CA Chambéry, 1re ch., 29 octobre 2024, n° 21/02093
CHAMBÉRY
Autre
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Localité 4 Bowling (SARL)
Défendeur :
CLG (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pirat
Conseiller :
Mme Reaidy
Avocats :
Me Dormeval, Me Deffrenes, SCP Perez et Chat
Faits et procédure
Suivant acte authentique du 9 août 2006, la Sci CLG, propriétaire d'un ensemble constituant un centre commercial et de loisirs situé à Voglans (73420), a donné à bail à la société Voglans Bowling un local dépendant de ce centre commercial, à savoir une surface utile approximativement d'activité d'environ 2 050 m² et un local dit « local n°2 », pour une durée de neuf années à dater du 8 janvier 2007, moyennant un loyer annuel de 205 000 euros HT payable trimestriellement et d'avance, outre charges et remboursement au bailleur de la taxe foncière.
Un litige est survenu entre les parties à propos de l'obligation d'entretien du centre commercial et de fourniture d'un environnement commercial favorable incombant à la bailleresse, ainsi qu'au sujet des facturations par cette dernière de charges et de taxes foncières jugées excessives par le preneur et non justifiées.
Par ordonnance du 29 juillet 2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, saisi à la requête de la société [Localité 4] Bowling, a désigné M. [M] [P] en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 7 mai 2010.
Entre temps, à la suite de la déclaration de cessation des paiements de la société [Localité 4] Bowling, le tribunal de commerce de Chambéry, par jugement du 25 juillet 2011, a prononcé l'ouverture du redressement judiciaire de cette dernière. Par jugement en date du 10 septembre 2012 cette même juridiction a validé un plan de continuation par apurement du passif et désigné Me [H] [C], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société.
Les parties ont multiplié par ailleurs les procédures
1 - Considérant que la Sci CLG ne respectait pas les obligations nées du bail et les dispositions des articles 1719 et suivants du code civil, la société [Localité 4] Bowling a fait assigner cette dernière à jour fixe le 20 août 2009.
Par jugement du 1er avril 2010, le tribunal de grande instance de Chambéry a :
- Dit que la Sci CLG avait manqué à ses obligations d'entretien du centre commercial et de fourniture à la société [Localité 4] Bowling d'un environnement commercial favorable, de sorte que ces manquements lui avaient causé un préjudice
- Dit que la Sci CLG n'avait pas respecté ses obligations tirées de l'article L125-5 du code de l'environnement vis à vis de la société [Localité 4] Bowling ;
- Ordonné en conséquence une mesure d'expertise en désignant M. [P] avec pour mission de déterminer si les pistes du bowling sont affectés de désordres et/ou défaillances et en déterminer les causes, de déterminer si les éventuels désordres et/ou défaillances sont en lien avec le fait que le zone est exposée aux risques naturels et donner tous les éléments permettant d'apprécier leurs conséquences quant à l'activité exercée et au montant du loyer du local, donner des éléments de chiffrage dudit loyer ;
Le tribunal a notamment retenu que le mauvais entretien, la finition défectueuse des sols, les défaillances récurrentes des escalators et les retards apportés au remplacement des sources de lumière en panne dans les parties communes étaient établies et ressortaient de la responsabilité du bailleur, que le bail et ses annexes définissaient la signalétique publicitaire du centre commercial, que la bailleresse s'était bien réservée ce rôle et devait en supporter les conséquences, concernant les défaillances de la signalétique de base, que la non-constitution de l'association des commerçants et les non-respects du règlement intérieur étaient de la responsabilité de la Sci CGL, que cette dernière avait ainsi manqué à ses obligations d'entretien du centre commercial et de fourniture à ses locataires d'un environnement commercial fiable, que ces manquements avaient causé un préjudice à la société [Localité 4] Bowling.
Par arrêt du 13 septembre 2011, la cour de céans a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la bailleresse avait manqué à ses obligations d'entretien du centre commercial et de fourniture à sa locataire d'un environnement commercial favorable, retenu la responsabilité contractuelle de la Sci CLG à l'égard de la société [Localité 4] Bowling, dit que ces manquements ont causé un préjudice à la locataire et ordonné une expertise judiciaire. Elle a infirmé le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la bailleresse pour défaut de constitution de l'association des commerçants.
Le pourvoi en cassation formé par la Sci CLG contre cet arrêt a été rejeté le 5 juin 2013.
L'affaire est en cours devant la présente cour (RG 19-214)
2 - Par acte d'huissier du 28 décembre 2012, la société [Localité 4] Bowling a fait assigner son bailleur au visa des dispositions des articles 1719 et suivants du code civil et du décret du 30 septembre 1953 devant le tribunal de grande instance de Chambéry, notamment aux fins de voir condamner la Sci CLG à lui payer à titre de provision la somme de 60 689,09 euros au titre du trop-perçu sur les charges et refacturation de travaux de mise en place du réseau d'évacuation des eaux usées.
Par jugement du 12 septembre 2016, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Chambéry a notamment :
- Condamné la Sci CLG à fournir à la société [Localité 4] Bowling la justification des charges par elle réglées au titre des exercices 2010/2011, 2011/2012, 2012/2013 et 2013/2014, sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement ;
- Dit que les charges locatives, en ce compris les impôts et taxes en leur principe et leur quantum doivent être calculées sur la base du rapport de l'expert judiciaire, M. [P] ;
- Dit que le minimum de charges spécifiées au bail à titre indicatif est devenu caduc ;
- Fixé la provision annuelle dont est redevable la société [Localité 4] Bowling à l'égard de la Sci CLG à la somme de 41 275, 63 euros HT ;
- Fixé provisionnellement la créance de la Sci CLG à l'égard de la société [Localité 4] Bowling à la somme de 71 884,86 euros TTC, arrêtée au 31 mars 2014 au titre du trop-perçu sur les charges et refacturation de travaux mis en place du réseau d'évacuation des eaux usées ;
- Condamné la Sci CLG à assurer un entretien de l'ensemble commercial, en ce compris le nettoyage des parties communes, un éclairage normal du centre, un chauffage également normal, mais aussi une signalétique, notamment la mise en place du panneau tri-vision et la remise en état des portes bannières et adhésifs constituant la signalétique à ses frais dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
Par arrêt du 5 juin 2018, sur appel de la Sci CLG, et des mandataires judiciaires, la cour d'appel de Chambéry a confirmé le jugement sauf en ce qu'il a fixé à titre de provision la créance de la Sci CLG à l'égard de la société [Localité 4] Bowling au titre du trop-perçu sur les charges et refacturation de travaux mise en place du réseau d'évacuation des eaux usées et, y ajoutant, a, avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise s'agissant du montant des charges dû par le locataire sur la période 2007-2008 et les exercices suivants jusqu'au 31 mars 2018 et désigné M. [P] en qualité d'expert pour y procéder.
3 - Par décision du 8 janvier 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Chambéry a, en partiellement liquidé l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal de grande instance de Chambéry du 12 septembre 2016 et, à ce titre, condamné la SCI CLG à payer à la société [Localité 4] Bowling la somme de 20 000 euros ainsi qu'à assurer, à ses frais, l'entretien de l'ensemble commercial donné à bail à la société [Localité 4] Bowling, en ce compris le nettoyage des parties communes, l'éclairage du centre, le chauffage, la signalétique et les portes bannières dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sous provisoire de 1 000 euros par infraction constatée durant 6 mois.
Par arrêt du 25 octobre 2018, la cour d'appel de Chambéry a réformé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Chambéry s'agissant du montant de l'astreinte et de la fixation d'une nouvelle astreinte et, statuant à nouveau, condamné la Sci CLG à verser à la société [Localité 4] Bowling la somme de 51 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte et à assurer, à ses frais, l'entretien de l'ensemble commercial donné à bail à la société [Localité 4] Bowling, en ce compris le nettoyage des parties communes, l'éclairage du centre, le chauffage, la signalétique et les portes bannières dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sous provisoire de 4 000 euros par infraction constatée durant 6 mois.
4 - Dans le cadre d'une procédure visant la clause résolutoire du contrat de bail
commercial, saisi suite à l'assignation délivrée les 26 et 27 octobre 2011 par la Sci CLG à la société [Localité 4] Bowling, Me [C] es qualité de mandataire de cette dernière, la société Crédit du Nord, la Banque de Savoie et la société Star Lease,
Par jugement du 12 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Chambéry a notamment :
- constaté que le commandement visant la clause résolutoire délivré par le bailleur à la société [Localité 4] Bowling avait été délivré de mauvaise foi ;
- constaté que l'activité annexe d'animation dansante et/ou musicale est nécessairement incluse dans l'activité de bowling ;
- dit que l'activité d'animation dansante et/ou musicale ne constituait pas une activité de dancing-discothèque ;
- déclaré nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré par la Sci CLG le 11 juillet 2011 ;
Par arrêt du 20 novembre 2018, la cour d'appel de Chambéry a infirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Chambéry du 12 septembre 2016 et statuant à nouveau, dit que le commandement visant la clause résolutoire doit produire ses effets, interdit au preneur d'organiser des soirées musicales et dansantes qui s'analysent en une activité de dancing discothèque non autorisée contractuellement, suspendu les effets de la clause résolutoire et dit que si le locataire respecte à l'avenir cette interdiction, cette dernière sera censée n'avoir jamais joué et dit qu'en revanche le non-respect de cette interdiction emportera résiliation du bail de plein droit.
Par arrêt du 10 septembre 2020, la troisième chambre civile de la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société [Localité 4] Bowling et Me [C] agissant en qualité de mandataire judiciaire de celle-ci, à l'encontre de la décision de la cour d'appel de Chambéry rendue le 20 novembre 2018.
5- Le contrat de bail commercial liant les parties a pris fin le 7 janvier 2016.
Dans le cadre des dispositions des articles L.145-10 et L.145-12 du code de commerce, la société [Localité 4] Bowling a sollicité, par acte extrajudiciaire signifié à la Sci CLG le 7 juin 2017, le renouvellement du contrat de bail pour une durée de 9 années à compter du 30 juin 2017 ainsi qu'une révision du loyer aux termes de laquelle elle entendait voir fixer le loyer annuel à la somme de 168 000 euros HT et hors charges.
Par acte extrajudiciaire du 6 septembre 2017, la Sci CLG lui a fait signifier un congé avec refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes sur le fondement des dispositions de l'article L. 145-17 du code du commerce avec effet au 31 mars 2018. Selon exploit du 16 mars 2018, la société [Localité 4] Bowling a contesté le congé et souhaité voir fixer le loyer renouvelé, au besoin avec instauration d'une expertise.
La Sci Clg a exercé son droit de repentir le 22 février 2023
Une énième procédure a fait l'objet d'un jugement en date du 21 décembre 2023 (RG 20-1911) pour résiliation du bail, laquelle a été rejetée.
Deux autres procédures sont en cours actuellement devant le tribunal judiciaire :
- sur assignation du 22 décembre 2020 de la Sci Clg pour paiements de loyers et de pénalités de retard (rg 21-30);
- sur assignation de la société [Localité 4] Bowlingen date du 13 janvier 2022, pour résiliation du bail à compter du 13 novembre 2020 notamment (RG 22-127 devenu RG 24-869)
Un oubli sur d'autres procédures n'est pas à exclure en raison du nombre d'instances ayant ou opposant les parties, les parties elles-mêmes présentant parfois les mêmes demandes dans plusieurs instances obligeant le juge de première instance à trois reprises à se prononcer sur la litispendance.
Sur le présent litige
Par acte du 31 juillet 2019, la société [Localité 4] Bowling a fait assigner la Sci CLG devant le tribunal de grande instance de Chambéry notamment aux fins de voir prononcer la résolution judiciaire du bail commercial aux torts exclusifs du bailleur pour manquement aux dispositions de l'article L. 125-5 du code de l'environnement et en conséquence, condamner la SCI CLG à lui payer la somme de 5 484 286,41 euros au vu de la résolution du bail commercial.
Par jugement du 7 octobre 2021, le tribunal de grande instance de Chambéry, devenu le tribunal judiciaire, a :
- Dit que le jugement du 1er avril 2010 a autorité de la chose jugée sur le principe du manquement du bailleur à son obligation d'information issue de l'article L. 125-5 du code de l'environnement dans sa version en vigueur lors de la conclusion du bail commercial le 6 août 2006 ;
- Dit que le manquement du bailleur à son obligation d'information du locataire sur les risques naturels n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier la résolution judiciaire du bail commercial du 6 août 2006 ;
- Débouté la société [Localité 4] Bowling de sa demande tendant à voir prononcer la résolution judiciaire du contrat de bail commercial sur le fondement des dispositions de l'article L. 125-5 du code de l'environnement ;
- Débouté la société [Localité 4] Bowling de l'ensemble de ses demandes indemnitaires afférentes ;
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société [Localité 4] Bowling aux entiers dépens ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration au greffe du 21 octobre 2021, la société [Localité 4] Bowling a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 20 avril 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société [Localité 4] Bowling sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :
- La dire recevable en son appel, l'en déclarer bien fondé ;
En conséquence,
- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chambéry intervenu le 7 octobre 2021 ;
Et statuant à nouveau,
- Prononcer la résolution judiciaire du bail commercial aux torts exclusifs du bailleur pour manquement aux dispositions de l'article L. 125-5 du code de l'environnement ;
En conséquence,
- Condamner la Sci CLG à lui payer la somme de 5 484 286,41 euros en conséquence de la résolution du contrat de bail commercial, sous couvert d'actualisation ;
Subsidiairement,
- Désigner tel expert qu'il appartient à la Cour afin de chiffrer le montant des restitutions dues par la Sci CLG ;
En tout état de cause,
- Condamner la Sci CLG à lui payer la somme de 500 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- Condamner la Sci CLG à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal judiciaire de Chambéry, outre les dépens ;
- Confirmer le jugement pour le surplus ;
- Condamner la Sci CLG à lui payer la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la présente Cour ;
- Condamner la Sci CLG aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Me Dormeval, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société [Localité 4] Bowling fait notamment valoir que :
' le jugement du tribunal judiciaire de Chambéry en date du 1er avril 2010 a autorité de la chose jugée ;
' le manquement du bailleur à son obligation résultant de l'article L 125-5 du code de l'environnement est caractérisé ;
' la résolution, dans un tel cas de manquement, est de plein droit ;
' le bailleurs avait conscience de ce manquement, lequel est particulièrement grave ;
' la résolution judiciaire doit conduire à la restitution de l'ensemble des loyers et charges versé depuis la signature du bail, le remboursement des échéances du crédit bail qu'elle a réglées pour le financement des pistes de bowling et des machines nécessaires à l'exploitation, ainsi que le remboursement des factures d'aménagement, outre l'indemnisation d'un préjudice moral.
Par dernières écritures du 1er juin 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la Sci CLG, Me [N], ès qualités d'administrateur judiciaire, et la société Etude Bouvet & Guyonnet sollicitent de la cour de :
Rejetant toutes fins et conclusions contraires,
- Confirmer le jugement rendu le 7 octobre 2021 en ce qu'il a débouté la société [Localité 4] Bowling de ses demandes ;
Y ajoutant,
- Condamner la société [Localité 4] Bowling à lui payer la somme de 6 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, les intimés font notamment valoir que :
' la Sci CLG n'a commis aucun manquement à son obligation d'information, l'article L 125-5 dans sa version alors applicable ayant été respecté.
' l'autorité de la chose jugée ne peut s'appliquer en cas de survenance d'un événement postérieur, ce qui est le cas en l'espèce puisque seule la loi du 12 juillet 2010 est venue étendre aux baux commerciaux l'obligation résultant de l'article L 125-5 du code de commerce ;
' la preneuse ne démontre pas la gravité du manquement qu'elle allègue, ce qui est nécessaire, la résolution n'étant pas de droit ;
' l'expert n'a remarqué aucun point qui pourrait être en lien avec les désordres mineurs relevés.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 19 septembre 2023 a clôturé l'instruction de la procédure.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 2 avril 2024.
MOTIFS ET DÉCISION
Le présent litige porte sur l'application de l'article L125-5 du code de l'environnement dans sa version applicable au jour de la signature du bail soit le 9 août 2006 et la conséquence de la violation de ses dispositions par le bailleur.
Aux termes de cet article alors en vigueur, 'I.-Les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'Etat, sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret.
A cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet. En cas de mise en vente de l'immeuble, l'état est produit dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 et L. 271-5 du code de la construction et de l'habitation.
II.-En cas de mise en location de l'immeuble, l'état des risques naturels et technologiques est fourni au nouveau locataire dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions du I et du II sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte.
......
V.-En cas de non-respect des dispositions du présent article, l'acquéreur ou le locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix....'
La Sci CLG ne conteste pas ne pas avoir donné l'information prescrite par cet article dès lors qu'elle estime qu'elle n'y était pas soumise à défaut d'arrêté du préfet au moment de la signature du bail litigieux et à défaut d'application de ce texte aux baux commerciaux.
I - Sur le principe de l'autorité de la chose jugée
Par jugement en date du 1er avril 2010, le tribunal judiciaire de Chambéry a retenu que les dispositions de l'article L.125-5 du code de l'environnement (exposition aux risques naturels) applicables entre les parties n'ont pas été suivies dans le bail du 09 août 2006. Il a dit que la bailleresse n'avait par conséquent pas respecté cette autre obligation et il a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [M] [P] sur les conséquences de ce dernier manquement aux frais avancés de la Sci CLG.
Dans son arrêt en date du 13 septembre 2011, la cour d'appel de Chambéry, saisie par la Sci CLG de cette décision, a indiqué : 'Attendu que bien que l'acte d'appel ne soit pas limité, l'appelante indique expressément dans ses conclusions qu'elle ne conteste pas les chefs du jugement relatifs au non-respect de ses obligations tirées des dispositions de l'article L.125-5 du code de l'environnement, qu'elle ne demande pas l'infirmation de la décision sur ce point;
Attendu que l'intimée sollicite la confirmation du Jugement en toutes ses dispositions en ce compris celles relatives au non-respect de l'article L.125-5 du code de l'environnement;
Attendu que si la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, la portée de cet appel est déterminée d'après l'état des dernières conclusions, que dès lors l'appel se trouve en l'espèce limité par les conclusions de l'appelant aux autres dispositions du jugement, que l'intimé l'a accepté, qu'il en résulte que cette question n'est pas soumise à la censure de la Cour et que le Jugement de première instance est définitif en ce qu'il a dit que la bailleresse n'avait pas respecté l'obligation spécifique imposée par l'article L.125-5 du code de l'environnement et ordonné une mesure d'expertise ;'
En vertu de l'article 1355 du code civil 'L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité'.
Les trois conditions visées dans ce texte pour que l'autorité de la chose jugée soit opposable sont réunies, ce que ne conteste pas la Sci CLG qui excipe d'un élément nouveau venu modifier la situation antérieure, en l'espèce, la modification de l'article L 125-5 précité par une loi du 12 juillet 2010 qui prévoit expressément l'application de ses dispositions aux baux commerciaux.
En outre, il est admis que l'autorité de la chose jugée ne peut pas être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (3e Civ., 28 mars 2019, pourvoi n 17-17.501; 2e Civ., 8 février 2024, pourvoi n° 22-10.614). Les éléments nouveaux doivent procéder d'un événement ou d'un fait postérieur à la décision arguée d'autorité de la chose jugée, et non d'une nouvelle offre de preuve (Civ. 1 , septembre 2020, pourvoi n° 19-13.483, publié) et ne pas procéder d'une négligence de la partie lors du premier procès (Civ. 1ère, 19 septembre 2018, pourvoi n 17-22.678 ; Civ. 2ème, 25 juin 2015,pourvoi n 14-17.504).
Or en l'espèce, à supposer qu'aucun arrêté préfectoral n'ait été pris avant l'arrêté du 16 octobre 2006 visé dans l'arrêté du 14 avril 2011, il appartenait à la Sci CLG d'invoquer ce fait devant le tribunal de première instance qui n'a statué que quatre années plus tard. En outre, s'agissant de l'ajout dans le texte de l'article L 125-5 précité de la mention des baux commerciaux, il appartenait à la Sci CLG d'en faire état dans ses dernières conclusions en date du 1er juillet 2011, sachant que l'arrêt rendu sur appel du jugement du 1er avril 2010 est daté du 13 septrembre 2011. Enfin, s'agissant de ce dernier élément, si effectivement, la version de 2010 de cet texte a expressement fait référence aux baux commerciaux, l'application de cet article aux baux commerciaux pour les baux antérieurs relèvent d'une interprétation des juges du fond sur l'application ou non de cet article aux baux commerciaux.
En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a retenu l'autorité de la chose jugée sur le principe du manquement du bailleur à son obligation d'information du locataire sur les rsiques naturels affectant le local commercial, d'autant que la Sci CLG ne forme aucune demande tendant à voir déclarer irrecevables par application de ce principe les prétentions de la société [Localité 4] Bowling.
II - Sur les conséquences du manquement du bailleur à son obligation d'information
Contrairement à ce que soutient la société [Localité 4] Bowling, la résolution, en cas de manquement du bailleur à son obligation d'information résultant de l'article L 125-5 précité, ne résulte pas de plein droit de ce manquement, ce dernier étant la condition de l'action en résolution judiciaire. En effet, la résolution ne peut être prononcée qu'en cas de manquement grave d'un des co-contractants en application de l'article 1184 ancien du code civil.
Il est donc nécessaire que la société [Localité 4] Bowling démontre qu'elle était soumise à un risque naturel ou technologique réel susceptible de vider le fonds de commerce de sa substance ou d'en affecter sensiblement sa valeur.
Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet :
' il résulte du rapport d'expertise de M. [P] page 24 'en ce qui concerne les catastrophes naturelles, concernant le plan de prévention des risques d'inondation : le bien immobilier est situé en zone de réglementation générale du plan de prévention des risques d'inondations de l'agglomération de [Localité 2], mais n'est pas situé dans une zone concernée par le risque d'inondation, bien que la limite de la zone 3 du PPRI soit proche' sachant que parmi les 3 zones soumises aux risques d'inondation, la zone trois est celle qui présente le moins de risques (moyens ou faibles). L'expert a ajouté page 27 concernant les risques sismiques, que la réglementation parasismisque applicable aux bâtiments a été été modifiée en 2011 et que la commune de [Localité 4] est située depuis 2011 en zone 4 de sismicité (moyenne). Il a précisé surtout que le terrain assiette du bâtiment était situé au moment de la signature du bail 'en zone de sismicité 1b dans laquelle s'appliquaient les règles parasismiques de l'arrêté du 29 mai 1997" auquel le bâtiment devait répondre, le permis de construire ayant été accordé. Enfin, l'expert s'est renseigné auprès de l'organisme Réseau Sismalp, lequel n'a enregistré aucun événement en Savoie entre 2004 et 2009 de magnitude supérieure ou égale à 3,5, ayant entraîné des dégâts. Ainsi, la parcelle sur laquelle le bowling est construit n'est pas située en zone inondable et aucun événement sismique n'a été enregisté entre 2004 et 2009, sachant que la société [Localité 4] Bowling ne rapporte pas la preuve contraire.
' par ailleurs, la société [Localité 4] Bowling se plaint d'une dégradation de la planimétrie des pistes, avec nécessité des recalages et à des retraits du béton au sol ayant l'aspect de micro fissures. Cependant, elle ne rapporte pas la preuve que ces désordres pourraient avoir pour cause un événement naturel au sens de l'article L 125-5 précité et par ailleurs, l'expert, lequel a estimé que les désordres étaient minimes, a expressément indiqué ' après analyse des différents points relatifs aux risques naturels, l'expert n'a pas remarqué de point particulier qui pourrait être en lien avec les petits désordres relevés'. En outre, le sapiteur a déterminé la cause des retraits béton comme étant le retrait de la dalle supportée par une structure métallique (page 23) et a précisé que le calage devait souvent être repris pour l'activité comme le bowling. Il a ajouté s'agissant des dénivellations remarquées plus particulièrement sur les pistes 1 à 11 que les cotes pouvaient évoluer dans le temps. Ainsi, la société [Localité 4] Bowling ne démontre pas que les désordres au demeurant peu graves sont en lien direct avec le défaut d'information incombant à la Sci CLG au titre des risques naturels.
Pour le suplus, la cour se référe expresséments à la motivation pertinente du premier juge et plus particulièrement en ce qu'il a retenu que :
- la société [Localité 4] Bowling n'a pas démontré une absence d'utilisation des locaux loués ou une diminution de leur usage depuis 2006 soit désormais pendant 18 ans ;
- la société [Localité 4] Bowling a sollicité le renouvellement du bail par acte extra-judiciaire signifié le 7 juin 2017 à sa bailleresse ;
- la société [Localité 4] Bowling a attendu 9 ans après le jugement retenant le manquement de la bailleresse à son obligation d'information pour assigner en résolution du bail, cette procédure ayant été diligentée après l'initiative de la bailleresse de lui délivrer un congé pour manquements graves à ses obligations contractuelles.
- la Sci CLG n'a pas manqué sciemment à son obligation d'information.
Ainsi, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société [Localité 4] Bowling de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, en l'absence de tout préjudice en lien avec le manquement constaté.
3 - Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement entrepris sur les demandes annexes seront confirmées.
Succombant, la société [Localité 4] Bowling sera tenue aux dépens d'appel et sera déboutée de sa demande d'indemnité procédurale. L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale de la Sci CLG et de condamner la société [Localité 4] Bowling à lui payer la somme de 6 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la société [Localité 4] Bowling de sa demande d'indemnité procédurale,
Condamne la société [Localité 4] Bowling aux dépens d'appel,
Condamne la société [Localité 4] Bowling à payer à la Sci CLG une indemnité procédurale en appel de 6 000 euros.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 29 octobre 2024
à
Me Clarisse DORMEVAL
la SCP PEREZ ET CHAT
Copie exécutoire délivrée le 29 octobre 2024
à
la SCP PEREZ ET CHAT