CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 25 octobre 2024, n° 23/17701
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cisco Systems France (SARL), Cisco Systems, Inc. (Sté)
Défendeur :
Centripetal Limited (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Vice-président :
Mme Douillet
Conseiller :
Mme Marcade
Avocats :
Me Freneaux, Me Martin
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu l'ordonnance de référé rétractation rendue le 27 octobre 2023 par le délégué du président du tribunal judiciaire de Paris.
Vu l'appel interjeté le 10 novembre 2023 par les sociétés Cisco Systems France et Cisco Systems Inc.
Vu la constitution d'avocat de la société Centripetal Limited le 15 novembre 2023.
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai en date du11 décembre 2023.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 mai 2024 par les sociétés Cisco Systems France et Cisco Systems Inc, appelantes.
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 16 mai 2024.
SUR CE, LA COUR
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société de droit irlandais Centripetal Limited appartient à un groupe américain spécialisé dans le domaine de la sécurité des réseaux informatiques.
Elle dit être notamment titulaire de la partie française d'un brevet européen EP 2 944 065 (EP 065) intitulé 'transfert de règles dans un réseau à commutation de paquets", issu de la demande internationale WO 2014/ l 09843 déposée le 2 décembre 2013, et revendiquant la priorité de la demande de brevet américain 201313739178 déposée le 11 janvier 20l3.
Le brevet EP 065 a été publié le 20 février 2019.
Le groupe américain Cisco conçoit, développe et commercialise des équipements réseaux pour internet. Il a pour société holding la société de droit américain Cisco Systems Inc. et une filiale française, la société Cisco Systems France.
Soupçonnant que les pares-feux avec le mode transactionnel et que les routeurs et les commutateurs avec le « hitless ACL change » de la société Cisco Systems France reproduisent les revendications de la partie française du brevet EP 065 et constituent des actes de contrefaçon, la société Centripetal Limited a, par cinq requêtes du 16 mai 2023, saisi le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris afin d'être autorisée à faire pratiquer une saisie-contrefaçon au siège social et dans quatre établissements secondaires de cette société.
Il a été fait droit à ces requêtes par cinq ordonnances du 17 mai 2023 et les opérations se sont déroulées le 8 juin 2023 au siège de la société Cisco Systems France à [Localité 10] et dans ses trois implantations de [Localité 12], [Localité 11] et [Localité 4], les bureaux sis à [Localité 7] étant quant à eux définitivement fermés.
Par acte du 15 juin 2023, les sociétés Cisco Systems Inc. et Cisco Systems France ont fait assigner en référé à heure indiquée la société Centripetal Limited aux fins d'obtenir la rétractation des ordonnances du 17 mai 2023, subsidiairement, la clôture des opérations de saisie-contrefaçon suspendues et le maintien sous séquestre des éléments saisis.
Par ordonnance du 30 juin 2023, la demande de rétractation a été rejetée et l'accès aux pièces saisies a été limité à un cercle de confidentialité. Appel de cette ordonnance a été relevé par les sociétés Cisco (RG 23/12839).
Au vu des procès-verbaux des opérations de saisie-contrefaçon du 8 juin 2023, la société Centripetal Limited a obtenu par ordonnance sur requête du 4 juillet 2023 fondée sur l'article R. 615-7 du code de la propriété intellectuelle, des mesures complémentaires. Les opérations se sont déroulées au siège de la société Cisco Systems France le 5 juillet 2023.
Au vu du procès-verbal des opérations de saisie-contrefaçon du 5 juillet 2023, la société Centripetal Limited a, à nouveau, obtenu sur requête des mesures complémentaires selon ordonnance du 10 juillet 2023. Les opérations se sont déroulées au siège de la société Cisco Systems France les 12 et 13 juillet 2023.
Par acte du 10 juillet 2023, la société Centripetal Limited a fait assigner au fond la société Cisco System France devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon des revendications 1 et 14 de la partie française du brevet EP 065. Le juge de la mise en état est saisi d'un incident aux fins d'irrecevabilité.
Par actes des 2 et 3 août 2023, les sociétés Cisco Systems Inc. et Cisco Systems France ont fait assigner en référé la société Centripetal Limited devant le juge ayant autorisé les saisies-contrefaçon aux fins d'obtenir la rétractation des ordonnances des 4 juillet 2023 et 10 juillet 2023 et la restitution des documents saisis ou, subsidiairement, le maintien sous séquestre des éléments saisis et la limitation de l'accès à ceux-ci dans des conditions particulières.
C'est dans ce contexte qu'a été rendue l'ordonnance dont appel, qui a :
- dit n'y avoir lieu à rétractation des ordonnances rendues les 4 et 10 juillet 2023,
- ordonné la remise physique des pièces saisies et placées sous séquestre les 5, 12 et 13 juillet 2023 dans les locaux de la société Cisco Systems France par Me [W] à l'avocat de la société Centripetal Limited sur une clé USB cryptée certifiée CSPN,
- dit que l'accès à ces pièces sera limité :
- à l'avocat constitué de chaque partie (et ses collaborateurs ou salariés du cabinet informés des obligations découlant des dispositions de l'article L.153-2 du code de commerce),
- à un conseil en propriété industrielle (et ses collaborateurs ou salariés du cabinet informés des obligations découlant des dispositions de l'article L. 153-2 du code de commerce) assistant chaque partie,
- à une personne physique représentant chaque partie, informée des obligations découlant des dispositions des articles L. 153-2 du code de commerce et 226-13 du code pénal,
- autorisé Me Martin, avocat de la société Centripetal Limited, à réaliser une reproduction des pièces saisies sur une clef cryptée pour chacun des membres du cercle ainsi constitué,
- dit que chacune de ces personnes devra s'engager par écrit à ne divulguer aucun des éléments issus des pièces placées sous séquestre et à n'en faire usage que pour les besoins du litige en contrefaçon de la partie française du brevet EP 2 944 065,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- condamné les sociétés Cisco Systems Inc. et Cisco Systems France aux dépens, qui pourront être recouvrés par la SCP August & Debouzy et Associés Avocats dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné les sociétés Cisco Systems Inc. et Cisco Systems France à payer à la société Centripetal Limited la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Cisco Systems et Cisco Systems France ont relevé appel de cette décision et par leurs dernières conclusions sollicitent de la cour de :
À titre principal :
- réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé-rétractation du président du tribunal judiciaire de Paris du 27 octobre 2023 (N° RG 23/09838),
- ordonner la rétractation intégrale des ordonnances aux fins de mesures complémentaires de saisie contrefaçon rendues les 4 et 10 juillet 2023 (N° RG 23/1361 et 23/1654) sur requêtes de la société Centripetal Limited,
- ordonner la restitution immédiate à la société Cisco Systems France de l'intégralité des informations, documents, équipements, pièces et éléments saisis dans ses locaux par Me [X] [W], commissaire de justice à [Localité 10], les 5, 12 et 13 juillet 2023,
- interdire à la société Centripetal Limited d'utiliser à quelque fin que ce soit, ou de faire utiliser par les sociétés du groupe auquel elle appartient à quelque fin que ce soit, l'un quelconque des procès-verbaux de mesures complémentaires de saisie-contrefaçon dressés dans les locaux de la société Cisco Systems France en exécution des ordonnances rétractées, et ce sous astreinte provisoire de 100 000 euros par infraction constatée à compter de l'arrêt à intervenir,
- se réserver la liquidation de l'astreinte,
À titre subsidiaire, à défaut de réformation de l'ordonnance de référé-rétractation du président du tribunal judiciaire de Paris du 27 octobre 2023 (N° RG 23/09838) en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à rétractation des ordonnances rendues les 4 et 10 juillet 2023 :
- réformer l'ordonnance de référé-rétractation du président du tribunal judiciaire de Paris du 27 octobre 2023 (N° RG 23/09838) de ses chefs énoncés ci-après :
« - ordonnons la remise physique des pièces saisies et placées sous séquestre les 5, 12 et 13 juillet 2023 dans les locaux de la société Cisco Systems France par Me [X] [W] à l'avocat de la société Centripetal Limited sur une clé USB cryptée certifiée CSPN,
- disons que l'accès à ces pièces sera limité :
- à l'avocat constitué de chaque partie (et ses collaborateurs ou salariés du cabinet informés des obligations découlant des dispositions de l'article L.153-2 du code de commerce),
- à un conseil en propriété industrielle (et ses collaborateurs ou salariés du cabinet informés des obligations découlant des dispositions de l'article L.153-2 du code de commerce) assistant chaque partie,
- à une personne physique représentant chaque partie, informée des obligations découlant des dispositions des articles L.153-2 du code de commerce et 226-13 du code pénal,
- autorisons Me Martin, avocat de la société Centripetal Limited, à réaliser une reproduction des pièces saisies sur une clef cryptée pour chacun des membres du cercle ainsi constitué,
- rejetons les demandes plus amples ou contraires,
- condamnons les sociétés Cisco Systems Inc. et Cisco Systems France aux dépens, qui pourront être recouvrés par la SCP August & Debouzy et Associés Avocats dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamnons les sociétés Cisco Systems Inc. et Cisco Systems France à payer à la société Centripetal Limited la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. »
Et statuant à nouveau sur les mesures de protection du secret des affaires :
- dire et juger que les pièces saisies dans les locaux de la société Cisco Systems France les 5, 12 et 13 juillet 2023 sont confidentielles et couvertes ou susceptibles d'être couvertes par le secret des affaires ; à défaut, dire et juger que ces pièces seront maintenues sous séquestre provisoire entre les mains de Me [X] [W], commissaire de justice, et fixer un délai aux sociétés Cisco Systems Inc. et Cisco Systems France pour effectuer les démarches prévues à l'article R.153-3 du Code de commerce afin de garantir le maintien de la confidentialité des pièces saisies et la protection des secrets d'affaires qu'elle contiennent,
- ordonner à la société Centripetal Limited de constituer une garantie de 10 000 000 euros déposée à la Caisse des dépôts et consignations ou entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris constitué séquestre, ou une garantie à première demande de ce même montant émise par un établissement bancaire français au bénéfice des sociétés Cisco Systems, Inc. et Cisco Systems France, ladite garantie étant destinée à couvrir tout ou partie des condamnations encourues par la société Centripetal Limited si son action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les saisies contrefaçon ou mesures complémentaires annulées, et/ou en cas de divulgation ou utilisation illicite des secrets d'affaires des sociétés Cisco Systems, Inc. et Cisco Systems France contenus dans les pièces saisies,
- dire et juger que la mainlevée du séquestre provisoire des pièces saisies et leur communication à la société Centripetal Limited selon les modalités définies ci-après est conditionnée à la constitution de la garantie susvisée dans un délai de 30 jours à compter de l'arrêt à intervenir, ce dont il devra être préalablement justifié auprès de Me [X] [W], commissaire de justice à [Localité 10], qui en dressera procès-verbal communiqué aux avocats des parties,
- ordonner la restitution immédiate à la société Cisco Systems France de l'intégralité des informations, documents, équipements, pièces et éléments saisis dans ses locaux les 5, 12 et 13 juillet 2023 par Me [X] [W], commissaire de justice à [Localité 10], à défaut de constitution par la société Centripetal Limited de la garantie susvisée dans le délai prescrit,
- ordonner qu'en cas de constitution de la garantie susvisée par la société Centripetal Limited, la remise des pièces saisies à l'avocat de cette dernière par Me [X] [W], Commissaire de justice à [Localité 10], soit effectuée en mains propres sur une clé USB cryptée certifiée CSPN, ce dont il sera dressé procès-verbal communiqué aux avocats des parties,
- ordonner la destruction par Me [X] [W], Commissaire de justice à [Localité 10], après confirmation par l'avocat de la société Centripetal Limited de la bonne réception des pièces saisies, de tous supports physiques ou électroniques (clés USB) contenant les pièces saisies, ce dont il sera dressé procès-verbal communiqué aux avocats des parties,
- ordonner la conservation des pièces saisies sur la clé USB cryptée certifiée CSPN dans les locaux du cabinet de l'avocat de la société Centripetal Limited, lesdites pièces et leur contenu ne devant faire l'objet d'aucune reproduction, numérisation, représentation ou diffusion par quelque moyen que ce soit, à l'exception de ce qui sera strictement nécessaire pour leur communication à la juridiction française dans le cadre de la procédure au fond concernant la contrefaçon alléguée de la partie française du brevet EP 2 944 065,
- dire et juger que l'accès aux pièces saisies sera limité, dans les locaux du cabinet de l'avocat de la société Centripetal Limited :
- à l'avocat constitué de chaque partie dans la présente instance (et un nombre limité de collaborateurs ou salariés de son cabinet, placés sous sa supervision directe et informés des obligations découlant des dispositions de l'article L.153-2 du code de commerce),
- à un conseil en propriété industrielle français (et un nombre limité de collaborateurs ou salariés de son cabinet, placés sous sa supervision directe et informés des obligations découlant des dispositions de l'article L.153-2 du code de commerce) assistant chaque partie,
- à une personne physique représentant chaque partie, informée des obligations découlant des dispositions des articles L.153-2 du code de commerce et 226-13 du code pénal,
- dire et juger que chacune des personnes autorisées par la présente ordonnance à accéder aux pièces saisies dans les locaux du cabinet de l'avocat de la société Centripetal Limited devra préalablement s'engager par écrit à ne divulguer aucun des éléments issus des pièces saisies et à n'en faire usage que pour les besoins du litige en contrefaçon de la partie française du brevet EP 2 944 065 devant les juridictions françaises, la copie de chaque engagement écrit devant être communiquée aux avocats des parties,
- dire et juger que dans le cadre de la procédure au fond, les avocats des parties devront préparer et signifier deux versions de leurs conclusions, à savoir :
- une version confidentielle dont toutes les pages seront revêtues de la mention "Confidentiel accès restreint ' arrêt de la cour d'appel de Paris, Pôle 5, Chambre 2, n° RG 23/17701 - article L.153-2 du code de commerce", dans laquelle tous les passages faisant état d'une pièce saisie ou de son contenu seront identifiés de manière visible par mise en surbrillance, et qui ne pourra être communiquée qu'aux membres du cercle de confidentialité,
- une version non confidentielle, dans laquelle tout passage faisant état d'une pièce saisie ou de son contenu aura été biffée,
- dire et juger que dans un délai maximum de 60 jours à compter de la date à laquelle la procédure au fond sera définitivement terminée, l'avocat de la société Centripetal Limited devra adresser à celui des sociétés Cisco Systems France et Cisco Systems, Inc. une attestation de destruction de la clé USB cryptée certifiée CSPN contenant les pièces saisies et de tous documents (notamment conclusions) faisant état de leur contenu, cette obligation de destruction ne s'étendant cependant pas aux supports constituant le dossier que l'avocat de la société Centripetal Limited est légalement tenu de conserver dans ses archives, à condition que le maintien de leur confidentialité soit expressément garanti dans l'attestation susvisée,
En toute hypothèse :
- débouter la société Centripetal Limited de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Centripetal Limited aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés par la SAS SPE Bardehle Pagenberg, Avocats au Barreau de Paris, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- condamner la société Centripetal Limited sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer à chacune des sociétés Cisco Systems, Inc. et Cisco Systems France la somme de 50 000 euros au titre de la première instance, et la somme de 50 000 euros au titre de l'instance d'appel.
La société Centripetal Limited a constitué avocat mais n'a pas notifié de conclusions.
Sur la demande de réformation de l'ordonnance de référé et de rétractation des ordonnances sur requêtes des 4 et 10 juillet 2023
Les sociétés Cisco invoquent six moyens à l'appui de leur demande de rétractation des ordonnances :
- le défaut de qualité pour agir de la société Centripetal Limited ;
- l'illicéité des mesures de saisie extraterritoriales au préjudice d'un tiers ;
- la déloyauté de la société Centripetal Limited dans la présentation des éléments de fait et de droit utiles au juge des requêtes ;
- la violation du principe de la contradiction ;
- l'absence d'obstruction aux opérations de saisie-contrefaçon initiales ;
- les astreintes injustifiées et excessives.
Sur le défaut de qualité à agir de la société Centripetal Limited
Les sociétés Cisco soulèvent à l'appui de leur demande de rétractation des ordonnances sur requête en date des 4 et 10 juillet 2023 le défaut de qualité de la société Centripetal Limited à requérir les saisies-contrefaçon. Elles font valoir que cette dernière ne peut valablement se prévaloir de la qualité de propriétaire du brevet, l'acte de cession du 27 janvier 2023 comme « l'acte confirmatif de cession » du 11 avril 2023 inscrit au registre national des brevets étant nuls et en tout état de cause inopposables.
Les sociétés Cisco soutiennent que la société Centripetal Limited n'avait pas qualité à requérir les saisies-contrefaçon en raison de la nullité et de l'inopposabilité de l'acte de cession en date du 27 janvier 2023 de la partie française du brevet EP 065, et de la nullité et de l'inopposabilité de "l'acte confirmatif de cession France" du 11 avril 2023 ainsi que de son inscription au registre national des brevets, cet acte confirmatif ayant un caractère frauduleux, car destiné à occulter la nullité de l'acte de cession du brevet.
Elles considèrent qu'en application des dispositions des articles 4, 19 et 22 du règlement CE n°593/2008 du 17 juin 2008 (Rome I), les parties n'étant désignées dans l'acte de cession que par leur dénomination sociale, le pays et la résidence de celles-ci ne sont pas identifiables et qu'en conséquence la législation française est applicable au contrat s'agissant de la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits.
Elles en déduisent que l'acte de cession est nul en l'absence des mentions essentielles d'identification des parties, ce qui constitue un manquement à l'exigence de l'écrit prévue par l'article L. 613-8 du code de la propriété intellectuelle. Elles ajoutent que l'acte de cession est également nul car il ne comporte pas de prix déterminé et constitue donc une donation qui doit être passée devant notaire à peine de nullité (article 931 du code civil) et ne peut être confirmé (article 931-1 du même code). Elles font en outre valoir qu'en l'absence d'enregistrement de cet acte auprès de l'administration fiscale, il n'a pas date certaine à l'égard des tiers et ne leur est pas opposable en France. Elles concluent que cet acte n'a pas valablement emporté transfert de la propriété de la partie française du brevet EP 065 à la société Centripetal Limited.
Les sociétés Cisco ne forment pas dans le dispositif de leurs écritures de demande de nullité ou d'inopposabilité de l'acte de cession du brevet. Elles considèrent toutefois que c'est en raison des vices rédhibitoires affectant cet acte du 27 janvier 2023 au regard de la loi française qu'a été frauduleusement établi l'acte confirmatif de cession en France du 11 avril 2023, signé par des personnes physiques sans pouvoir, au nom de sociétés dont l'identité est incertaine et dont l'objet de la contrepartie n'est pas le même. Elles considèrent cet acte nul et en tout cas inopposable.
La requête aux fins de mesures complémentaires à une saisie-contrefaçon de brevet présentée par la société Centripetal Limited le 9 juin 2023 se réfère aux opérations de saisies-contrefaçon du 8 juin 2023 auxquelles la société Cisco Systems France aurait fait obstruction. La requête du 6 juillet 2023 suivant vise tant les opérations de saisie-contrefaçon du 8 juin 2023 que les opérations complémentaires effectuées le 5 juillet 2023 dénonçant à nouveau une volonté d'obstruction de la société Cisco Systems France aux mesures ordonnées et sollicitant que celles-ci soient assorties d'une astreinte.
La société Centripetal Limited se présente comme cessionnaire de la partie française du brevet EP 065. Ce titre a été délivré au nom de la société Centripetal Networks Inc, devenue la société Centripetal Networks LLC selon certificat de conversion en date du 17 octobre 2022 inscrit au registre national des brevets le 20 avril 2023, laquelle a cédé la propriété de la partie française du brevet EP 065 à la société Centripetal Limited , selon acte confirmatif de cession du 11 avril 2023 inscrit au registre national des brevets le 20 avril 2023.
L'acte confirmatif de cession du 11 avril 2023 inscrit au registre national des brevets le 20 avril 2023 est conclu entre la société Centripetal Networks LLC, société organisée selon l'Etat du Delaware, cédante, et la société Centripetal Limited, société organisée et régie selon les lois de l'Irlande, cessionnaire. Il rappelle que le cédant est le propriétaire des brevets visés en annexe (cette annexe visant le brevet EP 065), que les parties ont conclu un contrat de cession le 27 janvier 2023 par lequel le cédant cède au cessionnaire tous les droits, titres et intérêts pour et sur les brevets au cessionnaire, que la cession précitée est entrée en vigueur le 27 janvier 2023 et qu'il a été convenu que « En contrepartie de la somme de 1 euro, dont le cédant confirme par la présente qu'il a accédé et transféré au cessionnaire, ses successeurs et ayants droits, le janvier 27, 2023, tous les droits, titres et intérêts sur les brevets avec la réputation acquise par les activités représentées et symbolisées par les brevets ce que le cessionnaire a accepté ». Cet acte confirmatif est signé pour chacune des parties par un fondé de pouvoir.
Selon les pouvoirs du 27 mars 2023 fournis au débat (pièces AD 3.1.10 et 3.1.10 bis) qui ne sont pas utilement contestés par les sociétés Cisco, tant Mme [C] [M] que Mme [I] [P], signataires de l'acte confirmatif de cession, avaient reçu valablement délégation de pouvoir de la part des sociétés Centripetal Networks LLC et Centripetal Limited pour signer cet acte confirmatif en qualité de fondé de pouvoir aux fins d'inscription au registre national des brevets.
L'acte de cession du brevet conclu entre la société Centripetal Networks LLC et la société Centripetal Limited en date du 27 janvier 2023 fourni en cours de procédure devant le juge de la rétractation et dont la traduction en français n'est pas discutée, ne comporte pas l'adresse des parties et indique que « moyennant une contrepartie bonne et valable, dont la réception et la suffisance sont reconnues par les présentes, le cédant, dans le but d'être lié juridiquement, fait ce qui suit : transfère et cède, de manière complète, irrévocable et exclusive à Centripetal Limited, tous les droits, titres et intérêts relatifs aux brevets et aux droits connexes ... ». Cet acte ne désigne pas la loi applicable au contrat. Il a été inscrit au registre des brevets allemands pour la cession de la partie allemande du brevet EP 065.
Le contrat de cession du 27 janvier 2023 indique bien l'identité des parties contrairement à ce que soutiennent les sociétés Cisco, aucun doute sur celle de la société cédante n'étant caractérisé, la société Centripetal Networks LLC anciennement Centripetal Networks Inc., déposant du brevet, étant bien une société incorporée dans l'Etat du Delaware ainsi que précisé dans l'acte confirmatif de cession, aucune ambigüité en lien avec l'existence non établie d'une société des îles vierges américaines n'étant démontrée. Cet acte ne se limite pas à la cession de la partie française du brevet EP 065 mais concerne également sa partie allemande ainsi que d'autres brevets australien et canadien.
L'article 4 du règlement Rome I prévoit :
« 1. À défaut de choix exercé conformément à l'article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit:
a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle;
b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle; (...)
2. Lorsque le contrat n'est pas couvert par le paragraphe 1 ou que les éléments du contrat sont couverts par plusieurs des points a) à h) du paragraphe 1, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle.
3. Lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique.
4. Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. »
Un contrat de cession de brevet est un contrat de vente de bien incorporel qui est exclu des dispositions de l'article 4.1 a) qui visent la vente de bien, étant acquis que la notion de « vente de bien » vise la « vente de marchandises » (considérant 17 du règlement qui renvoie à l'article 5 § 1 du règlement Bruxelles I). En outre, les dispositions de l'article 4.1 b) qui visent le contrat de prestation de service n'apparaissent pas applicables au contrat de cession de brevet, le titulaire du droit n'accomplissant aucune prestation lorsqu'il cède un droit de propriété industrielle (arrêt Falco CJUE C-533/07 du 23 avril 2009).
Aussi, pour déterminer la loi applicable au contrat, il convient de se référer aux dispositions de l'article 4.2 du règlement Rome I qui renvoient à la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle. La prestation caractéristique pour laquelle le paiement est dû étant la cession des brevets, la loi applicable est celle du pays dans lequel la société Centripetal Networks a sa résidence habituelle, soit les Etats-Unis d'Amérique et plus précisément l'Etat du Delaware.
Les sociétés Cisco ne démontrent pas que le contrat de cession du 27 janvier 2023 est irrégulier au regard de la loi américaine applicable au contrat et notamment que la « good and valuable consideration » ne serait pas une contrepartie.
L'acte de cession est bien constaté par écrit ainsi que l'exigent les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 613-8 du code de la propriété intellectuelle, dont les dispositions s'appliquent en tout état de cause, et qui prévoient, que « les actes comportant une transmission ou une licence, visés aux deux premiers alinéas, sont constatés par écrit, à peine de nullité ».
En conséquence, les sociétés Cisco échouent à démontrer que l'acte de cession de la partie française du brevet EP 065 est nul et que le transfert des droits sur ce brevet à la société Centripetal Limited n'est pas valable.
L' acte « confirmatif de cession France » du 11 avril 2023 vise l'acte de cession du 27 janvier 2023, concerne les mêmes parties déterminées, les sociétés Centripetal Networks LLC et Centripetal Limited, et confirme la cession de la partie française du brevet EP 065 visé à l'acte de cession. La contrepartie de la cession d'un euro prévue à l'acte confirmatif n'est pas contradictoire avec une « good and valuable consideration » précisée au contrat de cession et visent les mêmes brevets.
Il ne peut être déduit comme le font les sociétés Cisco sans le démontrer que l'acte « confirmatif de cession » a été inscrit en France en lieu et place de l'ace de cession du 27 janvier 2023, pourtant inscrit au registre allemand des brevets, car ce dernier aurait été refusé par l'INPI.
Au vu de ce qui précède, le caractère frauduleux de l'acte confirmatif de cession n'est pas caractérisé par les sociétés Cisco qui ne font pas valablement valoir que cet acte confirmatif est destiné à occulter les vices rédhibitoires de l'acte de cession du 27 janvier 2023 au regard du droit français, qu'elles échouent à établir.
L'acte confirmatif de cession régulièrement inscrit au registre national des brevets est suffisant pour justifier de la qualité à agir de la société Centripetal Limited en contrefaçon de brevet à compter de la cession et partant à présenter les requêtes en saisie-contrefaçon en date du 16 mai 2023, puis celles en date des 9 juin et 6 juillet 2023.
Le moyen tiré du défaut de qualité à agir de la société Centripetal Limited invoqué par les sociétés Cisco au soutien la rétractation des ordonnances sur requête des 4 et 10 juillet 2023 ne sera donc pas accueilli.
Sur l'illicéité des mesures ordonnées
Selon les sociétés Cisco, il était acquis lors de la présentation des requêtes par la société Centripetal Limited les 9 juin et 6 juillet 2023, que l'essentiel de la documentation technique concernant les équipements Cisco argués de contrefaçon ainsi que le code source des logiciels qu'ils utilisent, sont stockés sur des serveurs informatiques de la société Cisco Systems Inc. non situés en France.
Elles en déduisent qu'une mesure de saisie à portée extraterritoriale visant des éléments de preuve détenus hors de France par une société américaine tierce à la procédure excède les pouvoirs du juge des requêtes français et ne pouvait être mise en 'uvre que dans les conditions prévues par la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale qui lie la France et les Etats-Unis. Elles invoquent également les dispositions de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication des documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères (dite « loi de blocage »). Elles ajoutent que la société Centripetal Limited a volontairement omis d'informer le au juge des requêtes de l'existence d'une ordonnance de protection du juge américain en date du 12 février 2019 pour lui dissimuler la portée extraterritoriale des mesures ordonnées.
Pour autant, les dispositions permettant l'accès aux preuves de la contrefaçon et notamment l'accès au code source (point 4 de l'ordonnance du 4 juillet et point 6 de l'ordonnance du 10 juillet) mentionnent que cet accès devait pouvoir être effectué depuis les locaux de la société Cisco Systems France sis sur le territoire national, à partir des postes de ses préposés au moyen de code dont ils seraient titulaires, et ne visent pas directement des éléments de preuve détenus hors de France par une société américaine non partie à la procédure. Les informations étant accessibles depuis la France, il n'y a donc pas de contournement de l'ordonnance de protection américaine ni méconnaissance des traités internationaux sur l'obtention de la preuve à l'étranger auxquels la France est partie.
De même aucune atteinte aux dispositions de la loi du 26 juillet 1968 qui sont applicables à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires étrangères n'est démontrée.
En effet, si la société Centripetal Limited a reconnu dans le cadre d'une précédente instance, être intéressée par la communication du code source dans une procédure allemande en cours et portant sur la contrefaçon de la partie allemande du brevet européen en cause, aucun élément ne vient démontrer que l'action engagée en France est à cette seule fin. Bien que la procédure introduite en France soit postérieure de quelques années à celle initiée en Allemagne, il n'en demeure pas moins que cette procédure a pour objet des actes commis sur le territoire français par la société Cisco Systems France, qui n'est pas partie à la procédure allemande, et qui seraient susceptibles de porter atteinte à la partie française du brevet EP 065. Une action au fond étant par ailleurs engagée conformément aux textes applicables.
L'objectif unique de la présente procédure dénoncé par les sociétés Cisco que serait l'utilisation dans le procès en Allemagne des éléments obtenus dans le cadre des saisies-contrefaçon en France n'est donc pas établi.
En conséquence, l'illicéité des mesures ordonnées n'est pas caractérisée.
Ce moyen présenté à l'appui de la demande de rétractation des ordonnances sur requête ne sera pas non plus retenu.
Sur la déloyauté des requêtes aux fins de saisie-contrefaçon
Les sociétés Cisco font valoir que pour requérir les 9 juin et 6 juillet 2023 les mesures probatoires complémentaires à la saisie-contrefaçon, la société Centripetal Limited a invoqué et produit comme pièces ses précédentes requêtes aux fins de saisie-contrefaçon du 16 mai 2023 qui sont viciées par une présentation déloyale des éléments de fait et de droit qui étaient nécessaires pour que le juge des requêtes puisse prendre des décisions éclairées. Elles considèrent que ces requêtes sont empreintes de déloyauté qui consiste dans la dissimulation de la situation capitalistique et financière de la requérante et de la présentation inexacte et trompeuse des procès parallèles en cours aux Etats-Unis et en Allemagne.
En application de l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle lu à la lumière de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, le requérant à une mesure de saisie-contrefaçon doit faire preuve de loyauté dans l'exposé des faits au soutien de sa requête, afin de permettre au juge d'autoriser une mesure proportionnée.
Les sociétés Cisco considèrent en premier lieu que la société Centripetal Limited aurait dissimulé son état d'insolvabilité au juge des requêtes qui, s'il l'avait connu, n'aurait pas manqué de subordonner l'exécution des mesures ordonnées à la constitution de garanties pour les indemniser en cas de rétractation des ordonnances sur requête ou de rejet des actions en contrefaçon.
Le quatrième alinéa de l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit que la juridiction « peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée. »
Pour autant, la non révélation de difficultés financières rencontrées par la société Centripetal Limited, à supposer avérées, n'est pas suffisante à caractériser la déloyauté de la société requérante, cet élément n'étant pas de nature à permettre au juge d'appréhender les enjeux du procès en vue duquel lui était demandée cette autorisation et ainsi d'exercer pleinement son pouvoir d'appréciation des circonstances de la cause. Le juge des requêtes apprécie la nécessité d'ordonner la constitution de garanties non en fonction de la solvabilité de la requérante mais du dommage éventuellement encouru par le saisi en raison de l'exécution des mesures ordonnées dans le cas où les opérations de saisies seraient annulées ou l'action en contrefaçon rejetée.
Les sociétés Cisco invoquent également la présentation déloyale des procédures parallèles en contrefaçon de brevet aux Etats-Unis et en Allemagne.
Les requêtes en date des 9 juin et 6 juillet 2023 visent (point 4) les requêtes en date du 16 mai 2023 qui précisent au point 14 que pour la pleine information du président il est utile de rappeler le contexte contentieux en cours entre la société Centripetal et les différentes entités du groupe Cisco aux Etats-Unis et en Allemagne
Les sociétés Cisco considèrent tout d'abord que la présentation du jugement américain du tribunal de Virginie du 5 octobre 2020 devant le juge des requêtes est déloyale dès lors que cette décision a été annulée par la cour d'appel des Etats-Unis pour le circuit fédéral notamment en raison du refus du juge de se récuser alors qu'il était en conflit d'intérêts.
Les requêtes en saisie-contrefaçon précitées font état du jugement de la US district court of Virginia en date du 5 octobre 2020 qui a notamment reconnu la contrefaçon par les sociétés Cisco du brevet US 806 et alloué à la société Centripetal Networks Inc. la somme de 1,9 milliards de dollars dont 1,1 milliards de dollars de dommages et intérêts. Il est néanmoins précisé que par décision du 23 juin 2022 la cour d'appel des Etats Unis pour le circuit fédéral a annulé ce jugement aux motifs que le juge de première instance aurait dû se récuser dès qu'il a eu connaissance de sa situation de conflit d'intérêt.
L'évocation de cette décision américaine annulée même si celle-ci doit être considérée comme n'ayant pas existé, ne peut en soit être considérée comme un procédé déloyal dans la mesure où cette nullité et les raisons de celle-ci sont bien précisées dans la requête, le juge des requêtes étant alors pleinement informé du contexte procédural étranger afin d'apprécier les mesures sollicitées et leur proportionnalité. La circonstance que la société Centripetal Limited a précisé que la nullité du jugement du 5 octobre 2020 est due à un « motif purement formel et n'est pas liée au bien-fondé de l'action en contrefaçon » ne ressort pas plus d'une présentation déloyale de la procédure américaine alors que le « motif purement formel », soit la situation de conflit d'intérêt du premier juge, est bien précisé dans la requête et que la décision de la cour d'appel est fournie, permettant ainsi au juge des requêtes d'en apprécier la portée, la cour d'appel qui a annulé le jugement et renvoyé l'affaire devant un nouveau juge ne s'étant pas prononcée sur le fond du litige.
Aucune déloyauté de la société Centripetal Limited ne peut en conséquence être déduite de l'évocation de la décision annulée qu'est le jugement de la US district court of Virginia en date du 5 octobre 2020.
Les sociétés Cisco soutiennent également que la requête de la société Centripetal Limited présentée devant le juge français visait en fait à contourner le refus par les juridictions allemande et américaine de sa demande tendant à ordonner la production forcée du code source dans le cadre de la procédure initiée en Allemagne. Elles reprochent à la société Centripetal Limited d'avoir dissimulé au juge des requêtes l'ordonnance de la cour d'appel de Düsseldorf du 9 mars 2023 et du tribunal du district nord de Californie du 26 avril 2023 qui ont refusé la communication forcée des codes sources de Cisco pour le procès en Allemagne.
Selon les requêtes en saisie-contrefaçon du 16 mai 2023, la société Centripetal Limited expose que celles-ci ont pour objet de réunir les preuves de la contrefaçon en France du brevet EP065 par la société Cisco Systems France qui commercialise des produits qui semblent en tout point identiques à ceux vendus aux Etats-Unis et en Allemagne.
Elle évoque à ce stade la procédure devant le juge allemand, et fait état de la décision du 10 décembre 2021 du tribunal régional de Düsseldorf qui a rejeté sa demande en contrefaçon et de l'ordonnance du 9 mars 2023 du tribunal supérieur de Düsseldorf, saisi en appel, qui a nommé un expert pour que celui-ci se prononce sur la reproduction des revendications 1, 14 et 15 du brevet EP 065 vis-à-vis des produits Cisco visés à la procédure en sollicitant toute mesures utiles des parties. Elle mentionne également l'opinion préliminaire du 1er février 2023 de la cour fédérale des brevets saisie de la validité de la partie allemande du brevet EP 065 qui considèrerait, selon elle, que l'appréciation restrictive du tribunal de Düsseldorf est erronée.
La circonstance que la requête ne précise pas que l'ordonnance du 9 mars 2023 du tribunal supérieur de Düsseldorf précitée rejette sa demande visant à contraindre la société Cisco Systems Inc. à produire le code source des logiciels des équipements Cisco argués de contrefaçon, ni ne mentionne l'ordonnance du tribunal du district nord de Californie du 26 avril 2023 qui a refusé la communication forcée des codes sources de Cisco pour le procès en Allemagne, ne témoigne pas d'une dissimulation par la société Centripetal Limited au juge des requêtes français que la finalité de la procédure ex parte en France est la collecte de preuves destinées au procès initié en Allemagne par la société Centripetal contre la société Cisco Systems Inc. non partie à la procédure française, ce pour contourner les refus suscités.
En effet, et ainsi qu'il a été rappelé ci-avant, si la société Centripetal Limited a reconnu dans le cadre de la procédure en rétractation formée contre les ordonnances du 17 mai 2023, être intéressée par la communication du code source dans la procédure allemande en cours, aucun élément ne vient démontrer que l'action engagée en France est à cette seule fin ce que la requérante aurait volontairement caché au juge des requêtes pour l'instrumentaliser. Bien que la procédure introduite en France soit postérieure de quelques années à celles initiées aux Etats-Unis et en Allemagne, il n'en demeure pas moins que cette procédure a pour objet des actes commis sur le territoire français par la société Cisco Systems France, qui n'est pas partie à la procédure allemande, et qui seraient susceptibles de porter atteinte à la partie française du brevet EP 065. Une action au fond est par ailleurs engagée conformément aux textes applicables.
Aucune déloyauté dans la présentation des faits susceptibles d'influencer le sens de la décision qui a été rendue par le juge des requêtes n'est donc caractérisée à ce titre, le refus de la communication forcée du code source dans le cadre de la procédure allemande, les juges allemands considérant que cette communication à l'expert désigné était pour l'heure inutile, étant indifférent au juge des requêtes français pour apprécier l'opportunité et l'étendue des mesures sollicitées en France.
Les sociétés Cisco invoquent également la dissimulation par la société Centripetal Limited de l'ordonnance de protection des codes sources de leurs logiciels rendue par le tribunal de district de Virginie le 12 février 2019, ce pour éviter que le juge des requêtes français ne prenne la même décision que les juges américain et allemand qui avaient quant à eux connaissance de cette ordonnance de protection. Elles soutiennent que si le juge des requêtes avait été informé de cette ordonnance américaine de protection, il aurait compris que le code source dont la société Centripetal Limited sollicitait la saisie dans les locaux de la société Cisco Systems France était en réalité stocké sur des serveurs aux Etats-Unis où il bénéficiait de l'ordonnance de protection dans des conditions telles que les sociétés Centripetal Networks Inc. comme Centripetal Limited n'y ont pas accès et que la procédure française était détournée de sa finalité légitime.
Les informations données au juge des requêtes concernant le contexte du litige, et notamment de l'existence d'un conflit opposant le groupe Centripetal au groupe Cisco, groupes internationaux, ce dans plusieurs Etats, étaient suffisantes pour que le juge des requêtes ait déjà connaissance du caractère multilatéral du litige et de la portée des mesures qu'il enjoignait en particulier s'agissant de la potentielle confidentialité des informations dont il ordonnait la saisie et pour prendre les dispositions nécessaires à la préservation de ces informations par le placement sous séquestre sans pour autant que les mesures ainsi décidées aient une portée extraterritoriale.
En outre, ainsi qu'il a été précédemment relevé, les dispositions permettant l'accès aux preuves de la contrefaçon et notamment l'accès au code source devait être effectué depuis les locaux de la société Cisco Systems France sis sur le territoire national et ne visent pas directement des éléments de preuve détenus hors de France par une société américaine non partie à la procédure. Les informations étant accessibles depuis la France, il n'y a donc pas de contournement de l'ordonnance de protection américaine ni méconnaissance des traités internationaux sur l'obtention de la preuve à l'étranger auxquels la France est partie.
La connaissance par le juge des requêtes de l'ordonnance de protection du tribunal de district de Virginie en date du 12 février 2019, qui est liée au fait que la société Cisco a été forcée de produire son code source aux Etats-Unis et dont il ne ressort pas expressément que le code source est détenu par une entité sise aux Etats-Unis, n'aurait donc pas eu de conséquence sur la décision du juge des requêtes et la portée des mesures ordonnées notamment quant à la possibilité de l'accès à distance depuis la société Cisco sise France à des serveurs du groupe situés à l'étranger sous contrôle du commissaire de justice instrumentaire.
Le moyen présenté par les sociétés Cisco à l'appui de leur demande de rétractation des ordonnances sur requête fondé sur la déloyauté de la présentation desdites requêtes ne sera pas accueilli.
Sur la violation du principe de la contradiction
Les sociétés Cisco soutiennent que les articles 845 et 493 du code de procédure civile réservent la procédure sur requête aux cas spécifiés par la loi et aux cas de mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.
Elles considèrent alors que les mesures complémentaires aux saisies-contrefaçon du 8 juin 2023 sollicitées par la société Centripetal Limited au fondement de l'article R. 615-7 du code de la propriété intellectuelle dans les requêtes des 9 juin et 6 juillet 2023 au vu desquelles sont rendues les ordonnances des 4 et 10 juillet 2023 n'entrent dans aucune de ces catégories.
Selon les dispositions de l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle :
« La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.
A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers. (...) »
L'article R. 615-7 du code de la propriété intellectuelle prévoit que : « Le président du tribunal peut ordonner, au vu du procès-verbal de saisie, toute mesure de nature à compléter la preuve des actes de contrefaçon allégués. »
Ce dernier article est contenu dans la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle à la section 3 « mesures probatoires » du chapitre V « actions en justice ».
Il résulte de ces textes que la saisie-contrefaçon étant ordonnée sur requête, c'est dans ces mêmes formes que la partie saisissante est en droit d'agir sur le fondement de l'article R. 615-7 du code de la propriété intellectuelle, aux seules conditions énoncées par ce texte, afin d'obtenir que des mesures complémentaires à cette saisie soient ordonnées aux fins de prouver les actes de contrefaçon reprochés.
La circonstance que la société Cisco Systems France a saisi le juge des référés en rétractation de la première ordonnance de saisie-contrefaçon du 17 mai 2023 est à cet égard indifférente.
Aucune violation du principe de la contradiction n'est ainsi caractérisée.
Sur l'absence d'obstruction aux opérations de saisie-contrefaçon initiales
Les sociétés Cisco soutiennent que la société Cisco Systems France n'a pas fait obstruction aux opérations de saisie-contrefaçon du 8 juin 2023 ni à celles tendant aux mesures complémentaires du 5 juillet 2023, et que la société Centripetal Limited a ainsi obtenu les ordonnances de mesures complémentaires les 4 et 10 juillet 2023 grâce à une présentation trompeuse, le juge ayant cru que les précédentes opérations ont été infructueuses.
Néanmoins, ainsi que l'a relevé le juge des référés, la société Centripetal Limited a fourni au soutien des requêtes des 9 et 6 juillet 2023, l'ensemble des procès-verbaux de saisie-contrefaçon du 8 juin et du 5 juillet 2023 permettant ainsi au juge des requêtes, au vu des constatations du commissaire de justice, de vérifier les faits d'obstruction (délais d'attente, évacuation des locaux parisiens, refus purs et simples ou restrictions d'accès informatique, consignes circulées aux employés de se taire, ordinateurs repris alors que les recherches apparaissaient donner des résultats, renvoi aux comptes publics lors des recherches sur les volumes liés à la contrefaçon alléguée, indisponibilités des préposés travaillant en lien avec les dispositifs visés, réponses formatées des salariés présents), dénoncés par la société Centripetal Limited, étant rappelé qu'aux termes de l'article R. 615-7 du code de la propriété intellectuelle précité, les mesures de nature à compléter la preuve des actes de contrefaçon allégués sont ordonnées « au vu du procès-verbal de saisie ».
Il sera à cet égard relevé que chacun des faits qualifiés d'obstruction par la société Centripetal Limited dans ses requêtes correspondent à un paragraphe d'un procès-verbal de saisie-contrefaçon identifié dans ces requêtes, dans lequel le commissaire de justice instrumentaire relate les demandes qu'il présente et les réponses qui lui sont faites par les représentants de la société Cisco Systems France.
S'il est exact que lors des opérations de saisie-contrefaçon en date du 8 juin 2023 et des opérations complémentaires du 4 juillet suivant, le commissaire de justice instrumentaire a pu avoir accès à un certain nombre d'informations et de documents, il n'en demeure pas moins, ainsi qu'il ressort des procès-verbaux de saisie-contrefaçon examinés par la cour, qu'à plusieurs reprises, les préposés de la société Cisco Systems France présents sur les différents sites ont indiqué ne pas pouvoir avoir accès aux informations sollicitées, demandé des délais pour obtenir une autorisation de la société Cisco Systems Inc. sise aux Etats-Unis, notamment quant à l'accès à l'intranet, ou renvoyé le commissaire de justice à la consultation d'informations publiques particulièrement concernant les éléments financiers.
Aucune présentation inexacte tendant à tromper le juge des requêtes pour obtenir des mesures complémentaires n'est ainsi caractérisée par les sociétés Cisco. Les critiques des sociétés Cisco s'agissant de la rédaction des procès-verbaux de saisie-contrefaçon qu'elles estiment partiale sont inopérantes, la cour étant saisie d'une demande de rétractation des ordonnances sur requêtes et non d'une demande de nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon.
Ce moyen de rétractation doit également être rejeté.
Sur les astreintes injustifiées et excessives.
Les sociétés Cisco critiquent l'ordonnance du 10 juillet 2023 ordonnant de nouvelles mesures complémentaires, le juge des requêtes ayant assorti d'astreintes de 100 000 euros trois injonctions faites à la société Cisco Systems France (points 9, 10 et 13).
Ainsi que le relèvent les sociétés Cisco, ces astreintes étaient déjà sollicitées dans la requête précitée du 9 juin 2023 mais n'avaient pas été accordées par l'ordonnance du 4 juillet 2023.
La société Centripetal n'a pas relevé appel de cette ordonnance du 4 juillet 2023, les opérations complémentaires ayant été exécutées le 5 juillet 2023 dans les locaux de la société Cisco Systems France.
Au vu de ces dernières opérations, la société Centripetal a présenté une nouvelle requête le 6 juillet 2023 sur le fondement de l'article R. 615-7 du code de la propriété intellectuelle, les astreintes sollicitées ayant cette fois été accordées par le juge des requêtes par ordonnance du 10 juillet 2023.
Ainsi qu'il a été précédemment relevé par la cour, il résulte des dispositions de l'article L. 615-5 et R. 615-7 du code de la propriété intellectuelle que la saisie-contrefaçon étant ordonnée sur requête, c'est dans ces mêmes formes que la partie saisissante est en droit d'agir sur le fondement de l'article R. 615-7 du code de la propriété intellectuelle, aux seules conditions énoncées par ce texte, afin d'obtenir que des mesures complémentaires à cette saisie soient ordonnées, aucune circonstance fondant le requérant à ne pas appeler la partie adverse ne devant être caractérisée.
Aussi, le juge des requêtes pouvait contrairement à ce que soutiennent les sociétés Cisco ordonner ces astreintes sans motiver spécialement de dérogation au principe de la contradiction.
Les sociétés Cisco invoquent également le caractère infondé et disproportionné des astreintes ordonnées, l'obstruction invoquée par la société Centripetal Limited n'étant pas caractérisée et le montant démesuré des astreintes étant injustifié.
Le juge qui a rendu l'ordonnance sur requête peut la rétracter ou la modifier. Le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête est investi des attributions du juge qui l'a rendue et doit, après débat contradictoire, statuer sur les mérites de la requête.
Selon la requête en date du 6 juillet 2023, la société Centripetal Limited justifie les astreintes qu'elle sollicite par la soustraction de la société Cisco Systems France aux obligations qui découlaient des ordonnances de saisie-contrefaçon et leur montant par le quantum des dommages et intérêts alloués par la décision américaine annulée en appel (1,9 milliards de dollars US) ainsi que par le coût des opérations de saisie-contrefaçon contrariées.
Il résulte de ce qui précède que lors des opérations de saisie-contrefaçon des 8 juin 2023 et 5 juillet 2023, le société Cisco Systems France ne s'est pas opposée totalement aux opérations de saisie-contrefaçon, l'huissier instrumentaire ayant pu avoir accès à plusieurs documents qu'il a d'ailleurs saisis et placés sous séquestre provisoire, même si ces opérations ont été longues en raison des contacts pris aux Etats-Unis avec la société Cisco Systems Inc. afin d'obtenir certaines autorisations, ou partiellement fructueuses en raison de l'absence de certains salariés avec lesquels la personne présente sur les lieux a néanmoins tenté d'entrer en contact.
En conséquence, si les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations des saisies-contrefaçon du 8 juin 2023 et les opérations complémentaires du 5 juillet 2023 ont pu justifier une nouvelle ordonnance aux fins de mesures complémentaires à une saisie contrefaçon en date du 10 juillet 2023 précisant notamment les personnes à contacter ou les questions que peut poser le commissaire de justice aux dirigeants de la société Cisco Systems France, il ne ressort pas des procès-verbaux versés au débat que le manque de coopération de la société saisie justifie le prononcé d'une astreinte.
Les astreintes de 100 000 euros ordonnées par le juge des requêtes sont en conséquence non fondées et l'ordonnance du 10 juillet 2023 sera partiellement rétractée en ce qu'elle a assorti les injonctions prévues d'une astreinte de 100 000 euros par heure de retard pendant 4 heures aux points 9 et 10 de l'ordonnance et d'une astreinte de 100 000 euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance au point 13.
Sur les demandes de constitution de garantie et de renforcement de protection du secret des affaires
Les sociétés Cisco arguant de la confidentialité et la valeur commerciale des informations saisies lors des opérations de saisie-contrefaçon, font valoir les risques majeurs qu'elles encourraient en cas de divulgation de celles-ci par un tiers.
Devant le juge des référés, la société Centripetal Limited n'a pas discuté la confidentialité des pièces objets de la saisie-contrefaçon ayant elle-même sollicité le placement sous séquestre provisoire de ces éléments. Le juge des référés a ensuite, par l'ordonnance dont appel, mis en place un cercle de confidentialité après avoir ordonné la remise des pièces saisies.
Les sociétés Cisco demandent des mesures de protection complémentaires arguant du caractère particulièrement sensible des informations en cause et des graves conséquences qui découleraient de l'éventuelle divulgation de celles-ci par un tiers sans pour autant expliquer en quoi les mesures de protection mises en place par le juge des référés sont insuffisantes se contentant de faire référence aux mesures ordonnées par les juridictions américaines qu'elles estiment préférables car plus contraignantes ou celles qu'elles avaient proposées lors de leur tentative amiable ce à quoi s'oppose la société Centripetal Limited.
En conséquence, la mise en place du cercle de confidentialité telle que prévu dans l'ordonnance précitée conformément aux dispositions de l'article L. 153-2 du code de commerce, apparaît une mesure de protection raisonnable et suffisante à garantir la confidentialité des dits éléments, et il n'est pas justifié de la nécessité d'ordonner une constitution de garantie en préalable de la levée du séquestre provisoire, l'insolvabilité de la société Centripetal Limited, à supposer établie, étant à cet égard indifférente comme le caractère non fondé des actions en contrefaçon aux Etats-Unis et en Allemagne allégué par les sociétés Cisco, ou le renforcement des mesures de protection des éléments en cause.
Les demandes à ce titre des sociétés Cisco seront rejetées et l'ordonnance déférée confirmée.
Sur les autres demandes
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions de l'ordonnance concernant les dépens et les frais irrépétibles.
Les sociétés Cisco échouant en majeure partie dans leur recours, sont condamnées aux dépens d'appel et leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise sauf en sa disposition disant n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance rendue le 10 juillet 2023,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Ordonne la rétractation partielle de l'ordonnance sur requête en date du 10 juillet 2023 en ce qu'elle a prononcé une astreinte de 100 000 euros par heure de retard pendant 4 heures aux points 9 et 10 de ladite ordonnance et une astreinte de 100 000 euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance au point 13 de cette ordonnance,
Y ajoutant,
Rejette toutes autres demandes,
Rejette les demandes des sociétés Cisco Systems Inc. et Cisco Systems France au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne les sociétés Cisco Systems Inc. et Cisco Systems France aux dépens d'appel.