CA Chambéry, 1re ch., 29 octobre 2024, n° 21/01738
CHAMBÉRY
Autre
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Erm Construction (SAS)
Défendeur :
Allianz Iard (SA), Axa France Iard (SA), Sla - Société Lyonnaise d'Aménagement (SARL), Mgs (Sté), Étude Bouvet Guyonnet (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pirat
Conseillers :
Mme Reaidy, M. Sauvage
Avocats :
Me Bizien, Me Hingrez
Faits et procédure
Courant 2007, la SCI [Adresse 7] a fait construire un ensemble immobilier dénommé [Adresse 7] composé de deux bâtiments (bâtiment A et bâtiment B) sur la commune de Val d'Isère (73150).
La SCI [Adresse 7] a souscrit auprès de la société Gan Eurocourtage, devenue désormais la société Allianz Iard, les garanties dommages-ouvrage.
Sont notamment intervenus à la construction :
La société ERM Construction, en qualité d'entreprise générale, assurée auprès de la société Gan Eurocourtage désormais la société Allianz Iard,
La société Favario Raymond Etanchéité, titulaire du lot étanchéité, assurée auprès de la société Gan Eurocourtage désormais la société Allianz Iard,
M. [T] [D], aux droits duquel se trouve désormais la société MGS [D], titulaire des lots parement-pierres et isolation extérieure, assuré auprès de la société AXA France Iard,
La société SCJ Carrelages, titulaire du lot cloisons-doublages-carrelages-faïences, assurée auprès de la société AXA France Iard.
Par acte du 13 mars 2008, la société Société Lyonnaise d'Aménagement (ci-après la société SLA) a acquis dans le cadre d'une vente en état de futur achèvement l'appartement n°416 correspondant au lot n°116 de l'ensemble immobilier [Adresse 7] situé au dernier étage du bâtiment B.
Le bâtiment B a fait l'objet d'un procès-verbal de réception le 19 décembre 2008.
Les 10 décembre 2012 et 28 juin 2013, des déclarations de sinistre relatives à des infiltrations au niveau de la toiture dans l'appartement acquis par la société SLA ont été effectuées auprès de la société Allianz Iard ès qualités d'assureur dommages-ouvrage qui a missionné le cabinet EURISK aux fins d'expertise.
Le 1er septembre 2014, une nouvelle déclaration de sinistre pour les mêmes désordres a été effectuée.
Puis le 30 décembre 2014, une déclaration de sinistre faisant état de fuites au niveau de la douche de l'appartement de la société SLA a été effectuée auprès de la société Allianz Iard, ès qualités d'assureur dommages-ouvrage. Cette dernière a de nouveau fait réaliser une expertise par le cabinet Eurisk.
La société SLA a fait assigner la société Allianz Iard ès qualités d'assureur dommages-ouvrage et d'assureur de la société ERM Construction, la société ERM Construction et le syndicat des copropriétaires Les Choucas B devant le juge des référés aux fins d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 28 juillet 2015, le juge des référés a ordonné une expertise en commettant pour y procéder M. [L] [X].
Le 27 novembre 2015, la société SLA a cédé l'appartement aux époux [O] tout en se réservant la poursuite des procédures à l'encontre du syndicat des copropriétaires, de la société Allianz Iard ès qualités d'assureur dommages-ouvrage, de la société ERM Construction et de son assureur la société Allianz Iard.
Par ordonnances des 8 décembre 2015 et 9 août 2016, les opérations d'expertise ont notamment été étendues à la société Favario Raymond Etanchéité, M. [M] [D] et son assureur la société Axa France Iard, et la société Axa France Iard ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages.
Le 13 janvier 2016, une nouvelle déclaration de sinistre a été effectuée auprès de la société Allianz Iard ès qualités d'assureur dommages-ouvrage, laquelle a de nouveau missionné le cabinet Eurisk aux fins d'expertise.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 3 janvier 2017.
Par actes des 29 juin et 4 juillet 2017, la société SLA a assigné la société ERM Construction et la société Allianz Iard ès qualités d'assureur dommages ouvrage et assureur de la société ERM Construction devant le tribunal de grande instance d'Albertville notamment aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Par actes des 24 et 25 août 2017, la société Allianz Iard a appelé en cause la société MGS [D], venant aux droits de M. [M] [D] et la société AXA France Iard, ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages et assureur de M. [M] [D].
Par actes du 23 novembre 2017, la société Allianz Iard a appelé en cause la société Favario Raymond Etanchéité et Me [G] [K] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Favario Raymond Etanchéité.
Par ordonnance du 26 avril 2018, le juge de la mise en état a joint l'ensemble des procédures.
Par acte du 8 janvier 2019, la société Allianz Iard a appelé en la cause la société Bouvet & Guyonnet ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Favario Raymond Etanchéité. Cette procédure a été jointe à la procédure principale suivant avis du 24 janvier 2019.
Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal de grande instance d'Albertville, devenu le tribunal judiciaire, a :
- Déclaré sans objet la fin de non-recevoir soulevée par la société Allianz Iard en sa qualité d'assureur de la société Favario Raymond Etanchéité ;
- Déclaré irrecevables les demandes formées par la société ERM Construction à I 'encontre de son assureur la société Allianz Iard ;
- Déclaré recevables les demandes formées par la société Axa France Iard à l'encontre de la société Allianz Iard ;
S'agissant des désordres affectant la douche,
- Rejeté la demande de condamnation formée par la société SLA à l'encontre de la société AXA France Iard es qualité d'assureur de la société SCJ Carrelages ;
- Condamné in solidum la société ERM Construction et la société Allianz Iard, ès qualités d'assureur dommages-ouvrage et d'assureur de la société ERM Construction, à payer à la société SLA la somme de 17 798,40 euros TTC au titre de la reprise de ces désordres ;
- Rejeté la demande formée par la société ERM Construction au titre de son action récursoire à l'encontre de la société AXA France Iard ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages ;
- Rejeté la demande formée par la société Allianz Iard au titre de son action récursoire à l'encontre de la société AXA France Iard ès qualités d'assureur de la société Carrelages ;
S'agissant des désordres liés au défaut d'étanchéité,
- Rejeté la demande de condamnation formée par la société SLA à l'encontre de la société AXA France Iard es qualité d'assureur de la société MGS [D] ;
- Condamné in solidum la société ERM Construction, la société Allianz Iard, ès qualités d'assureur dommages-ouvrage et d'assureur de la société ERM Construction et la société MGS [D] à payer à la société SLA la somme de 1 633,18 euros TTC au titre de la reprise de ces désordres ;
- Condamné la société MGS [D] à relever et garantir intégralement la société ERM Construction et la société Allianz Iard de cette condamnation ;
- Rejeté pour le surplus les demandes formées par la société ERM Construction au titre de son action récursoire ;
- Rejeté pour le surplus les demandes formées par la société Allianz Iard au titre de son action récursoire ;
S'agissant des autres demandes indemnitaires,
- Condamné in solidum la société ERM Construction et la société Allianz Iard, ès qualités d'assureur dommages-ouvrage et d'assureur responsabilité de la société ERM Construction, à payer à la société SLA la somme de 9 218,63 euros au titre du préjudice locatif ;
- Rejeté les demandes formées par la société ERM Construction au titre de son action récursoire ;
- Rejeté les demandes formées par la société Allianz Iard au titre de son action récursoire ;
- Rejeté pour le surplus les demandes indemnitaires formées par la société SLA ;
- Condamné in solidum la société ERM Construction et la société Allianz Iard à payer à la société SLA la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société MGS [D] à payer à la société SLA la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Allianz Iard à payer à la société Axa France Iard la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum la société ERM Construction et la société Allianz Iard au paiement des entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, à hauteur de 95 % ;
- Condamné in solidum la société MGS [D] au paiement des entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, à hauteur de 5 % ;
- Autorisé Me Christian ASSIER, avocat au barreau d'Albertville, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Au visa principalement des motifs suivants :
Compte tenu de la nature décennale des désordres affectant la douche, la société ERM Construction, en sa qualité d'entrepreneur principal ayant sous-traité à la société SCJ Carrelages les travaux à l'origine des désordres, voit donc sa responsabilité engagée de plein droit sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil ;
L'expert judiciaire impute les fuites constatées le 23 mai 2016, malgré la réalisation de travaux de réfection de la douche, au caractère défectueux de l'étanchéité autour des conduits au niveau de la robinetterie et explique que le joint silicone de bourrage réalisé par la société SCJ Carrelages est insuffisant en l'absence de plaque d'étanchéité à la sortie des conduits ;
La société ERM Construction et la société Allianz Iard, ès qualités d'assureur dommages-ouvrage et d'assureur responsabilité de la société ERM Construction, seront ainsi condamnées in solidum à indemniser la société SLA des préjudices subis ;
Compte tenu de la nature décennale du défaut d'étanchéité, la responsabilité de la société ERM Construction, en sa qualité d'entrepreneur principal ayant sous-traité à la société Favario Raymond Etanchéité et à M. [V] [D] les travaux à l'origine des désordres est donc engagée de plein droit sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil ;
L'expert judiciaire relève une mauvaise réalisation des joints de dilatation et conclut ainsi à des malfaçons sur les travaux d'isolation extérieure.
Par déclaration au greffe du 24 août 2021, la société ERM Construction a interjeté appel de la décision;
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 18 novembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société ERM Construction sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :
Statuant à nouveau,
1/ S'agissant des malfaçons affectant la douche,
- Dire que la société SLA ne démontre pas le caractère décennal des désordres constatés, et par conséquent, les conditions de mise en 'uvre de la garantie décennale ne sont pas établies ;
- Débouter la société SLA de l'intégralité de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 1792 du Code civil, et formées à son encontre ;
- Dire que la société SLA n'établit pas sa faute dans l'apparition des désordres constatées, et par conséquent, les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité contractuelle ne sont pas rapportées ;
- Débouter la société SLA de l'intégralité de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 1231-1 du code civil, et formées à son encontre ;
A titre subsidiaire, et si la cour retenait sa responsabilité s'agissant de la malfaçon affectant l'une des douches du lot 406,
- Condamner la société AXA France Iard, assureur du sous-traitant la société SCJ Carrelage à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge, en principal, frais et accessoires ;
A titre infiniment subsidiaire,
- Dire recevable et fondée la demande de relevé et garantie formée contre la société d'assurance Allianz Iard, formée par voie de conclusions notifiées le 18 septembre 2018, soit dans le délai de prescription décennal ;
- En conséquence, débouter la société Allianz Iard de l'intégralité de ses prétentions visant à voir déclarer ses demandes irrecevables et prescrites ;
- Condamner la société Allianz Iard à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge, en principal, frais et accessoires ;
2/ S'agissant les défauts d'étanchéité,
- Dire que la société SLA ne démontre pas le caractère décennal des désordres constatés, et par conséquent, les conditions de mise en 'uvre de la garantie décennale ne sont pas établies ;
- Débouter la société SLA de l'intégralité de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 1792 du code civil, et formées à son encontre ;
- Dire que la société SLA n'établit pas sa faute dans l'apparition des désordres constatées, et par conséquent, les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité contractuelle ne sont pas rapportées ;
- Débouter la société SLA de l'intégralité de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 1231-1 du code civil, et formées à son encontre ;
A titre subsidiaire, et si la Cour retenait sa responsabilité pour les désordres liés au défaut d'étanchéité,
- Condamner la société MGS [D] in solidum avec son assureur, la société Axa France Iard, à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge, en principal, frais et accessoires ;
- Dire que l'arrêt qui sera rendu sera commun et opposable au liquidateur de la société Favario Raymond Etanchéité, la société Etude Bouvet Guyonnet ;
A titre infiniment subsidiaire,
- Dire recevable et fondée la demande de relevé et garantie formée contre la société Allianz Iard, formée par voie de conclusions notifiées le 18 septembre 2018, soit dans le délai de prescription décennal ;
- En conséquence, débouter la société Allianz Iard de l'intégralité de ses prétentions visant à voir déclarer ses demandes irrecevables et prescrites ;
- Condamner la société Allianz Iard à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge, en principal, frais et accessoires ;
3/ S'agissant des préjudices immatériels,
- Débouter la société SLA de l'intégralité de ses demandes indemnitaires formées à son encontre au titre des préjudices immatériels,
A titre infiniment subsidiaire,
- Dire recevable et fondée la demande de relevé et garantie formée contre la société Allianz, formée par voie de conclusions notifiées le 18 septembre 2018, soit dans le délai de prescription décennal ;
- En conséquence, débouter la société Allianz Iard de l'intégralité de ses prétentions visant à voir déclarer ses demandes irrecevables et prescrites ;
- Condamner la société Allianz Iard à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge, en principal, frais et accessoires ;
4/ En toutes hypothèses,
- Débouter la société SLA de toute demande de sa condamnation in solidum avec l'un ou plusieurs des défendeurs à la présente instance ;
- Débouter la société SLA de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, et de condamnation aux dépens ;
- Condamner la société SLA à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;
- Condamner la société SLA à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- Condamner la société SLA aux entiers dépens, comprenant le coût de opérations d'expertise.
Au soutien de ses prétentions, la société ERM fait notamment valoir que :
' son action à l'encontre de la société Allianz, qui a été mise en cause en qualité d'assureur dommage ouvrage et assureur responsabilité décennale est recevable, le délai de prescription interrompu par l'instance de référé ayant recommencé à courir après dépôt du rapport d'expertise judiciaire et la demande datant des conclusions du 18 septembre 2018 ;
' M. [X], désigné comme expert, n'a pas qualifié le défaut d'étanchéité de la douche et du complexe d'étanchéité en toiture de désordres de nature décennale et il n'y a pas d'impropriété à destination ;
' la société SLA ne justifie pas avoir mis en location l'appartement siège des désordres, de sorte que l'indemnisation du préjudice immatériel doit être rejetée.
Par dernières écritures du 26 janvier 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Allianz Iard sollicite de la cour de :
- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé prescrites et irrecevables les demandes formées par la société ERM Construction à l'encontre de la société Allianz ;
Sur les désordres affectant la douche,
- Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné in solidum la société ERM Construction et elle-même ès qualités de dommages ouvrage et d'assureur de la société ERM Construction à payer à la société SLA la somme de 17 798,40 euros TTC au titre de la reprise des désordres affectant la douche ;
- Juger qu'en sa qualité de dommages ouvrage et d'assureur de la société ERM Construction ne doit pas sa garantie au titre de la reprise des désordres affectant la douche ;
- Juger de débouter toutes demandes à ce titre dirigées à son encontre ès qualités de dommages ouvrage et d'assureur de la société ERM Construction ;
- Confirmer en toute hypothèse le jugement attaqué en ce qu'il a limité la reprise des désordres affectant la douche à la somme de 17 798,40 euros TTC et rejeter toutes autres demandes ;
- Réformer en toute hypothèse le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de son action récursoire à l'encontre de la société Axa France assureur de la société SCJ Carrelages ;
- Condamner la société Axa France assureur de la société SCJ Carrelages à la relever et garantir de toutes éventuelles condamnations au titre des désordres affectant la douche ;
Sur les désordres affectant l'étanchéité,
- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné in solidum la société ERM Construction et elle-même ès qualités de dommages ouvrage et d'assureur de la société ERM Construction et la société société MGS [D] à payer à la société SLA la somme de 1 633,18 euros TTC au titre de la reprise des désordres liés au défaut d'étanchéité ;
- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a limité la reprise des désordres affectant l'étanchéité à la somme de 1 633,18 euros TTC et rejeter toutes autres demandes ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société MGS [D] à la relever et garantir de toutes éventuelles condamnations au titre des désordres affectant l'étanchéité ;
- Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de son action récursoire à l'encontre de la société Axa France assureur de la société MGS [D] ;
- Condamner la société Axa France assureur de la société MGS [D] à la relever et garantir de toutes éventuelles condamnations au titre des désordres affectant l'étanchéité ;
Sur les autres demandes indemnitaires,
- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné in solidum la société ERM Construction et elle-même ès qualités de dommages ouvrage et d'assureur de la société ERM Construction à payer à la société SLA la somme de 9 218,63 euros TTC au titre du préjudice locatif ;
- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a limité les demandes indemnitaires le préjudice locatif à la somme de 9 218,63 euros TTC et rejeter toutes autres demandes ;
- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté toutes les autres demandes indemnitaires formées par la société SLA ;
- Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de son action récursoire à l'encontre de la société Axa France assureur de la société MGS [D] et la société Axa France assureur de la société SCJ Carrelages ;
- Condamner la société AXA France assureur de la société MGS [D] et la société Axa France assureur de la société SCJ Carrelages à la relever et garantir de toutes éventuelles condamnations au titre des préjudices allégués au titre des autres demandes indemnitaires ;
- Réformer le jugement en toutes ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce qu'il l'a condamné à des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens au bénéfice de la société SLA et au bénéfice de la société Axa France ;
- Condamner in solidum la société MGS [D], la société Axa France assureur de la société MGS [D] et la société AXA France assureur de la société SCJ Carrelages à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum la société MGS [D], la société AXA France assureur de la société MGS [D] et la société AXA France assureur de la société SCJ Carrelages à supporter les entiers dépens et les frais d'expertise judiciaire, les dépens des procédures devant le juge des référés et les dépens devant le tribunal et les dépens devant la cour, distraits au profit de Me Bizien, avocat.
Au soutien de ses prétentions, la société Allianz Iard, énonce :
' qu'en application de l'article L114-1 du code des assurances, l'assuré doit introduire l'action contre son assureur dans les deux ans de l'évènement qui donne naissance à cette garantie, et que la société ERM l'a mis en cause par conclusions du 18 septembre 2018, soit plus de deux ans après l'assignation en référé expertise de l'assurée du 7 juillet 2015, de sorte que l'action est prescrite ;
' qu'elle ne doit pas sa garantie pour les désordres de défaut d'étanchéité de la douche, dans la mesure où la société SCJ Carrelages avait réalisé des travaux de réfection en 2012, de sorte que les dommages ne découlaient pas des travaux réceptionnés en 2008, et qu'elle ne doit sa garantie, ni en qualité d'assureur dommage ouvrage, ni en qualité d'assureur de la responsabilité décennale de la société ERM ;
' que les dispositions des contrats d'assurance Axa France Iard, tant de M. [V] [D] que de la société SCJ Carrelages ne sont pas signées par l'assuré et ne peuvent donc lui être opposées, pas plus qu'elles ne peuvent en conséquence, être opposées aux tiers ;
' que les désordres portant sur la douche d'une des deux salles de bains de l'appartement en cause n'empêchaient pas sa mise en location, et que ces préjudices ne sont pas garantis, ni en dommage ouvrage, ni en responsabilité décennale, et qu'enfin, il n'y a pas de lien entre les désordres et le retard pris par le vente.
Par dernières écritures du 26 avril 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Axa France Iard sollicite de la cour de :
A titre principal,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Albertville le 6 juillet 2021, et notamment en ce qu'il a rejeté toutes demandes à son encontre, mise en cause en qualité d'assureur de la société SCJ Carrelages et de la société MGS [D] ;
- Débouter la société Allianz, la société ERM, la société SLA ou toute autre partie de l'ensemble de leur demande, fins et prétentions à son encontre mise en cause en qualité d'assureur de la société SCJ et de la société MGS ;
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour d'appel infirmerait le jugement du tribunal judiciaire d'Albertville du 6 juillet 2021 en ce qu'il a rejeté toutes demandes à son encontre, mise en cause en qualité d'assureur de la société SCJ Carrelages et de la société MGS [D],
1. S'agissant de sa mise en cause en qualité d'assureur de M. [M] [D] exerçant sous l'enseigne MGS,
- Dire que M. [M] [D] n'est susceptible d'être concerné que par l'absence de joint et la fuite au plafond de la douche pour lesquels, l'expert considère que le montant des travaux de reprise lui étant imputables ne peut dépasser 403,30 euros ;
En conséquence,
- Dire qu'au titre des travaux de reprise, les condamnations à l'encontre de M. [M] [D] ne peuvent excéder 403,30 euros TTC ;
En toute hypothèse,
- Dire que sa garantie mise en cause en qualité d'assureur de M. [M] [D] exerçant sous l'enseigne MGS n'est pas mobilisable, les travaux entrepris ne faisant pas partie des activités couvertes par la police d'assurance souscrite ;
- Dire que le montant global du chantier dépasse le plafond de garantie du contrat multirisque artisan du bâtiment souscrit par M. [M] [D] exerçant sous l'enseigne MGS auprès d'elle ;
En conséquence,
- Débouter la société Allianz, ERM Constructions ou toute autre partie de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre mise en cause en qualité d'assureur de M. [M] [D] exerçant sous l'enseigne MGS ;
A titre subsidiaire,
- Condamner la société Favario Raymond Etanchéité prise en la personne de la société Etude Bouvet Et Guyonnet ès qualités, la société ERM Construction et son assureur la société Allianz à relever et garantir AXA France Iard de l'ensemble des condamnations éventuellement mises à sa charge ;
- Dire qu'elle est bien fondée à opposer sa franchise à la société Allianz ou à toute autre partie tierce dans la mesure où son assuré est intervenu comme sous-traitant ;
- Dire que le montant de la franchise s'élève à la somme de 1 200 euros qu'il conviendra de déduire de toutes sommes mises à sa charge mise en cause en qualité d'assureur de M. [M] [D] exerçant sous l'enseigne MGS ;
2. S'agissant de sa mise en cause en qualité d'assureur de la société SJC,
- Constater que le montant global du chantier dépasse le plafond fixé par les conditions particulières du contrat BT PLUS souscrit par la société SJC auprès d'elle ;
En conséquence,
- Dire que sa garantie n'est pas mobilisable ;
En conséquence,
- Débouter la société Allianz, la société ERM Construction et l'ensemble des parties à toutes demandes à son encontre mise en cause en qualité d'assureur de la société SCJ au titre des autres désordres ;
A titre subsidiaire,
- Constater que l'expert judiciaire ne retient la responsabilité de la société SCJ qu'en ce qui concerne les fuites dans la douche ;
En conséquence,
- Débouter la société Allianz et l'ensemble des parties à toutes demandes à son encontre mise en cause en qualité d'assureur de la société SCJ au titre des autres désordres ;
- Dire que plusieurs entreprises sont intervenues et ont modifié l'ouvrage de sorte que la responsabilité de la société SCJ ne saurait aujourd'hui être retenue ;
En conséquence,
- Débouter la société Allianz, la société ERM Construction ou toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre mise en cause en qualité d'assureur de la société SCJ ;
- Condamner la société ERM Construction et son assureur la société Allianz à la relever et garantir ès qualités de la société SCJ Carrelages à l'ensemble des sommes qui seraient éventuellement mises à sa charge ;
- Dire que le montant du coût des travaux de reprise fixé par l'expert judiciaire à la somme de 17 198,40 euros est surévalué ;
En conséquence,
- Réduire le montant des travaux de reprise ;
- Dire que les demandes au titre des préjudices immatériels de la société SLA ne sont pas justifiées ;
En conséquence,
- Débouter purement et simplement la société SLA de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions au titre des préjudices immatériels ;
A défaut,
- Condamner la société ERM Construction et la société Allianz ès qualités d'assureur dommages-ouvrage et es qualité d'assureur responsabilité civile de la société ERM Construction à la relever et garantir, mise en cause en qualité d'assureur de la société MGS et de la société SCJ, de l'ensemble des condamnations qui pourraient être mises à sa charge au titre des préjudices immatériels ;
- Dire qu'elle est bien fondée à opposer le montant de sa franchise dans la mesure où la société SCJ est intervenue comme sous-traitant ;
En conséquence,
- Déduire le montant des franchises des condamnations éventuelles mises à sa charge mise en cause en qualité d'assureur de la société SCJ qui s'élève à la somme de 1 500 euros ; En toute hypothèse,
- Condamner la société Allianz, la société ERM Construction ou qui mieux qui devra à lui payer, mise en cause en qualité d'assureur de M. [M] [D] exploitant sous l'enseigne MGS et de la société SCJ, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Allianz, la société ERM Construction ou qui mieux qui le devra à lui payer, mise en cause en qualité d'assureur de M. [M] [D] exploitant sous l'enseigne MGS et de la société SCJ, aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés pour ceux d'appel par la société Bollonjeon, Avocat associé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Axa France Iard, en qualité d'assureur de MGS et de la SCJ Carrelages, fait valoir au soutien de ses demandes :
' que sa garantie n'est pas mobilisable concernant les fuites de la douche, car applicable pour les chantiers dont le coût global prévisionnel est supérieur à 15 000 000 euros, et qu'il était en l'espèce, de 15 404 025,32 euros, et qu'à titre subsidiaire, il existe une faute du maître d'oeuvre qui n'a pas prévu de plaque d'étanchéité derrière la robinetterie ;
' que sa garantie n'est pas davantage mobilisable concernant les travaux d'étanchéité en toiture, dans la mesure où l'activité d'isolation thermique par l'extérieur n'était pas garantie pour M. [D], et que le coût global du chantier dépassait le coût prévisionnel de 9 200 000 euros, et qu'enfin, en qualité de soustraitant de la société ERM, M. [D] peut se voir opposer la franchise contractuelle ;
' qu'enfin, l'appartement pouvait être mis en location contre une réduction de loyer, et qu'enfin, la prescription de cinq ans n'est pas acquise pour ses demandes contre Allianz, les conclusions ayant été émises pour la première fois le 17 décembre 2018 et la déclaration de sinistre point de départ du délai datant du 30 décembre 2014.
Par dernières écritures du 1er mars 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société SLA sollicite de la cour de :
- Confirmer le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal judiciaire d'Albertville en ce qu'il a :
- condamné in solidum la société ERM construction, la compagnie Allianz prise en sa qualité d'assureur dommage ouvrage et assureur de la société ERM construction au paiement de la somme de 17 798,40 euros TTC correspondant aux travaux de reprise de la douche ;
- condamné in solidum la société ERM construction, la compagnie Allianz prise en sa qualité d'assureur dommage ouvrage et assureur de la société ERM construction, la société MGS [D] au paiement de la somme de 1 633,18 euros TTC correspondant aux travaux de reprise du défaut d'étanchéité du bâtiment ;
- jugé l'existence d'un préjudice locatif ;
- condamné in solidum la société ERM Construction, la compagnie Allianz au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société SLA;
- condamné la société MGS [D] au paiement de la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société SLA ;
- condamné les sociétés ERM construction, Allianz et MGS [D] aux entiers dépens distraits au profit de Me Assier ;
- Réformer le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal judiciaire d'Albertville en ce qu'il a:
- rejeté la demande de condamnation de la société AXA prise en sa qualité d'assureur de la société SCJ Carrelages au paiement de la somme de 17 798,40 euros TTC, correspondant aux travaux de reprise de la douche,
- rejeté la demande de condamnation de la société AXA prise en sa qualité d'assureur de la société MGS [D] au paiement de la somme de 1 633,18 euros TTC au titre des travaux de reprise suite au défaut d'étanchéité du bâtiment, les travaux en cause étant de maçonnerie, activité couverte ;
- rejeté le surplus de ses demandes indemnitaires ;
Par conséquent,
A titre principal,
- Juger que les dommages qu'elle a subis sont de nature décennale ;
- Condamner in solidum la société ERM Construction, la société Allianz prise en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage et assureur de la société ERM Construction et AXA France IARD, ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages au paiement de la somme de 17 798,40 euros TTC, correspondant aux travaux de reprise de la douche ;
- Condamner in solidum la société ERM Construction, la société Allianz, la société MGS [D] et son assureur la société AXA France IARD, au paiement de la somme de 1 633,18 euros TTC au titre des travaux de reprise suite au défaut d'étanchéité du bâtiment ;
- Condamner in solidum la société ERM Construction, la société Allianz, la société MGS [D] et la société AXA France IARD, ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages et de MGS [D] à lui verser :
- 57 616,45 euros au titre du préjudice locatif,
- 11 250 euros au titre du préjudice résultant des frais de portage,
- 1 855,50 euros au titre de son préjudice résultant de taxes et charges de copropriété ;
- Condamner la société Allianz à lui payer la somme de 10 000 euros TTC au titre de sa résistance abusive ;
A titre subsidiaire,
- Juger que la société ERM engage sa responsabilité contractuelle à son égard ;
- Condamner in solidum la société ERM Construction et AXA France IARD, ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages, au paiement de la somme de 17 798,40 euros TTC, correspondant aux travaux de reprise de la douche ;
- Condamner in solidum la société ERM Construction, la société MGS [D] et son assureur, la société AXA France IARD, au paiement de la somme de 1 633,18 euros TTC au titre des travaux de reprise suite au défaut d'étanchéité du bâtiment ;
- Condamner in solidum la société ERM Construction, la société MGS [D] et la société AXA France Iard, ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages et de MGS [D], à lui payer :
- 57 616,45 euros au titre du préjudice locatif,
- 11 250 euros au titre du préjudice résultant des frais de portage,
- 1 855,50 euros au titre de son préjudice résultant de taxes et charges de copropriété ;
En tout état de cause,
- Condamner in solidum la société ERM Construction, la société Allianz, la société MGS [D] et la société AXA France IARD, ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages et de MGS [D], au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum la société ERM Construction, la société Allianz, la société MGS [D] et la société AXA France IARD, ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages et de MGS [D], aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise d'un montant de 11 546,50 euros, distraits au profit de Me Assier.
A l'appui de ses prétentions, la société lyonnaise d'aménagement soutient :
' que le locateur d'ouvrage est responsable de ses sous-traitants et qu'il existe bien une impropriété à destination, tant pour les désordres liés au défaut d'étanchéité de la douche que sur les infiltrations en toiture visible au plafond de la salle de bains ;
' qu'à défaut, il y a lieu de retenir la responsabilité contractuelle des entrepreneurs, l'action suivant l'immeuble en qualité d'accessoire et étant ouverte aux acquéreurs de celui-ci;
' que la garantie d'Axa au bénéfice de son assuré est acquise au regard du coût total prévisionnel des travaux qui sert de référence, qui était de moins de 15 000 000 euros, le dépassement étant sans incidence, et que le joint de dilatation à l'origine des fuites en toiture relève des travaux de maçonnerie, et non d'étanchéité, de sorte que MGS doit bien bénéficier de la garantie d'Axa pour ces désordres ;
' que l'appartement a été retiré de la location à compter du 30 décembre 2014, date de la déclaration du sinistre sur la douche, et n'a pu être proposé avant la vente en novembre 2015, de sorte qu'il y a bien 57 616,45 euros de loyers perdus, et que la vente a été retardée en raison de la nécessité de faire les travaux de reprise avant l'acte authentique, générant des frais dont il est demandé remboursement.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 13 novembre 2023 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 11 juin 2024.
MOTIFS ET DECISION
I- Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription
L'article 122 du code de procédure civile dispose 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
En application de l'article 2241 du code civil, une demande en justice, même en référé, interrompt la prescription, et les conclusions ou demandes reconventionnelles sont interruptives de presciption comme l'est une assignation. L'interruption de prescription ne profite toutefois qu'à celui qui agit (3e Civ. 19 mars 2020, pourvoi n°19-13.459).
- de l'action d'ERM contre son assureur, la société Allianz
L'article L114-1 du code des assurances prévoit 'Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d'un contrat d'assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l'article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
Toutefois, ce délai ne court :
1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;
2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.
Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.'
En l'espèce, la société ERM a été assignée en référé-expertise par acte d'huissier du 7 juillet 2015 par la société SLA, maître d'ouvrage. Cette date constitue le point de départ du délai biennal prévu par le code des assurances pour permettre à l'assuré d'engager l'action en garantie découlant de son contrat d'assurance responsabilité décennale, peu important à ce sujet que la société Allianz Iard ait été appelé aux opérations d'expertises par une autre partie.
La société ERM ayant agi à l'encontre de la société Allianz par conclusions du 18 septembre 2018, son action était prescrite au vu de l'écoulement d'un délai de plus de deux ans, et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
- de l'action d'Axa France Iard contre Allianz
L'article 2224 du code civil dispose 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'
Le délai quinquennal régit les actions récursoires d'un constructeur, ou de l'assureur subrogé dans les droits du premier, contre un autre locateur d'ouvrage ou son assureur.
La société Axa France Iard a été assignée en référé par acte d'huissier du 3 novembre 2015, qui constitue le point de départ du délai de prescription, et a agi à l'encontre de la société Allianz par conclusions du 17 décembre 2018.
Le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.
II- Sur la nature et l'imputabilité des désordres
L'article 1792 du code civil prévoit ' Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.'
Toute personne intervenue en qualité d'architecte, entrepreneur, technicien, lié au maître d'ouvrage par un contrat de louage, est responsable de plein droit des désordres de nature décennale portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Le sous-traitant est en outre responsable envers le maître d'ouvrage sur le fondement de la responsabilité délictuelle, si une faute causant le dommage est mise en évidence.
- défaut d'étanchéité de la douche
L'expert judiciaire, M. [L] [X] a indiqué que 'après avoir colmaté le siphon, et arrosé le sol de la douche à l'italienne, nous constatons que de l'eau coule au sol des lots alcove en passant sous la cloison et remontant par les joints entre planches du parquet en bois.(...) Nous avons constaté le 21 septembre 2015 que, à l'intérieur de la douche, la cueillie pied de mur et sol comporte un espace allant jusqu'à 3 mm dans lequel l'eau s'infiltre. Un joint aurait dû être réalisé. De plus, cette fente retiendra tous les éléments savonneux chargés d'impuretés, défavorablement à un bon entretien sanitaire.'
Il conclut dans son rapport du 3 janvier 2017 que la fuite dans la douche résulte d'une 'malfaçon dans la pose de la faïence dès l'origine autour de la robinetterie qui devait se faire sur plaque d'étanchéité', et que la responsabilité incombait à la société SCJ Carrelage 'qui a carrelé en l'absence de plaques d'étanchéité des tuyaux'.
Il avait par ailleurs été constaté, lors des réunions sur place, que des coulées d'eau passaient sous la cloison séparant la salle de bains d'une des chambres et que l'humidité remontait par les joints entre les planches du parquet de bois.
Les fuites constatées lors de l'utilisation de la douche étaient importantes et la rendaient impropre à sa destination, outre l'atteinte évidente à la solidité de l'ouvrage, dans la mesure où l'action de l'eau a un effet délétère et dégradant sur les matériaux dans lesquels elle s'infiltre.
La société ERM, entreprise générale intervenue dans la construction, doit garantie de ce désordre à la société SLA, maître d'ouvrage, sur le fondement de la garantie décennale.
La société SCJ Carrelages, intervenue comme sous-traitante de la société ERM, est responsable du dommage, en ce qu'elle a commis une faute en ne plaçant pas de plaque d'étanchéité autour de la robinetterie et en réalisant un joint silicone de bourrage insuffisant. Elle a, en outre, repris les travaux à la demande de la société ERM selon facture du 30 juin 2012, déposant le bac de douche, la chape et l'ardoise murale, refaisant l'étanchéité de sol, posant un nouveau bac de douche, seuil de porte et ardoise murale, réfections qui se sont révélées insuffisantes.
En effet, les désordres d'infiltration d'eau ont persisté, puisqu'il n'a pas été remédié à l'absence de plaque d'étanchéité de sortie des conduites d'eau et les travaux à l'origine du sinistre sont bien ceux réalisés en exécution du lot carrelage-faïence-électricité du marché du 4 septembre 2008.
La société SCJ Carrelages est responsable des dommages envers la société SLA, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, ayant commis une faute dans les travaux, à l'origine du désordre de nature décennale.
- infiltrations en toiture
Les constatations dans l'appartement de la société SLA sont situés en 'cueillie du plafond de la chambre 2 face sud au-dessus de la porte-balcon, au plafond de la douche à l'angle est et nord', avec de l'humidité en plafond et une plaque de plâtre désagrégée par l'humidité en support métallique rouillé en angle nord est de l'appartement.
Le rapport de M. [X] retient comme origine des désordres au plafond de la salle de bains de la société SLA des 'malfaçons sur les travaux de l'entreprise d'étanchéité et isolation de la terrasse. Relevés en acrotère non isolés, défaut d'étanchéité fuyarde en maints endroits et à refaire, et malfaçons sur les travaux d'isolation extérieure (joints de dilatations réalisés improprement)', les problèmes sur les relevés de l'acrotère et étanchéité fuyarde relevant de fautes de la société Favario, et ceux portant sur le joint de dilatation de la société MGS [D].
L'insuffisance d'étanchéité de la toiture, qui engendre de l'humidité en plafond des locaux affectés à l'habitation situés au-dessous, constituent à l'évidence des désordres de nature décennale, rendant le bien impropre à destination, au regard des risques pour la santé, et portant atteinte à sa solidité, l'action de l'eau ayant un effet dévastateur sur les matériaux de construction qu'elle fréquente régulièrement.
Le désordre relève de la responsabilité décennale de la société ERM, entreprise générale, et de son soustraitant, la société MGS [D], responsable d'une faute en réalisant de façon inappropriée le joint de dilatation.
III- Sur le montant des réparations et les actions récursoires
L'article L242-1 du code des assurances prévoit 'Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. (...)'
L'article L112-6 du code des assurances dispose 'L'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.'
La garantie offerte par l'assurance est en effet limitée au risque déclaré ne s'applique pas aux secteurs d'activité non déclarés par l'entrepreneur assuré. L'absence de déclaration d'un secteur d'activité aboutit à une non assurance.
Les conditions générales sont opposables à l'assuré lorsque celui-ci reconnaît en avoir pris connaissance, et les a acceptées avant le sinistre, dès lors que sa signature figure en dernière page des conditions particulières (2e Civ. 13 septembre 2018, pourvoi n°17-23.160, 3e Civ. 21 septembre 2022, pourvoi n°21-21.014).
- sur le défaut d'infiltrations dans la douche
C'est à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive et exempte d'insuffisance que les premiers juges ont retenu :
- que l'expert avait évalué les travaux de reprise à hauteur de 17 798,40 TTC, selon devis corrigé de la société Ecogam ;
- que la société lyonnaise d'aménagement produit une facture à son nom de cette société Ecogam du 7 décembre 2016, ainsi qu'un chèque du montant correspondant établi à l'ordre de l'entreprise ;
- qu'en dépit de la vente réalisée le 27 novembre 2015 de l'appartement n°416, la société SLA s'était , en ce qui concerne la procédure douche, sinistre décembre 2014 'réservé, à ses frais et charges, la poursuite des procédures en cours à l'encontre : du syndicat des copropriétaires et de l'assureur dommage à ouvrage (Allianz), et de l'entreprise ERM Constructions et son assureur décennale (Allianz) aux fins d'éventuelles indemnisations à son profit, au titre des préjudices subis ce jour.' ;
- que la société Allianz, en sa qualité d'assureur dommage ouvrage, se doit de garantir, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement des travaux de réparation des dommages présentant une nature décennale résultant des travaux couverts par le contrat d'assurance, dont la douche de l'appartement 416 fait partie ;
- que la société Allianz, assureur de responsabilité décennale, ne peut être condamnée à garantir son assurée, la société ERM, eu égard à la prescription de l'action de cette dernière.
La société Allianz conteste que la police d'assurance n°4804677304 du 10 septembre 2010 souscrite par la société SCJ Carrelages auprès de la société Axa France Iard garantissant l'assuré 'intervenant sur des ouvrages dont le coût global des travaux tous corps d'état Ttc, y compris maîtrise d'oeuvre, n'est pas supérieur à 30 000 000 eurots, pour autant que l'assuré bénéficie d'une garantie au titre d'un contrat collectif responsabilité décennale conforme à l'article R243-1 du code des assurances et à l'annexe III de la l'article A243-1 du même code, pour les chantiers d'un coût supérieur à 15 000 000 euros' soit opposable. De fait, la société Axa France Iard ne verse aux débats aucun exemplaire de la police d'assurance signée ou des conditions particulières renvoyant aux conditions générales qui pourraient établir l'opposabilité des conditions d'assurance à l'assuré, et partant, aux tiers.
Le jugement entrepris sera confirmé sur l'indemnisation des préjudices liés aux infiltrations de la douche et à la charge des travaux, mais infirmé en ce qu'il a rejeté l'action récursoire de la société Allianz à l'encontre de la société Axa, ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages. Compte tenu de la contradiction dans les conclusions de la société SLA entre la demande de condamnation in solidum entre la page 36 (demande de confirmation du jugement) et la demande de réformation en page 37 (ajout de la société Axa dans les parties condamnées in solidum), seule la première prétention sera retenue. L'action récursoire de la société ERM, qui n'a elle-même commis aucune faute, peut être accueillie à l'encontre de l'assureur de sa sous-traitante, dont la faute est à l'origine du dommage.
- sur le défaut d'étanchéité en toiture
C'est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que les premiers juges ont considéré que :
- M. [X] a évalué le coût de reprises des désordres liés à l'absence de joint de dilatation à 1 633,20 euros TTC, incluant les frais de réparation du plafond de la salle de bains;
- la société MG [D], venant aux droits de M. [V] [D], doit garantie à l'entrepreneur principal des travaux porteurs de vices qu'il a réalisé, et que celui-ci devra intégralement garantir la société ERM, qui n'a elle-même, commis aucune faute causale dans la réalisation du dommage ;
- que la société Axa France Iard ne produit aucune pièce contractuelle signée par son assuré, M. [V] [D], de sorte que les exclusions de garantie ne peuvent être opposées à la société ERM ou à la société Allianz Iard qui mettent en oeuvre une action récursoire contre l'assureur de l'entrepreneur responsable du désordre.
Le jugement entrepris sera confirmé sur l'indemnisation des préjudices liés aux infiltrations en plafond de la salle de bains, et à la charge des travaux, mais infirmé en ce qu'il a rejeté l'action récursoire de la société Allianz à l'encontre de la société Axa, ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages. Compte tenu de la contradiction au sein des conclusions de la société SLA entre la demande de condamnation in solidum entre la page 36 (demande de confirmation du jugement) et la demande de réformation en page 38 (ajout de la société Axa dans les parties condamnées in solidum), seule la première prétention sera retenue.
IV- Sur les demandes de réparation de préjudices immatériels
Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation, il convient seulement de souligner et d'ajouter ou de rappeler les points suivants :
- aucun élément ne permet de retenir que la société SLA a cherché un acquéreur pour son bien immobilier, appartement 416, en janvier 2015, ni que la vente a pris du retard en raison de la procédure en cours, alors que l'acte de vente du 27 novembre 2015 mentionne un avant-contrat signé le 21 septembre 2015, ce qui est un délai habituel ;
- qu'il convient de rejeter pour les mêmes motifs la demande de remboursement des charges de copropriété et frais liés à l'appartement en l'absence de démonstration d'un retard lié à la vente ;
- que la location de l'appartement litigieux à un prix inférieur au prix du marché, compte tenu de l'impossibilité d'utiliser la douche d'une des deux salles de bains, était possible, de sorte que l'indemnisation de la société SLA sera limitée à 9 218,63 euros de perte de loyer sur la période de janvier 2015 à novembre 2015 ;
- que la société Allianz a accepté de réaliser une expertise à chaque déclaration de sinistre, comme elle en avait l'obligation légale en qualité d'assureur dommage-ouvrage, et que son refus en mars 2015 de prendre en compte le nouveau sinistre déclaré dans la douche, alors que des réparations antérieures avaient eu lieu et que seule l'expertise judiciaire a permis de trouver la cause du désordre et de mettre en évidence son caractère originaire ne peut ouvrir droit à dommage et intérêts pour résistance abusive.
V- Sur les demandes accessoires
La société Axa France Iard succombe au fond et sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel. La société ERM bénéficiant, au titre de son appel, de l'accueil de son action récursoire contre la société Axa France Iard au titre des travaux de réparation des désordres de nature décennale, bénéficiera de l'octroi d'une indemnité procédurale de 2 000 euros de la société Axa, laquelle sera également condamnée à indemniser à cette même hauteur la société SLA et la société Allianz.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a :
S'agissant des désordres affectant la douche :
- rejeté la demande formée par la société ERM Construction au titre de son action récursoire à l'encontre de la société AXA France Iard ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages ;
- rejeté la demande formée par la société Allianz Iard au titre de son action récursoire à l'encontre de la société AXA France Iard ès qualités d'assureur de la société SCJ Carrelages ;
S'agissant des désordres liés au défaut d'étanchéité :
- condamné la SASU MGS [D] à relever et garantir intégralement la SAS ERM construction et la SA Allianz Iard de cette condamnation ;
- rejeté pour le surplus les demandes formées par la société ERM Construction au titre de son action récursoire ;
- rejeté pour le surplus les demandes formées par la société Allianz Iard au titre de son action récursoire ;
S'agissant des autres demandes indemnitaires :
- rejeté les demandes formées par la société ERM Construction au titre de son action récursoire ;
- rejeté les demandes formées par la SA Allianz Iard au titre de son action récursoire ;
- condamné la société Allianz iard à payer à la société Axa France Iard la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la SAS ERM construction et la SA Allianz Iard au paiement des entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, à hauteur de 95%,
Statuant à nouveau,
S'agissant des désordres affectant la douche,
Dit que la société Axa France Iard, assureur de la société SCJ Carrelages, garantira la société ERM Construction et la société Allianz Iard de toutes les condamnations prononcées contre elles,
S'agissant des désordres liés au défaut d'étanchéité,
Condamne in solidum la société MGS [D] et son assureur, la société Axa France Iard, à relever et garantir intégralement la SAS ERM construction et la SA Allianz Iard de cette condamnation,
S'agissant des autres demandes indemnitaires,
Dit que la société Axa France Iard, assureur de la société SCJ Carrelages, et de la société MGS [D], garantira la société ERM Construction et la société Allianz Iard de toutes les condamnations prononcées contre elles,
Condamne la société Axa France Iard au paiement des entiers dépens, y compris les frais d'expertise, à hauteur de 95 %,
Y ajoutant,
Condamne la société Axa France iard aux dépens de l'instance d'appel, avec application de l'article 696 du code de procédure civile au profit de Me Assier, et de Me Bizien,
Condamne la société Axa France iard à payer à chaque partie appelante et intimée la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soit à :
- la société SLA,
- la société ERM Construction,
- la société Allianz Iard.
Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.