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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 23 octobre 2024, n° 22/04495

AMIENS

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Camus Travaux (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fallenot

Avocats :

Me Delahousse, Me Mathieu

TJ Amiens, du 17 août 2022

17 août 2022

DECISION

FAITS ET PROCEDURE

Selon un bon de commande du 14 mars 2018, M. [V] [J] et Mme [F] [O] ont confié à la SARL Camus travaux la réalisation d'une allée et d'une cour d'une surface de 188 m2 avec un enrobé noir à chaud, pour le prix de 19 524,78 euros TTC. Ils ont réglé un acompte de 4 881,20 euros à la société.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2018, M. [J] a informé la société Camus travaux de son refus de réceptionner les travaux et l'a mise en demeure de reprendre la totalité de l'enrobé.

Par lettres recommandées avec avis de réception des 30 septembre, 30 novembre et 14 décembre 2018, la société Camus travaux a mis en demeure les maîtres de l'ouvrage de lui payer le solde des travaux commandés, soit la somme de 14 918,58 euros, ainsi que celle de 1 888,40 euros pour une facture supplémentaire.

Le 7 mars 2019, un procès-verbal de constat a été dressé à la demande de M. [J] et Mme [O], lesquels ont ensuite saisi, par acte du 28 mars 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Amiens afin d'obtenir une mesure d'expertise. Il a été fait droit à leur demande par décision du 22 mai 2019. L'expert a déposé son rapport le 30 septembre 2021.

Par acte du 21 mai 2021, la société Camus travaux a fait assigner M. [J] et Mme [O] aux fins de faire prononcer la réception des travaux et obtenir le paiement de la somme de 16 803,98 euros, outre des dommages-intérêts pour dénigrement commercial.

Par jugement du 17 août 2022, le tribunal judiciaire d'Amiens a :

-débouté la société Camus travaux de toutes ses demandes ;

-prononcé la résolution du contrat de louage d'ouvrage conclu entre les parties avec effet au 15 février 2022 ;

-condamné la société Camus travaux à payer à M. [J] et Mme [O] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel ;

-débouté M. [J] et Mme [O] de leurs autres demandes ;

-condamné la société Camus travaux aux dépens, dont ceux exposés en référé et le coût de l'expertise judiciaire ;

-condamné la société Camus travaux à payer à M. [J] et Mme [O] la somme de 2 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-rejeté sa propre demande fondée sur le même texte.

Par déclaration du 3 octobre 2022, la société Camus travaux a interjeté appel de cette décision, en visant l'ensemble de ses chefs.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions d'incident notifiées le 4 mars 2024, M. [J] et Mme [O] demandent au conseiller de la mise en état de :

-déclarer irrecevable l'appel interjeté le 21 octobre 2022 par la société Camus travaux ;

-condamner la société Camus travaux à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident, dont distraction au profit de Me Gilbert Mathieu.

Par conclusions notifiées le 19 mars 2024, la société Camus travaux demande au conseiller de la mise en état de :

-dire et juger les époux [J] irrecevables et mal fondés en leurs demandes et les en débouter ;

-condamner in solidum les époux [J] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner in solidum les époux [J] aux dépens de l'incident.

L'incident a été fixé pour plaidoiries à l'audience du 25 septembre 2024.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'appel

M. [J] et Mme [O] soutiennent que la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante contreviennent aux dispositions des articles 542 et 562 du code civil. Ils affirment que la déclaration d'appel initiale, ou celle éventuellement rectificative présentée dans le délai de régularisation, doit reprendre une à une les demandes présentées au premier juge pour les faire figurer comme chefs de jugement critiqués lorsque celui-ci s'est contenté de débouter les parties de leurs prétentions. Ils ajoutent que la recevabilité d'une déclaration d'appel dépend de sa motivation, laquelle peut intervenir postérieurement à la déclaration initiale par conclusions, sous réserve que les délais impartis de régularisation ne soient pas expirés. Or les conclusions de l'appelante produites dans le délai imparti de régularisation sont taisantes quant à la motivation.

La société Camus travaux répond qu'ils confondent les chefs du jugement critiqués et les prétentions formulées devant la juridiction de première instance, ainsi que l'effet dévolutif et la recevabilité de l'appel. Elle soutient que sa déclaration d'appel n'est pas entachée d'irrégularité puisqu'elle a mentionné expressément les chefs de jugement critiqués, et rappelle qu'aucune disposition n'exige que la déclaration d'appel mentionne, s'agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu'il en est demandé l'infirmation. Quant à ses premières conclusions, elles mentionnent bien sa demande d'infirmation, ainsi que ses demandes au fond.

Sur ce,

En droit, en application des articles 562 et 901, 4 du code de procédure civile, en leur version applicable au présent incident, la déclaration d'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et en application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement.

Il en résulte que la déclaration d'appel qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel, quand les conclusions, par l'énoncé, dans leur dispositif, de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, déterminent, quant à elles, la finalité de l'appel, qui tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.

Au cas d'espèce, il s'impose de constater que M. [J] et Mme [O] font une lecture erronée des textes applicables et n'en tirent pas les conséquences juridiques adaptées.

En premier lieu, la déclaration d'appel comme les conclusions d'appelante de la société Camus travaux respectent les textes précédemment rappelés, qui n'imposent ni le rappel des prétentions formulées en première instance, ni une quelconque motivation de la déclaration d'appel. Il a d'ailleurs été jugé qu'une déclaration d'appel qui se bornait à solliciter la réformation d'une décision querellée en énumérant uniquement les demandes formulées devant le premier juge ne saisissait la cour d'aucun chef du dispositif du jugement. L'article 901 du code de procédure civile exige uniquement de l'appelant qu'il énumère, dans sa déclaration d'appel, les chefs de jugement expressément critiqués.

En second lieu, l'absence d'effet dévolutif n'est pas sanctionnée par l'irrecevabilité de l'appel.

Il convient donc de débouter M. [J] et Mme [O] de leur demande tendant à faire déclarer l'appel de la société Camus travaux irrecevable.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 et 699 du code de procédure civile, il convient de condamner in solidum M. [J] et Mme [O] aux dépens d'incident et de débouter Me Gilbert Mathieu de sa demande de distraction.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [J] et Mme [O] seront par ailleurs condamnés in solidum à payer à la société Camus travaux la somme indiquée au dispositif de la présente décision et déboutés de leur propre demande au titre de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, après débats publics, par ordonnance contradictoire susceptible de déféré,

Déboute M. [J] et Mme [O] de leur prétention tendant à faire déclarer l'appel de la société Camus travaux irrecevable ;

Condamne in solidum M. [J] et Mme [O] aux dépens de l'incident ;

Déboute Me Gilbert Mathieu de sa demande de distraction ;

Condamne in solidum M. [J] et Mme [O] à payer à la société Camus travaux la somme de 800 euros au titre de ses frais irrépétibles d'incident ;

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 6 novembre 2024.