CA Paris, Pôle 6 ch. 3, 23 octobre 2024, n° 21/07453
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Behira Logistic (SARL), Nov'Achev (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marmorat
Conseillers :
M. Baconnier, Mme Sautron
Avocats :
Me Mayadoux, Me de la Seiglière
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [I] [D] [G], né le 17 septembre 1985, a été embauché par la société Nov'Abyss, désormais dénommée Béhira Logistic, le 1er avril 2006, ayant comme activité le nettoyage des chantiers et de leurs bases de vie, en qualité d'agent de nettoyage, puis en dernier lieu en qualité de chef de groupe d'exploitation ayant une rémunération mensuelle moyenne brute égale à la somme de 3 670,28 euros.
Par ailleurs, monsieur [D] [G] est associé de la société Nov'Achev, immatriculée le 10 mai 2010, à part égale avec son frère, monsieur [O] [G], gérant des sociétés Béhira Logistic et Nov'Achev.
Le 1er avril 2012, monsieur [D] [G] a été réembauché par la société Nov'Achev jusqu'au 28 février 2014, puis par la société Nov'Abyss le 1er mars 2014 au même poste.
Le 5 octobre 2018, monsieur [G] a été licencié par la société Nov'Abyss pour faute grave qui serait constituée par des actes d'insubordination, d'insultes et de menaces envers son employeur, ainsi que d'une grave altercation avec violences verbales, insultes et violences physiques, intervenue le 5 septembre 2018 avec son frère, soit le gérant de la société, et un collègue salarié.
Le 7 octobre 2019, monsieur [D] [G] a saisi en contestation son licenciement pour faute grave par la société Nov'Abyss, demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec la société Nov'Achev à ses torts exclusifs, ainsi qu'en diverses demandes indemnitaires et salariales le Conseil des prud'hommes de Bobigny lequel par jugement du 21 juillet 2021 l'a débouté de toutes ses demandes.
Monsieur [D] [G] a interjeté appel de cette décision le 23 août 2021.
Par ordonnance du 9 juin 2022, le conseillé à la mise en état a rejeté la demande de caducité de la déclaration d'appel.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 22 novembre 2021 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [D] [G] demande à la cour d'infirmer le jugement prud'homal et, statuant à nouveau, de :
- Fixer le salaire de référence à 3 670,28 euros bruts ;
- Reconnaître l'ancienneté de monsieur [G] chez Nov'Abyss (Béhira Logistic) au 15 mai 2006 ;
- Juger les deux sociétés intimées solidaires dans les condamnations à intervenir au profit de l'appelant, lesquelles suivent :
I°) Au titre du licenciement pour faute grave par Behira Logistic anciennement Nov'Abyss de Monsieur [G] :
Condamner solidairement les sociétés Nov'Abyss et Nov'Achev à lui verser les sommes suivantes':
TITRE
SOMME EN EUROS
Indemnité de licenciement
12 387,19
Indemnité compensatrice de préavis
Congés payés
11 010,841
101,08
Mise à pied
Congés payés
3 670,28
367,03
licenciement sans cause réelle et sérieuse principal subsidiaire
88 086,72
40 373,08
Condamner solidairement les sociétés Nov'Abyss et Nov'Achev à rembourser Pôle Emploi des allocations chômage versées à hauteur de 6 mois ;
II°) Au titre des manquements en matière de rémunérations
Condamner in solidum les sociétés Nov'Abyss et Nov'Achev à ce qui suit :
1/ Retenue sur salaire injustifiée par Nov'Abyss (Béhira Logistic) :
' Septembre 2017 : 800 euros bruts, outre 80 euros pour les congés payés ;
' Août 2018 : 139,39 euros brut, outre 13,94 euros pour les congés payés
2/ Rappels de salaires sur salaire de base et durée du travail contractuellement prévus par Nov' Abyss :
Un différentiel de salaire de base mensuel restant dû de 650 euros :
- A titre principal, compte tenu de la mise en demeure restée vaine du 9 novembre 2018 interruptive de prescription :
' Rappels de salaires de novembre 2015 à octobre 2018 (3 ans) : 23 400 euros bruts, outre 2 340 euros pour les congés payés
- A titre subsidiaire, sur la base de la saisine prud'homale du 3 octobre 2019, soit jusqu'à octobre 2016 et jusqu'au terme du préavis (5 janvier 2019) :
' Rappels de salaires d'octobre 2016 à janvier 2019 (27 mois) : 17 550 euros bruts, outre 1 755 euros pour les congés payés ;
- En tout état de cause :
' Dommages et intérêts en réparation du préjudice de l'appelant lié au non-respect du salaire mensuel de base contractuellement défini, malgré demande de régularisation en vain le 9 novembre 2018 : 2 000 euros nets ;
(d) Un différentiel d'heures de travail contractuellement définies de 17h33 par mois :
Soit, sous condition de la prescription triennale arrêtée à la date de la requête prud'homale (3 octobre 2019), remontant à octobre 2016 jusqu'au terme du préavis (5 janvier 2019) :
- A titre principal, avec un taux horaire reconstitué de 21,72 euros, sur la base contractuelle de 3 670,28 euros bruts mensuels pour 169h :
' Rappels de salaires d'octobre 2016 à janvier 2019 (27 mois) : 12 703,75 euros bruts, outre : 1 270,37 euros pour les congés payés
- A titre subsidiaire, avec le taux horaire des bulletins de paye, de '19,9135" euros, inférieur à celui contractuellement défini :
' Rappels de salaires d'octobre 2016 à janvier 2019 (27 mois) : 11 647,157 euros bruts outre 1 164,71 euros pour les congés payés ;
En tout état de cause :
' Dommages et intérêts en réparation du préjudice du salarié lié au non-règlement des heures de travail contractuellement prévues : 2 000 euros nets ;
- 3/ Juger les sociétés Nov'Abyss et Nov'Achev responsables de travail dissimulé, et les condamner solidairement à lui verser la somme de 22 021,68 euros nets d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
III°) Sur la relation de travail du salarié avec Nov'Achev :
Ordonner la résolution judiciaire de la relation de travail de monsieur [D] [G] avec la société Nov'Achev à compter de la décision à intervenir aux torts exclusifs de cette dernière ou à tout le moins partagés avec Béhira Logistic (ex-Nov'Abyss)
Condamner solidairement les sociétés Nov'Abyss et Nov'Achev intimées au règlement des salaires dus à l'appelant du fait de cette relation de travail pour la période allant de la notification du licenciement par Nov'Abyss (soit le 5 octobre 2018) jusqu'au jour du prononcé de la résolution judiciaire de la relation contractuelle avec Nov'Achev à prononcer par la Cour de céans, sur la base du salaire moyen servi, donc 3 670,28 euros bruts et au règlement des congés payés afférents (10%) ;
Condamner solidairement les sociétés Nov'Abyss et Nov'Achev à lui verser' les sommes suivantes:
- 8 640,45 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
- 11 010,84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1 101,08 euros pour les congés payés afférents
- 36'702,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre principal ou 33 032,52 euros à titre subsidiaire
Ordonner la remise des documents de fin de contrat au demandeur par Nov'Achev (attestation pôle emploi, certificat de travail, solde de tout compte), sous astreinte de 30 euros par document et par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la notification par le greffe de la décision à intervenir ;
IV°) En tout état de cause
Condamner les sociétés Nov'Abyss et Nov'Achev aux dépens et à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure prud'homale, outre celle de 4 000 euros au titre de la procédure d'appel ;
Ordonner l'application des intérêts légaux à compter du 5 octobre 2018 (date du courrier de notification du licenciement) avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 code civil.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 11 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne leurs moyens, les sociétés Béhira Logistic et Nov'Achev demandent à la cour de :
Se déclarer non saisie
Déclarer irrecevables les conclusions de monsieur [D] [G] signifiées le 11 avril 2022 ou subsidiairement sa demande tendant à les condamner à lui régler une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre d'une relation du travail couvrant au minimum la période d'emploi du 3/5/2010 au 3/12/2022 en conséquence de la résolution judiciaire de la relation de travail du demandeur et de Nov'Achev aux torts de cette dernière : 40 373,08 euros pour un calcul d'ancienneté jusqu'au jour du prononcé de la résiliation judiciaire permettant d'atteindre a minima 12 ans d'ancienneté du Barème Macron, soit une indemnisation de11 mois de salaire
A titre subsidiaire
Infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas déclaré irrecevable comme prescrite la demande de monsieur [D] [G] de résiliation judiciaire du contrat de travail
Confirmer toutes les autres dispositions
Débouter monsieur [D] [G] de toutes ses demandes
Plus subsidiairement
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions
Débouter monsieur [D] [G] de toutes ses demandes
Y ajoutant
Condamner monsieur [D] [G] aux dépens et à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Motifs
SUR L'EFFET DÉVOLUTIF DE LA DÉCLARATION D'APPEL
Principe de droit applicable
Il résulte des articles 4 et 5 du code de procédure civile que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge ne doit se prononcer que sur ce qui lui est demandé.
Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Enfin, selon l'article 901 du même code, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :( ..) 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Application en l'espèce
Les sociétés Béhira Logistic et Nov'Achev prétendent que la cour ne serait pas saisie dans la mesure où l'objet de l'appel défini dans la déclaration d'appel du 23 août 2021 comportant la mention ''Voir annexe faisant corps à la présente déclaration d'appel'' n'est pas repris dans cette annexe qui présenterait des demandes qui ne sont pas similaires à celles mentionnées dans la déclaration d'appel et souligne le fait que la déclaration d'appel ne précise pas les chefs de jugement expressément critiqués.
La déclaration d'appel comporte les mentions suivantes':
''Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : VOIR ANNEXE FAISANT CORPS Objet/Portée de l'appel :
AVEC LA DECLARATION D'APPEL Le Jugement sera infirmé en ce qu'il a Débouté M. [G] de la totalité de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens ; Et, statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de : - Juger les intimées solidaires dans les condamnations à intervenir au profit de l'appelant, à savoir : - Juger que le comportement reproché ne constitue nullement une faute d'une gravité telle qu'elle empêchait la poursuite de la relation de travail même durant le préavis, en raison du refus d'explications de l'employeur au sujet de retenues sur salaires ; - Juger que le licenciement de M. [G] n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, et encore moins sur une faute grave, - Juger que la mise à pied n'est pas plus justifiée ; - Juger que le licenciement ne repose sur aucune faute grave qui serait uniquement imputable au salarié, ni même sur aucune cause réelle et sérieuse en raison du contexte reproché par le salarié à son employeur (refus d'explications sur retenues sur salaires), Et par conséquent : o Condamner les intimées à payer à M. [G] : Indemnité de licenciement 12.387,19 euros nets, Préavis 11.010,84 euros + Congés payés afférents 1.101,08 euros, Salaires sur mise à pied 3.670,28€ bruts + Congés payés 367,03 euros, Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 88.086,72 euros nets, A titre subsidiaire 40.373,08 euros nets, / Retenue sursalaire injustifiée par NOV'ABYSS (BEHIRA LOGISTIC) :
'Septembre 2017 : 800 euros bruts + Congés payés 80 euros'Août 2018 : 139,39 euros bruts + Congés payés 13,94€ / Rappels de salaires sur éléments contractuellement prévus par NOV'ABYSS : (a)Différentiel de salaire de base mensuel restant dû de 650€ : 23.400 euros bruts + Congés payés afférents 2.340 euros, A titre subsidiaire, 17.550 euros bruts + Congés payés afférents 1.755 euros - En tout état de cause : ' Dommages et intérêts pour non respect du salaire mensuel de base contractuel : 2.000 € nets (b) Un différentiel d'heures de travail contractuellement définies de 17h33 par mois : 12.703,75 euros bruts + Congés payés afférents 1.270,37 euros, A titre subsidiaire 11.647,157 euros bruts + Congés payés afférents 1.164,71 euros, - En tout état de cause : ' Dommages et intérêts pour non-règlement des heures de travail contractuelles 2.000 € nets / Juger les sociétés intimées responsables de travail dissimulé, et les condamner solidairement au profit de Monsieur [G] à22.021,68€ nets ' Juger que NOV'ACHEV s'est comportée comme employeur du demandeur et que la relation de travail n'a pas été rompue de manière formelle, ' Juger par conséquent que la relation de travail n'a jamais pris fin formellement, et doit être considérée comme s'étant poursuivie ; ' Juger que, du jour au lendemain, sans explication ni formalisation d'une rupture contractuelle, NOV'ACHEV n'a plus assumé ses obligations d'employeur, n'a pas fourni de travail et n'a plus rémunéré M. [G] ; ' Ordonner la résolution judiciaire de la relation de travail de M. [G] avec NOV'ACHEV à compter de la décision à intervenir aux torts exclusifs de NOV'ACHEV voire partagés avec BEHIRA LOGISTIC ; 'Condamner solidairement aux salaires entre le licenciement par NOV'ABYSS le 5 octobre 2018 jusqu'au prononcé de la résolution judiciaire du contrat avec NOV'ACH.''
Il ressort de ce texte que le salarié demande l'infirmation du jugement critiqué qui a rejeté la totalité de ses demandes.
L'annexe reprend les demandes initiales sur 5 pages avec une présentation plus aérée ce qui permet de confirmer que tous les chefs de jugement sont critiqués.
En conséquence, il convient de rejeter ce moyen.
SUR LES EXCEPTIONS D'IRRECEVABILITÉ
Sur l'irrecevabilité tirée du principe de la concentration des écritures
Principe de droit applicable
Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles'905-2'et'908'à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.
L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de'l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Application en l'espèce
Les sociétés Béhira Logistic et Nov'Achev soutiennent que, dans les conclusions signifiées par monsieur [D] [G] le 11 avril 2022, celui-ci demande à la cour de les condamner à lui régler la somme de 40'373,08 euros ou à défaut celle de 33'032,52 euros au titre d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la résolution judiciaire de sa relation de travail avec la société Nov'Achev aux torts de cette dernière pour la période de travail du 3 mai 2010 au 3 décembre 2022 alors que, dans ses premières conclusions, le salarié limitait cette demande à la somme de 36'702,80 euros ou à défaut celle de 33'032,52 euros et prenant en compte la période travaillée comprise entre le 3 mai 2010 et le 3 octobre 2019.
Ces secondes conclusions ne répliquant aux conclusions et pièces adverses ou ne tendant pas à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, il convient de déclarer irrecevables. les conclusions de monsieur [D] [G] signifiées le 11 avril 2022.
Sur l'irrecevabilité tirée de la prescription
Principe de droit applicable
Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.
Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat
Application en l'espèce
Monsieur [D] [G] demande dans ses premières conclusions des rappels de salaires de novembre 2015 à octobre 2018 pour le contrat de travail conclu avec la société Nov'Abyss. Or, comme l'ont justement décidé, les premiers juges saisis par acte du 7 octobre 2019, les demandes salariales portant sur la période de novembre 2015 à septembre 2016 sont prescrites, peu importe qu'une mise en demeure ait été émise le 9 novembre 2018.
De même, monsieur [D] [G] demande la résolution judiciaire de son contrat de travail conclu avec la société Nov'Achev alors que les pièces versées à la procédure établissent que cette relation de travail s'est rompue le 1er mars 2014. Ainsi, l'action ayant été introduite le 7 octobre 2019, cette demande est irrecevable du fait de la prescription.
SUR LE LICENCIEMENT POUR FAUTE
Principe de droit applicable
Aux termes des dispositions de l'article L. 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse'; en vertu des dispositions de l'article L. 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Selon l'article L. 1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Par application des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par l'article L. 1235-2 du même code, fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
Application en l'espèce
En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante':
' Nous vous avons convoqué par lettre du 11 septembre 2018 pour un entretien préalable au 26 septembre 2018 à un éventuel licenciement.
Lors de l'entretien, auquel vous étiez présent et assisté d'un conseiller extérieur à l'entreprise, il vous a été indiqué les motifs motivant cette procédure et nous vous avons entendu en vos explications.
Après réflexion, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs personnels, constitutifs d'une faute grave, suivants :
Le 5 janvier 2018 en fin d'après-midi, au premier étage dans l'Open Space, alors que j'arrivais à mon bureau ou m'attendait monsieur [V] [U] (chef d'équipe) pour l'entretien de planning du lendemain, vous êtes venus vers moi et m'avez interpellé de façon virulente sur votre dernier bulletin de paie d'août 2018 sur lequel il y avait 139,39 € de retenu pour absence autorisée (27 août).
Je vous ai demandé d'appeler notre comptable interne madame [B] [N] ou [C] [Y] mon assistante pour les explications et de me laisser poursuivre mon rendez-vous.
Vous m'avez répondu " Où tu me donnes l'explication ou je fais sortir tout le monde du local ', (savoir m'empêcher de recevoir les 4 autres salariés en attente de me voir pour leur planning du lendemain) ce que vous vous êtes permis de faire. Alors que je reprenais mon entretien avec monsieur [V] [U], vous faites des vas-et-viens en me disant que je ne mérite aucun respect, que je suis un mauvais homme, sans c'ur, que je vous considère comme un voleur et fainéant. Je vous ai rapidement rappelé tout ce que j'ai fait pour vous et je vous ai demandé à plusieurs reprises de sortir.
Comme vous ne voulez pas sortir je vous ai prévenu que si vous ne sortiez pas j'appellerai la Police.
Vous vous êtes placé derrière monsieur [V] [U] et vous avez brutalement retiré sa chaise. Celui-ci a pu s'accrocher à la table, une autre main au sol pour amortir le choc. Je me suis interposé entre vous et Monsieur [V] [U] vous repoussant vers la sortie pour éviter une bagarre entre vous deux. Monsieur [V] [U] s'est calmé et a récupéré la chaise pour s'asseoir lorsque vous avez, à nouveau, retiré la chaise violemment, le faisant à nouveau tomber au sol. J'ai pris mon téléphone en disant que j'appelais la Police. Je vous demandé de quitter les lieux en vous disant que vous étiez mis à pied. Vous avez fini au bout de quelques minutes (tout en continuant à m'insulter) par partir. Le lendemain vous avez déposé la voiture et ses papiers.
Lors de l'entretien, vous êtes venu assisté, et avez contesté les faits en relevant que la vidéo n'avait pas de son. Vous êtes partis dans des menaces obscures et incohérentes comme quoi vous seriez coupable de délits dont je devrais me méfiez puisque je suis supposé en avoir connaissance sans vous dénoncer. Ces accusations et menaces sont inacceptables. Je constate qu’elles ont été réitérées par votre lettre du 26 septembre 2018. Je vous précise à cette occasion que la mise à pied n'est pas un licenciement, la décision de licenciement n'intervient que par la présente.
Ces faits sont inacceptables. Cette conduite nuit gravement à la bonne marche de l'entreprise.'
Application en l'espèce
Dans la lettre de licenciement, l'employeur reproche à monsieur [D] [G] un comportement inapproprié qui se serait déroulé le 5 septembre 2018, et non le 5 janvier qui est une erreur de frappe.
Monsieur [G] soutient que son licenciement serait pleinement abusif, en ce que la société n'aurait démontré aucune faute grave, ni que les faits reprochés constitueraient une cause réelle et suffisamment sérieuse, justifiant une résiliation judiciaire aux torts exclusifs de son employeur. Le salarié souligne également ses liens familiaux avec le gérant de la société, que son licenciement serait intervenu dans un contexte de retenues salariales inexpliquées, malgré son ancienneté de plus de 12 ans de services et qu'il n'aurait jamais reçu de sanctions auparavant.
Il résulte des pièces versées aux débats par la société Nov'Abyss et plus particulièrement du procès-verbal de constat dressé par maître [Z], huissier de justice à [Localité 8] dans lequel figure les images vidéo du 5 septembre 2018 prises à partir de 17 heures, que les faits décrits dans le lettre de licenciement sont corroborés par ces pièces ainsi que par les attestations des personnes présentes dans les locaux de l'entreprise et qu'il importe peu la cause de l'emportement du salarié ou les liens familiaux qui l'unissent au gérant de la société, il n'est pas acceptable d'user de la force dans les lieux du travail et qu'ainsi, il convient de confirmer la décision du Conseil des prud'hommes décidant que la faute grave était constituée, rendant immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles et rejetant les demandes du salarié au titre de la rupture du contrat de travail.
SUR LES AUTRES DEMANDES
Sur les retenues de salaire
Dans ses premières conclusions, monsieur [D] [G] demande d'une part la somme de 800 euros qui aurait été retenue à tort sur sa paie de septembre 2017. Or, il ne communique pas cette feuille de paie, en revanche, l'employeur produit cette pièce qui ne comprend aucune retenue. D'autre part, il sollicite la somme de 139,39 euros ainsi que les congés payés afférents. Cette somme a bien été déduite de son salaire du mois d'août 2018 avec la mention absence autorisée.
Ce bulletin de paie indique également que son solde de congés payés est égal à zéro de sorte qu'il ne pouvait que s'agir d'un congé sans solde conformément à la demande qu'il a signée le 23 juillet 2018, sachant qu'en tant que chef de groupe d'exploitation, il ne pouvait confondre ce formulaire avec un autre. Le jugement entrepris est confirmé sur le rejet de ses deux demandes.
Sur la demande de revalorisation salariale portant sur la période non prescrite
Dans ses premières conclusions, monsieur [D] [G] mentionne une différence entre le salaire de base prévu dans le contrat conclu avec la société Nov'Abyss et celui figurant dans ses bulletins de salaire faisant apparaitre une différence mensuelle égale à la somme de 650 euros ainsi qu'une différence sur le nombre des heures travaillées de l'ordre de 17h33 par mois.
Les pièces versées à la procédure établissent que monsieur [D] [G] a perçu un salaire de base auquel s'ajoutait un salaire de rendement et que le total de ces deux sommes correspond au salaire contractuel et que le différentiel d'heures travaillées correspond également aux heures payées par ces deux salaires.
Ainsi, cette différence entre les clauses contractuelles et l'élaboration des bulletins de salaire n'a pas créé de préjudice au salarié et c'est à juste titre que le Conseil des prud'hommes a rejeté cette demande.
Sur le travail dissimulé
Il résulte de ce qui précède que la demande d'indemnité pour travail dissimulé a été rejeté de bon droit par les premiers juges.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
Déclare irrecevable les conclusions de monsieur [D] [G] signifiées le 11 avril 2022 ;
Déclare irrecevables la demande de résolution du contrat à durée indéterminée conclu entre monsieur [D] [G] et la société Nov'Achev et les demandes subséquentes ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne monsieur [D] [G] aux dépens.