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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 29 octobre 2024, n° 21/00145

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Myriocom (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

Mme Lamarque, M. Breard

Avocats :

Me Olazcagua, Me Knepper, Me Picotin-Gueye, Me Chateau

TGI Bordeaux, 1re ch., du 7 mai 2019, n°…

7 mai 2019

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [S] [M], se présentant en qualité d'ingénieur 'en recherche et développement', et son frère M. [Y] [M], se présentant en qualité de dessinateur 'projeteur en bâtiment', se sont rapprochés en 2014 de M. [L] [I], agriculteur et fondateur deux ans plus tard de la Sas Myriocom, afin de développer et d'optimiser un logiciel dit 'cahier sanitaire' servant dans le domaine du commerce de bétails.

Cette collaboration a pris fin en 2016 et M. [I] et sa société ont poursuivi leur projet via un autre partenaire, la société 'Decibel'.

Prétendants être les auteurs de ce logiciel dit 'cahier sanitaire' et reprochant à M. [I] et la Sas Myriocom de s'être servis, sans leur accord, de leur logiciel d'origine et de leurs travaux préparatoires en vue de son optimisation, les consorts [M] ont fait procéder au sein de cette société à une saisie-contrefaçon le 12 janvier 2017, puis, faute d'accord amiable, les ont assignés devant le tribunal de grande instance de Bordeaux par exploit d'huissier du 4 avril 2017 sur le fondement de la contrefaçon de droit d'auteur et de la concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement en date du 7 mai 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- débouté Messieurs [S] et [Y] [M] de l'ensemble de leurs demandes afférentes à leur action en contrefaçon ainsi que celles afférentes à leur action en concurrence déloyale et parasitaire,

- débouté la S.A.S. Myriocom de sa demande reconventionnelle en dommages-et-

intérêts,

- condamné in solidum Messieurs [S] et [Y] [M] à verser à M. [L] [I] une somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Messieurs [S] et [Y] [M] à verser à la S.A.S. Myriocom une somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Messieurs [S] et [Y] [M] de leur demande d'indemnité sur le

fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Messieurs [S] et [Y] [M] aux dépens,

- dit ne pas y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration électronique en date du 8 janvier 2021, MM. [S] et [Y] [M] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- débouté MM. [S] et [Y] [M] de l'ensemble de leurs demandes afférentes à leur action en contrefaçon ainsi que celles afférentes à leur action en concurrence déloyale et parasitaire,

- condamné in solidum MM. [S] et [Y] [M] à verser à M. [L] [I] une somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Messieurs [S] et [Y] [M] à verser à la S.A.S. Myriocom une somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté MM. [S] et [Y] [M] de leur demande d'indemnité sur le

fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum MM. [S] et [Y] [M] aux dépens.

Par ordonnance du 2 juillet 2021, le conseiller de la mise en état de la 1ère chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux a débouté les consorts [M] de leur demande de voir limiter, pour garantir le secret des affaires, la communication de certaines données reproduites sur clé USB annexées au procès-verbal de constat d'huissier du 10 mars 2021.

Par ordonnance du 13 mars 2024, le conseiller de la mise en état a constaté la nullité des conclusions du 2 juillet 2021 en ce qu'elles sont prises au nom de la société Myriocom et déclaré irrecevable l'appel incident formé au nom de la société Myriocom par ces mêmes conclusions, ladite société ayant été placée en redressement judiciaire le 4 février 2021 et Me [C] [E] désigné en qualité de mandataire judiciaire pour la représenter.

Cette procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire le 10 février 2022 et clôturée pour insuffisance d'actif le 11 mai 2023.

MM. [S] et [Y] [M], dans leurs dernières conclusions déposées le 30 août 2024, demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

- réformer le jugement entrepris des chefs dont appel et statuant à nouveau,

- condamner M. [L] [I] à verser à MM. [S] et [Y] [M] la somme de 50.000 € en réparation de l'atteinte à leur droit moral, outre la somme de 45.000 € au titre de leur préjudice commercial, sauf à parfaire,

- ordonner à M. [L] [I] de communiquer, par écrit et sous une forme appropriée, tout document ou information permettant de déterminer l'ampleur de la contrefaçon conformément à l'article L. 331-1-2 du Code de la propriété intellectuelle,

- condamner M. [L] [I] à verser à Messieurs [S] et [Y] [M] la somme de 57.500 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire,

- interdire à M. [L] [I] la poursuite des actes de contrefaçon, notamment l'utilisation, la présentation, la promotion et toute autre mise à disposition par tout moyen et sous quelque forme et manière que ce soit, du programme d'ordinateur, de son matériel de conception préparatoire et de ses interfaces utilisateurs,

- assortir cette interdiction d'une astreinte de 150 € par infraction constatée dès la signification du jugement à intervenir,

- enjoindre à M. [L] [I] de clôturer les pages Facebook,

https://www.facebook.com/Myriocom.info/

https://www.facebook.com/Myriocom.[I].98/,

- autoriser les consorts [M] à publier le jugement à intervenir dans deux revues ou journaux de leur choix, aux frais de M. [L] [I], pour un montant total n'excédant pas 2.000 €,

- condamner M. [L] [I] à payer à Messieurs [S] et [Y] [M] la somme de 7.000 € chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- débouter M. [L] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- condamner M. [L] [I] aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais de constat d'huissier.

M. [L] [I], par dernières conclusions déposées le 30 août 2024, demandent à la cour de :

- juger MM. [Y] et [S] [M] aussi irrecevables que mal fondés en leur appel,

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle les a déboutés de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum MM.[S] et [Y] [M] à payer à M. [I] la somme de 4.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Picotin, avocat postulant sur ses affirmations de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 17 septembre 2024.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 3 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera liminairement relevé que les écritures des appelants, en ce qu'elles sont prises par la société Myriocom, ayant été déclarées irrecevables, la cour n'est plus saisie d'aucun appel incident de sa part.

Demeurant saisie des conclusions prises pour le compte de M. [I], il sera observé que si dans le corps de ses dernières conclusions il conclut que son préjudice

résultant de fausses accusations de contrefaçon ne saurait être évalué à moins de 25.000 euros, force est de constater que cette demande n'est pas reprise au dispositif de ses écritures de sorte qu'en application des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour n'est saisie d'aucune demande de réformation du jugement en ce qu'il a débouté M. [I] et la société Myriocom de leur demande de dommages et intérêts.

Cependant, dans cette hypothèse, la société Myriocom qui demeure partie aux débats est réputée s'en remettre aux motifs des premiers juges en ce qu'ils ont fait droit à ses demandes.

Les consorts [M] concluent à la réformation du jugement qui les a déboutés de toutes leurs demandes, tant sur le terrain de la contrefaçon que sur celui de la concurrence déloyale ou parasitaire.

Sur les demandes au titre de la contrefaçon :

Selon l'article L 111-1 alinéa 1 et 2 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous et que ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

L'action en contrefaçon est ainsi ouverte à l'auteur d'une oeuvre de l'esprit, le demandeur à l'action devant, pour bénéficier de la protection, justifier de la création d'une oeuvre originale, procédant de choix arbitraires et empreinte de la personnalité de son auteur.

* sur l'existence même d'un logiciel et sa paternité :

Le tribunal a débouté MM. [M] de leur action en contrefaçon à défaut de produire devant le tribunal les éléments précis et concret permettant d'appréhender l'oeuvre (logiciel) et à la juridiction saisie d'apprécier l'existence du programme et sa paternité, les consorts [M] n'ayant produit à l'appui de leurs demandes que de simples ébauches, soit un cahier des charges, des captures d'écran et des tableaux Excel, qui ne sont ni des programmes informatiques, ni du matériel de conception préparatoire. Il a également retenu que si l'huissier avait mis en évidence un code objet détenu par le défendeur, rien ne permettait d'établir qu'il était l'oeuvre des consorts [M] qui n'ont pas été en capacité de produire ce code objet dont ils auraient été l'auteur des années auparavant.

Les consorts [M] contestent cette décision soutenant que les pièces dont disposait le tribunal, un cahier des charges, des captures d'écran et un tableau Excel (ses pièces 1 à 6) suffisaient à établir la matérialité de l'existence du logiciel créé par eux comme décrit dans le cahier des charges, qu'il ne s'agit pas que d'une ébauche et que l'arborescence, la structure, les fiches et les tableurs réalisés par leurs soins correspondent à la création d'un logiciel.

Ils observent que l'ensemble caractérise un travail tangible, que M. [I] n'a lui même jamais contesté l'existence d'un logiciel créé par eux, ayant au contraire expressément reconnu dans ses écritures de première instance que 'M. [S] a fabriqué le programme Vet-info', ce qui correspondrait à un aveu judiciaire.

Au contraire, M. [I] fait valoir que l'idée d'un logiciel de gestion à destination des éleveurs de bovins était la sienne, que [Y] [M] lui a été recommandé par son associé qui le connaissait et qu'il ne s'est adressé à lui qu'en vue de la réalisation d'un tableau Excel, que M. [Y] a bien réalisé à sa demande un cahier sanitaire sous forme d'un tableau Excel, version papier, émis par les autorités sanitaires pour l'élevage des bovins sur lequel il ajouté la gestion exacte de la pharmacie, que cependant le travail en commun a tourné court car les frères [M] n'ont jamais été en mesure de faire face à la demande qui était que le 'carnet sanitaire' puisse être consultable sur un téléphone mobile, conformément au cahier des charges, de sorte qu'il aurait été mis fin à la relation sans que le travail ait été fourni par les appelants et sans qu'un contrat ait pu être signé portant mention des droits et obligations de chacun.

Il est admis qu'un logiciel constitue un ensemble de programmes informatiques, de procédés et de règles qui permettent à un ordinateur d'effectuer des tâches spécifiques et que ce qui est ensuite protégeable au titre du droit d'auteur ce n'est pas l'idée en elle même mais la réalisation même de ces programmes. Pour ce faire il procède d'une première phase d'analyse fonctionnelle et organique, consistant à établir la structure de celui-ci et une seconde phase, de programmation,consistant à rédiger les informations en langage informatique par le passage du code source au code objet, qui permet l'automatisation par l'ordinateur.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne ressort pas des écritures de première instance de M. [I] et de sa société en leur point 76 (leur pièce n° 26) que ce dernier aurait lui même reconnu que '[S] a fabriqué le logiciel Vet-info'.

Cependant, il résulte de ses conclusions que M. [I] déplore que tant [Y] que [S] n'aient jamais pu mener à bien le travail pour lequel ils s'étaient proposés à défaut de compétences nécessaires, n'ayant pu réaliser la seconde demande du cahier des charges à savoir que le programme puisse être installé sur smarthphone afin de permettre un traitement des informations relatives au cheptel bovin sur place, directement au contact des animaux.

En réalité M. [I] observe que le travail confié aux frères [M] se présentait en deux points:

1) reprendre sous forme d'un tableau Excel le carnet sanitaire, version apier, émis par les autorités sanitaires dans le cadre du suivi réglementaire et obligatoire des élevages bovins auquel il y avait lui même ajouté la gestion de la pharmacie selon des données que seuls les éleveurs connaissent,

2) permettre que ce cahier sanitaire puisse être consultable en version smarthphone.

Il fait valoir que si le premier travail a été réalisé, il n'emportait en lui même aucune originalité susceptible d'en faire une oeuvre de l'esprit, alors que les consorts [M] ont été incapables de réaliser la seconde étape du travail, ce qui a sonné le glas de leurs relations. Cette chronologie des évènements n'est d'ailleurs pas démentie par les échanges de mails entre les parties.

Dans un mail en date du 23 septembre 2016 (pièce n° 8 des appelants), M. [I] reconnaît en effet, s'il conteste l'idée à [S], que celui-ci a 'mis l'idée (la sienne) en place' au point qu'il discutait avec M. [W] du prix à payer à ce propos, ce qui supposait nécessairement que le travail était achevé, du moins en sa première partie.

Ce travail des frères [M] est également confirmé par les constats d'huissier et notamment celui du 10 mars 2021 à l'occasion duquel a été réalisée une copie des codes sources du logiciel reproduites par l'huissier sur clé USB annexée au constat.

Dès lors, ne saurait être contestée la paternité des consorts [M] sur la première partie du travail, à savoir, 'le logiciel cahier sanitaire' ou 'vet-info', qui n'était pas, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, qu'une simple ébauche.

Il n'est d'ailleurs pas soutenu que cette partie qui présente toutes les caractéristiques d'un logiciel n'était pas fonctionnelle.

En revanche, les consorts [M] ne contredisent pas M. [I] lorsque celui-ci indique qu'ils n'ont jamais finalisé une version smarthphone de ce logiciel afin de permettre la gestion vétérinaire des bovins in situ.

Il convient donc de s'interroger sur la qualité d'oeuvre de l'esprit du logiciel en litige dans sa version pour ordinateur.

* sur la qualité d'oeuvre de l'esprit du logiciel 'cahier sanitaire' :

Selon l'article L 112-2 les logiciels sont des oeuvres de l'esprit, y compris le matériel de conception préparatoire et de la même façon, l'interface peut également relever des droits d'auteur.

Il est constant qu' une oeuvre, même inachevée, peut bénéficier de la protection au titre des droits d'auteur. Il en va ainsi d'un travail d'ébauche de logiciel qui serait suffisamment avancé pour constituer une étape fonctionnelle du travail dès lors que celui-ci est en soi empreint d'originalité.

Au contraire, l'idée du logiciel, quand bien même elle émanerait de M. [I], n'est pas protégeable au titre du droit d'auteur, à défaut de toute matérialisation, de sorte qu'en aucun cas elle ne fait obstacle à la reconnaissance de droits d'auteurs des consorts [M] sur le logiciel en litige, et ce quand bien même ceux-ci n'auraient pas achevé le travail et notamment l'installation sur mobile du cahier sanitaire.

Les consorts [M] produisaient déjà en première instance :

- une application web version 1.0 -Captures d'écran

- des feuilles Excel 2005

- une application web version 1.1 - Captures d'écran

- une application web version 2.1 - Captures d'écran

- une application mobile 2016 - Captures d'écran

- un cahier des charges rédigé par les consorts [M]

Ainsi que l'observent justement les consorts [M], ces captures d'écran correspondent aux différentes étapes de la conception d'un logiciel, en conformité avec le cahier des charges, faisant ressortir une arborescence et une structure fonctionnelles s'apparentant à un logiciel.

Cependant, c'est l'originalité du logiciel qui le rend protégeable au titre des droits d'auteur. Pour cela le logiciel n'a pas forcément à être nouveau mais sa conception doit procéder de choix arbitraires propres à l'auteur de telle sorte que l'oeuvre soit empreinte de la personnalité de son auteur, le travail réalisé devant révéler un effort personnalisé allant au delà de la mise en oeuvre d'une logique automatique et contraignante, résidant dans une structure individualisée.

Pour être établie, l'originalité suppose rapportée la preuve de l'effort de personnalisation.

Elle ne saurait résulter, comme en l'espèce, de la seule reproduction de captures d'écran de feuilles Excel et d' interfaces, et notamment de l'interface utilisateur avec le détail de son menu (conclusions page 21) ou de l'ouverture des différentes pages dont il est affirmé par MM. [M] l'originalité (choix des couleurs, de la police, agencement et forme des menus, organisation de l'interface) sans expliquer en quoi les choix opérés, qu'ils s'agisssent des fonctionnalités du menu latéral gauche 'Mon cheptel', 'Ma pharmacie', 'Mes outils', du choix des couleurs,'vert foncé, vert clair, noir, blanc', de la présence d'une loupe permettant l'affichage de détails, d'une possibilité de retour en arrière, ou encore de sous fonctionnalités 'Mes animaux', 'Mes lots', 'Mes sorties' etc ... procèdent d'une originalité reflétant les choix arbitraires de son auteur.

En effet, outre que ces éléments de choix n'apparaissent pas présenter un caractère arbitraire particulier s'agissant d'un logiciel permettant de gérer la prise en charge sanitaire des bovins, la comparaison du développement du logiciel créé par les consorts [M] avec d'autres logiciels (leur pièce 28) offrant des présentations différentes dans lesquelles la couleur verte apparaît également souvent employée, n'est pas en faveur du logiciel en litige dont la présentation très structurée (liste des animaux présents, saisie du cahier sanitaire, saisie d'un traitement, sortie de l'animal etc...), apparaît essentiellement sous forme de tableaux ou de fiches à compléter, d'ordonnances à intégrer, sans grande orignalité, au contraire d'autres logiciels de comparaison présentant notamment des bilans de santé avec graphiques (Isagri, Deveos).

Il n'est en conséquence pas établi l'originalité du logicel créé par les frères [M], ni partant qu'il relève de la protection au titre des droits d'auteur.

Le jugement qui a en conséquence débouté MM. [Y] et [S] [M] de leur action en contrefaçon est confirmé.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire :

Le tribunal ayant rejeté la demande au titre de la contrefaçon, retenant que les consorts [M] n'ayant pas rapporté la preuve, ni de la création d'un logiciel, ni de ce qu'ils en étaient les auteurs, ne pouvaient davantage prospérer en leur demandes au titre de la concurrence déloyale ou du parasitisme.

Les consorts [M] font valoir qu'indépendamment de toute contrefaçon, la reproduction par M. [I] et sa société du logiciel par eux créé et de son interface graphique est constitutive de concurrence déloyale, qu'est également sanctionné au titre du parasitisme le fait pour une entreprise de s'immiscer dans le sillage d'une autre pour bénéficier de sa notoriété, de ses efforts d'investissements, capter de manière illicite sa clientèle et vivre dans son sillage et que le fait pour une société ayant confié à un sous traitant la réalisation d'un travail particulier, ne peut après livraison de celui-ci et cessation de leurs relations, reproduire les plans établis par le premier pour les remettre au second et qu'une telle action est ouverte sur le fondement de l'article 1240 à celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif, peu important que les faits soient les mêmes que ceux visés au titre de la contrefaçon.

M. [I] fait valoir que la saisie contrefaçon à laquelle il a été procédé n'a jamais mis en évidence que lui ou sa société étaient en possession d'un logiciel Vet-info avec codes source, ni qu'ils en feraient utilisation et que les consorts [M] ne démontrent nullement avoir été génés d'une quelconque manière dans l'éventuelle commercialisation de leur logiciel lequel n'aurait jamais fonctionné.

Il sera préalablement observé que le préjudice allégué par les frères [M] tient notamment à la privation du droit moral et patrimonial sur une oeuvre, dont le présent arrêt à écarté le caractère d'oeuvre de l'esprit protégable au titre du droit d'auteur.

L'acte de concurrence déloyale est celui qui, contraire à la morale des affaires, fausse le jeu de la libre concurrence, engageant la responsabilité civile de son auteur. Il se caractérise par une faute, un préjudice et un lien de causalité entre eux.

Le parasitisme est quant à lui un procédé de concurrence déloyale qui consiste à se placer dans le sillage d'un concurrent pour profiter de ses investissements et/ou de sa notoriété sans bourse délier.

Ces comportements sont sanctionnables dans la vie des affaires et entre acteurs économiques, lorsque l'un serait susceptible de bénéficier des investissements de l'autre, notamment publicitaires, ou de sa renommée, sans avoir à en supporter les frais et à leur dépens. Or, ni [S], ni [Y] [M] ne justifient, ni n'allèguent être des acteurs de la vie économique qui feraient de la création de logiciel leur activité, qui disposeraient d'un budget publicitaire pour développer leur logiciel, qui bénéficieraient d'une renommée ou d'une clientèle susceptible d'être détournée par la concurrence déloyale ou parasitaire de M. [I] et de sa société et pourraient se prévaloir d'un préjudice particulier à ce titre.

Cependant, il demeure que le simple détournement de leur travail est de nature à constituer une faute leur portant préjudice, sanctionnable, à la mesure du préjudice subi, au titre de la concurrence déloyale.

Il résulte du procès verbal de saisie contrefaçon du 12 janvier 2017 (pièce n° 13 des appelants) que sur l'ordinateur portable de marque ASUS de M. [I] une recherche par mots clés 'cahier', 'sanitaire', 'papillon', '[Y]' etc... a amené à des résultats sur une unité de stockage externe dont il a été extrait en visuel le logiciel 'cahier sanitaire' dont les pages sont reproduites au constat, qu'il y a également été trouvé trois pages de webservice d'origine, version 1.0, dont M. [I] a indiqué à l'huissier de justice qu'elles correspondaient à des travaux préparatoires remontant à l'époque où il travaillait avec les frères [M] et que, n'ayant jamais été en possession des codes source du logiciel des consorts [M], il s'est adressé à une autre société pour pouvoir finaliser la réalisation d'une application mobile permettant la traçabilité sanitaire de ses bovins.

L'huissier a ainsi noté que sur aucun des ordinateurs n'a été trouvée d'application active 'cahier sanitaire' .

Il a toutefois saisi des documents papiers de présentation d'un logiciel 'cahier sanitaire' utilisés comme prospectus en vue d'un salon et M. [I] a reconnu que certains des masques présents sur ces documents sont issus de l'application 'cahier sanitaire' en ligne appartenant aux consorts [M] et établis lors de leur collaboration, M. [I] ayant toutefois précisé qu'il a fait créer un logiciel par la société Décibel sur la base d'un cahier des charges dont il s'est dit être l'auteur.

Les éléments ainsi saisis (captures d'écrans pièce 13) et les déclarations de M. [I] confirment qu'il a repris dans le cadre du travail spécifique confié à la société Decibel en vue de la création d'une application pour téléphone mobile, le travail préparatoire du logiciel 'cahier des charges' émanant des consorts [M] et qui était leur propriété.

Il résulte encore d'éléments trouvés sur le site web de M. [I] (pcanwebdev pièces n° 17) que la présentation du cahier sanitaire est conforme au travail des frères [M].

La seule reprise pour son compte de ce travail constitue une faute de la part de M.[I] qui cause préjudice aux appelants.

En revanche, iI n'est pas établi contrairement à ce qu'ils affirment (leurs conclusions page 30) que M. [I] aurait tiré profit de leur travail pour s'approprier de nouveaux marchés, leur pièce n° 13 ne permettant pas de retrouver la trace d'un message aux internautes qui aurait figuré sur son ancien site web, tel qu'intégralement retranscrit dans leurs conclusions.

De même, le provisionnel ou 'bilan pour la structure d'édition de logiciel' (leur pièce 16) qui n'émane que d'eux, sans aucune indication de provenance, est insuffisant à établir un préjudice d'exploitation de 57 000 euros.

Il convient au regard des éléments susvisés, en l'absence de tout autre élément caractérisant plus ample préjudice, d'allouer aux consorts [M] en réparation du préjudice résultant de la faute extra-contractuelle des intimés, une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts, par infirmation du jugement entrepris.

En l'absence de tous droits d'auteur et de la preuve d'une utilisation commerciale du logiciel, les demandes complémentaires aux fins d'interdiction ou de publication d'extraits du jugement, formulées par les consorts [M] seront rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

Au vu de l'issue du présent recours, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné MM. [S] et [Y] [M] aux dépens de première instance ainsi qu'à payer à M. [I] et à la société Myriocom, chacun, une somme de 1000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance, M.[I] et sa société supportant les entiers dépens de première instance et d'appel, étant déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et condamnés à payer à MM. [M] à ce titre, ensemble, une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant dans les limites de sa saisine.

Infirme partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur les demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et statué sur les dépens et frais irrépétibles de première instance :

Statuant à nouveau des chefs réformés :

Condamne M. [L] [I] in solidum avec la sas Myriocom à payer à MM. [S] et [Y] [M] une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts.

Déboute M. [I] in solidum avec la sas Myriocom de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions non contraires au présent arrêt et y ajoutant :

Condamne M. [L] [I] in solidum avec la sas Myriocom à payer à MM. [S] et [Y] [M] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [L] [I] in solidum avec la sas Myriocom aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.