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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 23 octobre 2024, n° 23/06895

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jadel (SAS), Jadel Co-Invest Replay (SAS), Gpk Group (SAS)

Défendeur :

République Française

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mme Drahi, Mme Laurent

Avocats :

Me Lacoste, Me de Fourcroy, Me Awatar

T. com. Lyon, du 28 août 2023, n° 2023r5…

28 août 2023

Exposé du litige

La société Jadel est une société d'Investissement.

La société Gagnepark créée en 2007 a pour activité l'étude, la conception, et la fourniture de parcs de stationnement.

La société Park&Play a été créée en 2018 pour proposer une solution de mise à disposition de parkings modulaires, démontables sur mesure et sans fondation.

Les sociétés Gagnepark et Park&Play étaient présidées et majoritairement détenues par la société Montauroux, société holding patrimoniale.

M. [D] a occupé les fonctions de Responsable administratif et financier de la société Gagnepark de 2012 jusqu'en 2015, puis de Directeur administratif financier.

A compter de mai 2020, il a exercé les mêmes fonctions au sein de la société Montauroux.

M. [M] [D], de même que l'équipe managériale, était par ailleurs associé à hauteur de 1,45% dans la société Gagnepark, et à hauteur de 14 % dans la société Park&Play.

Dans le cadre d'un projet de cession, un mandat a été confié à la banque BNP Paribas.

La société Jadel a été intéressée.

M. [D] a été amené à communiquer des informations comptables et financières relatives au groupe.

Les 17 et 18 mai 2022, une lettre d'intention a été régularisée entre la société Jadel et les cédants et apporteurs potentiels (le président et associé majoritaire des sociétés Gagnepark et Park&Play : la société Montauroux, le directeur général et les autres managers clés.

Les 24 et 27 juin 2022. la société Jadel et la filiale créée pour les besoins de l'investissement (société Jadel Co-Invest Replay) ont régularisé un protocole de cession et d'apport d'actions sous conditions suspensives

Les managers étant associés à l'opération de cession, un MBO a été mis en place.

L'équipe dirigeante a apporté les parts détenues dans le capital social des sociétés Gagnepark et Park&Play au capital de la Société GPK Group, dont ils sont devenus associés directement et via la société Replay Invest, M. [M] [D] en étant le Président.

Une société GPK Group a été constituée début juillet 2022. Les titres des sociétés Gagnepark et Park&Play lui ont été apportés et cédés.

La société GPK Group a notamment procédé à :

L'augmentation de 300.000,00 € de son capital par l'émission de 300.000 actions ordinaires nouvelles au profit de la société Replay Invest,

L'augmentation de 2.056.423,00 € de son capital par l'émission au profit de la société Montauroux de 1.869.972 actions et au profit des cadres salariés associés, de 186.551 actions ordinaires nouvelles, en rémunération de leurs apports respectifs à la société GPK Group de 3.007 et 300 actions Gagnepark ;

L'augmentation de 755.392,00 € de son capital par l'émission de 755.392 actions ordinaires nouvelles au profit des cadres salariés associés, en rémunération de leurs apports à la Société GPK Group de 17.600 actions Park&Play.

Ont été régularisés le 28 juillet 2022 un contrat d'émission d'obligations convertibles en actions OCA, aux termes duquel la société GPK Group a émis un emprunt obligataire de 2.200.000,00 €, souscrit à hauteur de 54,55 % par les sociétés Jadel et Jadel Co-Invest Replay, outre un pacte d'associés.

Il a été convenu que la valeur de l'opération serait notamment déterminée par un multiple de 7 de l'EBITDA. La valeur des titres a été arrêtée à 2.200.000,00 €.

La valeur de transaction a été fixée à la somme de 21.000.000,00 €.

M. [D] a été licencié le 22 septembre 2022.

Les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group indiquent avoir appris ensuite que l'EBITDA ne serait jamais atteint.

Imputant à M. [D] un rôle déterminant dans l'opération par la fourniture des informations financières dont l'EBITDA, et considérant qu'il avait sciemment agi aux fins de tromper les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group en surprenant ainsi leur consentement, les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group ont considéré subir les préjudices suivants :

2 739 100,00 € pour les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group au titre des sommes investies en raison de la surévaluation du groupe,

128 164,00 € pour les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay au titre de la surévaluation du prix de cession des actions détenues par M. [M] [D] dans le cadre du pacte d'associés,

128'163, 70 € pour la société GPK Group au titre de la surévaluation des apports des actions des sociétés Gagnepark et Park&Play apportées par M. [M] [D].

Par requête du 16 mars 2023, les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group ont saisi le président du Tribunal de Commerce de Lyon aux fins d'être autorisées à procéder à des mesures conservatoires.

Par ordonnance du 22 mars 2023, le président du Tribunal de Commerce de Lyon a ordonné une saisie conservatoire de créances à l'encontre de M. [M] [D] comprenant :

Le nantissement des actions qu'il détient au capital de la société GPK Group ;

Le nantissement des actions qu'il détient au capital de la société Replay Invest ;

L'hypothèque judiciaire de ses actifs immobiliers, situés à [Localité 16], [Localité 20], et à [Localité 15].

Plus généralement, la saisie de l'ensemble des créances, sommes, avoirs et titres détenus par M. [M] [D] dans les établissements bancaires.

Ce, pour la sûreté et la conservation des créances suivantes :

2.739.100 €, au titre de la prétendue sur valorisation des sociétés Gagnepark et Park&Play ;

128.164 €, au titre de la sur valorisation des promesses d'achat et de vente croisées ;

128.163 €, au titre de la sur valorisation des apports de M. [D].

Soit un total de : 2.995.427 €.

Par acte du 9 mai 2023, M. [M] [D] a assigné les requérantes en rétractation de l'ordonnance du 22 mars 2023.

Les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group ont assigné M. [D] par acte du 29 juin 2023 devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'indemnisation de leurs préjudices :

Par ordonnance de référé du 28 août 2023, le président du tribunal de commerce de Lyon a :

Déclaré recevable le référé-rétractation de M. [M] [D],

Rétracté l'ordonnance rendue le 22 mars 2023 par le Président du Tribunal de Commerce de Lyon à la requête des sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group,

Ordonné la mainlevée des mesures conservatoires pratiquées sur la base de cette ordonnance,

Rejeté l'ensemble des demandes des sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group et les a renvoyées à mieux se pourvoir si elles l'estiment nécessaire,

Condamné solidairement les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group à payer à M. [M] [D] la somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamné solidairement les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group aux dépens de l'instance.

La SAS Jadel, la SAS Jadel Co-Invest Replay et la SAS GPK Group ont interjeté appel de la décision par déclaration enregistrée le 5 septembre 2023.

Par conclusions régularisées au RPVA le 22 décembre 2023, la SAS Jadel, la SAS Jadel Co-Invest Replay et la SAS GPK Group demandent à la cour :

Réformer l'ordonnance rendue en référé par le Président du Tribunal de Commerce de Lyon le 28 août 2023, en ce qu'elle a :

Déclaré recevable le référé-rétractation de M. [M] [D],

Rétracté l'ordonnance rendue le 22 mars 2023 par le Président du Tribunal de Commerce de Lyon à la requête des sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group et,

Ordonné la mainlevée des mesures conservatoires pratiquées sur la base de cette ordonnance,

Rejeté l'ensemble des demandes des sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group et les a renvoyées à mieux se pourvoir si elles l'estiment nécessaire,

Condamné solidairement les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group à payer à M. [M] [D] la somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamné solidairement les Sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group aux dépens de l'instance.

Confirmer l'ordonnance rendue en référé par le Président du Tribunal de Commerce de Lyon le 28 août 2023, en ce qu'elle a :

Rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [M] [D] et l'a renvoyé à mieux se pourvoir s'il l'estime nécessaire.

Et statuant à nouveau,

Attendu que les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group démontrent détenir des créances qui paraissent fondées en leur principe à l'encontre de M. [M] [D],

Attendu que les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group justifient de la menace pesant sur le recouvrement de leurs créances,

Attendu que les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group sont recevables et bien fondées à solliciter d'être autorisées à pratiquer des mesures conservatoires sur les biens de M. [M] [D].

En conséquence,

Autoriser les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group à pratiquer les mesures conservatoires suivantes :

Tout nantissement conservatoire sur les parts détenues par M. [M] [D] dans le capital social de la société GPK Group (915 303 671 RCS Lyon) ;

Tout nantissement conservatoire sur les parts détenues par M. [M] [D] dans le capital social de la société Replay Invest (917 499 048 RCS Lyon) ;

Toute hypothèque judiciaire provisoire sur tout actif immobilier appartenant à M. [M] [D], notamment sur les biens situés à :

[Localité 16], désignation cadastrale AO [Cadastre 8] à AO [Cadastre 9], lots 40 et 42,

[Localité 20], désignation cadastrale D [Cadastre 4], D [Cadastre 5], D [Cadastre 6] et D [Cadastre 7]

[Localité 15], sis [Adresse 14],

[Localité 15] désignation cadastrale AA [Cadastre 2] à AA [Cadastre 11] et AA [Cadastre 13],

[Localité 15] désignation cadastrale AE [Cadastre 12] et AE, lots 46, 64 et 93 ;

Et plus généralement, toute saisie conservatoire sur l'ensemble des créances, sommes, avoirs et titres détenus par M. [M] [D], dans les livres de tous les établissements bancaires et entre les mains de tous tiers.

Pour sûreté et conservation de leur créance évaluée à la somme de 2.739.100,00 €, en principal, au titre de la sur valorisation des Sociétés Gagnepark et Park&Play,

Autoriser les sociétés Jadel et Jadel Co-Invest Replay à pratiquer les mesures conservatoires suivantes :

Tout nantissement conservatoire sur les parts détenues par M. [M] [D] dans le capital social de la société GPK Group (915 303 671 RCS Lyon) ;

Tout nantissement conservatoire sur les parts détenues par M. [M] [D] dans le capital social de la société Replay Invest (917 499 048 RCS Lyon) ;

Toute hypothèque judiciaire provisoire sur tout actif immobilier appartenant à M. [M] [D], notamment sur les biens situés à :

[Localité 16], désignation cadastrale AO [Cadastre 8] à AO [Cadastre 9], lots 40 et 42,

[Localité 20], désignation cadastrale D [Cadastre 4], D [Cadastre 5], D [Cadastre 6] et D [Cadastre 7],

[Localité 15], sis [Adresse 14],

[Localité 15], désignation cadastrale AA [Cadastre 2] à AA [Cadastre 11] et AA [Cadastre 13],

[Localité 15], désignation cadastrale AE [Cadastre 12] et AE, lots 46, 64 et 93 ;

Et plus généralement, toute saisie conservatoire sur l'ensemble des créances, sommes, avoirs et titres détenus par M. [M] [D], dans les livres de tous les établissements bancaires et entre les mains de tous tiers.

Pour sûreté et conservation de leur créance évaluée à la somme de 128.164,00 €, en principal, au titre de la sur valorisation des promesses d'achat et de vente croisées.

Autoriser la société GPK Group à pratiquer les mesures conservatoires suivantes :

Tout nantissement conservatoire sur les parts détenues par M. [M] [D] dans le capital social de la société GPK Group (915 303 671 RCS Lyon) ;

Tout nantissement conservatoire sur les parts détenues par M. [M] [D] dans le capital social de la société Replay Invest (917 499 048 RCS Lyon) ;

Toute hypothèque judiciaire provisoire sur tout actif immobilier appartenant à M. [M] [D], notamment sur les biens situés à :

[Localité 16], désignation cadastrale AO [Cadastre 8] à AO [Cadastre 9], lots 40 et 42,

[Localité 20], désignation cadastrale D [Cadastre 4], D [Cadastre 5], D [Cadastre 6] et D [Cadastre 7], [Localité 15], sis [Adresse 14],

[Localité 15], désignation cadastrale AA [Cadastre 2] à AA [Cadastre 11] et AA [Cadastre 13],

[Localité 15], désignation cadastrale AE [Cadastre 12] et AE, lots 46, 64 et 93 ;

Et plus généralement, toute saisie conservatoire sur l'ensemble des créances, sommes, avoirs et titres détenus par M. [M] [D], dans les livres de tous les établissements bancaires et entre les mains de tous tiers.

Pour sûreté et conservation de sa créance évaluée à la somme de 128.163,70 € en principal, au titre de la sur valorisation des apports de M. [M] [D].

Dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête querellée, rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Lyon le 22 mars 2023,

Dire n'y avoir lieu à mainlevée des mesures conservatoires pratiquées sur la base de l'ordonnance sur requête querellée, rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Lyon le 22 mars 2023,

Confirmer l'ordonnance sur requête querellée, rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Lyon le 22 mars 2023, en toutes ses dispositions.

En tout état de cause,

Débouter M. [M] [D] de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et prétentions contraires,

Débouter M. [M] [D] de son appel incident,

Condamner M. [M] [D] au paiement d'une somme de 10.000,00 € à la société Jadel au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner M. [M] [D] au paiement d'une somme de 10.000,00 € à la société Jadel Co-Invest Replay au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner M. [M] [D] au paiement d'une somme de 10.000,00 € à la société GPK Group au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner M. [M] [D] aux entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance, distraits au profit de la SELARL Lacoste Chebroux bureau d'avocats, Avocat sur son affirmation de droit.

Par conclusions régularisées au RPVA le 24 mai 2024, M. [M] [D] demande à la cour :

Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 28 août 2023 par le Président du Tribunal de Lyon en ce qu'elle a :

Déclaré recevable le référé-rétractation de M. [M] [D] ;

Rétracté l'ordonnance rendue le 22 mars 2023 par le Président du Tribunal de commerce de Lyon à la requête des sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group et ordonné la mainlevée des mesures conservatoires pratiquées sur la base de cette ordonnance ;

Rejeté l'ensemble des demandes des sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group et les a renvoyées à mieux se pourvoir si elles l'estimaient nécessaire ;

Condamné solidairement les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group à payer à M. [M] [D] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné solidairement les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group aux dépens de l'instance.

Infirmer l'ordonnance de référé rendue le 28 août 2023 par le Président du Tribunal de Lyon en ce qu'elle a :

Rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [M] [D] et l'a renvoyé à mieux se pourvoir s'il l'estimait nécessaire ;

En conséquence, et statuant à nouveau :

Condamner les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group à payer à M. [M] [D] la somme de 50.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices du fait de l'abus de saisie et de procédure ;

En tout état de cause :

Condamner les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group à la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera rappelé que la cour ne répond pas aux 'demandes' tendant à voir 'Dire et Juger ' et 'Constater' lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions mais des moyens.

Aux termes de l'article L. 511-1 du Code des procédures civiles d'exécution :

« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire ».

I. Sur le sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice :

Aux termes de l'article 378 du Code de procédure civile : « La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. »

Selon les sociétés appelantes, il serait d'une bonne administration de la justice que la décision à intervenir quant au bien-fondé de la rétractation intervienne postérieurement à la date à laquelle le litige sera tranché au fond, par le Tribunal de commerce de Lyon.

La cour répond que le principe même de l'application de l'article 511-1 du Code des procédures civiles d'exécution est d'obtenir une mesure conservatoire sans attendre de disposer d'une décision sur le fond.

Ainsi les conditions d'application de cet article doivent être remplies au moment du dépôt de la requête par les motifs de celle-ci et les pièces jointes.

La demande de sursis à statuer dans l'attente du jugement devant être rendu dans l'instance engagée au fond postérieurement à la requête doit être rejetée.

II. Sur l'ordonnance rendue sur requête le 23 mars 2023 :

Selon l'article 1240 du Code Civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Par ailleurs selon les articles 1130 et 1137 du même code :« L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ».

« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des

man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».

Enfin l'article 1139 du Code Civil édicte que « L'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».

Les sociétés Jade, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group invoquent un dol commis par M. [M] [D] soutenant que celui-ci n'avait pas agi en sa seule qualité de salarié de la société Montauroux et sur les ordres de M. [U] [B], son dirigeant.

Elles soutiennent que M. [M] [D] se présente comme l'un des 3 co-fondateurs de la société Gagnepark, professionnel du chiffre, et actionnaire des sociétés Gagnepark et Park&Play, qui ont directement et personnellement participé à l'opération de « MBO », ayant 'uvré pour son compte propre.

Il était l'interlocuteur de l'investisseur et le pourvoyeur d'informations et de données comptables et financières, le seul à disposer des données et des compétences relatives aux chiffres et qui permettaient de valoriser l'EBITDA.

Elles ajoutent qu'il a personnellement insisté pour que l'EBITDA normatif au 31 août 2022 soit figé à 2.200 K € et non pas sur l'EBITDA réel, augmentant la valeur qu'il pouvait ainsi retirer lors de la vente de ses actions.

Par ailleurs, alors que M. [D] a invoqué un audit réalisé à l'initiative des appelantes, celles-ci répondent qu'il s'agit en réalité d'une « Vendor Due Diligence 9 » réalisée à la demande des actionnaires des sociétés Gagnepark et Park&Play, dont fait partie M. [M] [D], sur la base des informations transmises par celui-ci.

Les sociétés appelantes considèrent donc que le litige porte sur le dol commis par M. [M] [D] en sa qualité d'associé, donc personnellement et financièrement intéressé à l'opération, ayant communiqué des informations ayant entrainé une sur valorisation et que l'action peut être dirigée à sa seule encontre.

M. [D] conteste tout dol, soutenant ne pas avoir élaboré seul l'EBITDA retenu, qu'au contraire des éléments non négociés ont été intégrés à l'accord sans être dans l'intérêt des managers dont lui-même qui n'était qu'associé minoritaire et salarié de l'associé majoritaire et président des structures, la société Montauroux présidée par M. [B], étant seule cédante dans le cadre de l'opération.

Il ajoute que les acquéreurs étaient informés des différentes valorisations pouvant être retenues, que le prix d'acquisition était basé sur des performances dans les cinq années à venir et non pas sur les six mois suivant la cession, et qu'ils ont fait le choix de retenir l'EBITDA précédemment évoqué.

La cour rappelle qu'il appartient aux requérants de démontrer que la créance, au jour de l'examen de la requête paraissait fondée.

Le juge de la requête n'est pas le juge de fond. Il n'a pas à statuer sur la réalité de la créance et à en fixer le montant mais se prononce sur le caractère vraisemblable d'un principe de créance en appréciant souverainement si la créance paraît fondée compte tenu des éléments de preuves qui lui sont présentés.

Il est en l'espèce demandé au juge de la requête de retenir l'apparence de l'existence d'un dol commis par M [D] ayant entraîné un préjudice au montant fixé par les requérantes.

Certes M. [D] parce qu'associé minoritaire a eu un intérêt financier dans l'opération et a communiqué des informations financières puisque Directeur administratif et financier de la société Montauroux. Pour autant, les seules allégations des requérantes et simple regard de la cour des pièces produites ne caractérisent pas l'apparence du bien fondé de la créance.

Il est en réalité demandé au juge de la requête une étude approfondie du déroulement des opérations contractuelles aux fins de déterminer le rôle de M. [D] dans la fixation du prix, de se prononcer sur une intention délictueuse, outre de déterminer la valorisation des préjudices allégués comme résultant des agissements de M. [D].

En l'état, la cour retient que les requérantes n'ont pas démontré de créances fondées en leur principe.

Elle confirme la décision attaquée ayant rétracté l'ordonnance rendue le 22 mars 2023.

III. Sur la demande de dommages et intérêts présentée par M. [D] :

M. [D] sollicite la condamnation des appelantes au paiement de la somme de 50'000 € à titre de dommages intérêts en réparation de ses préjudices du fait de la saisie et de procédure.

Il invoque à ce titre :

l'article 1240 du Code civil selon lequel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer,

l'article L512-2 al 2 du Code des procédures civiles selon le cas lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire,

l'article L 121-2 du même code selon lequel le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

M. [D] invoque un préjudice moral, un préjudice financier, et un préjudice par ricochet, son épouse étant employée au sein du siège de la banque où les époux disposent de leurs comptes bancaires.

La cour considère que si l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet d'instaurer le contradictoire, le juge de la rétractation peut se voir soumettre une demande de dommages-intérêts cependant limitée à l'indemnisation d'un abus de procédure.

Cependant, en l'espèce, le seul dépôt de la requête tendant à la mesure de saisie conservatoire ne suffit pas à caractériser l'abus de procédure alors qu'une ordonnance a fait droit à cette mesure demandée.

La cour confirme le rejet de la demande.

IV. Sur les demandes accessoires :

Les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group succombant, la cour confirme la décision attaquée sur les dépens, sauf à préciser que la condamnation est prononcée in solidum, en condamnant également les appelantes in solidum aux dépens à hauteur d'appel.

La cour confirme la décision déférée sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile sauf à préciser que la condamnation est prononcée in solidum.

En équité, la cour condamne les sociétés Jadel, Jadel Co-Invest Replay et GPK Group prises ensemble à payer à M. [M] [D] la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.

Leurs propres demandes sur le même fondement doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel,

La cour d'appel,

Confirme la décision attaquée sauf à préciser que les condamnations aux dépens et au titre des frais irrépétibles sont prononcées in solidum et non solidairement.

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SAS Jadel, la SAS Jadel Co-Invest Replay et la SAS GPK Group aux dépens à hauteur d'appel,

Condamne in solidum la SAS Jadel, la SAS Jadel Co-Invest Replay et la SAS GPK Group à payer à M. [M] [D] la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel,

Rejette toute autre demande.