CA Basse-Terre, ch. soc., 21 octobre 2024, n° 22/01190
BASSE-TERRE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Ubipharm-Guadeloupe (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Goff
Conseillers :
Mme Clédat, M. Mosser
Avocats :
Me Portais-Golven, Me Kalifa
FAITS ET PROCÉDURE
M. [O] [U] a été embauché suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er février 2019 par la SA Ubipharm Guadeloupe, en qualité de pharmacien adjoint, statut cadre.
Le 20 novembre 2020, M. [O] [U] a mis en demeure son employeur de lui régler la somme de 72 228,26 euros représentant 2153 heures supplémentaires
Le 31 décembre 2020, M. [O] [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.
Par requête du 22 juin 2021, M. [O] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre afin de voir requalifier sa prise d'acte aux torts exclusifs de son employeur en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner la SA Ubipharm Guadeloupe à lui payer les sommes suivantes :
- 72 228,26 euros au titre des heures supplémentaires
- 7 222,83 euros au titre des congés payés afférents
- 2 331,55 euros à titre d'indemnité de congés payés en contrepartie du travail réalisé le samedi
- 21 759,12 euros à titre d'indemnité de préavis
- 2 175,91 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis
- 3 463,33 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
- 25 385,64 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle
- 43 518,24 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé
- 4 513,49 euros au titre des congés payés afférents ou subsidiairement 4 418,16 euros
- 2 000,00 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au non respect de la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail
- 2 000,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ordonner sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir la remise des bulletins de paie afférents aux créances salariales, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle Emploi et ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement du 8 novembre 2022, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
DIT que la prise d'acte de M. [O] [U] s'analyse en une démission
DÉBOUTÉ M. [O] [U] de toutes ses demandes indemnitaires
CONDAMNÉ M. [O] [U] à payer à la SA Ubipharm Guadeloupe la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
CONDAMNÉ M. [O] [U] aux éventuels dépens de l'instance.
M. [O] [U] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 novembre 2022, dans les termes suivants : 'Objet/Portée de l'appel : L'appel tend à la réformation du jugement entrepris rendu le 8 novembre 2022 par le Conseil de prud'hommes de POINTE-A-PITRE en ce qu'il a : - dit que la prise d'acte de M. [O] [U] s'analysait en une démission - débouté M. [O] [U] de toutes ses demandes indemnitaires -condamné M. [O] [U] à payer à la SA Ubipharm Guadeloupe la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile - condamné M. [O] [U] aux éventuels dépens de l'instance'.
Les parties ont conclu et l'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2023.
M. [O] [U] a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture selon conclusions notifiées par voie électronique les 20 octobre, 9 novembre 2023, 10 janvier et 21 mai 2024.
La SA Ubipharm Guadeloupe s'est opposée à cette demande de rabat de l'ordonnance de clôture selon conclusions des 8, 17 novembre 2023 et 16 janvier 2004.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières conclusions notifiées avant l'ordonnance de clôture par voie électronique le 21 juin 2023, M. [O] [U] demande à la cour de :
INFIRMER le jugement entrepris rendu par le Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 8 novembre 2022 en ce qu'il a :
- Dit que la prise d'acte de M. [O] [U] s'analyse en une démission
- Débouté M. [O] [U] de toutes ses demandes indemnitaires
- Condamné M. [O] [U] à payer à la société Ubipharm Guadeloupe la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamné M. [O] [U] aux éventuels dépens de l'instance
Statuant à nouveau :
RÉPARER l'omission de statuer en statuer sur l'ensemble des demandes formulées par M. [O] [U]
DÉCLARER que la prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse CONDAMNER la SA Ubipharm Guadeloupe, au paiement des sommes suivantes :
- 72 228,26 euros au titre des heures supplémentaires
- 7 222,83 euros au titre des congés payés afférents
- 2 331,55 euros à titre d'indemnité de congés payés en contrepartie du travail réalisé le samedi
- 21 759,12 euros à titre d'indemnité de préavis
- 2 175,91 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis
- 3 463,33 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
- 25 385,64 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 43 518,24 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé
- 45 134,93 euros à titre d'indemnité de repos consécutive au dépassement du contingent d'heures supplémentaires ou, subsidiairement, la somme de 44 181,63 euros
- 4 513,49 euros au titre des congés payés afférents ou, subsidiairement, la somme de 4 418,16
- 2 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au non-respect de la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés lors de la première instance
ORDONNER sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir la remise des bulletins de paie afférents aux créances salariales ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle Emploi.
SE RESERVER la faculté de liquider ladite astreinte
CONDAMNER la SA Ubipharm Guadeloupe, aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution et au paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Selon ses dernières conclusions notifiées avant l'ordonnance de clôture par voie électronique le 21 août 2023, la SA Ubipharm Guadeloupe demande à la cour de :
In limine litis
JUGER irrecevables les demandes de M. [O] [U] au titre des créances salariales, faute d'effet dévolutif en l'absence de critique du chef de jugement par l'appelant ;
JUGER en conséquence irrecevable la demande de M. [O] [U] tendant à la réparation de l'omission commise par le conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre dans le jugement déféré ;
Sur le fond et en tout état de cause
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 8 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;
DEBOUTER en conséquence M. [O] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires à celles de la société Ubipharm Guadeloupe ;
Y ajoutant,
CONDAMNER M. [O] [U] à payer à la société Ubipharm Guadeloupe la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER M. [O] [U] aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I / Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
L'article 803 du code de procédure civile dispose que « L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal. ».
En l'espèce, M. [O] [U] sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 21 septembre 2023, au motif qu'il a eu communication, postérieurement à cette ordonnance, de pièces susceptibles d'influer sur l'issue du litige, à savoir un arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 10 septembre 2019 et un arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 17 décembre 2024.
La production de telles pièces ne constituant pas une cause grave au sens de l'article 803 du code de procédure civile, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture sera rejetée.
II / Sur les demandes salariales
A / Sur la recevabilité des demandes
Il est constant que le Conseil de prud'hommes, dans ses motifs, a statué sur l'ensemble des demandes, c'est à dire sur la demande de requalification de la prise d'acte, sur les heures supplémentaires et sur les demandes indemnitaires.
Cependant, dans son dispositif, le Conseil de prud'hommes a seulement statué sur la demande au titre de la prise d'acte, et sur les demandes indemnitaires
Il s'ensuit que le jugement entrepris est affecté d'une omission matérielle concernant les demandes salariales de M. [O] [U].
L'article 462 du code de procédure civile dispose que : « Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. ».
La SA Ubipharm Guadeloupe reconnaît que la Cour est compétente pour statuer sur les demandes omises par les premiers juges mais soutient que l'appelant aurait dû formuler la demande de réparation d'omission dans sa déclaration d'appel ou dans une déclaration d'appel rectificative et qu'à défaut, ses demandes seraient irrecevables.
Force est cependant de constater qu'aucun texte ne prévoit que l'appelant doit énoncer dans sa déclaration d'appel les chefs de demande sur lesquels le jugement aurait omis de statuer.
En effet, l'article 901 du code de procédure civile prévoit que « La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2 et 3 de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.»
Le fait que le décret du 6 mai 2017 ait mis fin à l'appel général et que l'effet dévolutif porte sur les chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel, n'efface pas le principe selon lequel la Cour doit statuer sur les demandes formulées dans le dispositif des conclusions notifiées devant elle par l'appelant lorsque ces demandes ont été omises par le premier juge.
(Cass. Soc. 15 septembre 2021- Pourvoi nº 19-24.485).
Il en résulte que les demandes salariales de M. [O] [U] sont recevables.
B / Sur le bien fondé des demandes
*Concernant les heures supplémentaires
En vertu de l'article L. 3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine (soit 151 heures/mois).
Selon l'article L. 3121- 28 du même code, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
Conformément à l'article L. 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires donnent lieu :
- à une majoration du salaire de 25 % pour chacune des 8 premières heures (au-delà de 35 heures et jusqu'à la 43e incluse)
- à une majoration du salaire de 50 % pour les suivantes.
L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu' « en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».
Il en résulte qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, M. [O] [U] soutient qu'il travaillait a minima de 7h30 à 19h30, et de 8h à 13h30 un samedi matin sur deux. Il verse aux débats, pour en justifier, les éléments suivants :
1 - Des attestations de collègues, colocataire ou amis indiquant qu'il travaillait a minima de 7h30 à 19h30 :
-M. [I] [W], son homologue en Guyane qui a effectué une formation au sein d'Ubipharm Guadeloupe en mars 2019 consistant à travailler en binôme avec M. [C], prédécesseur de M. [U], atteste : « Ma formation en Guadeloupe était assurée par le pharmacien responsable d'exploitation précédent M. [U], à savoir M. [C], actuel DG. Au cours de ma formation en Guadeloupe, mes horaires étaient de 7h30 à 19h30 du lundi au vendredi et un samedi sur deux. » (...) « En poste en Guyane du 1er avril au 31 décembre 2019, je pouvais avoir des échanges avec M. [U] sur les problématiques d'exploitation [...]. A ce titre, je savais que je pouvais joindre M. [U] sur les heures que j'ai eu à travailler lors de ma formation en Guadeloupe à savoir 7h30 à 19h30 du lundi au vendredi, le samedi matin, un des deux pharmaciens étaient également tout le temps présent (soit M. [U] soit M. [C])» (pièce 13) ;
- Mme [J] [X], employée de la société Ubipharm Guadeloupe confirme (pièce 14) : « J'étais présente tous les jours de 7h à 17h du lundi au vendredi ainsi que tous les samedi matin à partir de 7h. J'atteste donc par la présente que M. [U] a été présent tous les jours du lundi au vendredi à 7h30 et un samedi sur deux en alternance avec M. [C] à 8h.»
Certes, de février à septembre 2019, Mme [X] travaillait dans un établissement situé à 3 kms de celui de M. [U] mais c'est Mme [X] qui déposait les commandes de matériel médical pour les clients le matin de sorte qu'elle voyait M. [U] à 7h30.
Mme [X] était responsable d'une équipe composée d'un chauffeur et d'un manutentionnaire, lesquels étaient chargés d'installer le matériel médical chez les patients, tandis qu'elle-même se chargeait des ventes et locations à la pharmacie, et livrait donc le matériel à l'établissement dans lequel travaillait M. [U].
Ainsi, contrairement à ce que prétend la société Ubipharm Guadeloupe sans le démontrer, son statut de « responsable commerciale » n'empêchait en rien l'employeur de la charger des livraisons matinales, ou encore du nettoyage du matériel (pièce 36).
- M. [A] [D], colocataire de M. [U] en août 2020 atteste (pièce 15) :
« J'ai constaté qu'il occupait la salle de bain de 6h15 à 6h40 tous les matins. Il quittait la maison à 7h pour arriver au travail à 7h30.
Il rentrait à la maison après 20h et je me souviens l'avoir attendu après 20h pour commencer une partie de belote.
Il travaillait le samedi matin, un samedi sur deux, ce qui l'a empêché de s'inscrire à la plongée avec moi. »
Le fait que M. [U] ait été en congé une semaine durant ce mois d'août n'enlève en rien la valeur probante de cette attestation.
- Mme [B] [N] explique (pièce 16) : « Il m'est arrivé de lui demander de m'amener au travail quand ma voiture était en panne. Il me déposait à mon travail à 7 h pour pouvoir arriver à son travail à 7h30 »
2 - Un planning de service rédigé par la direction suivant les déclarations de chacun, sur lequel sont indiqués les horaires de chaque salarié (pièce 18).
Pour M. [U], il est indiqué 7h-19h tous les jours de la semaine et 8h-13h30 le samedi.
A l'époque, la Direction n'a pas remis en cause les déclarations du salarié et les a reprises pour son propre compte.
D'ailleurs le 19 décembre 2019, M. [T] [V], le responsable RH, interrogé sur le planning des salariés durant les semaines de Noël, reprenait le planning susvisé, signe que l'employeur connaissait bien les horaires de M. [U] (pièce 39).
3 - Des éléments objectifs constitués par les tâches qu'il a réalisées et dont la trace permet de connaître l'heure à laquelle il travaillait :
- des échanges de SMS ou messages whatsapp démontrant les horaires auxquels M. [U] était amené à travailler, qu'il s'agisse d'informations de la part de ses équipes quant aux commandes réalisées ou non, quant aux retards ou absences du lendemain ou du jour même (qu'il devait pallier soit le soir-même soit le lendemain matin au moment de l'embauche de ses équipes à 7h ou 7h30 en prévoyant un remplacement, par un collègue ou par lui-même), qu'il s'agisse encore de sollicitations de la part de ses responsables, ou de suivi de dossiers (pièces 6, 31 et 32). Il arrivait d'ailleurs, à la Direction de solliciter M. [U] le dimanche (pièce 34).
- les mouvements de stocks qu'il a réalisés avec pour chacun la date et l'heure auxquelles ils ont été effectués (pièce 7). Si l'essentiel de ces mouvements de stocks étaient fréquemment réalisés en journée, il n'était pas rare que M. [U] les effectue dès 5h, 6h ou 7h du matin, et parfois le soir aux alentours de 19h ou 19h30.
- des factures éditées par lui avec pour chacune la date et l'heure d'édition, indiquées en haut à droite (pièce 8). Le code propre à M. [U] (PER322 ' pièce 9) est indiqué sur chacune d'elles. Il en ressort qu'il était fréquent qu'il les édite très tôt le matin (5h ou 6h du matin) et tard le soir, régulièrement après 20 heures.
- des échanges de mails de 2019 à 2020 corroborant là encore le fait qu'il gérait le suivi des dossiers dès 7h30 le matin au moins, et jusqu'à 19h30 le soir (pièce 10)
- des photographies qu'il a prises au sein de la société Ubipharm pour pouvoir ensuite montrer les produits et échanger avec ses différents interlocuteurs, avec pour chacune d'elles la date et l'heure auxquelles elles ont été prises (pièce 11).
A partir de l'ensemble de ces éléments, M. [U] a dressé un tableau de synthèse qui reprend un par un l'ensemble des éléments ainsi versés, indiquant pour chacun d'eux la date et l'heure à laquelle ils ont eu lieu (pièce 5), répertoriant plus de 800 éléments de preuve (pièces 6 à 12) permettant d'attester de ses horaires de travail, en début et en fin de journée, ainsi que le samedi
M. [O] [U] présente ainsi, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il affirme avoir accomplies.
Contrairement à ce que soutient la SA Ubipharm Guadeloupe M. [O] [U] était soumis à l'horaire collectif puisque son contrat de travail prévoyait qu'il devait « exercer ses fonctions selon les horaires applicables dans l'entreprise ».
En tout état de cause, si tel n'avait pas été le cas, l'employeur avait l'obligation de décompter le temps de travail de M. [U] conformément à l'article D. 3171-8 du code du travail qui dispose que : « Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :
1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;
2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié. »
Or la SA Ubipharm Guadeloupe ne rapporte pas le moindre décompte, quotidien, hebdomadaire ou mensuel des horaires de son salarié.
La seule et unique pièce produite par la société Ubipharm est l'attestation de M. [C], Directeur Général de la société Ubipharm Guadeloupe.
Or la Cour de cassation décide de manière constante que l'attestation du directeur général n'a pas de valeur probante dès lors que nul ne paeut se constituer de preuve à lui-même. ( Cass. soc. 11 mai 1999 n 97-41.245).
En tout état de cause, M. [C] n'affirme pas que M. [U] n'a pas effectué d'heures supplémentaires contrairement à ce qu'affirme la société, M. [C] se cantonne à déclarer qu'il était libre dans ses horaires, mais n'atteste en aucun cas ne pas avoir effectué lui-même d'heures supplémentaires.
La SA Ubipharm Guadeloupe soutient que le fait que M. [U] ait travaillé tôt le matin et tard le soir ne prouverait pas qu'il ait travaillé toute la journée.
Le salarié expose cependant, sans être contredit sur ce point, que si la livraison principale a lieu tôt le matin, d'autres livraisons ont lieu à horaires réguliers au cours de la journée : à 11h, à 11h30, à 12h30, à 12h45, à 14h et à 16h30, de sorte qu'en sa qualité de responsable, il devait être présent pour les organiser, surveiller leur bon déroulement et gérer son équipe. ; qu'il avait en parallèle de nombreuses missions à remplir et notamment la gestion du personnel, qui impliquait de facto sa présence
La SA Ubipharm Guadeloupe soutient que M. [U] était en formation en Guyane en février et mars 2019 de sorte qu'il serait infondé à solliciter un rappel d'heures supplémentaires pour cette période.
Or, la formation de M. [U] consistait à travailler en binôme avec le responsable d'exploitation en Guyane (à l'instar de la formation de M. [W], qui en atteste ' pièce 13), de sorte qu'il travaillait suivant ses horaires, lesquels étaient très similaires, si ce n'est plus importants, que ceux qu'il connaîtrait par la suite.
En outre, contrairement à ce que soutient la SA Ubipharm Guadeloupe, l'article L.6321-2 du code du travail précise que le temps de formation est du temps de travail effectif : « Toute action de formation qui conditionne l'exercice d'une activité ou d'une fonction, en application d'une convention internationale ou de dispositions légales et règlementaires, constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l'entreprise de la rémunération. ».
La SA Ubipharm Guadeloupe soutient encore que M. [U] ne pourrait prétendre au paiement d'heures supplémentaires dans la mesure où la société ne lui aurait jamais donné d'autorisation pour effectuer ces heures supplémentaires et qu'il lui incombait en tant que manager de veiller au respect de la réglementation en matière de temps de travail.
Il est cependant de jurisprudence constante que tout salarié est bien fondé à solliciter le paiement des heures supplémentaires peu important l'absence de demande explicite de l'employeur dès lors qu'elles ont effectuées avec son accord même implicite, ou qu'elles ont été rendues nécessaires par les tâches qui lui ont été confiées.
M. [O] [U] expose, sans être contredit sur ce point, que la Direction, qui travaillait dans les mêmes locaux que lui, ne pouvait ignorer son amplitude de travail, et alors qu'en octobre 2019 elle avait elle-même noté ses horaires de travail (pièce 18).
En l'espèce il est patent que l'employeur avait donné son accord implicite pour la réalisation d'heures supplémentaires dans la mesure où il savait que M. [U] travaillait de 7h à 19h (pièce 18) et ne le lui a jamais interdit bien au contraire.
Au surplus, l'employeur lui-même sollicitait parfois M. [U] en dehors des horaires collectifs de travail en semaine, mais également le week-end ou les jours fériés (pièces 6, 10 et 34).
La SA Ubipharm Guadeloupe allègue ensuite que M. [E] lorsqu'il était pharmacien adjoint, ne dépassait pas la durée légale du travail. En ce sens, elle verse une liste de ses mouvements de stocks, révélant qu'il n'en effectuait aucun avant 8 heures et aucun après 16h30.
Il ressort cependant de cette pièce que M. [E] effectuait 1000 mouvements de stocks sur le premier semestre 2021 là où
M. [U] en réalisait en moyenne 1 500.
Il s'en déduit que M. [E] a bénéficié d'une organisation différente de celle qui était imposée à M. [U].
Force est ainsi de constater que l'employeur échoue à contredire utilement les éléments précis et concordants produits par le salarié quant aux heures non rémunérées qu'il affirme avoir accomplies.
Il sera fait droit à la demande à concurrence de 50 000 euros outre la somme de 5000 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande.
* Concernant la demande d'indemnité de congés payés en contrepartie du travail du samedi
M. [O] [U] sollicite le paiement d'une indemnité de 2.331,55 euros en compensation des heures travaillées le samedi en application de l'article K. 4.2 de la convention collective de la répartition pharmaceutique IDCC 1621.
Force est cependant de constater que ce texte ne lui est pas applicable puisqu'il ne concerne que le personnel d'encadrement rémunéré au forfait, ce qui n'est pas son cas.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.
* Concernant la demande d'indemnité de repos consécutive au dépassement du contingent d'heures supplémentaires
L'article L. 3121-30 du Code du travail prévoit que : « Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. ».
La contrepartie sous forme de repos est égale à 100% pour les entreprises comptant plus de 20 salariés.
Lorsque le salarié n'a pas bénéficié de la contrepartie en repos, il peut demander le montant de l'indemnité de repos, laquelle correspond à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé ce temps de repos, ainsi que l'indemnité de congés payés afférents. Cass. soc., 11 mars 2009, n 07-41.525 ; Cass. soc., 24 mars 2010, n 08-41.515
L'article K.2.2.2 de la convention collective de répartition pharmaceutique, résultant de l'accord du 11 juin 1999, étendu par arrêté du 17 novembre 1999 modifié par arrêté du 16 mai 2000, réduisant le temps de travail à 35 heures, prévoit un contingent de 150 heures pour le personnel d'encadrement
M. [O] [U] ayant travaillé 912,61 heures au-dessus du contingent en 2019, est en droit de réclamer à ce titre la somme de 21 698,51 euros (de février à juillet : 451,06 x 23,66 ' d'août à décembre : 461,55 x 23,89), outre 2 169,85 euros au titre des congés payés afférents.
M. [O] [U] ayant travaillé 941,11 heures au-dessus du contingent en 2020, est en droit de réclamer à ce titre la somme de 22 483,12 euros outre 2 248,31 euros au titre des congés payés afférents.
La SA Ubipharm Guadeloupe sera donc condamnée à payer la somme de 44 181,63 euros à titre d'indemnité de repos consécutive au dépassement du contingent d'heures supplémentaires outre 4418,16 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande.
III / Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail
La durée maximale hebdomadaire de travail visant à protéger la santé du salarié ainsi que sa vie personnelle, a été largement dépassée ainsi qu'il a été démontré plus haut.
Ses amis attestent que compte tenu de ses horaires, il a dû renoncer à certaines activités, tant le soir que le week-end (pièces 15 à 17).
Il convient de condamner son employeur à lui payer la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice.
III / Sur le travail dissimulé
Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé (par dissimulation d'emploi salarié) le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre P de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En l'espèce, M. [O] [U] ne démontre pas l'intention frauduleuse de son employeur.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de paiement de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L8223-1 du code du travail.
IV. / Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié
A / S'agissant de la qualification de la prise d'acte
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission.
Par lettre du 31 décembre 2020 , M. [O] [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :
« Monsieur le Directeur Général, Salarié au sein de la société Ubipharm Guadeloupe depuis le 1er février 2019 en qualité de pharmacien adjoint, j'ai subi les conséquences de très nombreux manquements à vos obligations, dont la gravité est telle qu'elle me contraint aujourd'hui à prendre acte de la rupture du contrat de travail qui nous lie, à vos torts exclusifs.
En effet, depuis le 1er février 2019, la charge de travail m'a contraint de travailler du lundi au-vendredi de 7h30 à 19h30 avec une heure de pause méridionale et un samedi sur deux de 8h à 13h30, en alternance avec M. [C].
Vous aviez évidemment connaissance que je réalisais ces très nombreuses heures supplémentaires (cela ressort notamment très clairement d'un mail du 22 octobre 2019), mais vous n'avez jamais cru devoir me les régler.
Ces horaires représentaient non moins de 22,75 heures supplémentaires par semaine, soit 98,50 heures par mois et, à ce jour, près de 2 167 heures ! Outre le temps considérable passé au service de la société, cela représente également un manque à gagner de près de 76 082 euros...
En outre, le contingent annuel d'heures supplémentaires de 130 heures selon notre convention collective a été très largement outrepassé (en 2019, non moins de 953 heures au-dessus du contingent et 1 083 en 2020), sans faire là non plus l'objet d'aucune contrepartie.
De même, je n'ai jamais bénéficié des congés supplémentaires prévus par la convention collective en contrepartie du travail effectué le samedi.
Enfin, la charge de travail imposée et les heures que j'ai dû réaliser pour Ubipharm Guadeloupe ont conduit à la violation des durées maximales de travail encore une fois sous vos yeux, en toute connaissance de cause et sans jamais de contrepartie.
L'ensemble de ces manquements sont particulièrement graves.
Par lettre du 20 novembre 2020 reçue le 30 novembre 2020, je vous ai demandé de régulariser ia situation afin que notre contrat puisse perdurer. En réponse, si vous n'avez pas nié la réalisation de l'ensemble de ces heures, vous n'avez toujours pas régularisé et m'avez même signifié n'avoir pas l'intention de le faire.
Dans ces circonstances, compte tenu de la gravité des manquements, je ne peux que prendre acte la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.
Le 29 décembre dernier vous avez mandaté un huissier de justice pour mettre sous scellé mon matériel professionnel (ordinateur portable, téléphone portable, clé de l'entreprise, badge d'accès au magasin). J'en déduis que vous ne souhaitez pas que je continue à travailler au sein de l'entreprise.
Toutefois conformément à la jurisprudence, je me vois contraint de rester à votre disposition pour effectuer mon préavis si vous me le demandez. En application de la convention collective de la répartition pharmaceutique, celui-ci est de 3 mois. A défaut pour vous de me faire savoir votre souhait en ce sens avant 19h30 le jour de la réception de la présente, je considérerai ne pas avoir à l'exécuter.
La rupture sera suivie d'une requête devant le Conseil de prud'hommes afin d'obtenir le respect de mes droits et la réparation financière du préjudice que j'ai subi.
Lors de mon dernier jour de travail dans l'entreprise, je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation pôle emploi. ».
Il ressort des développements qui précèdent que les griefs relatifs à la nécessité de travailler de nombreuses heures supplémentaires sans contrepartie financière, au dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires et au non-respect des durées maximales de travail, sont établis.
En tout état de cause, ni l'ancienneté des faits ni la tardiveté de la réclamation du salarié ni la concomitance de cette réclamation avec des négociations en vue d'une rupture conventionnelle, ne peuvent réduire à néant l'importance des manquements de l'employeur dès lors qu'ils ont persisté dans le temps et qu'ils présentent cette caractéristique d'être suffisamment graves pour empêcher la relation de travail.
Il convient, dans ces conditions, requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
B / Sur les conséquences financières de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié
Compte tenu de la requalification de sa prise d'acte, M. [O] [U] est en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'une indemnité légale de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
1 / Sur l'indemnité compensatrice de préavis
L'article L. 1234-1 du code du travail dispose que « Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de service continu inférieure à six mois, à un préavis dont la durée fixée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de service continu compris entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienne de service continu d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis, une condition d'ancienneté de service plus favorable pour le salarié. ».
En l'espèce, la convention collective prévoit quant à elle un préavis de trois mois pour les cadres, dont faisait partie M. [O] [U].
La SA Ubipharm Guadeloupe sera condamnée à payer à M. [O] [U] la somme de 21 759,12 euros à titre d'indemnité de préavis et celle de 2 175,91 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis.
2/ Sur l'indemnité légale de licenciement
En application de l'article L. 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail.
L'article R. 1234-2 du même code précise que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans, auquel s'ajoute un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans.
M. [U] disposait au moment de son départ de l'entreprise de 23 mois d'ancienneté.
La SA Ubipharm Guadeloupe sera condamnée à lui payer la somme de 3 463,33 euros (0,25 x 7 253,04 x 1,91) à titre d'indemnité légale de licenciement.
3 / Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, compte tenu de la taille de l'entreprise, de l'ancienneté du salarié de 26 mois, incluant la durée du préavis, de son salaire brut mensuel (7253,04 euros) mais aussi de son souhait personnel de mettre fin au contrat (proposition de rupture conventionnelle) et du fait qu'il a retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée du 25 mars 2021, bien qu'à des conditions financières moins avantageuses, il y a lieu de lui allouer la somme de 21 759,12 euros (soit 3 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
V / Concernant la remise de documents
Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre à M. [O] [U] un bulletin de paie récapitulatif des sommes versées en exécution du présent arret ainsi qu'un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arret, et ce dans le délai de 40 jours à compter de la présente décision à peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard.
VI / Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [O] [U] payer à la SA Ubipharm Guadeloupe la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La SA Ubipharm Guadeloupe, partie perdante du procès, sera condamnée à payer à M. [O] [U] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 8 novembre 2022 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité de congés payés en contrepartie du travail du samedi et la demande d'indemnité pour travail dissimulé ;
Statuant à nouveau,
Rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes salariales de M. [O] [U]
Condamne la SA Ubipharm Guadeloupe à payer à M. [O] [U] les sommes suivantes
- 50 000 euros au titre des heures supplémentaires outre la somme de 5000 euros au titre des congés payés afférents
- 44 181,63 euros à titre d'indemnité de repos consécutive au dépassement du contingent d'heures supplémentaires outre 4418,16 euros
- 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail
Requalifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SA Ubipharm Guadeloupe à payer à M. [O] [U] les sommes suivantes
- 21 759,12 euros à titre d'indemnité de préavis et 2 175,91 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis
- 3 463,33 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
- 21 759,12 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la SA Ubipharm Guadeloupe à payer à M. [O] [U] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne à la SA Ubipharm Guadeloupe de remettre à M. [O] [U] un bulletin de paie récapitulatif des sommes versées en exécution du présent arrêt ainsi qu'un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans le délai de 40 jours à compter de la signification du présent décision à peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard ;
Condamne la SA Ubipharm Guadeloupe aux dépens de première instance et d'appel ;
Laisse les dépens à la charge de l'appelant.