CA Nîmes, ch. civ., 25 octobre 2024, n° 24/00100
NÎMES
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Époux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dodivers
Avocats :
Me Sebellini, Me Sauvebois Picon, Me Raissac, Me Gouin, Me Chiotti
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement prononcé le 28 mai 2024, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Nîmes a, constatant que M. [Y] [V] et Mme [K] [T] ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actifs de la SAS [11] ;
condamné M. [Y] [V] domicilié [Adresse 6] et Mme [K] [T] domiciliée [Adresse 6] à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actifs de la SAS [11] ;
A ce titre, condamné M. [Y] [V] domicilié [Adresse 6] à supporter 80% de l'insuffisance d'actifs de la SAS [11], soit la somme de 80.123,42 €
et, condamné Mme [K] [T] domiciliée [Adresse 6] à supporter 20% de l'insuffisance d'actifs de la SAS [11], soit la somme de 20.030,85 €.
prononcé à l'encontre de M. [Y] [V] une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 8 ans,
prononcé à l'encontre de Mme [K] [T] une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 4 ans,
dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code du commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce
Pour le surplus,
débouté les parties de leurs demandes, fins et conclusions.
condamné M. [Y] [V] à payer et à porter à Maître [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [11], la somme de 2.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
condamné Mme [K] [T] à payer et à porter à Maître [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [11], la somme de 550 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
condamné M. [Y] [V] aux dépens.
M. [V] [Y] et Mme [T] [K] ont interjeté appel des condamnations prononcées à leur encontre par cette décision, par déclaration du 13 juin 2024.
Par exploit de commissaire de justice du 31 juillet 2024, M. [V] [Y] et Mme [T] [K] ont fait assigner Me [B] [M], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [11] devant le premier président, sur le fondement des articles R.661-1 du code de commerce, des articles 696, 700 et 768 du code de procédure civile, aux fins de voir arrêter l'exécution provisoire de la décision dont appel, de le condamner à leur payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 susvisé ainsi qu'aux dépens de la procédure.
A l'appui de leurs prétentions, ils prétendent disposer de moyens sérieux de réformation du jugement déféré notamment la disparition de l'insuffisance d'actif, rappelant que la responsabilité pour insuffisance d'actif d'un dirigeant ne peut être engagée qu'à condition qu'il existe une insuffisance avérée, une faute de gestion ainsi qu'un lien de causalité entre eux. Ils considèrent que les conditions de l'article L.651-2 du code de commerce ne sont pas remplies en l'espèce et qu'en conséquence, leur responsabilité ne peut être engagée.
Ils entendent souligner aussi, outre l'absence de faute de gestion, l'absence de justification à l'exécution provisoire arguant qu'en la matière, l'exécution provisoire n'est pas de droit et n'aurait pas dû être prononcée par le juge puisqu'elle n'a pas été sollicitée par les parties.
Ils affirment par ailleurs disposer de moyens financiers limités, qu'ils ne sont pas propriétaires d'un quelconque bien immobilier et qu'ils louent leur résidence principale avec difficultés. Ils estiment en tout état de cause que les condamnations prononcées à leur encontre sont particulièrement lourdes et sont susceptibles d'entraîner de graves conséquences si elles devaient être exécutées.
Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 13 septembre 2024, soutenues à l'audience, Me [B] [M] es qualité de liquidateur judiciaire de la société [11] sollicite du premier président, au visa de l'article R.661-1 du code de commerce, de :
Juger que M. [V] [Y] et Mme [T] [K] ne démontrent pas des moyens sérieux à l'appui de |'appel régularisé contre le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 28 mai 2024.
En conséquence,
Débouter M. [V] [Y] et Mme [T] [K] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Condamner solidairement entre eux M. [V] [Y] et Mme [T] [K] à porter et payer à Maître [M] es qualité de liquidateur judiciaire de la Société [11] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamner solidairement entre eux aux entiers dépens.
A l'appui de ses écritures, Me [M] soutient l'absence totale de moyens sérieux de réformation de la décision appelée, en ce que le moyen de M. [Y] et de Mme [K] tiré de la prétendue absence d'insuffisance d'actif de la Société [11] n'est manifestement pas sérieux.
Il prétend prouver les fautes de gestion commises par M. [Y] et Mme [K] à l'origine de l'insuffisance d'actif résultant de l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai imparti de la disposition des biens de la Société [11] ainsi que de l'absence de comptabilité régulière.
Il fait valoir également que l'absence de ressources financières invoquée par les dirigeants n'est pas démontrée et qu'elle serait indifférente puisque l'article 514-3 du code de procédure civile, qui permet d'appréhender les conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution provisoire, ne s'applique pas en l'espèce comme en dispose l'article R.661-1 alinéa 4 du code de commerce.
Par conclusions notifiées le 19 août 2024, le ministère public conclut à l'irrecevabilité de la requête en l'absence de moyen sérieux de réformation de la décision entreprise.
Par référence à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par chacune des parties pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.
SUR CE :
Le premier président (ou son délégué) est compétent pour statuer sur l'application des dispositions de l'article R. 661-1 du code de commerce qui dispose :
« Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.
Toutefois, ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire les jugements et ordonnances rendus en application des articles L.622-8, L.626-22, du premier alinéa de l'article L.642-20-1, de l'article L.651-2, des articles L.663-1 à L.663-4 ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 et les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L.653-8.
Les dispositions des articles 514-1 et 514-2 du code de procédure civile ne sont pas applicables.
Par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. L'exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l'exécution provisoire, le greffier de la cour d'appel en informe le greffier du tribunal. »
Ainsi, pour donner gain de cause aux appelants, le premier président doit identifier des moyens sérieux permettant de conduire à une réformation du jugement rendu le 28 mai 2024 par le tribunal de commerce de Nîmes.
M. [Y] et de Mme [K] font valoir un certain nombre de moyens critiquant la décision déférée, cependant les conclusions adverses viennent répondre point par point à ce qui est soulevé, de même que le Procureur Général et, sans présumer de la décision au fond, il y a lieu de considérer que dans le cadre de la présente procédure, la preuve de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation doit revêtir un caractère très pertinent qui sera nécessairement pris en compte par la juridiction d'appel avec des chances suffisamment raisonnables de succès n'est pas rapportée.
Par ailleurs, il n'appartient pas au premier président dans le cadre de la présente procédure de venir censurer la décision déférée sous quelque motif que ce soit y compris au titre de l'absence de motivation.
M. [Y] et de Mme [K] sont déboutés de leur demande visant à voir suspendre l'exécution provisoire de la décision rendue par le tribunal de commerce de Nîmes le 28/05/2024.
Sur les frais irrépétibles et la charge des dépens
Il n'est pas inéquitable de condamner M. [Y] et de Mme [K] à payer à Me [B] [M] es qualité de liquidateur judiciaire de la société [11], la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] et de Mme [K] succombant seront tenus de supporter la charge des entiers dépens de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS
Nous S. Dodivers statuant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Nîmes, en référé, par ordonnance contradictoire, en dernier ressort et mise à disposition au greffe,
DEBOUTONS M. [Y] et Mme [K] de leur demande,
CONDAMNONS M. [Y] et de Mme [K] à payer à Me [B] [M] es qualité de liquidateur judiciaire de la société [11], la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons M. [Y] et de Mme [K] aux dépens de la présente procédure.