a attrait devant le tribunal de première instance de Nouméa, M. [W] et Mme [Y] épouse [W] au visa de l'article 1641 du code civil, afin de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, juger recevable et bien fondée son action estimatoire compte tenu du vice caché lié aux problématiques d'étanchéité et de toiture affectant le bien acquis, et de condamner les défendeurs au paiement sous astreinte de la somme de 4.800.000 FCFP, majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2019 à titre de réfaction du prix de vente, ainsi qu'à celle de 2.979.976 FCFP à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 300,000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
En cours d'instance, la requérante a saisi le juge de la mise en état d'une demande de provision.
Par ordonnance en date du 31 mai 2021, le juge de la mise en état s'est, pour l'essentiel, déclaré incompétent pour statuer sur les fins de non-recevoir au profit du juge du fond, a invité les parties à conclure, et a renvoyé l'affaire au fond.
En l'état de ses dernières écritures, Mme [D] a conclu à la recevabilité de son action, indiquant qu'il s'agissait d'une action estimatoire accompagnée d'une demande de dommages et intérêts, fondée sur la garantie légale des vices cachés. S'appuyant sur le rapport d'expertise, elle exposait que les conditions légales de la garantie étaient réunies, le vice étant antérieur à la vente, non apparent et rendant le bien impropre à son usage. Indiquant avoir dû engager des frais d'urgence pour faire face aux infiltrations et écoulements d'eau et subi un trouble de jouissance, elle maintenait ses demandes initiales.
S'opposant aux demandes présentées, M. [W] et Mme [Y] estimaient en premier lieu que ces demandes étaient irrecevables, la requérante ne démontrant pas pouvoir agir au nom de la copropriété alors que les désordres constatés provenaient de la toiture, laquelle est une partie commune. A titre subsidiaire, ils se prévalaient de la clause d'exclusion stipulée dans l'acte de vente et mettaient en avant l'absence de dissimulation de leur part, indiquant par ailleurs que le vice n'était pas caché puisque signalé dans le compromis de vente. Ils exposaient que Mme [D], ne détenant qu'une partie de la toiture, partie commune, elle ne pouvait réclamer la totalité du montant retenu par l'expert pour sa réfection totale, sans l'appui des autres copropriétaires, et qu'en l'absence de vice caché, aucun préjudice ne pouvait être allégué sur ce fondement. Ils sollicitaient en tout état de cause la somme de 150.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamnation de la requérante aux entiers dépens.
Par jugement du 6 février 2023, le tribunal de première instance de Nouméa a déclaré Mme [D] irrecevable en son action et l'a condamnée à payer à M. et Mme [W] la somme de 60 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a considéré que, faute de mise en cause du syndicat de la copropriété, ou à défaut, de l'ensemble des copropriétaires, l'action de la requérante contre son vendeur en garantie des vices cachés était irrecevable dans la mesure où, lorsque le défaut affectait les parties communes, elle était conditionnée à l'intervention du syndicat ou de l'ensemble des copropriétaires.
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête du 9 mars 2023, Mme [D] a fait appel de la décision rendue et demande à la cour dans son mémoire ampliatif du 8 juin 2023 et ses dernières écritures du 2 février 2024 (responsives n° 3), de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
- déclarer l'action recevable ;
- dire que la clause de non garantie stipulée à l'acte est inapplicable ;
- juger que M. et Mme [W] doivent répondre de la garantie légale de l'article 1624 du code civil ;
- les condamner à payer à Mme [D] la somme de 4 800 000 FCFP avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2019 sous astreinte de 120 000 FCFP par jour de retard passé un délai de trente jours, outre celle de 6 838 173 FCFP à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 500 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir, sur l'irrecevabilité, qu'elle a seule qualité à exercer l'action en garantie des vices cachés, action qui n'appartient pas au syndicat des copropriétaires, dès lors que les désordres affectant les parties communes portent atteinte à la jouissance des parties privatives. Sur le fond, elle soutient que le vice préexistait à la vente et que si le problème d'infiltration en toiture était connu, l'ampleur et les conséquences des désordres étaient cachés.
Dans leurs dernières conclusions (récapitulatives n° 3), M. et Mme [W] sollicitent à titre principal la confirmation du jugement. A titre subsidiaire, ils concluent au débouté des demandes ; en tout état de cause, ils demandent la condamnation de Mme [D] à leur payer la somme de 400 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils répliquent que si un copropriétaire peut agir seul pour faire cesser une atteinte portée aux parties communes, il n'a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte ; qu'en l'espèce, le coût des travaux de réfection de la toiture doit être supporté par l'ensemble des copropriétaires en fonction des millièmes de chacun et non par le seul vendeur ; qu'en appel, si Mme [D] a modifié sa demande en précisant que le principal qu'elle réclame correspond à la réfaction du prix d'acquisition du bien, il n'en reste pas moins que ce montant est le même que le coût de la remise en état, tel qu'estimé par l'expert, de sorte que cette demande est irrecevable. En tout état de cause, M. et Mme [W] soutiennent que le vice n'était pas caché de sorte que la clause de non-garantie doit jouer.
Vu l'ordonnance de clôture,
Vu l'ordonnance de fixation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur la recevabilité
Seul, l'acquéreur a qualité pour engager l'action estimatoire de sorte qu'en l'espèce, Mme [D] a bien qualité pour agir contre les époux [W] en réfaction du prix de vente en raison des désordres affectant le bien acquis, peu importe que ces derniers touchent aux parties communes dès lors qu'ils affectent la jouissance des parties privatives.
II. Sur l'action en garantie des vices cachés
Il est précisé dans l'acte de vente que les vendeurs, M. et Mme [W], s'engagent à prendre en charge 'la réalisation des travaux d'étanchéité sur le débord de la toiture aux seuls frais du vendeur avant la réitération par acte authentique selon devis de la société Lometal du 26/12/2018 pour un montant de 74 000 Fcfp TTC.'
Aux termes de cette clause, les vendeurs ont nécessairement reconnu l'existence d'un vice affectant le bien vendu qui préexistait à la vente. Au vu du devis et ainsi qu'il ressort du courriel adressé le 19 juillet 2019 à Mme [D] par Mme [W], les vendeurs ont accepté de faire refaire à leurs frais la réfection de l'étanchéité de la casquette, les travaux de peinture consécutifs aux problèmes d'infiltration et les frais d'expertise.
Les travaux ont bien été réalisés mais n'ont pas mis fin aux infiltrations.
Mme [D] s'étant plainte de la persistance des infiltrations selon procès-verbal d'huissier des 17 et 18 juillet 2019, M. et Mme [W] ont saisi le cabinet EXXCAL afin d'expertise amiable. Il ressort de celui-ci que certains désordres ont évolué (dans la cuisine, murs et plafonds) et que d'autres se sont aggravés. Il a été constaté notamment des traces d'infiltration d'eau sur la poutre en béton à l'extérieur, au niveau de l'entrée qui supporte la casquette de la terrasse, avec détérioration de celle-ci.
L'expertise judiciaire, comme l'expertise amiable, a mis en évidence que la problématique des infiltrations d'eau à l'intérieur des murs a été mal appréhendée. Se contenter de réparer l'étanchéité des casquettes était très insuffisant, dit l'expert M. [O] : 'La réparation tient plus du bricolage et du rapiéçage économiques que d'une véritable étanchéité'. Les infiltrations d'eau étaient connues des vendeurs puisque mentionnées à l'acte de vente mais l'analyse de leurs origines était erronée et la clause a limité les travaux à la seule réalisation de l'étanchéité des débords de la toiture. M. [O] conclut que : 'l'existence de défauts de conception de la sur toiture, de ses entrées d'eaux pluviales et de ses relevés d'étanchéité existaient lors de l'achat par Mme [A] [D] et lors de l'acquisition précédente par M. et Mme [W]. Les vendeurs ou l'agence chargée de la vente ont mal identifié le problème. Les importants désordres au droit des descentes d'eau pluviale attestent par ailleurs de l'ancienneté du problème'.
L'expert considère que ce non-respect des règles de l'art n'était pas décelable par Mme [D], laquelle n'était pas non plus en mesure de juger du bien-fondé et de la pérennité de la méthode de réparation. En revanche, il relève que les désordres liés aux acrotères (fissures et défauts de ravalement) étaient existants avant la vente et étaient repérables par un non-professionnel. Ils sont, dit M. [O], une source supplémentaires des infiltrations mais n'ont pas été évoqués dans les solutions de reprise.
L'article 1641 du code civil dispose que : "Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus."
En l'espèce, l'acte de vente contient une clause classique de non-garantie aux termes de laquelle l'acquéreur se trouve déchargé des vices cachés.
La garantie légale de l'article 1641 suppose que le vice n'était pas apparent lors de l'acquisition et pour que joue la clause de non-garantie, il faut que le vendeur ignorait l'existence des vices.
En l'espèce, M. et Mme [W] qui se sont obligés à mandater une entreprise afin d'effectuer des travaux d'étanchéité, ne pouvaient ignorer l'existence du vice. La condition suspensive de réalisation des travaux d'étanchéité prévue à l'acte de vente à la charge des vendeurs, s'entendait d'une réparation effective et entière mettant fin aux infiltrations, sans quoi la vente n'aurait pas eu lieu ou au même prix. Or, M. et Mme [W] ont décidé de délimiter le périmètre de la réparation et le coût de celle-ci, sans s'assurer que les travaux requis suffisaient à mettre fin à des infiltrations anciennes comme relevées par l'expert. Leur mauvaise foi dans la connaissance du vice sera retenue, précision étant faite qu'ils sont responsables des erreurs ou fautes du mandant (l'agence immobilière) qu'ils se sont substitué et qui les représentait.
A l'inverse, Mme [D], profane, même si elle avait connaissance lors de la visite des lieux d'un problème d'infiltrations au vu des traces affectant les murs de la cuisine, n'était pas en mesure d'apprécier l'ampleur et les conséquences des désordres puisque le devis joint au compromis de vente ne faisait état que de désordres mineurs. La clause de non-garantie sera dès lors écartée et les époux [W], tenus à garantie, devront indemniser leur acquéreur.
III. Sur l'indemnisation principale
L'article 1644 du code civil dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie dispose : "Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix telle qu'elle sera arbitrée par experts."
1. Sur la réfaction du prix de vente
Mme [D] demande à son vendeur la totalité du coût des réparations soit la somme de 4 800 000 FCFP, tel que retenu par l'expert.
Il ressort de l'acte d'acquisition que Mme [D] a acheté le lot n° 1, correspondant au haut d'une villa mise en copropriété par les époux [W] eux-mêmes, ainsi qu'ils le reconnaissent dans leurs déclarations devant l'expert M. [O] (p 5/22). Ils ont acquis l'immeuble en mai 2011 et l'ont divisé en deux lots avec établissement du règlement de copropriété le 10 mai 2011.
Le bas de la villa a été acquis par d'autres copropriétaires, M. [G] et Mme [S], qui semblent l'occuper. Malgré la mise en copropriété de l'immeuble, aucun syndicat n'a été désigné.
Dans sa requête introductive d'instance puis dans son mémoire d'appel, Mme [D] a toujours réclamé une réfaction du prix d'achat égale au montant des travaux de mise en conformité de la toiture. Il appert cependant que Mme [D] opère une confusion entre l'action en paiement du coût des travaux réparatoires qui ne pourrait être sollicité que par l'ensemble des copropriétaires ou par le syndicat mandaté en ce sens et l'action estimatoire. En effet, dans sa saisine du juge de la mise en état, elle réclamait, à titre provisoire, une provision égale aux travaux nécessaires à résorber complétement les vices cachés avec le préalable que les travaux soient soumis à l'approbation de la copropriété et, subidiairement, la réalisation des travaux d'urgence. En appel, Mme [D] précise bien qu'elle entend demander une diminution du prix de vente. La cour admet que la demande s'analyse bien en une action estimatoire. En revanche, Mme [D] est mal fondée à solliciter la totalité des travaux de réparation puisque ceux-ci portent sur une partie commune (toiture), dont l'entretien incombe à l'ensemble des copropriétaires de sorte que le coût des travaux, comme le disent très justement M. et Mme [W], doit être réparti en fonction des millièmes de copropriété.
En application de l'article 1644 du code civil, Mme [D] a fait le choix de garder le bien immobilier et de se faire rendre une partie de ce prix. Elle est donc fondée à demander la restitution du prix correspondant aux travaux nécessaires pour remédier aux désordres mais ce montant doit être apprécié au prorata de ses millièmes dans les parties communes (670/1000èmes).
M. et Mme [W] seront par conséquent condamnés à payer à Mme [D] la somme de 3 216 000 FCFP de ce chef (4 800 000 x 670/1000).
2. Sur les intérêts
S'agissant d'une créance indemnitaire, les intérêts qui ne sont pas de nature moratoire courront à compter de la présente décision qui fait droit à la demande principale.
3. Sur l'astreinte
Aucun élément ne justifie le recours à une mesure d'astreinte.
IV. Sur les dommages et intérêts
L'article 1645 précise : "Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur."
M. et Mme [W] qui connaissaient les vices seront tenus à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices subis par leur cocontractant.
1. Sur les travaux d'urgence
Mme [D] réclame la somme de 998 197 FCFP au titre de trois factures, une de la société LEMURIEN n° 2021/2069 pour la somme de 197 700 FCFP en date du 12 octobre 2021 et deux de la société SAREC, la première n° 7374 du 25 mars 2021 pour 375 357 FCFP et la seconde n° 7373 du 25 mars 2021 pour 425 140 FCFP.
Le descriptif des travaux identifiés dans les trois factures est identique ; seule la facture SAREC n° 7373 reprend l'intégralité des travaux, compte en sus le coût du transport des matériaux et porte la mention 'payé par chèque le ...'.
La cour ne retiendra que cette dernière facture globale d'un montant de 425 140 FCFP qu'elle estime probante. Mme [D] a droit au remboursement de cette somme de ce chef.
2. Sur les frais d'huissier
Mme [D] a exposé des frais de constat par huissier selon procès-verbaux des 17 et 18 juillet 2019 et 13 octobre 2020 pour faire constater les désordres. Leurs coûts de 42 294 FCFP et de 35 542 FCFP doivent lui être remboursés et seront décomptés dans les dépens.
3. Sur le préjudice de jouissance
Mme [D] met en compte la somme de 4 560 00 FCFP sur la base de 50 % de la valeur locative, laquelle est estimée à 190 000 FCFP par mois et sur une durée de deux ans courant à compter de l'achat. Elle réclame également la somme de 190 000 FCFP correspondant aux troubles qu'elle subira pendant deux mois, durée des travaux de reprise estimée par l'expert.
Considérant que les désordres liés aux infiltrations sont cantonnés à la cuisine et au séjour et n'empêchent pas l'occupation totale du bien, la cour arrêtera l'indemnité de jouissance à la somme de 60 000 FCFP par mois, soit au total la somme de 2 880 000 FCFP outre la somme de 120 000 FCFP pour les troubles à venir.
M. et Mme [W] seront condamnés à lui payer ces montants, soit au total la somme de 3 000 000 FCFP.
4. Sur le préjudice moral
Mme [D] a incontestablement subi un préjudice moral distinct du préjudice de jouissance ayant dû faire face aux mutiples démarches en vu de faire de faire cesser le trouble.
Il lui sera alloué la somme de 100 000 FCFP qui sera mise en totalité à la charge des vendeurs, s'agissant d'un préjudice résultant du comportement des seuls vendeurs.
V. Sur l'article 700
Il est équitable d'allouer à Mme [D] qui a dû se défendre en justice la somme de 250 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
VI. Sur les dépens
M. et Mme [W] succombant seront condamnés aux dépens d'appel et de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme la décision en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action estimatoire engagée par Mme [D] ;
Ecarte la clause de non-garantie et dit M. et Mme [W] tenus à garantir Mme [D] des vices cachés affectant le bien vendu ;
Condamne solidairement M. et Mme [W] à payer à Mme [D] les sommes de :
- 3 216 000 FCFP au titre de la réfaction du prix de vente,
- 425 140 FCFP au titre des travaux d'urgence,
- 3 000 000 FCFP au titre du préjudice de jouissance,
- 100 000 FCFP au titre du préjudice moral ;
Condamne solidairement M. et Mme [W] à payer à Mme [D] la somme de 250 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. et Mme [W] aux dépens d'appel et de première instance, en ce compris le coût des procès-verbaux d'huissier pour 42 294 FCFP et 35 542 FCFP.
Le greffier, Le président.
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 28 octobre 2024
Chambre civile
N° RG 23/00072 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TWZ
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 février 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 20/3699)
Saisine de la cour : 9 mars 2023
APPELANT
Mme [A] [D]
née le 29 septembre 1975 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Loïc PIEUX de la SELARL LOÏC PIEUX, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
M. [F] [W]
né le 21 septembre 1958 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Véronique LE THERY de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA
Mme [M] [Y]
née le 8 décembre 1962 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Véronique LE THERY de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA
28/10/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me PIEUX ;
Expéditions - Me LE THERY ;
- Copie CA ; Copie TPI
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 juin 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Mikaela NIUMELE
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, le délibéré fixé au 19 août 2024 ayant été prorogé au 26 septembre 2024 puis au 28 octobre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Mikaela NIUMELE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Suivant acte notarié dressé le 26 avril 2019 par Me [X], notaire à [Localité 4], Mme [A] [D] a acquis auprès de M. [F] [W] et de Mme [M] [Y] épouse [W], un ensemble immobilier sis à [Adresse 5] à [Localité 4], pour le prix de 38.000.000 FCFP, soumis au régime de la copropriété.
Invoquant la clause du compromis signé le 27 décembre 2018, par laquelle les vendeurs s'engageaient à procéder à la "réalisation de travaux d'étanchéité sur les débords de la toiture suivant devis joint", et l'insuffisance des travaux effectués pour remédier aux problèmes d'infiltrations subies, une expertise amiable conduite par le cabinet EXXCAL et un procès-verbal de constat des 17 et 18 juillet 2019, Mme [D] a saisi, par exploit du 28 octobre 2019 le juge des référés, qui, par ordonnance du 6 février 2020, a ordonné une mesure d'expertise, et désigné M. [O] pour y procéder.
L'expert a clôturé son rapport le 17 août 2020.
Par requête enregistrée au greffe le 18 décembre 2020, préalablement signifiée par exploit d'huissier de Justice le 15 décembre 2020, Mme [D] a attrait devant le tribunal de première instance de Nouméa, M. [W] et Mme [Y] épouse [W] au visa de l'article 1641 du code civil, afin de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, juger recevable et bien fondée son action estimatoire compte tenu du vice caché lié aux problématiques d'étanchéité et de toiture affectant le bien acquis, et de condamner les défendeurs au paiement sous astreinte de la somme de 4.800.000 FCFP, majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2019 à titre de réfaction du prix de vente, ainsi qu'à celle de 2.979.976 FCFP à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 300,000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
En cours d'instance, la requérante a saisi le juge de la mise en état d'une demande de provision.
Par ordonnance en date du 31 mai 2021, le juge de la mise en état s'est, pour l'essentiel, déclaré incompétent pour statuer sur les fins de non-recevoir au profit du juge du fond, a invité les parties à conclure, et a renvoyé l'affaire au fond.
En l'état de ses dernières écritures, Mme [D] a conclu à la recevabilité de son action, indiquant qu'il s'agissait d'une action estimatoire accompagnée d'une demande de dommages et intérêts, fondée sur la garantie légale des vices cachés. S'appuyant sur le rapport d'expertise, elle exposait que les conditions légales de la garantie étaient réunies, le vice étant antérieur à la vente, non apparent et rendant le bien impropre à son usage. Indiquant avoir dû engager des frais d'urgence pour faire face aux infiltrations et écoulements d'eau et subi un trouble de jouissance, elle maintenait ses demandes initiales.
S'opposant aux demandes présentées, M. [W] et Mme [Y] estimaient en premier lieu que ces demandes étaient irrecevables, la requérante ne démontrant pas pouvoir agir au nom de la copropriété alors que les désordres constatés provenaient de la toiture, laquelle est une partie commune. A titre subsidiaire, ils se prévalaient de la clause d'exclusion stipulée dans l'acte de vente et mettaient en avant l'absence de dissimulation de leur part, indiquant par ailleurs que le vice n'était pas caché puisque signalé dans le compromis de vente. Ils exposaient que Mme [D], ne détenant qu'une partie de la toiture, partie commune, elle ne pouvait réclamer la totalité du montant retenu par l'expert pour sa réfection totale, sans l'appui des autres copropriétaires, et qu'en l'absence de vice caché, aucun préjudice ne pouvait être allégué sur ce fondement. Ils sollicitaient en tout état de cause la somme de 150.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamnation de la requérante aux entiers dépens.
Par jugement du 6 février 2023, le tribunal de première instance de Nouméa a déclaré Mme [D] irrecevable en son action et l'a condamnée à payer à M. et Mme [W] la somme de 60 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a considéré que, faute de mise en cause du syndicat de la copropriété, ou à défaut, de l'ensemble des copropriétaires, l'action de la requérante contre son vendeur en garantie des vices cachés était irrecevable dans la mesure où, lorsque le défaut affectait les parties communes, elle était conditionnée à l'intervention du syndicat ou de l'ensemble des copropriétaires.
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête du 9 mars 2023, Mme [D] a fait appel de la décision rendue et demande à la cour dans son mémoire ampliatif du 8 juin 2023 et ses dernières écritures du 2 février 2024 (responsives n° 3), de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
- déclarer l'action recevable ;
- dire que la clause de non garantie stipulée à l'acte est inapplicable ;
- juger que M. et Mme [W] doivent répondre de la garantie légale de l'article 1624 du code civil ;
- les condamner à payer à Mme [D] la somme de 4 800 000 FCFP avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2019 sous astreinte de 120 000 FCFP par jour de retard passé un délai de trente jours, outre celle de 6 838 173 FCFP à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 500 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir, sur l'irrecevabilité, qu'elle a seule qualité à exercer l'action en garantie des vices cachés, action qui n'appartient pas au syndicat des copropriétaires, dès lors que les désordres affectant les parties communes portent atteinte à la jouissance des parties privatives. Sur le fond, elle soutient que le vice préexistait à la vente et que si le problème d'infiltration en toiture était connu, l'ampleur et les conséquences des désordres étaient cachés.
Dans leurs dernières conclusions (récapitulatives n° 3), M. et Mme [W] sollicitent à titre principal la confirmation du jugement. A titre subsidiaire, ils concluent au débouté des demandes ; en tout état de cause, ils demandent la condamnation de Mme [D] à leur payer la somme de 400 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils répliquent que si un copropriétaire peut agir seul pour faire cesser une atteinte portée aux parties communes, il n'a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte ; qu'en l'espèce, le coût des travaux de réfection de la toiture doit être supporté par l'ensemble des copropriétaires en fonction des millièmes de chacun et non par le seul vendeur ; qu'en appel, si Mme [D] a modifié sa demande en précisant que le principal qu'elle réclame correspond à la réfaction du prix d'acquisition du bien, il n'en reste pas moins que ce montant est le même que le coût de la remise en état, tel qu'estimé par l'expert, de sorte que cette demande est irrecevable. En tout état de cause, M. et Mme [W] soutiennent que le vice n'était pas caché de sorte que la clause de non-garantie doit jouer.
Vu l'ordonnance de clôture,
Vu l'ordonnance de fixation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur la recevabilité
Seul, l'acquéreur a qualité pour engager l'action estimatoire de sorte qu'en l'espèce, Mme [D] a bien qualité pour agir contre les époux [W] en réfaction du prix de vente en raison des désordres affectant le bien acquis, peu importe que ces derniers touchent aux parties communes dès lors qu'ils affectent la jouissance des parties privatives.
II. Sur l'action en garantie des vices cachés
Il est précisé dans l'acte de vente que les vendeurs, M. et Mme [W], s'engagent à prendre en charge 'la réalisation des travaux d'étanchéité sur le débord de la toiture aux seuls frais du vendeur avant la réitération par acte authentique selon devis de la société Lometal du 26/12/2018 pour un montant de 74 000 Fcfp TTC.'
Aux termes de cette clause, les vendeurs ont nécessairement reconnu l'existence d'un vice affectant le bien vendu qui préexistait à la vente. Au vu du devis et ainsi qu'il ressort du courriel adressé le 19 juillet 2019 à Mme [D] par Mme [W], les vendeurs ont accepté de faire refaire à leurs frais la réfection de l'étanchéité de la casquette, les travaux de peinture consécutifs aux problèmes d'infiltration et les frais d'expertise.
Les travaux ont bien été réalisés mais n'ont pas mis fin aux infiltrations.
Mme [D] s'étant plainte de la persistance des infiltrations selon procès-verbal d'huissier des 17 et 18 juillet 2019, M. et Mme [W] ont saisi le cabinet EXXCAL afin d'expertise amiable. Il ressort de celui-ci que certains désordres ont évolué (dans la cuisine, murs et plafonds) et que d'autres se sont aggravés. Il a été constaté notamment des traces d'infiltration d'eau sur la poutre en béton à l'extérieur, au niveau de l'entrée qui supporte la casquette de la terrasse, avec détérioration de celle-ci.
L'expertise judiciaire, comme l'expertise amiable, a mis en évidence que la problématique des infiltrations d'eau à l'intérieur des murs a été mal appréhendée. Se contenter de réparer l'étanchéité des casquettes était très insuffisant, dit l'expert M. [O] : 'La réparation tient plus du bricolage et du rapiéçage économiques que d'une véritable étanchéité'. Les infiltrations d'eau étaient connues des vendeurs puisque mentionnées à l'acte de vente mais l'analyse de leurs origines était erronée et la clause a limité les travaux à la seule réalisation de l'étanchéité des débords de la toiture. M. [O] conclut que : 'l'existence de défauts de conception de la sur toiture, de ses entrées d'eaux pluviales et de ses relevés d'étanchéité existaient lors de l'achat par Mme [A] [D] et lors de l'acquisition précédente par M. et Mme [W]. Les vendeurs ou l'agence chargée de la vente ont mal identifié le problème. Les importants désordres au droit des descentes d'eau pluviale attestent par ailleurs de l'ancienneté du problème'.
L'expert considère que ce non-respect des règles de l'art n'était pas décelable par Mme [D], laquelle n'était pas non plus en mesure de juger du bien-fondé et de la pérennité de la méthode de réparation. En revanche, il relève que les désordres liés aux acrotères (fissures et défauts de ravalement) étaient existants avant la vente et étaient repérables par un non-professionnel. Ils sont, dit M. [O], une source supplémentaires des infiltrations mais n'ont pas été évoqués dans les solutions de reprise.
L'article 1641 du code civil dispose que : "Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus."
En l'espèce, l'acte de vente contient une clause classique de non-garantie aux termes de laquelle l'acquéreur se trouve déchargé des vices cachés.
La garantie légale de l'article 1641 suppose que le vice n'était pas apparent lors de l'acquisition et pour que joue la clause de non-garantie, il faut que le vendeur ignorait l'existence des vices.
En l'espèce, M. et Mme [W] qui se sont obligés à mandater une entreprise afin d'effectuer des travaux d'étanchéité, ne pouvaient ignorer l'existence du vice. La condition suspensive de réalisation des travaux d'étanchéité prévue à l'acte de vente à la charge des vendeurs, s'entendait d'une réparation effective et entière mettant fin aux infiltrations, sans quoi la vente n'aurait pas eu lieu ou au même prix. Or, M. et Mme [W] ont décidé de délimiter le périmètre de la réparation et le coût de celle-ci, sans s'assurer que les travaux requis suffisaient à mettre fin à des infiltrations anciennes comme relevées par l'expert. Leur mauvaise foi dans la connaissance du vice sera retenue, précision étant faite qu'ils sont responsables des erreurs ou fautes du mandant (l'agence immobilière) qu'ils se sont substitué et qui les représentait.
A l'inverse, Mme [D], profane, même si elle avait connaissance lors de la visite des lieux d'un problème d'infiltrations au vu des traces affectant les murs de la cuisine, n'était pas en mesure d'apprécier l'ampleur et les conséquences des désordres puisque le devis joint au compromis de vente ne faisait état que de désordres mineurs. La clause de non-garantie sera dès lors écartée et les époux [W], tenus à garantie, devront indemniser leur acquéreur.
III. Sur l'indemnisation principale
L'article 1644 du code civil dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie dispose : "Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix telle qu'elle sera arbitrée par experts."
1. Sur la réfaction du prix de vente
Mme [D] demande à son vendeur la totalité du coût des réparations soit la somme de 4 800 000 FCFP, tel que retenu par l'expert.
Il ressort de l'acte d'acquisition que Mme [D] a acheté le lot n° 1, correspondant au haut d'une villa mise en copropriété par les époux [W] eux-mêmes, ainsi qu'ils le reconnaissent dans leurs déclarations devant l'expert M. [O] (p 5/22). Ils ont acquis l'immeuble en mai 2011 et l'ont divisé en deux lots avec établissement du règlement de copropriété le 10 mai 2011.
Le bas de la villa a été acquis par d'autres copropriétaires, M. [G] et Mme [S], qui semblent l'occuper. Malgré la mise en copropriété de l'immeuble, aucun syndicat n'a été désigné.
Dans sa requête introductive d'instance puis dans son mémoire d'appel, Mme [D] a toujours réclamé une réfaction du prix d'achat égale au montant des travaux de mise en conformité de la toiture. Il appert cependant que Mme [D] opère une confusion entre l'action en paiement du coût des travaux réparatoires qui ne pourrait être sollicité que par l'ensemble des copropriétaires ou par le syndicat mandaté en ce sens et l'action estimatoire. En effet, dans sa saisine du juge de la mise en état, elle réclamait, à titre provisoire, une provision égale aux travaux nécessaires à résorber complétement les vices cachés avec le préalable que les travaux soient soumis à l'approbation de la copropriété et, subidiairement, la réalisation des travaux d'urgence. En appel, Mme [D] précise bien qu'elle entend demander une diminution du prix de vente. La cour admet que la demande s'analyse bien en une action estimatoire. En revanche, Mme [D] est mal fondée à solliciter la totalité des travaux de réparation puisque ceux-ci portent sur une partie commune (toiture), dont l'entretien incombe à l'ensemble des copropriétaires de sorte que le coût des travaux, comme le disent très justement M. et Mme [W], doit être réparti en fonction des millièmes de copropriété.
En application de l'article 1644 du code civil, Mme [D] a fait le choix de garder le bien immobilier et de se faire rendre une partie de ce prix. Elle est donc fondée à demander la restitution du prix correspondant aux travaux nécessaires pour remédier aux désordres mais ce montant doit être apprécié au prorata de ses millièmes dans les parties communes (670/1000èmes).
M. et Mme [W] seront par conséquent condamnés à payer à Mme [D] la somme de 3 216 000 FCFP de ce chef (4 800 000 x 670/1000).
2. Sur les intérêts
S'agissant d'une créance indemnitaire, les intérêts qui ne sont pas de nature moratoire courront à compter de la présente décision qui fait droit à la demande principale.
3. Sur l'astreinte
Aucun élément ne justifie le recours à une mesure d'astreinte.
IV. Sur les dommages et intérêts
L'article 1645 précise : "Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur."
M. et Mme [W] qui connaissaient les vices seront tenus à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices subis par leur cocontractant.
1. Sur les travaux d'urgence
Mme [D] réclame la somme de 998 197 FCFP au titre de trois factures, une de la société LEMURIEN n° 2021/2069 pour la somme de 197 700 FCFP en date du 12 octobre 2021 et deux de la société SAREC, la première n° 7374 du 25 mars 2021 pour 375 357 FCFP et la seconde n° 7373 du 25 mars 2021 pour 425 140 FCFP.
Le descriptif des travaux identifiés dans les trois factures est identique ; seule la facture SAREC n° 7373 reprend l'intégralité des travaux, compte en sus le coût du transport des matériaux et porte la mention 'payé par chèque le ...'.
La cour ne retiendra que cette dernière facture globale d'un montant de 425 140 FCFP qu'elle estime probante. Mme [D] a droit au remboursement de cette somme de ce chef.
2. Sur les frais d'huissier
Mme [D] a exposé des frais de constat par huissier selon procès-verbaux des 17 et 18 juillet 2019 et 13 octobre 2020 pour faire constater les désordres. Leurs coûts de 42 294 FCFP et de 35 542 FCFP doivent lui être remboursés et seront décomptés dans les dépens.
3. Sur le préjudice de jouissance
Mme [D] met en compte la somme de 4 560 00 FCFP sur la base de 50 % de la valeur locative, laquelle est estimée à 190 000 FCFP par mois et sur une durée de deux ans courant à compter de l'achat. Elle réclame également la somme de 190 000 FCFP correspondant aux troubles qu'elle subira pendant deux mois, durée des travaux de reprise estimée par l'expert.
Considérant que les désordres liés aux infiltrations sont cantonnés à la cuisine et au séjour et n'empêchent pas l'occupation totale du bien, la cour arrêtera l'indemnité de jouissance à la somme de 60 000 FCFP par mois, soit au total la somme de 2 880 000 FCFP outre la somme de 120 000 FCFP pour les troubles à venir.
M. et Mme [W] seront condamnés à lui payer ces montants, soit au total la somme de 3 000 000 FCFP.
4. Sur le préjudice moral
Mme [D] a incontestablement subi un préjudice moral distinct du préjudice de jouissance ayant dû faire face aux mutiples démarches en vu de faire de faire cesser le trouble.
Il lui sera alloué la somme de 100 000 FCFP qui sera mise en totalité à la charge des vendeurs, s'agissant d'un préjudice résultant du comportement des seuls vendeurs.
V. Sur l'article 700
Il est équitable d'allouer à Mme [D] qui a dû se défendre en justice la somme de 250 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
VI. Sur les dépens
M. et Mme [W] succombant seront condamnés aux dépens d'appel et de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme la décision en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action estimatoire engagée par Mme [D] ;
Ecarte la clause de non-garantie et dit M. et Mme [W] tenus à garantir Mme [D] des vices cachés affectant le bien vendu ;
Condamne solidairement M. et Mme [W] à payer à Mme [D] les sommes de :
- 3 216 000 FCFP au titre de la réfaction du prix de vente,
- 425 140 FCFP au titre des travaux d'urgence,
- 3 000 000 FCFP au titre du préjudice de jouissance,
- 100 000 FCFP au titre du préjudice moral ;
Condamne solidairement M. et Mme [W] à payer à Mme [D] la somme de 250 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. et Mme [W] aux dépens d'appel et de première instance, en ce compris le coût des procès-verbaux d'huissier pour 42 294 FCFP et 35 542 FCFP.
Le greffier, Le président.