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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 29 octobre 2024, n° 21/03143

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Salvy-G (SCI)

Défendeur :

Arkose & Co (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

M. Norguet, Mme Penavayre

Avocats :

Me Trouvé, Me Villars-Cance

TJ Toulouse, du 1 juill. 2021, n° 21/024…

1 juillet 2021

EXPOSE DU LITIGE

La SCI SALVY-G est propriétaire d'un ensemble immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 6] ( d'une surface de 1960 m² environ) qu'elle loue à la société ARKOSE & CO anciennement dénommée THE WALL, suivant bail sous-seing privé du 14 mars 2019, pour y exploiter à titre principal,une activité de « salle de sport et de salle d'escalade et, à titre accessoire , une activité de kinésithérapie, ostéopathie, remise en forme, fitness et musculation, salle de yoga, bureau, organisation d'événements, formation et conseil, vente de matériel, équipements, vêtements, chaussures et accessoires de pratique sportive,restaurant et brasserie ( fabrication et vente de bières) » pour une durée de 9 ans moyennant un loyer principal annuel de 177 600 € TTC payable par mensualités égales le premier jour de chaque mois.

La société locataire a dû fermer son établissement en raison de l'état d'urgence sanitaire et du confinement ordonné par arrêté ministériel du 14 mars 2020 prorogé par différents décrets successifs pour lutter contre la propagation de l'épidémie du virus de la COVID-19 .

Par avenant du 18 juin 2020, la société bailleresse a consenti une franchise de loyer pour la période du 15 avril au 15 juin 2020, la société locataire devant reprendre le paiement des loyers à compter du 1er juillet 2020.

La SAS AROKOSE & CO a interrompu ses paiements au mois d'octobre 2020 en raison de nouvelles mesures gouvernementales ordonnant la fermeture des salles de sport à partir du 26 septembre 2020 jusqu'au 2 octobre 2020 puis du 12 octobre 2020 jusqu'au 9 juin 2021.

Les parties n'ayant pu s'accorder sur un nouveau protocole d'accord, la SCI SALVY-G a, par acte d'huissier du 28 octobre 2020 fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire en réclamant au locataire le loyer impayé du mois d'octobre 2020 (15 080,49 euros) et la taxe foncière de l'année 2020 d'un montant de 3631,20 euros.

Par acte d'huissier du 27 janvier 2021, la SCI SALVY-G a assigné la société locataire devant les juges des référés du Tribunal judiciaire de Toulouse pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail et obtenir le paiement des échéances impayées.

Par ordonnance du 13 avril 2021, le juge des référés a renvoyé les parties devant le tribunal statuant au fond au vu des contestations soulevées par la société défenderesse.

Par jugement du 1er juillet 2021,le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- fixé les loyers et charges dues par la SAS ARKOSE & CO à la SCI SALVY-G à la somme totale de 19 268,40 euros pour la période d'octobre 2020 à mai 2021 (représentant 10 % du montant des loyers et charges de la période)

- condamné la SAS ARKOSE & CO à payer à la SCI SALVY-G la somme de 19 268,40 euros au titre des loyers d'octobre 2020 à mai 2021, de la taxe foncière de 2020 et de la part de la cotisation foncière 2021

- accordé à la SAS ARKOSE & CO un délai de paiement de 1 mois à compter de la signification de la décision pour régler le loyer d'octobre 2020 d'un montant de 4378,20 euros ainsi que la taxe foncière 2020 d'un montant de 3631,20 euros

- dit que la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais joué si la locataire se libère des sommes dues au titre du loyer du mois d'octobre 2020 tel que fixé par la présente décision et de la taxe foncière 2020

- à défaut de paiement de ces sommes dans le délai, constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 28 novembre 2020 et en conséquence :

* ordonné la libération des lieux par la SAS ARKOSE & CO dès la signification du commandement de quitter les lieux et à défaut, son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec le concours d'un serrurier et de la force publique et l'enlèvement des meubles conformément aux dispositions des articles L433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution

- débouté la SAS ARKOSE & CO de sa demande de délais de paiement pour les autres sommes dues

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire qui est de droit

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- laissé chaque partie supporter la charge des dépens qu'elle a exposés.

Le tribunal a écarté successivement l'application de la loi du 14 novembre 2020, le bénéfice de la force majeure prévue par l'article 1218 du Code civil, l'exception d'inexécution fondée sur l'application des articles 1219, 1220 et 1719 du Code civil ,le régime de l'imprévision en l'état d'une clause contractuelle par laquelle les parties ont renoncé à se prévaloir de l'imprévision,la mauvaise foi du bailleur dans l'exécution contractuelle mais a retenu une perte partielle de la chose louée en application de l'article 1722 du Code civil justifiant de réduire le prix du loyer de 90 % pour les mois concernés par l'absence totale d'activité.

Par ailleurs il a accordé un délai de paiement de un mois pour régler les sommes allouées compte tenu de la réduction du montant du loyer accordé et dit que la clause résolutoire reprendra son plein effet à défaut d'exécution par la locataire.

Par déclaration enregistrée au greffe le 13 juillet 2021, la SCI SALVY-G a formé appel du jugement du 1er juillet 2021 qu'elle critique en ce qu'il a :

* condamné la SAS ARKOSE & CO à payer à la SCI SALVY-G la somme de 19 268,40 euros au titre des loyers d'octobre 2020 à mai 2021, de la taxe foncière de 2020 et de la part de la cotisation foncière 2021

* limité l'obligation de la SAS ARKOSE & CO à régler 10 % du montant des loyers du mois d'octobre 2020 au mois de mai 2021

* accordé à la SAS ARKOSE & CO un délai de paiement de un mois à compter de la signification de la décision pour régler le loyer d'octobre 2020 d'un montant de 4378,20 euros ainsi que la taxe foncière 2020 d'un montant de 3631,20 euros

* débouté la SAS ARKOSE & CO de sa demande en paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles et des dépens .

Au terme de ses conclusions notifiées le 1er juillet 2022, la SCI SALVY-G demande à la cour , vu les articles L 145-41 du code de commerce, 1128, 1719, 1722 et 1343-5 du Code civil:

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a

* limité l'obligation de la SAS ARKOSE & CO à régler 10 % du montant des loyers du mois d'octobre 2020 au mois de mai 2021

* accordé à la SAS ARKOSE & CO un délai de paiement pour régler le loyer d'octobre 2020 ainsi que la taxe foncière de l'année 2020

* débouté la SAS ARKOSE & CO de sa demande relative aux frais irrépétibles et aux dépens Et statuant à nouveau :

- de condamner la société ARKOSE & CO à payer au titre des loyers et charges impayées les sommes suivantes :

* 15 080,49 euros pour le loyer du mois d'octobre 2020

* 15 080,49 euros pour le loyer du mois de novembre 2020,

* 15 080,49 euros pour le loyer du mois de décembre 2020,

* 15 080,49 euros pour le loyer du mois de janvier 2021,

* 15 580,49 euros pour le loyer du mois de février 2021

* 15 593,53 euros pour le loyer du mois de mars 2021,

* 15 593,53 euros pour le loyer du mois d'avril 2021

* 15 593,53 euros pour le loyer du mois de mai 2021

* 3631,20 euros au titre de la cotisation foncière 2020

* 500 € au titre de la part de cotisation foncière 2021

- de condamner la société ARKOSE & CO à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris ceux du commandement de payer délivré le 28 octobre 2020, avec distraction au profit de Me Nicolas DALMAYRAC, conformément à l'article 699 du code de procédure civile

- de refuser les délais de paiement sollicités par la société ARKOSE & CO.

Elle demande de condamner la société locataire à lui payer l'ensemble des loyers et charges impayés pour la période d'octobre 2020 à mai 2021 en faisant essentiellement valoir que la Cour de cassation s'est déjà prononcée sur la pertinence et la validité des différents fondements juridiques invoqués par la société locataire pour s'y opposer (3e chambre civile du 30 juin 2022 pourvois n° 21-19.989, 21-20.127 et n° 21-20.190) et que la cour ne peut que rejeter l'ensemble de ses contestations en ce compris le moyen tiré de la destruction partielle des locaux retenu par le tribunal. Elle s'oppose à tout délai de paiement faute pour la société locataire d'apporter des justificatifs de nature à établir l'existence des difficultés financières particulières qu'elle rencontrerait.

La SAS ARKOSE & CO a notifié ses conclusions le 4 avril 2022. Elle demande à la cour , vu la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 qui a prorogé l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 inclus,les articles 1218 à 1220, 1195, 1343-5 du Code civil, L442-1 du code de commerce :

- de débouter la SCI SALVY-G de l'ensemble de ses demandes ,fins et conclusions

À titre principal :

- de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 1er juillet 2020 en ce qu'il a fixé les loyers et charges dus par la société locataire pour les mois d'octobre 2020 à mai 2021 à la somme de 19 268,40 euros en faisant application des dispositions de l'article 1722 du Code civil et condamné la société locataire à payer au bailleur lesdites sommes

- d'infirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il a jugé :

* qu'à défaut de paiement dans les délais accordés, l'acquisition de la clause résolutoire au 28 novembre 2020 sera constatée et qu'en conséquence il sera ordonné la libération des lieux par la SAS ARKOSE & CO dès la signification du commandement de quitter les lieux

* condamné la société ARKOSE & CO au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges à compter du mois de juin 2021

* débouté la SAS ARKOSE & CO de sa demande de délais de paiement pour les autres sommes dues

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

* laissé chaque partie supporter la charge des dépens par elle exposés

À titre subsidiaire,

- de constater que la société ARKOSE & CO ne peut encourir d'action ou de sanction par application de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 et déclarer en conséquence l'action de la SCI SALVY-G irrecevable

ou,

- de dire que l'épidémie de Covid 19 et la fermeture des locaux loués à la société ARKOSE & CO constitue un cas de force majeure ayant suspendu le contrat de bail à compter du 28 septembre 2020 jusqu'au 9 juin 2021, ayant suspendu le paiement des loyers et d'annuler en conséquence les loyers et charges de ladite période

ou

- de dire que la SCI SALVY-G n'a pas respecté son obligation de délivrance, la société locataire étant fondée à opposer l'exception d'inexécution

- de dire en conséquence que la société ARKOSE & CO n'est redevable d'aucuns loyers ni charges pour la période de fermeture administrative courant du 28 septembre 2020 au 9 juin 2021

A titre très subsidiaire :

- de dire que l'article 22 sur l'imprévision prévue au bail du 14 mars 2019 est réputé non écrit

- de réviser les termes du bail pour la période de fermeture administrative du 28 septembre 2020 au 9 juin 2021 en annulant les loyers du quatrième trimestre 2020 et à compter du 1er janvier 2021 jusqu'au 9 juin 2021 inclus de dire que le loyer sera porté à 70 % du loyer contractuel soit la somme mensuelle de 10 556,34 euros TTC

A titre infiniment subsidiaire :

- d'octroyer un délai de paiement de 24 mois courant à compter du mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir

En toutes hypothèses :

- de dire que le commandement visant la clause résolutoire du 28 octobre 2020 est nul et de nul effet et de rejeter l'acquisition de ladite clause

- de prendre acte que la société ARKOSE & CO a réglé au titre des loyers et charges d'octobre 2020 à mai 2021 la somme de 19 268,40 euros dans les délais du jugement du 1er juillet 2021

- de condamner la SCI SALVY-G à lui verser la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle demande de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la situation de fermeture administrative ordonnée par le gouvernement permet de caractériser une perte partielle de la chose louée et d'obtenir la diminution du prix du loyer dès lors que la perte s'entend aussi bien d'une perte matérielle que d'une perte juridique, notamment en raison d'une décision administrative, qu'une perte partielle peut s'entendre de toute circonstance diminuant sensiblement l'usage de la chose, qu'elle n'est pas nécessairement définitive et peut n'être que temporaire.

A titre subsidiaire, elle fait valoir :

- qu'elle entre dans le champ du dispositif de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 destinée à protéger les preneurs de locaux commerciaux dans lesquels l'activité est affectée par une décision de fermeture administrative ou les restrictions sanitaires mises en 'uvre par les autorités gouvernementales

- que pour s'opposer aux demandes de la SCI SALVY-G, elle est en droit d'invoquer la force majeure sur le fondement de l'article 1218 du Code civil, l'exception d'inexécution sur le fondement des articles 1219 et 1220 du Code civil, l'imprévision sur le fondement de l'article 1195 du Code civil et l'exécution contractuelle de bonne foi des conventions sur le fondement de l'article 1104 du Code civil.

Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile

L'ordonnance de clôture est en date du 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le commandement de payer visant la clause résolutoire et ses effets :

Le différend porte sur le règlement du loyer et des charges dues pendant la deuxième période de confinement, soit du 26 septembre 2020 au 9 juin 2021.

La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 qui n'est que le prolongement du dispositif d'état d'urgence sanitaire mis en 'uvre lors du premier confinement par l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 tend à neutraliser les sanctions, actions et voies d'action pour les impayés locatifs puisqu'elle dispose que :

«Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'activité cesse d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire , les personnes physiques ou morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par lesdites mesures ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur rencontre pour retard ou non paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée .

Pendant cette période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernées ne peuvent être mises en 'uvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesure conservatoire. Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement au retard de paiement de loyers ou charges est réputée non écrite».

Il en résulte que l'action du bailleur est paralysée pendant la durée d'application desdites mesures et qu'il ne peut ni agir en résiliation judiciaire ni mettre en 'uvre la clause résolutoire prévue au contrat de bail.

Dès lors le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 28 octobre 2020 pendant la période juridiquement protégée est nul et ne peut produire aucun effet en ce qui concerne la résolution du contrat conclu avec la société ARKOSE & CO qui est éligible au dispositif prévu par le décret n°2020-1766 du 30 décembre 2020, ce dont est convenue la société bailleresse dans ses dernières écritures .

Le jugement qui a jugé le contraire avec toutes ses conséquences de droit sera infirmé de ce chef.

Sur les loyers et charges réclamées par le bailleur :

Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au principe de l'exigibilité des loyers et des charges aux dates contractuellement convenues entre les parties.

Si le bailleur est irrecevable à solliciter la résolution du bail, il peut en revanche intenter une action en paiement des loyers échus qui demeurent exigibles.

Pour s'opposer au paiement de ces sommes , la société ARKOSE & CO invoque différents fondements juridiques que le premier juge a écarté pour n'en retenir qu'un seul tenant à la destruction partielle des locaux loués permettant de diminuer le montant du loyer pendant la période de fermeture des locaux .

L'article 1722 du Code civil dispose que si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas il n'y a pas lieu à dédommagement.

Il est fait observer par le bailleur que l'impossibilité d'exploiter ne peut être assimilée à une perte de la chose donnée à bail au sens de ce texte dès lors que le locataire disposait librement des locaux et pouvait rouvrir au moins partiellement ces derniers pour permettre l'exploitation de son activité étant rappelé que la destination commerciale est extrêmement large, que l'activité de salle d'escalade et de sport n'est pas exclusive et qu'il pouvait parfaitement pratiquer une activité de restauration à emporter ou de location de salles .

Il produit à cet égard un extrait du site internet de la société Arkose (pièces 25 et 33) qui fait la promotion de la « Cantine ARKOSE » pour des plats à emporter à la maison ou au bureau et rappelle que le bail autorise la sous-location à toutes les sociétés du groupe THE WALL ARKOSE.

Cependant l'interdiction de recevoir du public décidée selon les catégories d'établissements recevant du public aux seules fins de limiter la propagation du virus de la COVID-19 est une mesure d'ordre général et temporaire destinée à garantir la santé publique qui ne vise pas spécifiquement les locaux litigieux mais la nature de l'activité exercée dans lesdits locaux .

Elle est sans lien direct avec la destination contractuelle du bail et ne peut être assimilée à la perte de la chose au sens de l'article 1722 du Code civil pendant les périodes de considérées (cassation troisième chambre civile du 30 juin 2022 n° de pourvoi 21-20.190).

Dès lors il y a lieu de réformer le jugement du premier juge en ce qu'il a diminué le montant du loyer à 10 % du montant contractuel en retenant la destruction partielle de la chose donnée à bail.

Il est invoqué à titre subsidiaire d'autres fondements juridiques qui ont tous étés écartés à bon droit après le Premier juge et par la jurisprudence la plus récente en sorte qu'ils ne peuvent prospérer.

Il en est ainsi de l'exception d'inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance alors que l'impossibilité d'exploiter alléguée est le seul fait du législateur et n'est pas constitutive d'une inexécution par le bailleur de ses propres obligations puisqu'il a mis les locaux à la disposition du locataire et que ce dernier en a conservé la maîtrise matérielle.

Quant à l'obligation de négocier et d'exécuter les contrats de bonne foi,elle est certes susceptible de paralyser la mise en 'uvre de la clause résolutoire par le bailleur mais ne saurait dispenser le locataire de son obligation de payer les loyers et les charges convenues. En présence d'un dispositif légal faisant interdiction au bailleur toute action fondée sur la clause résolutoire à l'encontre de son locataire , elle ne peut être utilement invoquée par ce dernier.

En ce qui concerne la force majeure, l'article 1218 du Code civil vise tout événement échappant au contrôle du débiteur qui, ne pouvant être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

Antérieurement à l'entrée en application de l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, il a été jugé que l'irrésistibilité n'est pas caractérisée si l'exécution est seulement rendue plus difficile ou onéreuse et la nouvelle rédaction de l'article 1218 ne remet pas en cause cette interprétation.

Dès lors le locataire, débiteur d'une obligation contractuelle de payer les loyers régulièrement appelés ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant l'impossibilité d'exercer son activité du fait des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus de la COVID 19.

En ce qui concerne la clause prévue à l'article 22 du bail par laquelle chacune des parties déclare renoncer expressément à se prévaloir des dispositions de l'article 1195 du Code civil et à invoquer le régime de l'imprévision, c'est à bon droit qu'il est rappelé par le bailleur que cet article n'est pas d'ordre public et que les parties peuvent l'écarter dans les relations contractuelles négociées de gré à gré.

En tout état de cause ,la société locataire ne peut utilement invoquer les dispositions l'article L 442-1 du code de commerce au motif qu'elle créerait un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties alors que ces dispositions ne visent qu'à prohiber des pratiques restrictives de concurrence en matière de négociation commerciale entre des personnes exerçant des activités de production, de distribution ou de services ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement et de condamner la société locataire à régler au bailleur les sommes suivantes :

* 15 080,49 euros pour le loyer du mois d'octobre 2020

* 15 080,49 euros pour le loyer du mois de novembre 2020,

* 15 080,49 euros pour le loyer du mois de décembre 2020,

* 15 080,49 euros pour le loyer du mois de janvier 2021,

* 15 580,49 euros pour le loyer du mois de février 2021

* 15 593,53 euros pour le loyer du mois de mars 2021,

* 15 593,53 euros pour le loyer du mois d'avril 2021

* 15 593,53 euros pour le loyer du mois de mai 2021

* 3631,20 euros au titre de la cotisation foncière 2020

* 500 € au titre de la part de cotisation foncière 2021

soit au total la somme de 126 814,24 euros TTC qui ne fait l'objet d'aucune contestation.

Sur les délais de paiement :

La société ARKOSE & CO a vainement tenté de négocier des réductions de loyer avec son bailleur et a effectué différentes propositions dont elle justifie au débat. Elle s'est acquittée des condamnations prononcées en première instance dans le mois suivant la décision et n'avait aucun arriéré de loyer avant les mesures sanitaires liées à la pandémie en sorte qu'elle est un débiteur de bonne foi.

Lors de la réouverture des salles de sport le 9 juin 2021, elle a continué à subir des restrictions puisque un couvre-feu et une jauge de fréquentation ont été mise en place ainsi qu' un passe sanitaire (jusqu'au 31 juillet 2022) qui ont eu pour effet de restreindre le nombre d'adhérents présents simultanément au sein de la salle de sport.

Enfin elle fournit ses comptes qui font ressortir un résultat déficitaire important pour la période concernée qui compromet ses projets d' expansion alors qu'elle envisageait d'ouvrir de nouvelles salles d'escalade au plan national.

Au vu des éléments produits et eu égard aux besoins du créancier qui rembourse un prêt de 4816,54 euros par mois au titre des locaux donnés à bail, il y a lieu de faire droit à sa demande de délai de paiement et de lui accorder un délai de 18 mois pour s'acquitter de ses obligations.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de la situation économique des parties, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à leur charge les frais irrépétibles qu'elles ont exposés pour assurer la représentation en justice.

Les dépens seront laissés à la charge de chacune des parties qui les a exposés et le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après en avoir délibéré,

Infirme le jugement du 1er juillet 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties et laissé les dépens à la charge de celles qui les ont exposés.