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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 29 octobre 2024, n° 23/12782

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Sela (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Lacheze, M. Varichon

Avocats :

Me Lesenechal, Me Dutreuilh

T. com. Paris, du 20 juin 2023, n° 20210…

20 juin 2023

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée [14] a été créée en 2014 pour exercer une activité de développement et de gestion de résidences pour personnes âgées. Les fonctions de président ont été assurée par M. [E] [I] depuis la création de l'entreprise.

Le 12 novembre 2018, M. [I] a déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris une déclaration de cessation des paiements. Par jugement du 18 décembre 2018, le tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire et a désigné la société [15] en la personne de Maître [T] en qualité de liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été initialement fixée au 12 novembre 2018.

Par ordonnance du 22 mai 2019, le juge-commissaire a confié à la société [13] la mission de, notamment, procéder à un examen de la comptabilité de la société [14], mettre en évidence d'éventuels flux financiers anormaux commis au préjudice de la société et donner son avis sur la responsabilité du président, M. [I].

Le 9 décembre 2019, le cabinet [13] a déposé son rapport, rédigé par M. [K] [W].

Par jugement du 11 mars 2020, le tribunal a reporté la date de cessation des paiements au 4 juillet 2018 à la demande du liquidateur.

Selon les indications du liquidateur, l'insuffisance d'actif de la société [14] s'élève à la somme de 1.831.748 euros.

Le 19 octobre 2021, le ministère public a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une requête aux fins de voir prononcer une mesure de faillite personnelle à l'encontre de

M. [I] ou à défaut une interdiction de gérer, lui reprochant:

- d'avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière;

- d'avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement;

- d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement;

- d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale;

- d'avoir omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Par jugement du 20 juin 2023, le tribunal a :

- prononcé la faillite personnelle de M. [I],

- fixé la durée de cette mesure à 7 ans;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement;

- dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national des interdits de gérer et que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a retenu les griefs suivants:

- avoir tenu une comptabilité manifestement irrégulière;

- avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement;

- avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale;

Le tribunal a décidé de ne pas retenir le fait d'avoir omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai légal au motif que ce grief ne peut être sanctionné que par une mesure d'interdiction de gérer. Il a par ailleurs estimé que le grief d'absence de coopération avec les organes de la procédure n'était pas constitué.

Par déclaration du 18 juillet 2023, M. [I] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 15 septembre 2023, la société [10] prise en la personne de Maître [T], désignée en remplacement de la société [15] par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 26 juin 2023, est intervenue volontairement à la présente instance et a demandé la mise hors de cause de la société [15] ès qualités.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 18 octobre 2023, M. [I] demande à la cour d'appel de:

'Constater l'absence de communication :

- de la requête et de l'ordonnance du 22 mai 2019 désignant le cabinet [13] en tant que technicien;

- des pièces comptables et juridiques auxquelles le technicien a eu accès;

En conséquence,

Infirmer la décision du 20 juin 2023 rendue par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a:

- prononcé la faillite personnelle de M. [E] [I], né le [Date naissance 6] 1956 à [Localité 17]

(41), de nationalité française, demeurant [Adresse 9];

- fixé la durée de cette mesure à 7 ans ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce ;

- dit que les dépens du présent jugement liquidés à la somme de 112,15 euros TTC (dont TVA : 15,81 euros) seront employés en frais de liquidation judiciaire.

Statuant à nouveau;

Constater et prononcer la nullité du rapport établi par Monsieur [K] [W].

Déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondée la demande de Monsieur le Procureur Général.

En conséquence,

Rejeter la demande de faillite personnelle à l'encontre de Monsieur [I] sollicitée par Monsieur le procureur général et le débouter de toutes ses demandes fins et conclusions.

Condamner Monsieur le procureur général aux entiers dépens.'

Aux termes de son avis notifié par voie électronique le 16 janvier 2024, le ministère public invite la cour à confirmer le jugement du 7 juin 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la société [10] ès qualités demande à la cour de prendre acte qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour quant à la confirmation de la mesure de faillite personnelle de 7 ans prononcée à l'encontre de M. [I].

La mise en état a été clôturée par ordonnance du 25 juin 2024.

SUR CE,

Sur l'intervention volontaire de la société [10] ès qualités

Au vu de l'ordonnance de remplacement prise par le président du tribunal de commerce de Paris le 26 juin 2023, il convient de dire la société [10] prise en la personne de Maître [T] recevable en son intervention volontaire ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [14] et de mettre hors de cause la société [15] ès qualités de liquidateur judiciaire de ladite société.

Sur la demande de M. [I] aux fins de voir la cour constater l'absence de communication de la requête du 22 mai 2019 ayant désigné la société [13] en tant que technicien et des pièces comptables et juridiques auxquelles le technicien a eu accès

Une demande de 'constater' ne constitue pas, sauf exception, la formulation d'une prétention au sens de l'article 30 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu pour la cour de statuer sur la demande de M. [I].

Sur la demande d'annulation du rapport de la société [13]

A l'appui de sa demande, M. [I] fait valoir qu'il n'est pas justifié que M [W], auteur du rapport établi par la société [13], est inscrit sur une liste d'experts auprès d'une cour d'appel et qu'il a prêté serment.

Le ministère public réplique que faute d'avoir invoqué en première instance et avant toute défense au fond la nullité résultant du défaut de prestation de serment par l'expert, la société [14] est irrecevable à invoquer ce moyen de procédure.

Il résulte de l'article L. 621-9 du code de commerce que le juge-commissaire peut désigner un technicien avec la mission qu'il détermine.

Le résultat des investigations du technicien ne constitue qu'un simple rapport et non une mesure d'expertise judiciaire soumise aux dispositions du code de procédure civile relatives aux mesures d'instruction.

Il s'ensuit que la demande d'annulation du rapport établi par le technicien désigné par le juge-commissaire n'est pas soumise, pour sa formulation, aux conditions édictées par l'article 112 du code de procédure civile dont le ministère public se prévaut implicitement en l'espèce au vu de la jurisprudence qu'il invoque (Cass. 1re civ, 16 juillet 1998, n°96-14306). Il convient donc de dire M. [I] recevable en sa demande d'annulation.

Sur le fond, M. [I] ne vise aucun texte précis imposant au technicien désigné par le juge-commissaire sur le fondement de l'article L. 621-9 du code de commerce d'être inscrit sur une liste d'experts agréés par une cour d'appel et de prêter serment, le tout sous peine d'annulation de son rapport. Sa demande, mal fondée, sera donc rejetée.

Sur les griefs allégués à l'encontre de M. [I]

Sur la prise en considération des conclusions du rapport de la société [13]

M. [I] soutient que le tribunal ne pouvait se fonder sur les conclusions du rapport de la société [13] puisque la requête aux fins de désignation de ce technicien et l'ordonnance rendue par le juge-commissaire ne lui ont pas été communiquées, de sorte qu'il n'a pas été en mesure d'analyser l'opportunité d'un éventuel recours contre cette décision. Il ajoute que les pièces comptables sur lesquelles la société [13] s'est fondée ne lui ont pas été communiquées, ce qui l'empêche de vérifier les affirmations du technicien et nuit à l'exercice des droits de la défense.

La cour observe toutefois qu'il ressort du jugement dont appel que M. [I] avait initialement saisi le tribunal d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de la communication de la requête et de l'ordonnance du 22 mai 2019 ayant désigné la société [13], et qu'il a finalement renoncé à cette demande, considérant ainsi qu'il pouvait être statué sur les prétentions formées à son encontre nonobstant le défaut de versement aux débats de ces deux pièces.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que le rapport de la société [13] et ses annexes ont été communiqués en première instance, comme en cause d'appel, de sorte que M. [I] a pu contradictoirement en discuter les conclusions.

Il ressort du rapport que pour l'exécution de sa mission, le technicien s'est fait remettre par la société d'archivage désignée par le liquidateur de la société [14] diverses pièces comptables dont plusieurs ont été reproduites par extraits dans son rapport et/ou annexées à ce document. M. [I] n'invoque aucun élément permettant de considérer que ces extraits et les documents annexés au rapport ne correspondent pas aux pièces que la société [13] a consultées. Par ailleurs, certaines données comptables figurant dans le rapport sont connues de M. [I] pour le concerner directement, notamment le montant des rémunérations qu'il a perçues pendant le cours de son mandat, et peuvent être discutées par l'intéressé.

En outre, le technicien a fondé son analyse sur des pièces comptables mais également sur des omissions qu'il a constatées et dont la preuve ne nécessite pas la production de pièces particulières, notamment le défaut de tenue de comptabilité par la société [14] à compter du 1er janvier 2018 et le défaut d'approbation des comptes sociaux dans le délai légal.

Par ailleurs, M. [I] a été mis en mesure de faire valoir ses observations lors de l'exécution de la mission de la société [13]. En effet, cette dernière indique dans son rapport, sans être démentie par M. [I], qu'elle a convoqué et reçu ce dernier le 10 juillet 2019 et qu'elle lui a adressé son projet de rapport le 22 novembre 2019, à l'adresse communiquée par l'intéressé, par un courrier recommandé avec accusé de réception qui lui a toutefois été retourné avec la mention 'inconnu à l'adresse', ainsi qu'en atteste la copie de l'enveloppe versée aux débats.

Enfin, la cour relève que M. [I], qui avait initialement saisi le tribunal d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de la communication 'des pièces comptables et juridiques auxquelles le technicien a eu accès' selon les termes du jugement, a finalement renoncé à cette demande, considérant ainsi qu'il pouvait exercer sa défense au vu des pièces versées aux débats.

Au vu de ces éléments, le tribunal n'a pas méconnu les droits de la défense de M. [I] en se fondant sur les conclusions du rapport établi par le technicien désigné par le juge-commissaire.

Il sera donc également tenu compte de cette pièce en cause d'appel.

Sur les griefs invoqués à l'encontre de M. [I]

Le ministère public, partie requérante, soutient que les griefs retenus dans son jugement par le tribunal sont caractérisés. En outre, il demande à la cour de dire que M. [I] a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai légal.

M. [I] réplique que les reproches formulés à son encontre sont injustifiés.

Le liquidateur, tout en déclarant s'en remettre à la décision de la cour, conclut que les griefs caractérisés par le tribunal à l'encontre de M. [I] sont constitués.

a) Sur le grief d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière

Il résulte de l'article L. 653-5, 6°, du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou d'avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

Aux termes de l'article L. 123-12 du code de commerce, toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement. Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise. Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.

Aux termes de l'article L. 123-14 du code de commerce, les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise.

Aux termes de l'article L. 227-1-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n°2019-744 du 19 juillet 2019, sont tenues de désigner au moins un commissaire aux comptes les sociétés par actions simplifiées qui contrôlent, au sens des II et III de l'article L. 233-16, une ou plusieurs sociétés, ou qui sont contrôlées, au sens des mêmes II et III, par une ou plusieurs sociétés.

En l'espèce, la société [13] a relevé que la comptabilité de la société [14] n'avait plus été tenue à compter du 1er janvier 2018, soit 11 mois avant la date du jugement d'ouverture.

En outre, la société [13] a constaté que la comptabilité présentait les irrégularités suivantes:

- le bilan 2016 intègre un chiffre d'affaires de 200.000 euros portant sur des prestations non réalisées;

- la société [14] contrôlant 100 % d'une société depuis 2016, elle aurait dû désigner un commissaire aux comptes dès l'année 2016;

- le bilan 2017 tient compte de provisions pour dépréciation de créances de 81.000 euros non justifiées;

- les comptes 2016 et 2017 n'ont pas été approuvés par les actionnaires et aucune requête aux fins de prorogation de tenue d'assemblée générale dans le délai de six mois suivant la clôture des comptes n'a été remise.

M. [I] soutient qu'un commissaire aux comptes s'est vu confier la mission de certifier les comptes de l'exercice 2016. Il n'en est toutefois justifié par aucune pièce. Par ailleurs, il ressort des propres déclarations du commissaire aux comptes de la société [14], reproduites dans le rapport de la société [13], que celui-ci n'a exercé sa mission qu'à compter de l'exercice 2017.

Au vu de l'ensemble des éléments précités, le grief de comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière est caractérisé.

b) Sur le grief d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement

Il ressort de l'article L. 653-4, 3°, du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé le fait d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

En l'espèce, la société [13] a relevé les éléments suivants:

- la société [12], détenue par M. [B] [I] et Mme [P] [I], cette dernière étant l'épouse de M. [E] [I] et par ailleurs présidente de la société jusqu'à son remplacement par son époux le 1er août 2019, a bénéficié de la part de la société [14] d'avances rémunérées de 45.000 euros de 2015 à 2017. Ces avances, portées à 81.000 euros fin 2017, ont été intégralement dépréciées alors que la société est toujours in bonis;

- la société [12] a facturé à la société [14], en 2015 et 2016, des loyers mobiliers et immobiliers ainsi que des prestations de services qui lui ont permis d'encaisser 139.000 euros en 2016 et 75.000 euros en 2017, soit un montant total de 214.000 euros en deux ans;

- si les contrats de location ont été communiqués, aucun contrat lié aux prestations de services n'a été communiqué;

- la société [12] a émis en avril 2018 un avoir de 15.060 euros qui n'a pas été réglé;

- M. [I] a vu sa rémunération augmenter, passant de 109.620 euros en 2016, outre 19.620 euros d'avantages en nature, à 150.000 euros en 2017, outre 23.340 euros d'avantages en nature, soit une rémunération totale de 302.580 euros sur la période. La société [13] indique que ces rémunération ont été contestées par l'actionnaire de la société [14], la société [16], qui a déclaré n'avoir jamais été convoquée aux assemblées générales appelées à entériner les augmentations de rémunérations de M. [I]. Le technicien précise que les rémunérations de M. [I] au titre de l'année 2018 n'ont pu être identifiées car la société réglait généralement les salaires par un virement global;

- M. [I] a perçu au début de l'année 2017 une avance de trésorerie de 20.000 euros qu'il n'avait pas remboursée à la fin de cette même année. Par ailleurs, à la clôture de l'exercice 2017, le compte 'notes de frais de M. [I]' était débiteur de 16.000 euros.

M. [I] fait valoir que la société [12] était l'une des associées de la société [14], titulaire de 563 des 1.500 actions de l'entreprise selon le rapport de la société [13]. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à exonérer M. [I] de sa responsabilité au regard, d'une part, de l'importance des versements effectués au profit de cette entreprise dans laquelle il était intéressé compte tenu des liens familiaux l'unissant à sa présidente et associée majoritaire, Mme [P] [I], d'autre part, de l'absence de justification de l'existence et de la nature des prestations de services facturées par cette entreprise.

M. [I] objecte par ailleurs qu'une convention spéciale a été régularisée en ce qui concerne ses rémunérations. Il n'en est toutefois pas justifié. En tout état de cause, les augmentations significatives de ses rémunérations, dont M. [I] ne conteste pas le montant, sont intervenues alors que l'activité de la société [14], selon les constatations non contestées de la société [13], est toujours demeurée 'structurellement déficitaire, en l'absence de lancement de l'activité d'exploitation d'un hébergement de services pour seniors à [Localité 11]'.

Au vu de ces éléments, le grief est caractérisé.

c) Sur le grief d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale

Le ministère public expose que la société [14] a poursuivi une activité déficitaire de 2015 à 2017 alors que dans le même temps, M. [I] et la société [12] ont été rémunérés.

Il ressort de l'article L. 653-4, 4°, du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé le fait d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.

En l'espèce, la société [13] a relevé les éléments suivants:

- de 2015 à 2017, le résultat d'exploitation de la société [14] est toujours demeuré négatif, à hauteur de 207.477 euros en 2015, 359.025 euros en 2016 et 1.013.916 euros en 2017. Sur la même période, le résultat net de l'entreprise est également toujours demeuré négatif à hauteur de 207.943 euros en 2015, 375.124 euros en 2016 et 1.387.721 euros en 2017;

- de 2016 à 2017, la société [14] a versé à M. [I] la somme totale de 319.000 euros et à la société [12], dirigée par son épouse, la somme totale de 295.000 euros.

Il résulte de ces éléments que malgré une situation structurellement déficitaire qui lui était connue, M. [I] a poursuivi l'activité de l'entreprise, ce qui lui a permis de continuer à percevoir une rémunération qui n'était pas en adéquation avec la situation de la société et de continuer à effectuer des versements au profit de la société [12] dirigée par son épouse.

Au vu de ces éléments, le grief est caractérisé.

d) sur le fait d'avoir sciemment omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements

La cour, au vu des griefs d'ores et déjà caractérisés, entend prononcer une faillite personnelle et n'examinera donc pas ce grief qui n'est passible que d'une interdiction de gérer conformément à l'article L. 653-8 du code de commerce .

Sur la sanction

Compte tenu de l'importance de l'insuffisance d'actif, du nombre et de la gravité des griefs retenus, la sanction prononcée par le tribunal apparaît proportionnée et sera donc confirmée par la cour, étant observé que M. [I] n'apporte aucune précision sur sa situation personnelle actuelle.

Sur les dépens

M. [I] sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Dit la société [10] prise en la personne de Maître [T] recevable en son intervention volontaire ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [14],

Met hors de cause la société [15] prise en la personne de Maître [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [14],

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de M. [E] [I] aux fins de voir constater l'absence de communication de la requête du 22 mai 2019 ayant désigné la société [13] en tant que technicien et des pièces comptables et juridiques auxquelles le technicien a eu accès,

Dit M. [E] [I] recevable en sa demande d'annulation du rapport établi par M. [W] pour le compte de la société [13],

Le déboute de cette demande,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, et, y ajoutant,

Condamne M. [E] [I] aux dépens de la procédure d'appel.