Décisions
CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ. tgi, 29 octobre 2024, n° 23/01582
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Autre
Arrêt N°
PF
N° RG 23/01582 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F7HQ
S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION ET DE MANAGEMENT DE L'OCEAN INDIEN (SEMOI)
C/
Etablissement Public MONSIEUR LE COMPTABLE PUBLIC, RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 3]
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2024
Chambre civile TGI
Appel d'une ordonnance rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE SAINT DENIS (REUNION) en date du 26 OCTOBRE 2023 suivant déclaration d'appel en date du 09 NOVEMBRE 2023 rg n°: 23/02547
APPELANTE :
S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION ET DE MANAGEMENT DE L'OCEAN INDIEN (SEMOI)
[Adresse 2]
[Localité 3] (REUNION)
Représentant : Me Frédéric CERVEAUX, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
Etablissement Public MONSIEUR LE COMPTABLE PUBLIC, RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Céline MAZAUDIER-PICHON DE BURY de la SELARL PRAGMA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture: 18 juin 2024
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Août 2024 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Mme Pauline FLAUSS, Conseillère
Le président a indiqué que l'audience sera tenue en double rapporteur. Les parties ne s'y sont pas opposées.
A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 29 Octobre 2024.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Mme Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 29 Octobre 2024.
Greffier : Mme Véronique FONTAINE
LA COUR
Par lettre recommandée du 20 septembre 2021, le Comptable Public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 3] a notifié à la SAS Société d'exploitation et de management de l'Océan indien (SEMOI) une saisie administrative à tiers détenteur en sa qualité de débitrice de M. [J], son salarié, pour la somme de 158.475,28 euros.
En l'absence de déclaration au Comptable public de l'étendue de son obligation à M. [J], par acte de commissaire de justice du 28 juillet 2023, le Comptable public a fait assigner la SEMOI devant le juge de l'exécution aux fins de voir condamner la SEMOI à lui verser la somme de 158.475,28 euros correspondant à la totalité de la dette fiscale de M. [J] à son égard.
Par jugement réputé contradictoire du 26 octobre 2023, le juge a:
- Condamné la SEMOI à payer directement à Monsieur le Comptable Public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 3] la somme de 158 475,28 euros correspondant au montant de la saisie administrative à tiers détenteur du 20 septembre 2021 ;
- Rejeté toute autre demande ;
- Condamné la SEMOI au paiement des entiers dépens ;
- Constaté l'exécution provisoire de plein droit la présente décision ;
Par déclaration du 9 novembre 2023 au greffe de la cour, la SEMOI a formé appel du jugement.
Elle demande à la cour de :
In limine litis,
- Dire nulle l'assignation lui ayant été délivrée à la SEMOI en ce qu'elle n'énonce pas les obligations résultant de l'article L. 123-1 du CPCE et de l'article L. 211-3 du CPCE.
Au fond,
- Réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la totalité de la somme due par M. [J] ;
- Dire que M. [J] ne reste redevable que de la somme de 11.421,96 euros;
- Juger qu'elle ne peut être redevable qu'à hauteur des sommes qu'elle aurait dû retenir en exécution des avis à tiers-détendeur reçus ;
- Dire qu'elle s'est trouvée malgré elle dans la situation qui lui est opposée, les actes étant reçus et traités pour le compte de la société par le débiteur lui-même ;
- Dépens comme de droit.
Le Comptable public sollicite de la cour de:
In limine litis,
- Juger que l'assignation délivrée à la SEMOI en date du 28 juillet 2023 est régulière ;
- Débouter la SEMOI de sa demande de nullité de l'assignation en date du 28 juillet 2023 ;
Au fond,
- Confirmer le jugement rendu par le Juge de l'exécution près le Tribunal judiciaire de Saint-Denis le 26 octobre 2023 ;
En conséquence,
- Condamner la SEMOI à lui payer directement la somme de 158.475,28€ correspondant au montant de la saisie administrative à tiers détenteur du 20 septembre 2021 ;
- Débouter la SEMOI de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouter la SEMOI de sa demande visant à considérer qu'elle n'est redevable qu'à hauteur des sommes qu'elle aurait dû retenir en exécution des avis à tiers détendeur reçus ;
- Juger que la SEMOI n'avait aucun motif légitime lui permettant de se soustraire à ses obligations ;
- Condamner la SEMOI à lui payer la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la SEMOI aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Vu les dernières conclusions de la SEMOI du 18 mars 2024 et celles du Comptable public du 23 avril 2024 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties;
Vu l'ordonnance de clôture du 18 juin 2024;
Sur la demande de titre exécutoire
Aux termes de l'article L. 262-2 du livre de procédures fiscales, "1. Les créances dont les comptables publics sont chargés du recouvrement peuvent faire l'objet d'une saisie administrative à tiers détenteur notifiée aux dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables.
[...]
La saisie administrative à tiers détenteur emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution. Les articles L. 162-1 et L. 162-2 du même code sont applicables. [...]".
Le 3 du même article dispose en outre que "Sous peine de se voir réclamer les sommes saisies majorées du taux d'intérêt légal, le tiers saisi, destinataire de la saisie administrative à tiers détenteur, est tenu de verser, aux lieu et place du redevable, dans les trente jours suivant la réception de la saisie, les fonds qu'il détient ou qu'il doit, à concurrence des sommes dues par ce dernier.
[...]
Le tiers saisi est tenu de déclarer immédiatement par tous moyens l'étendue de ses obligations à l'égard du redevable dans les conditions prévues à l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution.
[...]
Le tiers saisi qui s'abstient, sans motif légitime, de faire cette déclaration ou fait une déclaration inexacte ou mensongère peut être condamné, à la demande du créancier, au paiement des sommes dues à ce dernier, sans préjudice d'une condamnation à des dommages et intérêts".
En l'espèce, par courrier recommandé retourné comme "avisé non réclamé" du 24 novembre 2016, le Comptable public a mis en demeure M. [J] et son épouse de payer les sommes de 131.850 euros, au titre des impôts sur le revenus et prélèvements sociaux 2011 et 2012, outre majoration et de 28.532 euros au titre des impôts sur le revenus et prélèvements sociaux 2013, outre majoration.
Par lettres recommandées réceptionnées les 8 janvier 2019, 20 mars 2020, 20 septembre 2021 puis par acte d'huissier du 6 avril 2022, le Comptable public a fait délivrer à la SEMOI, employeur de M. [J], des avis de saisine administrative à tiers détenteur d'avoir à lu payer la somme de 158.475,28 euros au titre des impositions non réglées par M. [J].
La SEMOI n'a pas déclaré au Comptable public l'étendue de ses obligations envers M. [J].
1- En premier lieu, pour faire obstacle aux demandes du Comptable public, la SEMOI fait valoir que l'assignation est nulle faute de mentionner les obligations résultant des articles L. 123-1 et L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution.
Sur ce,
Vu l'article 114 du code de procédure civile;
Comme le relève le Comptable public, la SEMOI ne justifie pas en quoi l'absence de reproduction dans l'assignation devant le juge de l'exécution délivrée le 28 juillet 2023 des dispositions des articles L. 123-1 et L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution - par ailleurs expressément visés- impliquerait la nullité de cet acte.
L'exception de nullité doit par suite être écartée.
2- En deuxième lieu, la SEMOI énonce que le Comptable public ne l'a pas mise en demeure de payer les sommes demandées alors que cette mise en demeure est un préalable à la procédure de recouvrement.
Toutefois, comme le fait justement observer le Comptable public, la demande portée devant le juge de l'exécution à raison du défaut de diligence du tiers saisi n'est pas un acte de recouvrement dirigée contre le tiers au titre d'une imposition dont il serait lui-même redevable mais à raison de la créance d'un autre, en l'espèce M. [J].
Le moyen est donc sans portée.
En outre, M. [J] a lui-même été mis en demeure de régler les impositions mises à sa charge le 26 novembre 2016, comme ci avant rappelé, soit avant les présentes procédures de recouvrement forcé.
3- En troisième lieu, la SEMOI fait valoir que les impositions 2011 et 2012 mises en recouvrement seraient prescrites pour avoir été poursuivies plus de trois ans après l'année suivant laquelle elles étaient respectivement dues.
Sur ce,
Vu les articles L. 199, L. 257, L. 274 et L. 281 du livre des procédures fiscales;
Vu l'article 49 du code de procédure civile;
Il résulte du tableau figurant aux conclusions de l'appelante faisant figurer des "dates de mise en recouvrement" entre 2013 et 2015 au titre des impôts sur le revenus dus pour les années 2011 et 2012 que la SEMOI admet que ces impositions ont été reprises par l'administration fiscale dans le délai de trois ans figurant à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales et que le moyen qu'elle soulève tient en réalité à la prescription de l'action en recouvrement de l'administration fiscale, faute pour ces impositions d'avoir été recouvrées avant le 29 octobre 2019.
A cet égard, le Comptable public relève à juste titre que cette question afférente à la prescription de l'action en recouvrement de la créance visée par les poursuites ressort de la compétence du juge administratif.
Toutefois, eu égard à l'absence de difficulté sérieuse de cette question, il n'y a pas lieu de sursoir à statuer et d'inviter les parties à saisir le juge administratif.
En effet, en application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, l'action en recouvrement se prescrit par quatre ans à compter de la mise en recouvrement du rôle, or, comme relevé plus haut, la mise en recouvrement du rôle, pour les impositions sur le revenu au titre de 2011 et 2012, est intervenue suivant mises au rôle intervenues entre 2013 et 2015. Ainsi que le fait valoir l'administration fiscale, la prescription de l'action en recouvrement a été interrompue à raison de la délivrance d'une première mise en demeure de payer lesdites impositions, conformément à l'article L. 257 susvisé, en date du 26 novembre 2016. Les poursuites à raison d'une saisie administrative à tiers détenteur initiées le 29 octobre 2019 n'encourent donc pas la prescription de l'action.
4- En quatrième lieu, la SEMOI soutient qu'elle n'est tenue à paiement que dans la limite des sommes dues à M. [J], à savoir, le montant de son salaire diminué du reste à vivre et qu'elle a déjà réglé en partie la créance.
Sur ce,
L'action conduite en application du 3 de l'article L. 262 susvisé permet à l'administration fiscale de solliciter la délivrance d'un titre exécutoire à l'encontre du tiers saisi pour le montant de l'ensemble de la dette fiscale du créancier si le tiers saisi ne délivre pas les informations requises sur le montant de sa dette envers le redevable.
L'affirmation par la SEMOI de ce qu'elle ne saurait avoir à s'acquitter d'une somme supérieure à celle qu'elle doit au redevable est donc erronée.
En revanche, l'appelante est fondée à relever que la dette fiscale de M. [J] a déjà été réduite à raison de prélèvements effectués sur salaire au bénéfice de l'administration fiscale à compter de septembre 2022, réduisant les impositions et pénalités restant dues par M. [J] à la somme de 131.858,70 euros au 31 janvier 2024, suivant bordereau de situation fourni par le Comptable public.
5- En cinquième lieu, la SEMOI prétend qu'elle dispose d'un motif légitime à ne pas avoir fait la déclaration requise suite à la notification des saisies à tiers détenteurs puisque c'est M. [J] lui-même qui a reçu ces actes pour son compte alors que ses représentants se trouvaient à l'étranger. Elle précise qu'elle a exécuté la saisie dès qu'elle a été en mesure de le faire.
Toutefois, comme l'indique le Comptable public, qui en justifie par les pièces qu'il produit, au-delà de l'obligation légale faite à l'administration fiscale d'avoir à notifier la saisie administrative au siège social de l'entreprise, l'intimé a également porté celle-ci à la connaissance des représentants légaux de la SEMOI au domicile personnel de ceux-ci, établi à Madagascar, le 4 octobre 2022. Ce n'est toutefois qu'en septembre 2023 que la SEMOI a initié des saisies sur le salaire de M. [J] au bénéfice de l'administration fiscale, sans se soumettre à l'obligation d'information de l'administration sur l'étendue de ses obligations à l'égard du redevable M. [J].
En conséquence de l'ensemble de ce qui précède, l'administration est fondées à solliciter de la SEMOI un titre exécutoire à l'encontre de cette dernière à hauteur des sommes dues par le redevable, M. [J], soit un montant de 131.858,70 euros.
Sur les dépens et frais irrépétibles.
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;
La SEMOI, qui succombe, supportera les dépens.
L'équité commande en outre de la condamner à verser au Comptable public la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
- Écarte l'exception tirée de la nullité de l'assignation;
- Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a fixé le quantum du titre exécutoire délivré au bénéfice du Comptable public à l'encontre de la SEMOI;
- L'infirme dans cette mesure;
Statuant à nouveau de ce chef,
- Condamne la SAS Société d'exploitation et de management de l'Océan indien (SEMOI) à payer directement à Monsieur le Comptable Public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 3] la somme de 131.858,70 euros au titre de la saisie administrative à tiers détenteur du 20 septembre 2021 pour la dette subsistante de M. [J];
Y ajoutant,
- Condamne la SAS Société d'exploitation et de management de l'Océan indien (SEMOI) à verser au Comptable public la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles;
- Condamne la SAS Société d'exploitation et de management de l'Océan indien (SEMOI) aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
PF
N° RG 23/01582 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F7HQ
S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION ET DE MANAGEMENT DE L'OCEAN INDIEN (SEMOI)
C/
Etablissement Public MONSIEUR LE COMPTABLE PUBLIC, RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 3]
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2024
Chambre civile TGI
Appel d'une ordonnance rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE SAINT DENIS (REUNION) en date du 26 OCTOBRE 2023 suivant déclaration d'appel en date du 09 NOVEMBRE 2023 rg n°: 23/02547
APPELANTE :
S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION ET DE MANAGEMENT DE L'OCEAN INDIEN (SEMOI)
[Adresse 2]
[Localité 3] (REUNION)
Représentant : Me Frédéric CERVEAUX, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
Etablissement Public MONSIEUR LE COMPTABLE PUBLIC, RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Céline MAZAUDIER-PICHON DE BURY de la SELARL PRAGMA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture: 18 juin 2024
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Août 2024 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Mme Pauline FLAUSS, Conseillère
Le président a indiqué que l'audience sera tenue en double rapporteur. Les parties ne s'y sont pas opposées.
A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 29 Octobre 2024.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Mme Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 29 Octobre 2024.
Greffier : Mme Véronique FONTAINE
LA COUR
Par lettre recommandée du 20 septembre 2021, le Comptable Public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 3] a notifié à la SAS Société d'exploitation et de management de l'Océan indien (SEMOI) une saisie administrative à tiers détenteur en sa qualité de débitrice de M. [J], son salarié, pour la somme de 158.475,28 euros.
En l'absence de déclaration au Comptable public de l'étendue de son obligation à M. [J], par acte de commissaire de justice du 28 juillet 2023, le Comptable public a fait assigner la SEMOI devant le juge de l'exécution aux fins de voir condamner la SEMOI à lui verser la somme de 158.475,28 euros correspondant à la totalité de la dette fiscale de M. [J] à son égard.
Par jugement réputé contradictoire du 26 octobre 2023, le juge a:
- Condamné la SEMOI à payer directement à Monsieur le Comptable Public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 3] la somme de 158 475,28 euros correspondant au montant de la saisie administrative à tiers détenteur du 20 septembre 2021 ;
- Rejeté toute autre demande ;
- Condamné la SEMOI au paiement des entiers dépens ;
- Constaté l'exécution provisoire de plein droit la présente décision ;
Par déclaration du 9 novembre 2023 au greffe de la cour, la SEMOI a formé appel du jugement.
Elle demande à la cour de :
In limine litis,
- Dire nulle l'assignation lui ayant été délivrée à la SEMOI en ce qu'elle n'énonce pas les obligations résultant de l'article L. 123-1 du CPCE et de l'article L. 211-3 du CPCE.
Au fond,
- Réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la totalité de la somme due par M. [J] ;
- Dire que M. [J] ne reste redevable que de la somme de 11.421,96 euros;
- Juger qu'elle ne peut être redevable qu'à hauteur des sommes qu'elle aurait dû retenir en exécution des avis à tiers-détendeur reçus ;
- Dire qu'elle s'est trouvée malgré elle dans la situation qui lui est opposée, les actes étant reçus et traités pour le compte de la société par le débiteur lui-même ;
- Dépens comme de droit.
Le Comptable public sollicite de la cour de:
In limine litis,
- Juger que l'assignation délivrée à la SEMOI en date du 28 juillet 2023 est régulière ;
- Débouter la SEMOI de sa demande de nullité de l'assignation en date du 28 juillet 2023 ;
Au fond,
- Confirmer le jugement rendu par le Juge de l'exécution près le Tribunal judiciaire de Saint-Denis le 26 octobre 2023 ;
En conséquence,
- Condamner la SEMOI à lui payer directement la somme de 158.475,28€ correspondant au montant de la saisie administrative à tiers détenteur du 20 septembre 2021 ;
- Débouter la SEMOI de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouter la SEMOI de sa demande visant à considérer qu'elle n'est redevable qu'à hauteur des sommes qu'elle aurait dû retenir en exécution des avis à tiers détendeur reçus ;
- Juger que la SEMOI n'avait aucun motif légitime lui permettant de se soustraire à ses obligations ;
- Condamner la SEMOI à lui payer la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la SEMOI aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Vu les dernières conclusions de la SEMOI du 18 mars 2024 et celles du Comptable public du 23 avril 2024 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties;
Vu l'ordonnance de clôture du 18 juin 2024;
Sur la demande de titre exécutoire
Aux termes de l'article L. 262-2 du livre de procédures fiscales, "1. Les créances dont les comptables publics sont chargés du recouvrement peuvent faire l'objet d'une saisie administrative à tiers détenteur notifiée aux dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables.
[...]
La saisie administrative à tiers détenteur emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution. Les articles L. 162-1 et L. 162-2 du même code sont applicables. [...]".
Le 3 du même article dispose en outre que "Sous peine de se voir réclamer les sommes saisies majorées du taux d'intérêt légal, le tiers saisi, destinataire de la saisie administrative à tiers détenteur, est tenu de verser, aux lieu et place du redevable, dans les trente jours suivant la réception de la saisie, les fonds qu'il détient ou qu'il doit, à concurrence des sommes dues par ce dernier.
[...]
Le tiers saisi est tenu de déclarer immédiatement par tous moyens l'étendue de ses obligations à l'égard du redevable dans les conditions prévues à l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution.
[...]
Le tiers saisi qui s'abstient, sans motif légitime, de faire cette déclaration ou fait une déclaration inexacte ou mensongère peut être condamné, à la demande du créancier, au paiement des sommes dues à ce dernier, sans préjudice d'une condamnation à des dommages et intérêts".
En l'espèce, par courrier recommandé retourné comme "avisé non réclamé" du 24 novembre 2016, le Comptable public a mis en demeure M. [J] et son épouse de payer les sommes de 131.850 euros, au titre des impôts sur le revenus et prélèvements sociaux 2011 et 2012, outre majoration et de 28.532 euros au titre des impôts sur le revenus et prélèvements sociaux 2013, outre majoration.
Par lettres recommandées réceptionnées les 8 janvier 2019, 20 mars 2020, 20 septembre 2021 puis par acte d'huissier du 6 avril 2022, le Comptable public a fait délivrer à la SEMOI, employeur de M. [J], des avis de saisine administrative à tiers détenteur d'avoir à lu payer la somme de 158.475,28 euros au titre des impositions non réglées par M. [J].
La SEMOI n'a pas déclaré au Comptable public l'étendue de ses obligations envers M. [J].
1- En premier lieu, pour faire obstacle aux demandes du Comptable public, la SEMOI fait valoir que l'assignation est nulle faute de mentionner les obligations résultant des articles L. 123-1 et L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution.
Sur ce,
Vu l'article 114 du code de procédure civile;
Comme le relève le Comptable public, la SEMOI ne justifie pas en quoi l'absence de reproduction dans l'assignation devant le juge de l'exécution délivrée le 28 juillet 2023 des dispositions des articles L. 123-1 et L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution - par ailleurs expressément visés- impliquerait la nullité de cet acte.
L'exception de nullité doit par suite être écartée.
2- En deuxième lieu, la SEMOI énonce que le Comptable public ne l'a pas mise en demeure de payer les sommes demandées alors que cette mise en demeure est un préalable à la procédure de recouvrement.
Toutefois, comme le fait justement observer le Comptable public, la demande portée devant le juge de l'exécution à raison du défaut de diligence du tiers saisi n'est pas un acte de recouvrement dirigée contre le tiers au titre d'une imposition dont il serait lui-même redevable mais à raison de la créance d'un autre, en l'espèce M. [J].
Le moyen est donc sans portée.
En outre, M. [J] a lui-même été mis en demeure de régler les impositions mises à sa charge le 26 novembre 2016, comme ci avant rappelé, soit avant les présentes procédures de recouvrement forcé.
3- En troisième lieu, la SEMOI fait valoir que les impositions 2011 et 2012 mises en recouvrement seraient prescrites pour avoir été poursuivies plus de trois ans après l'année suivant laquelle elles étaient respectivement dues.
Sur ce,
Vu les articles L. 199, L. 257, L. 274 et L. 281 du livre des procédures fiscales;
Vu l'article 49 du code de procédure civile;
Il résulte du tableau figurant aux conclusions de l'appelante faisant figurer des "dates de mise en recouvrement" entre 2013 et 2015 au titre des impôts sur le revenus dus pour les années 2011 et 2012 que la SEMOI admet que ces impositions ont été reprises par l'administration fiscale dans le délai de trois ans figurant à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales et que le moyen qu'elle soulève tient en réalité à la prescription de l'action en recouvrement de l'administration fiscale, faute pour ces impositions d'avoir été recouvrées avant le 29 octobre 2019.
A cet égard, le Comptable public relève à juste titre que cette question afférente à la prescription de l'action en recouvrement de la créance visée par les poursuites ressort de la compétence du juge administratif.
Toutefois, eu égard à l'absence de difficulté sérieuse de cette question, il n'y a pas lieu de sursoir à statuer et d'inviter les parties à saisir le juge administratif.
En effet, en application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, l'action en recouvrement se prescrit par quatre ans à compter de la mise en recouvrement du rôle, or, comme relevé plus haut, la mise en recouvrement du rôle, pour les impositions sur le revenu au titre de 2011 et 2012, est intervenue suivant mises au rôle intervenues entre 2013 et 2015. Ainsi que le fait valoir l'administration fiscale, la prescription de l'action en recouvrement a été interrompue à raison de la délivrance d'une première mise en demeure de payer lesdites impositions, conformément à l'article L. 257 susvisé, en date du 26 novembre 2016. Les poursuites à raison d'une saisie administrative à tiers détenteur initiées le 29 octobre 2019 n'encourent donc pas la prescription de l'action.
4- En quatrième lieu, la SEMOI soutient qu'elle n'est tenue à paiement que dans la limite des sommes dues à M. [J], à savoir, le montant de son salaire diminué du reste à vivre et qu'elle a déjà réglé en partie la créance.
Sur ce,
L'action conduite en application du 3 de l'article L. 262 susvisé permet à l'administration fiscale de solliciter la délivrance d'un titre exécutoire à l'encontre du tiers saisi pour le montant de l'ensemble de la dette fiscale du créancier si le tiers saisi ne délivre pas les informations requises sur le montant de sa dette envers le redevable.
L'affirmation par la SEMOI de ce qu'elle ne saurait avoir à s'acquitter d'une somme supérieure à celle qu'elle doit au redevable est donc erronée.
En revanche, l'appelante est fondée à relever que la dette fiscale de M. [J] a déjà été réduite à raison de prélèvements effectués sur salaire au bénéfice de l'administration fiscale à compter de septembre 2022, réduisant les impositions et pénalités restant dues par M. [J] à la somme de 131.858,70 euros au 31 janvier 2024, suivant bordereau de situation fourni par le Comptable public.
5- En cinquième lieu, la SEMOI prétend qu'elle dispose d'un motif légitime à ne pas avoir fait la déclaration requise suite à la notification des saisies à tiers détenteurs puisque c'est M. [J] lui-même qui a reçu ces actes pour son compte alors que ses représentants se trouvaient à l'étranger. Elle précise qu'elle a exécuté la saisie dès qu'elle a été en mesure de le faire.
Toutefois, comme l'indique le Comptable public, qui en justifie par les pièces qu'il produit, au-delà de l'obligation légale faite à l'administration fiscale d'avoir à notifier la saisie administrative au siège social de l'entreprise, l'intimé a également porté celle-ci à la connaissance des représentants légaux de la SEMOI au domicile personnel de ceux-ci, établi à Madagascar, le 4 octobre 2022. Ce n'est toutefois qu'en septembre 2023 que la SEMOI a initié des saisies sur le salaire de M. [J] au bénéfice de l'administration fiscale, sans se soumettre à l'obligation d'information de l'administration sur l'étendue de ses obligations à l'égard du redevable M. [J].
En conséquence de l'ensemble de ce qui précède, l'administration est fondées à solliciter de la SEMOI un titre exécutoire à l'encontre de cette dernière à hauteur des sommes dues par le redevable, M. [J], soit un montant de 131.858,70 euros.
Sur les dépens et frais irrépétibles.
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;
La SEMOI, qui succombe, supportera les dépens.
L'équité commande en outre de la condamner à verser au Comptable public la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
- Écarte l'exception tirée de la nullité de l'assignation;
- Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a fixé le quantum du titre exécutoire délivré au bénéfice du Comptable public à l'encontre de la SEMOI;
- L'infirme dans cette mesure;
Statuant à nouveau de ce chef,
- Condamne la SAS Société d'exploitation et de management de l'Océan indien (SEMOI) à payer directement à Monsieur le Comptable Public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 3] la somme de 131.858,70 euros au titre de la saisie administrative à tiers détenteur du 20 septembre 2021 pour la dette subsistante de M. [J];
Y ajoutant,
- Condamne la SAS Société d'exploitation et de management de l'Océan indien (SEMOI) à verser au Comptable public la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles;
- Condamne la SAS Société d'exploitation et de management de l'Océan indien (SEMOI) aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT