CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 29 octobre 2024, n° 23/02368
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SG Distribution France (Sté)
Défendeur :
Sostrene Grenes Import (A/S)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Barlow
Conseillers :
Mme Aldebert, Mme Schaller
Avocats :
Me Habrant, Me Moisan, Me Hue de la Colombe
FAITS ET PROCEDURE
1. La cour est saisie de l'appel interjeté le 28 janvier 2023 par la société française SG Distribution France SAS (ci-après « SGDF »), et ses filiales, SG [Localité 16]-[Localité 9] distribution, SG [Localité 17] distribution, SG [Localité 16]-forum distribution, SG [Localité 5] distribution, SG [Localité 11] distribution, SG [Localité 15] distribution et SG [Localité 18] distribution, toutes en procédures de sauvegarde, et la SELARL [N] Yang-Ting es qualité de mandataire liquidateur de la société SG [Localité 14] distribution (ci-après « les sociétés SG ») contre une ordonnance d'exequatur partielle prononcée le 8 décembre 2022 par le délégué du président du tribunal judiciaire de Paris, qui a déclaré exécutoire en France une sentence arbitrale rendue à Aarhus au Danemark, le 11 août 2022, selon le règlement d'arbitrage du Danish Institute of Arbitration (DIA), dans un litige les opposant à la société de droit danois SØSTRENE GRENE IMPORT A/S (ci-après « Søstrene »).
2. La société Søstrene a créé un concept de magasins sous enseigne Søstrene Grene pour la vente à petits prix de produits de décoration, de loisir créatif et de petit mobilier de style scandinave.
3. En 2014, la société Søstrene a signé un contrat-cadre de franchise avec la société française SGDF afin qu'elle développe son nom et sa marque en France sous forme de magasins en franchise. SGDF a ainsi ouvert 15 magasins franchisés en France au travers de ses filiales, chaque ouverture de magasin faisant l'objet d'un contrat de franchise d'application. Chacun des contrats comportait une clause compromissoire désignant le Danish Institute of Arbitration en cas de litige.
4. En 2018, Søstrene a décidé d'ouvrir ses propres succursales et de modifier par divers avenants les contrats susmentionnés, ce que les sociétés SG ont contesté. A la suite de divers échanges, par courriers du 7 mars 2018, Søstrene a résilié le contrat-cadre de franchise avec SGDF ainsi que certains contrats de franchise pour quatre magasins, moyennant un préavis de 24 mois.
5. Le 27 novembre 2020, Søstrene a résilié cinq autres contrats de franchise.
6. SGDF et les sociétés SG ayant contesté ces résiliations, la société Søstrene a engagé une procédure d'arbitrage le 18 janvier 2021 sur le fondement des clauses compromissoires contenues dans les contrats de franchise.
7. Par sentence du 11 août 2022, dont l'exequatur partiel fait l'objet du présent recours, le tribunal arbitral a statué en ces termes :
« Pour les motifs qui précèdent, l'Arbitre unique :
i. DÉCIDE que Søstrene Grene a valablement résilié le Contrat-cadre conclu entre Søstrene Grene et SGDF en date du 5 novembre 2014 (Pièce C-01) comprenant l'Addenda 1 en date du 18 juin 2015, l'Addenda 2 en date du 29 décembre 2016 et l'Addenda 3 en date du 27 juin 2017 (Pièces C-02 à C-04) conformément à la Clause 4.1 du Contrat-cadre.
ii. DÉCIDE que Søstrene Grene a valablement résilié les contrats de franchise suivants conformément à la Clause 17.2 des Conditions générales du Contrat de franchise de chacun de ces contrats :
a. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 18] en date du 6 février 2015 (Pièce C-05) ; et
b. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 9] en date du 18 juin 2015 (Pièce C-06) ; et
c. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 12] en date du 25 février 2016 (Pièce C-07) ; et
d. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 17] en date du 25 février 2016 (Pièce C-08) ; et
e. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 14] en date du 27 septembre 2016 (Pièce C-09) ; et
f. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 16]-Forum en date du 27 septembre 2016 (Pièce C-10) ; et
g. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 5] en date du 25 octobre 2016 (Pièce C-11) ; et
h. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 15] en date du 27 juin 2017 (Pièce C-12) ; et
i. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 10] en date du 27 juin 2017 (Pièce C-13).
iii. DÉCIDE que l'obligation en vertu de la dernière phrase de la Clause 5.29 des Contrats de franchise (Pièces C-05 à C-13) de « poursuivre les affaires avec le Franchisé pendant la période non résiliable » prend fin conformément à la première option de rupture disponible du contrat de location applicable après la date de résiliation du Contrat de franchise, indépendamment du fait que les Défenderesses choisissent ou non d'exercer l'option de rupture.
iv. DÉCIDE que le Contrat de franchise conclu entre :
a. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 18] en date du 6 février 2015 (Pièce C-05) sera réputé effectivement résilié le 1er janvier 2024 ; et
b. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 9] en date du 18 juin 2015 (Pièce C-06) sera réputé effectivement résilié le 8 octobre 2024 ; et
c. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 12] en date du 25 février 016 (Pièce C-07) sera réputé effectivement résilié à la date de la présente Sentence ; et
d. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 17] en date du 25 février 2016 (Pièce C-08) sera réputé effectivement résilié à la date de la présente Sentence ; et
e. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 14] en date du 27 septembre 2016 (Pièce C-09) sera réputé effectivement résilié le 1er décembre 2022 ; et
f. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 16]-Forum en date du 27 septembre 2016 (Pièce C-10) sera réputé effectivement résilié le 9 janvier 2023 ; et
g. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 5] en date du 25 octobre 2016 (Pièce C-11) sera réputé effectivement résilié le 23 juin 2024 ; et
h. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 15] en date du 27 juin 2017 (Pièce C-12) sera réputé effectivement résilié le 31 mai 2024 ; et
i. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 10] en date du 27 juin 2017 (Pièce C-13) sera réputé effectivement résilié le 11 juin 2027.
v. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 18] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 1 241 055,34 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
vi. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 9] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 1 476 463,54 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3.4 de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
vii. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 12] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 1 012 384,65 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
viii. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 17] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 1 120 476,32 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
ix. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 14] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 488 129,33 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts, à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
x. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 16]-Forum à payer à Søstrene Grene une somme totale de 565 647,77 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
xi. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 5] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 835 062,11 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
xii. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 15] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 466 569,45 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
xiii. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 10] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 1 120 821,56 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
xiv. DÉCIDE que SG [Localité 6], désormais liquidée, doit à Søstrene Grene une somme totale de 345 759,40 DKK, augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et CONDAMNE SGDF à payer ce montant ainsi que les mêmes intérêts légaux jusqu'à ce que le paiement soit effectué en tant que débiteur principal en vertu du Contrat de franchise entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 6] ; et
xv. DÉCIDE que SG [Localité 8] 2, maintenant liquidée, doit à Søstrene Grene une somme totale de 324 854,93 DKK, augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et CONDAMNE SGDF à payer ce montant ainsi que les mêmes intérêts légaux jusqu'à ce que le paiement soit effectué en tant que débiteur principal en vertu du Contrat de franchise entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 8] 2 ; et
xvi. DÉCIDE que SG [Localité 7], désormais liquidée, doit à Søstrene Grene une somme totale de 613 584,12 DKK, augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et CONDAMNE SGDF à payer ce montant ainsi que les mêmes intérêts légaux jusqu'à ce que le paiement soit effectué en tant que débiteur principal en vertu du Contrat de franchise entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 7] ; et
xvii. DÉCIDE que SG [Localité 4], désormais liquidée, doit à Søstrene Grene une somme totale de 506 944,27 DKK ainsi que les intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et CONDAMNE SGDF à payer ce montant ainsi que les mêmes intérêts légaux jusqu'à ce que le paiement soit effectué en tant que débiteur principal en vertu du Contrat de franchise entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 4].
xviii. REJETTE les demandes reconventionnelles monétaires des Défenderesses (demandes reconventionnelles IX A à IX J).
xix. REJETTE la demande des Défenderesses visant à obtenir une déclaration selon laquelle « la Demanderesse reconnaîtra que les Défenderesses ont le droit d'ouvrir un site internet et/ou une boutique en ligne, et qu'elles peuvent établir une solution Click & Collect ».
xx. DÉCIDE que SGDF a retenu de plein droit une somme de 70 000 EUR conformément à la Clause 6.10 du Contrat de franchise pour SG [Localité 16]-[Localité 9] relative à l'exercice 2019, et ORDONNE à la Demanderesse d'émettre une note de crédit de ce montant à SG [Localité 9].
xxi. CONDAMNE les Défenderesses 1 à 10 à rembourser à Søstrene Grene 49 212,61 EUR (soit 10/14ème des frais d'arbitrage, c.-à-d. 94 712,61 EUR moins le dépôt déjà versé, c.-à-d. 45 500 EUR), et 10/14ème des frais de justice et autres frais de Søstrene Grene, c.-à-d. 1 701 011,14 DKK ; et
xxii. ORDONNE à SGDF de rembourser à Søstrene Grene 4/14ème des frais d'arbitrage, c.-à-d. 37 885,05 EUR, et 4/14ème des frais de justice et autres frais de Søstrene Grene, c.-à-d. 680 404,46 DKK.
xxiii. REJETTE toutes les autres demandes et demandes reconventionnelles ».
8. Par ordonnance du 8 décembre 2022, le délégué du président du tribunal judiciaire de Paris a revêtu de l'exequatur les chefs décisoires n° i, ii, iii, iv, xxi et xxii de la sentence, leur conférant force exécutoire et a reconnu les chefs décisoires n° v à xvii de la sentence.
9. Par déclaration du 28 janvier 2023, les sociétés SG et le mandataire liquidateur ont interjeté appel de cette ordonnance d'exequatur du 8 décembre 2022.
10. La clôture a été prononcée le 19 mars 2024 et l'affaire appelée à l'audience de plaidoiries du 14 mai 2024.
II/ PRETENTIONS DES PARTIES
11. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 décembre 2023, les sociétés SG demandent à la cour de bien vouloir : vu l'article 1520, 4° et 5°, du code de procédure civile, vu l'article 101 TFUE, vu les articles L420-1 et L420-2 alinéa 2 du code de commerce, et L 442-6 ancien du code de commerce, vu l'article 1134 du code civil et la re'gle pacta sunt servanda, et vu les articles L.622-21 et L.622-28 du code de commerce,
- DONNER ACTE à la SELARL [N] YANG-TING agissant par Maître [Z] [N] es qualité de mandatare liquidateur de la société SG [Localité 14] DISTRIBUTION de son intervention volontaire.
- RECEVOIR les sociétés SG DISTRIBUTION FRANCE SAS, SG [Localité 16]-[Localité 9] DISTRIBUTION, SG [Localité 17] DISTRIBUTION, SELARL [N] YANGTING agissant par Maître [Z] [N] es qualité de mandataire liquidateur de la société SG [Localité 14] DISTRIBUTION, SG [Localité 16]-FORUM DISTRIBUTION, SG [Localité 5] DISTRIBUTION, SG [Localité 11] DISTRIBUTION, SG [Localité 15] DISTRIBUTION, et SG [Localité 18] DISTRIBUTION en leur appel
- LES DECLARER BIEN FONDEES
- INFIRMER L'ORDONNANCE ENTREPRISE
STATUANT A NOUVEAU :
- JUGER que la sentence arbitrale du 11 août 2022 heurte l'ordre public international procédural, en ce qu'elle a refusé aux sociétés SG DISTRIBUTION FRANCE SAS, SG [Localité 16]-[Localité 9] DISTRIBUTION, SG [Localité 17] DISTRIBUTION, SG [Localité 14] DISTRIBUTION, SG [Localité 16]-FORUM DISTRIBUTION, SG [Localité 5] DISTRIBUTION, SG [Localité 11] DISTRIBUTION, SG [Localité 15] DISTRIBUTION, et SG [Localité 18] DISTRIBUTION :
o de développer de nouveaux moyens de défense
o d'entendre un de leur témoin
o de demander à la demanderesse de produire les pièces demandées par les défenderesses ou de tirer les conséquences d'un défaut de production pour les produits dits bests sellers
- JUGER que la sentence arbitrale du 11 août 2022 heurte l'ordre public international de fond, en ce qu'elle a :
o Violé le principe constitutionnel de la liberté contractuelle et de la force obligatoire du contrat, ensemble la règle pacta sunt servanda, en privant de tout effet le droit contractuel au renouvellement de l'article 5.28 des contrats
o Violé les articles 101 TFUE, ensemble les articles L420-1 et L 442-6 ancien du code de commerce, en donnant effet aux clauses push pourtant illicites
o Violé les articles 101 TFUE, ensemble les articles L420-1 et L 442-6 ancien du code de commerce, en donnant effet à la discrimination illicite réalisée par SGI entre ses succursales et les sociétés franchisées
o Violé les articles L 420-2 et L 442-6 ancien du code de commerce, en donnant effet à l'abus de dépendance et au déséquilibre significatif pratiqué par la société SOSTRENE GRENE IMPORT lors de la préemption du contrat du Passage du Havre
o Violé les articles L.622-21 (arrêt des poursuites individuelles) et L.622-28 (arrêt du cours des intérêts) du code de commerce ;
EN CONSEQUENCE :
- REJETER la demande d'exequatur partiel de la société SOSTRENE GRENE IMPORT
- REJETER la demande de reconnaissance partielle de la société SOSTRENE GRENE IMPORT
- RECEVOIR les demandes reconventionnelles de refus de reconnaissance formées par les exposantes :
- PRIVER d'EFFET en France les dispositions suivantes de la sentence :
ii. DÉCIDE que Søstrene Grene a valablement résilié les contrats de franchise suivants conformément à la Clause 17.2 des Conditions générales du Contrat de franchise de chacun de ces contrats :
a. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 18] en date du 6 février 2015 (Pièce C-05) ; et
b. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 9] en date du 18 juin 2015 (Pièce C-06) ; et
c. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 12] en date du 25 février 2016 (Pièce C-07) ; et
d. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 17] en date du 25 février 2016 (Pièce C-08) ; et
e. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 14] en date du 27 septembre 2016 (Pièce C-09) ; et
f. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 16]-Forum en date du 27 septembre 2016 (Pièce C-10) ; et
g. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 5] en date du 25 octobre 2016 (Pièce C-11) ; et
h. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 15] en date du 27 juin 2017 (Pièce C-12) ; et
i. Contrat de franchise conclu entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 10] en date du 27 juin 2017 (Pièce C-13).
iv. DÉCIDE que le Contrat de franchise conclu entre :
a. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 18] en date du 6 février 2015 (Pièce C-05) sera réputé effectivement résilié le 1er janvier 2024 ; et
b. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 9] en date du 18 juin 2015 (Pièce C-06) sera réputé effectivement résilié le 8 octobre 2024 ; et
c. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 12] en date du 25 février 016 (Pièce C-07) sera réputé effectivement résilié à la date de la présente Sentence ; et
d. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 17] en date du 25 février 2016 (Pièce C-08) sera réputé effectivement résilié à la date de la présente Sentence ; et
e. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 14] en date du 27 septembre 2016 (Pièce C-09) sera réputé effectivement résilié le 1er décembre 2022 ; et
f. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 16]-Forum en date du 27 septembre 2016 (Pièce C-10) sera réputé effectivement résilié le 9 janvier 2023 ; et
g. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 5] en date du 25 octobre 2016 (Pièce C-11) sera réputé effectivement résilié le 23 juin 2024 ; et
h. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 15] en date du 27 juin 2017 (Pièce C-12) sera réputé effectivement résilié le 31 mai 2024 ; et
i. Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 10] en date du 27 juin 2017 (Pièce C-13) sera réputé effectivement résilié le 11 juin 2027.
v. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 18] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 1 241 055,34 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
vi. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 9] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 1 476 463,54 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3.4 de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
vii. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 12] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 1 012 384,65 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
viii. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 17] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 1 120 476,32 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
ix. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 14] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 488 129,33 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts, à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
x. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 16]-Forum à payer à Søstrene Grene une somme totale de 565 647,77 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
xi. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 5] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 835 062,11 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
xii. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 15] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 466 569,45 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
xiii. CONDAMNE SGDF et SG [Localité 10] à payer à Søstrene Grene une somme totale de 1 120 821,56 DKK augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et
xiv. DÉCIDE que SG [Localité 6], désormais liquidée, doit à Søstrene Grene une somme totale de 345 759,40 DKK, augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et CONDAMNE SGDF à payer ce montant ainsi que les mêmes intérêts légaux jusqu'à ce que le paiement soit effectué en tant que débiteur principal en vertu du Contrat de franchise entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 6] ; et
xv. DÉCIDE que SG [Localité 8] 2, maintenant liquidée, doit à Søstrene Grene une somme totale de 324 854,93 DKK, augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et CONDAMNE SGDF à payer ce montant ainsi que les mêmes intérêts légaux jusqu'à ce que le paiement soit effectué en tant que débiteur principal en vertu du Contrat de franchise entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 8] 2 ; et
xvi. DÉCIDE que SG [Localité 7], désormais liquidée, doit à Søstrene Grene une somme totale de 613 584,12 DKK, augmentée des intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et CONDAMNE SGDF à payer ce montant ainsi que les mêmes intérêts légaux jusqu'à ce que le paiement soit effectué en tant que débiteur principal en vertu du Contrat de franchise entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 7] ; et
xvii. DÉCIDE que SG [Localité 4], désormais liquidée, doit à Søstrene Grene une somme totale de 506 944,27 DKK ainsi que les intérêts légaux conformément à la Section 3(4) de la Loi danoise sur les intérêts à compter de l'ouverture de la présente procédure et jusqu'à ce que le paiement soit effectué ; et CONDAMNE SGDF à payer ce montant ainsi que les mêmes intérêts légaux jusqu'à ce que le paiement soit effectué en tant que débiteur principal en vertu du Contrat de franchise entre Søstrene Grene, SGDF et SG [Localité 4].
xviii. REJETTE les demandes reconventionnelles monétaires des Défenderesses (demandes reconventionnelles IX A à IX J).
xix. REJETTE la demande des Défenderesses visant à obtenir une déclaration selon laquelle « la Demanderesse reconnaîtra que les Défenderesses ont le droit d'ouvrir un site internet et/ou une boutique en ligne, et qu'elles peuvent établir une solution Click & Collect ».
xxi. CONDAMNE les Défenderesses 1 à 10 à rembourser à Søstrene Grene 49 212,61 EUR (soit 10/14ème des frais d'arbitrage, c.-à-d. 94 712,61 EUR moins le dépôt déjà versé, c.-à-d. 45 500 EUR), et 10/14ème des frais de justice et autres frais de Søstrene Grene, c.-à-d. 1 701 011,14 DKK ; et
xxii. ORDONNE à SGDF de rembourser à Søstrene Grene 4/14ème des frais d'arbitrage, c.-à-d. 37 885,05 EUR, et 4/14ème des frais de justice et autres frais de Søstrene Grene, c.-à-d. 680 404,46 DKK.
- REJETER toutes les autres demandes reconventionnelles
- REFUSER la reconnaissance de la sentence en ce qu'elle rejette les demandes des sociétés SG DISTRIBUTION FRANCE SAS, SG [Localité 16]-[Localité 9] DISTRIBUTION, SG [Localité 17] DISTRIBUTION, SG [Localité 14] DISTRIBUTION, SG [Localité 16]-FORUM DISTRIBUTION, SG [Localité 5] DISTRIBUTION, SG [Localité 11] DISTRIBUTION, SG [Localité 15] DISTRIBUTION, et SG [Localité 18] DISTRIBUTION
- CONDAMNER la société SOSTRENE GRENE IMPORT à rembourser aux sociétés SG DISTRIBUTION FRANCE SAS, SG [Localité 16]-[Localité 9] DISTRIBUTION, SG [Localité 17] DISTRIBUTION, SELARL [N] YANG-TING agissant par Maître [Z] [N] es qualité de mandatare liquidateur de la société SG [Localité 14] DISTRIBUTION, SG [Localité 16]-FORUM DISTRIBUTION, SG [Localité 5] DISTRIBUTION, SG [Localité 11] DISTRIBUTION, SG [Localité 15] DISTRIBUTION, et SG [Localité 18] DISTRIBUTION, les majorations et intérêts de retard au taux auxquels ces dernières ont été condamnées par l'arbitre s'agissant du paiement des coûts de l'arbitrage, de la quote part des honoraires juridiques de SGI, ainsi que les frais d'exécution forcée mis à la charge des sociétés franchisées, le total de ces sommes étant majoré des intérêts au taux légal.
- CONDAMNER la société SOSTRENE GRENE IMPORT à payer aux sociétés SG DISTRIBUTION FRANCE SAS, SG [Localité 16]-[Localité 9] DISTRIBUTION, SG [Localité 17] DISTRIBUTION, SELARL [N] YANG-TING agissant par Maître [Z] [N] es qualité de mandataire liquidateur de la société SG [Localité 14] DISTRIBUTION, SG [Localité 16]-FORUM DISTRIBUTION, SG [Localité 5] DISTRIBUTION, SG [Localité 11] DISTRIBUTION, SG [Localité 15] DISTRIBUTION, et SG [Localité 18] DISTRIBUTION, la somme globale de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNER La société SOSTRENE GRENE IMPORT aux dépens.
12. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 février 2024, Søstrene demande à la cour de bien vouloir : vu les articles 1506, 1520 et 1525 du code de procédure civile,
- CONFIRMER l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Paris le 8 décembre 2022 dans toutes ses dispositions ayant :
' Déclaré exécutoires ses chefs décisoires n°i, ii, iii, iv, xxi et xxii de la sentence arbitrale ;
' Ordonné la reconnaissance des chefs décisoires n°v à xvii de la sentence arbitrale :
- DEBOUTER toutes les parties de leurs demandes, fins et conclusions
- CONDAMNER solidairement les sociétés SG Distribution France, SG [Localité 16]-[Localité 9] Distribution, SG [Localité 17] Distribution, SG [Localité 14] Distribution, SG [Localité 16]-Forum Distribution, SG [Localité 5] Distribution, SG [Localité 11] Distribution, SG [Localité 15] Distribution, et SG [Localité 18] Distribution, au paiement à la société Søstrene Grene Import A/S de la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
13. La cour renvoie aux écritures susvisées pour le complet exposé des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
III/ MOTIFS DE LA DECISION
14. En vertu de l'article 1525 du code de procédure civile, la cour, saisie de l'appel interjeté contre la décision qui statue sur une demande de reconnaissance ou d'exequatur d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger, ne peut refuser la reconnaissance ou l'exequatur de cette sentence que dans les cas prévus à l'article 1520 du même code, qui ouvre le recours en annulation lorsque :
1° Le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent ; ou
2° Le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ; ou
3° Le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; ou
4° Le principe de la contradiction n'a pas été respecté ; ou
5° La reconnaissance ou l'exécution de la sentence est contraire à l'ordre public international.
15. En l'espèce, les sociétés SG et le mandataire liquidateur soutiennent quatre moyens d'infirmation tirés de la violation de l'ordre public international procédural par la violation du principe de la contradiction (A), la violation de l'ordre public international de fond par le non-respect de la règle « Pacta sunt servanda » (B), le non-respect des règles issues des articles L. 622-21 et L. 622.28 du code de commerce (C) et le non-respect des articles 101 du TFUE et L.420-1 et L.442-1, I, 2° du code de commerce (D).
A. Sur le moyen tiré de la violation de l'ordre public international procédural et du principe de la contradiction
16. Les sociétés SG font valoir qu'elles ont été victimes de plusieurs refus de l'arbitre unique de développer des moyens de défense, ne traitant pas les parties avec égalité, et ne donnant pas à chaque partie une pleine opportunité de présenter ses arguments, en violation du principe de la contradiction et du droit à un procès équitable.
17. Ainsi, elles soutiennent que :
- L'arbitre a refusé de laisser les sociétés SG développer des moyens de défense, notamment sur la violation de la clause de non-concurrence, et rejeté leurs conclusions, en violation du droit à une justice équitable et du droit d'avoir la pleine possibilité de présenter sa cause,
- L'arbitre a refusé d'entendre à l'oral un témoin des défenderesses ayant la qualité d'expert indépendant, alors que la demande n'était ni tardive, ni dénuée d'intérêt puisque cet expert avait produit un rapport écrit versé aux débats,
- L'arbitre a refusé de demander à la demanderesse de produire les pièces demandées par les défenderesses ou de tirer les conséquences d'un défaut de production, alors que ces documents étaient importants pour démontrer avec des chiffres le caractère totalement disproportionné des livraisons « Push », c'est-à-dire des livraisons forcées de produits aux sociétés SG et pour établir la discrimination dont elles ont été victimes
- L'arbitre a refusé d'examiner si la jurisprudence Pierre Fabre de la CJUE n'a pas été violée.
18. Elles contestent avoir renoncé à leur droit de se prévaloir desdites violations, l'ensemble de ces demandes ayant été soumis à l'arbitre.
19. La société Søstrene, en réponse, soutient que ces griefs sont infondés et ne constituent en réalité qu'une tentative de demander au juge du contrôle de réviser la sentence sur le fond. Elle fait notamment valoir que :
- s'agissant du refus de demandes nouvelles, les sociétés SG ne démontrent pas que le rejet de leurs demandes les aurait placées dans une situation d'inégalité, chacune s'étant vu refuser des demandes ;
- les sociétés SG n'ont pas respecté la procédure convenue conjointement entre les parties pour la présentation et l'audition de témoins ;
- la contestation de la décision du tribunal arbitral de faire droit ou de refuser une demande de communication de pièce est un moyen de fond qui échappe au juge du contrôle de l'exequatur. Et en tout état de cause le tribunal arbitral n'a pas été saisi d'une demande de communication, les demandes ayant juste été échangées entre les parties, et les sociétés SG se sont placées seules, dans une situation désavantageuse en manquant de diligence.
- le tribunal arbitral a bien analysé la jurisprudence Pierre Fabre de la CJUE, mais l'a écartée en l'estimant insuffisamment fondée.
Sur ce
20. Selon l'article 1520, 5°, du code de procédure civile, l'annulation de la sentence peut être poursuivie lorsque sa reconnaissance ou son exécution est contraire à l'ordre public international.
21. L'ordre public international au regard duquel s'effectue le contrôle du juge s'entend de la conception qu'en a l'ordre juridique français, c'est-à-dire des valeurs et principes dont celui-ci ne saurait souffrir la méconnaissance, même dans un contexte international.
22. Ce contrôle s'attache seulement à examiner si l'exécution des dispositions prises par le tribunal arbitral viole de manière caractérisée les principes et valeurs compris dans cet ordre public international.
23. L'article 1520, 4°, du code de procédure civile ouvre le recours en annulation lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté.
24. Le principe de la contradiction veut seulement que les parties aient été mises à même de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des pièces produites, et qu'elles aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit, et discuter celles de leur adversaire, de sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n'ait échappé à leur débat contradictoire. Les arbitres ne sont pas tenus de répondre à la totalité de l'argumentation des parties et il n'appartient pas au juge de l'annulation de remettre en cause l'opinion de l'arbitre qui a implicitement mais nécessairement considéré les demandes qui lui ont été soumises et qu'il a rappelées dans la sentence.
25. L'égalité des armes, qui constitue un élément du procès équitable protégé par l'ordre public international, et qui relève également du respect du principe de la contradiction, implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause ' y compris les preuves ' dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation substantiellement désavantageuse par rapport à son adversaire.
26. Le principe d'égalité des armes relève de l'ordre public international de protection, de sorte qu'il est loisible à une partie de renoncer à son bénéfice.
27. En l'espèce, il résulte des développements rappelés dans les conclusions des parties, de part et d'autre, que les violations invoquées au titre des divers refus opposés par l'arbitre ont précisément donné lieu à des échanges très nourris de conclusions, ce qui démontre que les parties n'avaient pas renoncé à s'en prévaloir et sont dès lors recevables à les invoquer devant la cour.
28. Le refus motivé de l'arbitre de recevoir des demandes additionnelles ou le refus d'entendre à l'oral un témoin, ou encore le refus d'ordonner de produire des pièces ou d'appliquer une jurisprudence relèvent de son pouvoir souverain d'appréciation et ne constituent, en lui-même, ni une violation du principe de la contradiction, ni une rupture de l'égalité des armes, ni une violation de l'ordre public procédural.
29. En l'espèce, il résulte de la sentence et des éléments versés aux débats, et notamment des références très précises dans les conclusions des parties aux développements des positions de chacun et aux motivations de la sentence, que les divers refus opposés par l'arbitre aux demandes des sociétés SG ont été débattus de façon très détaillée devant l'arbitre, les parties ayant à chaque fois pu présenter leurs demandes et répondre aux moyens qui leur étaient opposés, l'arbitre n'ayant fait qu'user de son pouvoir souverain d'apprécier la recevabilité des preuves et le bien-fondé des moyens qui lui étaient soumis sans que son appréciation puisse être remise en cause (cf. ordonnance de procédure n°6 très motivée).
30. Il n'est en outre pas établi que les parties n'aient pas pu présenter leur cause, les motifs de la sentence permettant au contraire de constater que l'arbitre a laissé les parties libres dans leurs explications, la partialité alléguée ou l'inégalité de traitement n'étant pas établie.
31. S'agissant du refus d'entendre un témoin des défenderesses, ayant la qualité d'expert indépendant, qui a fait l'objet de l'ordonnance de procédure n° 7 et d'un renvoi de la sentence à ladite ordonnance, l'arbitre unique a motivé sa décision au regard de l'ensemble des éléments et moyens développés par les parties, en tenant compte du dépôt d'un rapport écrit produit par ledit témoin, et a apprécié souverainement, sans qu'il puisse en être tiré une quelconque violation du droit à présenter sa cause, qu'il n'y avait pas lieu d'entendre ce témoin oralement à l'audience. La contestation de la décision de l'arbitre et de sa motivation revient à contester le pouvoir de l'arbitre de juger au fond.
32. S'agissant de la production forcée de documents, l'arbitre a rappelé, après plusieurs explications, au paragraphe 212 de la sentence, qu'« il ne jugeait pas approprié d'examiner si les demandes procédurales des Défenderesses étaient justifiées et s'il y a lieu de tirer des conclusions défavorables ».
33. La contestation de la décision du tribunal arbitral d'avoir refusé d'ordonner à une partie de produire des pièces revient là encore à contester le pouvoir de l'arbitre de juger au fond.
34. S'agissant de l'absence de traitement équitable et la violation du droit de la pleine possibilité de présenter sa cause, il ne résulte pas de la sentence que les sociétés SG avaient été placées dans une situation inégalitaire, ces dernières ayant à chaque fois pu faire valoir leurs droits et la décision de l'arbitre ayant été parfaitement éclairée par les deux parties, y compris sur la demande de faire reconnaître la renonciation alléguée de SGI aux clauses de non-concurrence, à laquelle l'arbitre a répondu par une ordonnance de procédure n° 5 qu'il n'appartient pas au juge du recours de réviser et qui relève de la libre motivation du tribunal arbitral.
35. Il ne résulte pas de ces éléments une inégalité des armes qui contrevienne à l'ordre public international ou qui violerait le principe de la contradiction.
36. Enfin, sur le fait que l'arbitre aurait refusé de s'appuyer sur la jurisprudence de la CJUE Pierre Fabre, il s'agit d'une critique de l'analyse et des choix de motivation de l'arbitre appliqués au cas d'espèce qui relèvent de sa souveraineté et qu'il n'appartient pas à la cour de contrôler, ce d'autant que l'arbitre y a répondu au paragraphe 501 de la sentence, estimant que les sociétés SG ne démontraient pas que l'interdiction alléguée des franchisés de ne pas pouvoir ouvrir leur propre site internet était « similaire à celle de l'affaire de la CJUE qu'elles ont citée ».
37. Le moyen, qui, sous couvert de violation du principe de la contradiction et du droit à un procès équitable, tend à une révision au fond de la sentence, ne peut qu'être écarté.
B. Sur le moyen tiré de la violation de l'ordre public international à raison du non-respect du principe de la liberté contractuelle
38. Les sociétés SG soutiennent que la règle « pacta sunt servanda » (principe de la liberté contractuelle) a une valeur constitutionnelle et qu'elle fait partie de l'ordre public international. Elles indiquent que la liberté contractuelle est cruciale pour notre ordre juridique et justifie qu'elle fasse partie de l'ordre public international français.
39. Elles font valoir qu'en refusant de faire application de l'article 5.28 des contrats de franchise stipulant un droit au renouvellement au profit des franchisés, et en admettant que les contrats de franchise avaient été régulièrement résiliés sans motifs, la sentence arbitrale a dénaturé le contrat et la volonté des parties.
40. Elles contestent toute tentative de révision au fond dès lors que le juge chargé du contrôle doit rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est compatible avec l'ordre public international et qu'une telle recherche n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres, ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par eux.
41. Elles en déduisent que la contrariété à l'ordre public international peut être discutée pour la première fois devant le juge de l'annulation ou de l'exequatur, que les parties peuvent produire de nouvelles pièces dont les arbitres n'ont pas eu connaissance, ce qui revient à permettre une instruction nouvelle devant le juge du recours.
42. La société Søstrene fait valoir en réponse que :
- les appelantes ne démontrent pas que l'adage pacta sunt servanda est un principe protégé au titre de l'ordre public international.
- En réalité les sociétés SG cherchent à faire rejuger le fond du litige, en opposition au principe de la prohibition de la révision au fond. Or, le juge ne peut refuser la reconnaissance ou l'exequatur sur le fondement d'une interprétation erronée du contrat qu'aurait pu faire l'arbitre.
- L'arbitre unique n'a pas refusé de faire application de la clause 5.28 des contrats de franchise mais a jugé que selon son analyse et interprétation des contrats les prétentions de SDGF et ses filiales devait être rejetées, sans violation de la volonté des parties.
Sur ce
43. Il résulte de l'article 1520-5° du code de procédure civile rappelé ci-dessus que le contrôle exercé par le juge de l'annulation pour [Localité 9] de l'ordre public international ne vise pas à s'assurer que le tribunal arbitral a correctement appliqué des dispositions légales ou conventionelles, fussent-elles d'ordre public, mais s'attache à vérifier qu'il ne résulte pas de la reconnaissance ou de l'exécution de la sentence une violation caractérisée de l'ordre public international.
44. Le juge de l'exequatur n'est pas le juge du contrat, mais de l'insertion de la sentence dans l'ordre juridique national.
45. Les sociétés SG se fondent essentiellement sur la motivation retenue par l'arbitre qui aurait dénaturé la volonté des parties en analysant la clause 5.28 du contrat de franchise relative au droit au renouvellement en considérant que :
- (§291) « contrairement à la position des défenderesses par conséquent, l'objet de la Clause 5.28 (ou Clause 5.23) des Contrats de franchise n'est pas que le Contrat de franchise ne puisse pas être résilié dans les cinq premières années. Elle prévoit plutôt que si le Contrat de franchise n'est pas résilié, la Demanderesse, à l'expiration de la période de cinq ans, n'a plus l'option mais est tenue d'offrir aux Défenderesses un nouveau contrat de franchise à condition que « les conditions énoncées à la Clause 18.1 aient été remplies à tous égards importants » et que
- (§292) « Il s'ensuit que le « droit au renouvellement » de la Clause 5.28 des Contrats de franchise individuels n'est pertinent qu'à la fin de la durée du contrat et ne s'applique pas dans les situations où les contrats ont été résiliés par l'une ou l'autre des Parties en vertu de la Clause 17.2 des Conditions Générales des Contrats de franchise ».
46. Elles soutiennent que cette motivation méconnaît clairement la volonté de parties et frise la partialité, conférant un caractère potestatif à la clause et que le tribunal arbitral aurait violé le principe de la liberté contractuelle et partant l'ordre public international.
47. Or, en l'espèce, outre le fait que le juge de l'annulation n'est pas investi du pouvoir de réviser la motivation retenue par les arbitres, l'erreur manifeste d'appréciation invoquée, à la supposer établie, ne porte que sur les conséquences juridiques à conférer à la clause litigieuse et non sur la liberté de contracter, qui n'était pas contestée dans le litige, l'adage « pacta sunt servanda » n'étant pas remis en cause.
48. Il ne saurait donc en être déduit que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence serait contraire à l'ordre public international, la cour relevant surabondamment que la liberté contractuelle ne constitue pas, en elle-même, une valeur entrant dans le champ de la conception française de cet ordre public, laquelle y apporte des limites tenant, par exemple, à la prohibition des pactes corruptifs.
49. Le moyen sera dès lors rejeté.
C. Sur la violation de l'ordre public international tirée du non-respect des articles L. 622-21 et L. 622-28 du code de commerce)
50. Les sociétés SG rappellent que les règles relatives aux procédures collectives sont d'ordre public.
51. Elles soutiennent que les articles L. 622-21 et L. 622-28 du code de commerce relatifs à l'arrêt des poursuites individuelles et du cours des intérêts, applicables à l'arbitrage, ont été violés en ce que l'ordonnance d'exequatur condamne les appelantes à verser diverses sommes au titre des factures échues augmentées des intérêts légaux.
52. La société Søstrene expose en réponse que la Cour de cassation a admis qu'une sentence puisse recevoir la reconnaissance afin de permettre au créancier qui s'en prévaut de faire reconnaitre son droit à créance.
53. Elle fait valoir qu'il n'y a pas violation de ce principe dès lors que les chefs décisoires sur lesquels les appelantes fondent leur demande d'infirmation n'ont pas reçu la force exécutoire, mais seulement la reconnaissance afin que Søstrene puisse se prévaloir de son droit à créance.
Sur ce,
54. Il résulte de la combinaison des articles L. 622-21 et L. 622-28 du code de commerce et l'article 1520-5° du code de procédure civile que le principe de l'arrêt ou de la suspension des poursuites individuelles, qui relève de l'ordre public international, interdit, après l'ouverture de la procédure collective du débiteur, la saisine d'un tribunal arbitral par un créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture et impose à ce créancier de déclarer sa créance et de se soumettre, au préalable, à la procédure de vérification des créances. Il en résulte également l'interdiction de conférer à la sentence la force exécutoire d'une décision de condamnation du débiteur.
55. En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que la société SGDF a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde le 22 août 2019, que certaines des sociétés SG ont été placées en liquidation judiciaire, et que la société Søstrene a déclaré ses créances le 21 novembre 2019, sur le fondement de factures, décomptes et avoirs produits en annexe à ses déclarations, en précisant solliciter lesdites sommes en « principal, sans préjudice de tout intérêt, frais et accessoire ainsi que toute autre somme qui pourrait être due à quelque titre que ce soit ».
56. Il résulte de l'exequatur contesté que l'ordonnance entreprise n'a pas conféré force exécutoire aux chefs décisoires n° v à xvii de la sentence qui prononcent des condamnations et des fixations de créances, ainsi que des condamnations sur les intérêts, et qu'elle n'a conféré que la reconnaissance auxdits chefs, ce qui est conforme aux principes rappelés ci-dessus, la société Søstrene s'étant soumise à la procédure de vérification préalable des créances de la procédure collective, pour laquelle le juge commissaire s'est déclaré incompétent, et a par conséquent saisi le tribunal arbitral de la validité desdites créances.
57. S'agissant des chefs décisoires n° xxi et xxii portant sur les frais d'arbitrage pour lesquels l'ordonnance a conféré force exécutoire, il s'agit de condamnations à payer des sommes dont le fait générateur est postérieur à l'arrêté des plans et des créances, et qui relèvent dès lors du droit commun.
58. Quant aux intérêts légaux alloués par la sentence, dont il résulte des déclarations de créances qu'ils étaient demandés, les mêmes principes que ceux rappelés ci-dessus s'appliquent, de sorte que la violation de l'ordre public international alléguée n'est pas établie.
D. Sur la violation de l'ordre public international tiré du non-respect des articles 101 du TFUE et L. 420-1 et L. 442-6, I, 2° du code de commerce
59. Les sociétés SG et le mandataire liquidateur soutiennent que l'exécution de la sentence contrevient à l'interdiction des pratiques anticoncurrentielles au titre des articles 101 du TFUE et des articles L. 420-1 et 442-6 I 2° (devenu L 442-1 I 2°) du code de commerce qui font partie de l'ordre public international.
60. Elles font notamment valoir que les lois de police françaises issues du droit de la concurrence et qui véhiculent des intérêts jugés cruciaux par l'ordre juridique français font partie de l'ordre public international. Ainsi en serait-il de :
a) l'article L. 420-1 du code de commerce et de l'article 101 du TFUE qui prohibent les ententes anticoncurentielles,
b) l'article L. 420-2 alinéa 2 du code de commerce, qui prohibe l'exploitation abusive par une entreprise de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente,
c) l'article L.442-1, I, 2° du code de commerce qui sanctionne le déséquilibre significatif
61. Elles soutiennent que les sociétés SG étaient en situation de dépendance économique à l'égard de Søstrene, qui a abusé en plusieurs occasions de cet état, et que la société Søstrene a violé plusieurs fois ces lois de police. Elles font notamment valoir que :
a) La pratique des clauses « push » adoptée par Søstrene à l'égard de ses franchisés est une pratique anticoncurrentielle en ce qu'elle impose au franchisé d'acheter sans limite un certain nombre de produits, même s'ils n'en ont pas besoin, ce qui constitue de la vente forcée portant atteinte à l'indépendance du franchisé, et gonflant abusivement ses stocks, le caractère dispropotionné de ces clauses justifiant qu'elles soient qualifiées de pratique anti-concurrentielle. Or ce sont ces pratiques qui ont permis à Søstrene de faire condamner les sociétés SG à payer des sommes colossales à Søstrene.
b) La soumission aux clauses « push » sans aucune possibilité de négociation constitue un déséquilibre significatif, qui a généré un transfert de charges et des sur-stocks, sans pouvoir réduire les livraisons, ce que l'arbitre a validé en condamnant les sociétés SG à payer les approvisionnements forcés.
c) Cette pratique de vente forcée accompagnée de prix de revente imposés constitue une entente ou un abus de position dominante. Or Søstrene a mis en 'uvre une pratique discriminatoire entre les succursales et les franchisés, en empêchant ces dernières d'accèder aux produits allant avoir du succès (best seller).
62. En réponse, la société Søstrene soutient que le déséquilibre significatif n'est pas une règle de droit protégée dans le cadre de l'ordre public international et que c'est cette allégation seule que les sociétés SG mettent en avant en critiquant les pratiques de clauses « push ». Elle ajoute que les sociétés SG font un amalgame entre le concept de loi de police et celui d'ordre public international. Elle fait notamment valoir que :
- l'article 101 du TFUE et les articles L.420-1 et L.442-1 I 2° du code de commerce ne font pas partie de l'ordre public international, car les dispositions du code de commerce sont des lois de police du for, et leur violation n'entraîne pas une méconnaissance de l'ordre public international du for.
- Et en tout état de cause la violation de l'article 101 du TFUE, protégé au titre de l'ordre public international, n'est pas caractérisée, les sociétés SG tentant de longuement développer sur les clauses push sans démontrer qu'il s'agit de pratiques anticoncurentielles ou d'un déséquilibre significatif.
- les allégations de discrimination et d'interdiction de revente par internet manquent en fait, ou les sociétés SG les présentent de manière tronquée.
Sur ce
63. Il résulte de la combinaison des articles 1520, 5°, et 1525, alinéa 4, du code de procédure civile que l'exequatur n'est refusé que lorsque la solution donnée au litige, et non le raisonnement suivi par les arbitres, heurte concrètement et de manière caractérisée l'ordre public international.
64. Le contrôle du juge de la violation de l'ordre public international s'attache seulement à examiner si l'exécution des dispositions prises par le tribunal arbitral viole de manière caractérisée les principes et valeurs compris dans cet ordre public international, qui s'entend de la conception qu'en a l'ordre juridique français, c'est-à-dire des valeurs et des principes dont celui-ci ne saurait souffrir la méconnaissance, même dans un contexte international.
1. Sur le déséquilibre significatif
65. Si les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce constituent une loi de police interne, leur violation ne peut en tant que telle être considérée comme portant atteinte à la conception française de l'ordre public international, la cour relevant qu'en l'espèce, l'invocation de ces dispositions par les appelantes s'inscrit dans une logique de protection de leurs intérêts privés.
66. Le moyen ne saurait dès lors prospérer sur ce fondement.
2. Sur les pratiques anticoncurrentielles prohibées par l'article 101 du TFUE et par les articles L.420-1 et L.420-2 du code de commerce
67. La CJUE a dit pour droit que l'article 101 du TFUE, anciennement article 81 du TCE, constituait « une disposition fondamentale indispensable pour l'accomplissement des missions confiées à la Communauté et, en particulier, pour le fonctionnement du marché intérieur » et qu'il peut être considéré comme « une disposition d'ordre public au sens de la convention de New York du 10 juin 1958 » et qu'il appartient aux juridictions nationales appelées à se prononcer sur la validité d'une sentence arbitrale d'en faire application (Eco Swiss C-126/97).
68. Aux termes de cet article :
1. Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à :
a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction,
b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,
c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement,
d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,
e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.
2. Les accords ou décisions interdits en verty du présent article sont nuls de plein droit.
69. Les articles L.420-1 et L.420-2 du code de commerce qui prohibent des pratiques anticoncurrentielles similaires relèvent de cette même règle.
70. En l'espèce, les sociétés SG soutiennent que les contrats auxquels la sentence arbitrale donne effet constituent une pratique anticoncurrentielle dont la prohibition édictée par l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) fait partie de l'ordre public international français, et justifie que la sentence ne puisse se voir reconnaitre l'exequatur au visa de l'article 1520, 5°. Elles visent à ce titre également les articles du code de commerce sus-rappelés.
71. Or, il ne résulte pas de la procédure soumise à l'arbitre unique que les parties aient invoqué lesdits articles au soutien de leurs demandes, ni qu'il ait été saisi d'allégations portant sur l'existence d'une entente ou d'une pratique concertée au sens de ces textes, ou de conditions de traitement inégales infligeant à l'une des parties un désavantage dans la concurrence susceptibles de relever de l'application de ces textes.
72. Cela ne prive toutefois pas le juge du contrôle de procéder à un examen du litige à l'aune de ces textes dont la violation alléguée relève de l'ordre public international français, à charge toutefois pour la partie qui l'allègue d'établir l'existence d'indices graves, précis et concordants susceptibles de caractériser une violation de l'ordre public international.
73. Or, les sociétés SG ne démontrent pas que le mécanisme contractuel entourant la livraison des produits et notamment le système « Push »/ « Call Off » qui résulte de clauses négociées du contrat constituerait une pratique prohibée au sens des articles susvisés, aucune entente ni aucune restriction à la concurrence n'étant établie, et le fonctionnement de ce système de renouvellement automatique d'une partie du stock sur la base d'un pourcentage variable en fonction du chiffre d'affaires de chaque magasin ne constituant pas une des pratiques anticoncurrentielles listées dans les articles susrappelés.
74. S'agissant de l'interdiction d'ouvrir un site internet et d'ouvrir une boutique en ligne, il ne s'agit pas d'une entente ou d'une pratique concertée, ni d'une pratique anti-concurrentielle caractérisée, les sociétés SG ne démontrant en outre pas que Søstrene aurait empêché les sociétés SG d'ouvrir leur propre site internet au niveau local, les seules contraintes étant celles fixées conventionnellement par les contrats de franchise.
75. Enfin, il ne résulte ni de la sentence ni des éléments versés aux débats que le système des « best seller » constitue une pratique discriminatoire entre les succursales et les franchisés.
76. Aucun des faits ainsi invoqués ne constituent des indices graves, précis et concordants d'une violation de l'ordre public international relevant de l'article 101 du TFUE et de l'interdiction de pratiques anticoncurrentielles.
77. Le moyen manque donc en fait et devra être rejeté.
78. Il y a lieu, dans ces conditions, de confirmer l'ordonnance d'exequatur.
79. Les sociétés SG succombant en l'ensemble de leurs demandes, elles seront condamnées à supporter la charge des dépens et à payer à la société Søstrene une indemnisation au titre des frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à la somme de 20.000 euros.
IV/ DISPOSITIF
Par ces motifs, la cour
1) Donne acte à la SELARL [N] Yang-Ting de son intervention volontaire es qualité de mandataire liquidateur de la société SG [Localité 14] Distribution,
2) Confirme l'ordonnance du 8 décembre 2022 en toutes ses dispositions.